a) La nécessité pour un Etat de pouvoir conduire dans le secret l’action de protection de la sécurité intérieure et extérieure de la collectivité nationale n’est pas l’objet de sérieuses contestations, pas plus en France que dans les autres démocraties. La justification d’un régime budgétaire et comptable dérogatoire appliqué à une partie des crédits dont bénéficient les services chargés des missions de renseignement n’a d’ailleurs jamais été mise en cause dans les débats parlementaires.

Il paraît donc légitime que soit conservée la ligne budgétaire réservée à la DGSE, et que l’utilisation des crédits à partir d’un compte de dépôts échappant aux contrôles habituels en matière de dépense publique soit maintenue ; elle pourrait d’ailleurs être élargie aux autres services concourant à la recherche du renseignement et relevant des ministres de l’intérieur, de la défense ou de l’économie et des finances, ou du Premier ministre lui-même (écoutes téléphoniques). Ces services autres que la DGSE reçoivent en effet des versements en provenance du chapitre 37-91, selon les besoins, comme le mentionnait le communiqué du Premier ministre du 18 juillet 2001, mais ces dotations ne sont pas soumises aux vérifications de la commission instituée par le décret du 19 novembre 1947 puisque sa compétence est limitée aux crédits inscrits à l’article 20 § 10 (DGSE).

Le maintien du régime des fonds spéciaux dans le domaine qui en relève logiquement ne doit toutefois pas permettre une extension abusive de son champ normal, qui est celui d’activités opérationnelles ou d’interventions financières qui doivent impérativement rester couvertes par le secret absolu. En effet, les services intéressés disposent de crédits budgétaires inscrits dans les différents budgets ministériels dont ils relèvent et soumis aux contrôles du Parlement et de la Cour des comptes ; la DGSE par exemple dispose de crédits de personnel, de fonctionnement et d’investissement, inscrits au budget de la Défense, qui représentent globalement quatre fois le montant des crédits provenant des fonds spéciaux. Il en est de même évidemment pour les autres services concourant à la recherche du renseignement (DST, DRM, Douanes, etc...) qui ne reçoivent que ponctuellement des dotations du chapitre 37-91. Il importe donc que ces dotations ne servent pas à compléter, par simple facilité d’emploi, les dotations ordinaires du budget consacrées à des dépenses qui ne nécessitent pas une protection particulière. L’un des objets du contrôle externe exercé sur les fonds spéciaux doit être précisément de vérifier la spécificité des imputations dont ils font l’objet et d’en rendre compte au Gouvernement.

b) en dehors des affectations aux services de sécurité, d’autres utilisations discrétionnaires des crédits bénéficient à des opérations diverses, sur la nature desquelles aucune information n’est par définition disponible.

Ainsi, le communiqué précité du 18 juillet 2001 fait état d’un montant de 12 MF (1,83 M€) consacré " à des actions humanitaires ou en faveur des droits de l’homme ". Cette affectation peu explicite recouvre sans doute, pour partie, des subventions à des organismes divers qui - sauf nécessités particulières de confidentialité - pourraient être réimputées sur crédits budgétaires ordinaires du titre IV.

En tous cas, ce type d’utilisations devrait être l’objet d’un contrôle externe adapté, au même titre que les dotations aux services de sécurité, ce qui présenterait l’avantage appréciable d’empêcher le soupçon - inévitable dans le système actuel - sur l’usage possible des fonds spéciaux à des fins politiques.


Source : Premier ministre, http://www.premier-ministre.gouv.fr/