La réalité carcérale est complexe.

Une réforme, pour être efficace, doit intégrer la recherche de solutions pour répondre équitablement tant aux attentes des détenus qu’à celles des surveillants.

1- Plus de moyens pour réhabiliter le parc existant et construire de nouvelles unités mieux adaptées

En premier lieu, les solutions sont à rechercher dans le cadre d’une réévaluation des budgets qui permettrait une salutaire réhabilitation du parc pénitentiaire. Comme l’ensemble des secteurs de la justice, la pénitentiaire souffre en effet d’une pénurie de crédits qui hypothèque son bon fonctionnement (à noter que le bon fonctionnement de la pénitentiaire est indissociable de celui de la justice en elle-même impliquant donc un accroissement du nombre de magistrats de manière à rendre des jugements plus rapides et ainsi limiter la détention provisoire).

Le déblocage de crédits nouveaux devrait permettre par ailleurs de construire de nouvelles unités à taille plus humaine dont l’aptitude à limiter les dysfonctionnements serait plus importante, l’expérience des prisons 13 000 n’apparaissant pas satisfaisante (nombre de détenus trop important pour établir une relation constructive entre les détenus et les surveillants, établissements impersonnels).

2- Impulser une réflexion sur le rôle de la prison et des surveillants

Il importe parallèlement de réfléchir au rôle de la prison et ainsi au rôle des agents de l’administration pénitentiaire : s’agit-il pour eux de répondre à une fonction de surveillance ou d’assumer une mission de réinsertion ? Les moyens à mettre en _uvre sont différents et doivent dans le deuxième cas impliquer des moyens financiers comme des moyens en terme de formation.

Compte tenu de la diversité des réalités vécues dans chaque établissement, il serait opportun de laisser à chaque chef d’établissement, sous le contrôle de la direction régionale, la latitude d’appliquer une réglementation adaptée à sa situation propre. Un carcan de réglementation national aurait toutes les chances de ne pas correspondre aux impératifs de chaque unité dans ses spécificités et ainsi ne pas être appliqué. (On ne gère pas de la même manière un établissement où les détenus peuvent travailler et un où ils n’ont pas cette possibilité, un établissement où séjournent des mineurs issus de banlieues turbulentes...). Il importerait aussi de responsabiliser les chefs d’établissement autour de leur projet d’établissement en subordonnant leur avancement à sa bonne exécution et à son adéquation aux besoins.

3- Quel avenir pour les mineurs incarcérés et certains publics sensibles ?

La situation des mineurs est préoccupante. Ils arrivent en détention avec un passé qui est surtout un passif et les perspectives d’améliorer leur comportement sont minces. Un suivi à leur sortie de prison serait nécessaire. Tous les acteurs sociaux rencontrés seraient d’accord pour assurer cette prise en charge.

A noter qu’il est surprenant de constater qu’il y a un réel manque de liaison entre les magistrats et les détenus purgeant leur peine.

Les détenus relevant de la psychiatrie devraient pouvoir trouver une réponse mieux adaptée à leur pathologie dans des établissements spécialisés. Les toxicomanes devraient, à un degré moindre, pouvoir bénéficier aussi de traitements mieux adaptés et qui ne soient pas simplement la prescription de traitements de substitution.

4- Revoir la problématique de la " peine de prison "

Il ne faut néanmoins pas perdre de vue que l’incarcération est une sanction d’un comportement à un moment donné.

S’il est, dès lors, bien évident que les conditions d’incarcération doivent respecter des conditions d’hygiène, d’espace vital... suffisantes, il serait intéressant de réfléchir à l’opportunité de peines plus courtes dans un milieu carcéral relativement rudimentaire, la prison telle qu’elle existe aujourd’hui n’ayant pas la fonction repoussoir qu’on pourrait en attendre.

Si les détenus doivent voir leurs droits élémentaires respectés, ils doivent pour autant garder un certain nombre de devoirs (respect d’eux-mêmes et des autres, de leur cellule...) et une discipline de vie compatible avec les exigences de la vie extérieure (obligation de réveil, de travail ou de formation et non la télévision en continu) qui doit être inscrite dans les règlements intérieurs des établissements et mis en pratique.

L’inutilité pédagogique des peines de sursis est patente. A l’inverse, des peines aménagées favorisent la réinsertion des détenus. Dans le même temps, il faudrait étudier les perspectives à offrir aux longues peines.

En tout état de cause, nous devons éviter de considérer que la prison pourra résoudre en bout de chaîne les difficultés de personnes fréquemment dépourvues de repères, et auxquelles le système de prise en charge sociale extérieur n’a pu apporter de solution.

5- Revaloriser l’administration pénitentiaire

Enfin, les personnels méritent qu’on leur accorde une attention toute particulière et qu’on s’efforce de répondre aux besoins de reconnaissance auxquels ils aspirent. Cette reconnaissance passe par une revalorisation des traitements et par un travail de réhabilitation de la fonction de " surveillant de prison " pour lequel prévaut encore une imagerie collective négative.

Des transferts de compétence pourraient utilement être opérés en leur faveur au terme de formations adéquates (encadrement des travaux d’intérêt général, suivi de la réinsertion des détenus...).

Des passerelles vers la police et la gendarmerie pourraient aussi être mises en place de manière à favoriser une évolution de carrière plus enrichissante.

Le remplacement des personnels partis en retraite (à la faveur de la bonification du cinquième notamment), ou en congé parental... devrait par ailleurs pouvoir se faire en temps et en heure, sans qu’il soit nécessaire d’en passer par des situations transitoires (qui s’éternisent) où la pénurie de personnel de base comme d’encadrement altère les conditions de travail des personnels restant.

Dans la gendarmerie, grand corps de l’Etat, on sait bien à l’avance quand quelqu’un prend ses fonctions, quand il quitte son poste et qui le remplace.

L’administration pénitentiaire doit bénéficier de cette capacité de planification et obtenir les moyens humains nécessaires à l’accomplissement de ses missions.

On peut constater, concernant la fonction de chef d’établissement (cadre B), que les hommes issus du rang ont une meilleure perception de la fonction, un meilleur contact avec les surveillants et avec les détenus et mériteraient de ce fait une revalorisation de leur statut par rapport aux directeurs (cadres A).

Par ailleurs, il apparaît qu’une meilleure collaboration avec les collectivités locales (communes, conseils généraux) permettrait d’améliorer le travail des établissements (ex : le personnel social, culturel, technique de ces collectivités pourrait parfois compléter le travail de l’administration pénitentiaire).


Source : Assemblée nationale. http://www.assemblee-nationale.fr