A l’initiative de notre excellent collègue, M. Robert Badinter, alors Garde des sceaux, la télévision a été instaurée dans les établissements pénitentiaires à la fin de l’année 1985. En raison de l’urgence de la mise en place de ce projet49(*), l’administration pénitentiaire s’est prononcée en faveur d’un système visant à recourir, par l’intermédiaire des associations socioculturelles, aux services de sociétés de location de téléviseurs, et à faire intégrer dans le prix de la location payé par les détenus l’amortissement des travaux d’installation.

Si l’introduction de la télévision a suscité de fortes critiques, aujourd’hui, elle fait l’unanimité aussi bien auprès des détenus que des personnels chargés de les encadrer. En effet, elle permet à la fois de rompre l’ennui et de maintenir un lien avec le monde extérieur, de goûter aux joies du football et une fois par mois au film hard d’une chaîne à péage.

La commission d’enquête a pu constater que les détenus sont très dépendants de la télévision. En cas de panne, elle doit être remplacée dans les délais les plus brefs afin d’éviter des tensions. La privation de télé constitue d’ailleurs une sanction appliquée aussi bien aux mineurs qu’aux adultes : le " mitard " est en effet dépourvu de télévision.

S’il existe un consensus sur le principe de la télévision en prison, ses modalités de gestion soulèvent des interrogations.

Lors de ses déplacements, la commission d’enquête a constaté le coût élevé et la disparité des prix en ce domaine.

La télévision est chère en prison. A la Santé, la location s’élève à 65 francs par semaine, soit 270 francs par mois ! Pourtant, la société de location ne perçoit que 70 francs par mois. La différence est portée en recettes au budget de l’association socioculturelle de la maison d’arrêt. Certes, cet argent est utilisé pour financer d’autres activités au profit des détenus, mais d’une part, certains n’en bénéficient pas et d’autre part, ce but apparaît incompatible avec la recherche d’un prix de location peu élevé.

En outre, les prix varient considérablement d’un établissement à l’autre. Ainsi, pour la direction régionale de Marseille, le tarif de location mensuel varie de 105 francs à la maison d’arrêt d’Avignon à 300 francs à la maison d’arrêt de Borgo, en passant par 173 francs à Grasse et 250 francs à Gap.

Alors que huit établissements utilisent la même société de service (Aix, Avignon, Digne, Draguignan, Gap, Marseille, Tarascon et Grasse), les prix de location payés par les détenus varient du simple au double...

Certains établissements ont instauré une mutualisation des frais de location, afin de permettre à chaque détenu, quel que soit le montant de son pécule, de pouvoir en bénéficier. Ainsi, à la maison d’arrêt des Baumettes, le barème suivant est appliqué chaque mois :

 lorsque le pécule est inférieur à 100 francs, la télévision est fournie gratuitement ;

 lorsque le pécule est compris entre 100 francs et 799 francs, 20 % de l’avoir sont prélevés (soit 160 francs au maximum) ;

 lorsque le pécule est compris entre 800 et 999 francs, 250 francs sont prélevés ;

 lorsque le pécule est supérieur à 1.000 francs, 270 francs sont prélevés.

Il faut éviter de donner le sentiment aux détenus que l’administration pénitentiaire tire profit de ce monopole. Il convient de rappeler que les versements à l’association socioculturelle pour la location de la télévision représentent le troisième poste de dépenses pour les détenus, avant l’hygiène !


Source : Assemblée nationale. http://www.senat.fr