Jusqu’au début des années 70, l’idée que le détenu avait des droits était complètement étrangère à l’administration pénitentiaire.
Le décret du 12 septembre 1972 a ainsi provoqué une véritable révolution. Par ailleurs, l’administration pénitentiaire a beaucoup évolué, en raison du renouvellement des personnels.
En dépit de ces avancées, le " droit de la prison " est d’une nature toute particulière.
Le cadre législatif de la détention, posé par le code de procédure pénale, est particulièrement succinct. Le " droit de la prison " est en effet avant tout de nature réglementaire, et régi par les articles D. 50 à D. 519 du code.
Ces règles affirment le plus souvent des principes, comportant des dérogations et des rédactions suffisamment " souples ", afin de ne pas entraver le bon fonctionnement des établissements ; par ailleurs, les circulaires jouent un grand rôle dans le droit pénitentiaire.
Ces différentes dispositions réglementaires sont naturellement orientées pour assurer la meilleure sécurité des établissements pénitentiaires.
Dans le droit du " dehors ", tout ce qui n’est pas explicitement défendu est autorisé ; dans le droit du " dedans ", tout ce qui n’est pas explicitement permis est interdit.
Alors que le détenu est normalement privé de la seule " liberté d’aller et de venir ", de nombreuses libertés sont supprimées en prison, ou inapplicables, en dehors même de celles qui deviennent inapplicables en raison de la surpopulation pénale.
Premier exemple, le droit de vote. Aucune disposition n’interdit aux détenus d’exercer leur devoir électoral. Le législateur a d’ailleurs réduit le nombre de personnes susceptibles de faire l’objet d’une privation de droits civiques. Mais le droit de vote est pourtant quasiment inexistant en prison, car aucune disposition n’est prévue pour en faciliter l’exercice, à l’exception de quelques lignes figurant dans le guide du détenu, remis en principe à chaque arrivant.
Deuxième exemple, le secret de la correspondance. Pour des raisons de sécurité, l’article D. 416 du code de procédure pénale prévoit que " les lettres de tous les détenus, tant à l’arrivée qu’au départ, peuvent être lues aux fins de contrôle ". Cette simple " possibilité " laissée à l’administration pénitentiaire semble avoir été transformée en " principe " de fonctionnement des établissements pénitentiaires.
Certes, des exceptions sont prévues pour permettre le secret de la correspondance : correspondance adressée aux avocats (article D. 69) ; correspondance adressée aux autorités administratives et judiciaires (D. 262) et aux aumôniers (D. 438). Pour autant, dès qu’un détenu voudra s’adresser à une autorité administrative et judiciaire, par exemple, les surveillants ne manqueront pas de lui demander pourquoi il souhaite le secret de sa correspondance. Par ailleurs, la règle peut être violée : sur six requêtes de détenus enregistrées entre 1995 et 1996 en cours devant la Cour européenne des droits de l’homme, cinq affaires sont relatives à l’ouverture de correspondances échangées soit avec des avocats, soit avec des autorités administratives et judiciaires...
Troisième exemple, la liberté d’information. La commission a recueilli plusieurs témoignages indiquant que des établissements pénitentiaires avaient choisi, à l’occasion du déferlement médiatique occasionné par la sortie du livre du docteur Vasseur, de pratiquer une certaine " censure ", au niveau des coupures de presse sur la situation des établissements pénitentiaires, adressées en pièces jointes dans les correspondances adressées aux détenus. Il est difficile d’en comprendre les raisons, compte tenu que tout détenu a la possibilité, par ailleurs, de s’abonner à ces journaux et magazines.
Source : Assemblée nationale. http://www.senat.fr
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