Délibérément, la commission d’enquête du Sénat a choisi de concentrer ses investigations sur les conditions de détention dans les prisons, plus particulièrement dans les maisons d’arrêt. Ce faisant, elle souhaitait parvenir à des propositions concrètes, susceptibles d’être mises en oeuvre très vite.

Le plus urgent n’est pas l’élaboration d’une loi qui évoquerait de façon détaillée l’ensemble des droits et devoirs en détention. Une telle procédure ne peut être que longue et complexe ; les conditions de détention ne sont pas, pour l’essentiel, de nature législative. En revanche, un débat d’orientation sur la politique pénitentiaire serait très utile.

Le plus urgent n’est pas non plus de modifier de fond en comble le droit pénal ou la procédure pénale. Cette dernière vient de subir des évolutions importantes, notamment à l’initiative du Sénat, tant en ce qui concerne la détention provisoire que l’exécution des peines. Il faut maintenant mettre en oeuvre ces réformes et le Parlement devra rester vigilant.

Le plus urgent est l’amélioration des conditions de détention et le renforcement des contrôles des établissements pénitentiaires. Cette urgence justifie les propositions de la commission d’enquête :

La lutte contre la surpopulation des maisons d’arrêt

1. interdire strictement le maintien en maison d’arrêt des personnes condamnées définitivement à plus d’un an d’emprisonnement ;

2. permettre le placement en établissements pour peine des prévenus dont l’instruction est achevée ou qui sont en attente d’appel ou de cassation ;

3. déconcentrer la gestion des affectations des détenus en établissements pour peine et supprimer le centre national d’observation ;

4. accélérer la mise en oeuvre de la loi relative au placement sous surveillance électronique ;

5. permettre une suspension de peine pour les détenus souffrant d’une maladie grave mettant en jeu le pronostic vital ;

6. renforcer les unités fermées des hôpitaux psychiatriques et doubler au minimum le nombre de lits en UMD (unités pour malades difficiles) ;

La nécessaire remotivation des personnels

7. pourvoir l’ensemble des postes de personnels actuellement vacants ;

8. développer la formation continue pour les personnels ;

9. revaloriser les métiers de l’administration pénitentiaire, afin de les rendre plus attractifs ;

10. aider les personnels à trouver des logements, en particulier en région parisienne et dans les grands centres urbains ;

Les bâtiments : détruire, rénover et construire

11. lancer un plan de réhabilitation sur cinq ans du parc pénitentiaire sous la forme d’une loi de programme ;

12. créer une agence pénitentiaire, structure publique chargée de gérer de manière autonome les investissements et la maintenance ;

13. doubler les crédits consacrés à l’entretien des bâtiments ;

Les droits et les devoirs des détenus

14. instituer un minimum carcéral pour les indigents ;

15. harmoniser à la baisse les tarifs des cantines ;

16. instituer la gratuité de la télévision dans les cellules ;

17. supprimer le prélèvement sur le produit du travail des détenus destiné à les faire participer à leurs frais d’entretien ;

18. favoriser le travail à l’extérieur de l’établissement et faire participer les détenus à des travaux bénéfiques pour la collectivité ;

19. allonger la durée des activités proposées aux détenus au cours de la journée de détention pour concilier le travail pénitentiaire, la formation et les activités socio-éducatives ;

20. harmoniser les règlements intérieurs des établissements pénitentiaires par catégorie d’établissement ;

21. réformer la procédure disciplinaire en permettant au détenu d’être assisté par un avocat et en interdisant le placement au quartier disciplinaire pour les fautes les moins graves ;

22. réduire à 20 jours la durée maximale de placement au quartier disciplinaire ;

23. permettre l’accès des visiteurs de prison au quartier disciplinaire ;

24. faire respecter la discipline quotidienne ;

25. améliorer l’accueil des familles, notamment celles qui viennent de loin, et favoriser les projets des associations visant à améliorer cet accueil ;

La modernisation des méthodes de gestion

26. expérimenter la transformation, déjà possible, d’établissements pénitentiaires en établissements publics administratifs dotés d’un conseil d’administration ;

27. mettre en place un dispositif d’évaluation du fonctionnement des établissements prenant en compte des critères liés non seulement à la sécurité, mais aussi aux conditions de détention ;

Le renforcement des contrôles

28. créer un organe de contrôle externe et indépendant des établissements pénitentiaires, doté de larges pouvoirs d’investigation ;

29. relancer l’exercice des contrôles des magistrats dans les établissements pénitentiaires ;

30. renforcer la coopération entre l’autorité judiciaire et l’administration pénitentiaire.

Il y a urgence... Il y a urgence depuis deux cents ans.

Toutes ces réformes seraient vaines si elles n’étaient pas soutenues par une ferme volonté politique et l’accord des représentants de la Nation.


Source : Assemblée nationale. http://www.senat.fr