La Mission d’information a procédé à l’examen de la monographie sur la Principauté du Liechtenstein (tome I, volume 1 du rapport de la Mission) de M. Arnaud Montebourg, Rapporteur, au cours de sa séance du mercredi 29 mars 2000.

Le Président Vincent Peillon a tout d’abord rappelé que la Mission avait décidé, lors de sa réunion du 1er mars 2000, de publier une série de monographies consacrées à certains des pays, dans lesquels elle s’est rendue, dont le dispositif de lutte contre le blanchiment et la qualité de leur coopération judiciaire ont fait l’objet de critiques.

Avant de laisser la parole au rapporteur Arnaud Montebourg pour une présentation de la monographie sur la Principauté du Liechtenstein, le Président a indiqué que les groupes parlementaires disposaient d’un délai de 48 heures pour faire connaître leurs observations et explications de vote qui seraient annexées au rapport et a précisé que la monographie concernant la Principauté de Monaco serait examinée par la Mission le 3 mai et celle sur le Luxembourg le 30 mai.

M. Arnaud Montebourg, rapporteur a présenté les conditions dans lesquelles la Mission avait travaillé et recueilli un ensemble d’informations relatives au Liechtenstein, tant de la part des experts que des personnels diplomatiques ou des magistrats français et européens, italiens et suisses notamment.

Il a rappelé que la Mission s’était appuyée sur des documents précis transmis par ces magistrats témoignant très concrètement des obstacles et de l’attitude dilatoire des autorités du Liechtenstein en matière de coopération judiciaire.

Il a indiqué que, dans ce contexte, le déplacement de la Mission avait eu pour objectif d’obtenir du Liechtenstein des explications sur les reproches qui lui étaient adressés mais aussi une prise de position politique sur la situation actuelle et future de cette Principauté caractérisée non seulement par le secret bancaire mais aussi et surtout par le secret des affaires voire même le secret fiduciaire.

Il a reconnu que l’état des lieux dressé par la Mission était fort sévère mais qu’il n’était que l’aboutissement logique d’un système volontairement et méthodiquement élaboré par le Liechtenstein.

Le Rapporteur a ainsi rappelé que sous l’effet conjugué des différents facteurs suivants :

 l’existence de structures et de mécanismes juridiques tout à fait spécifiques en Europe - Anstalt, fondations... - et qui sont décrits dans le rapport,

 la pratique du secret et de l’anonymat érigés en mode de vie,

 l’absence d’une législation anti-blanchiment réellement efficace et correctement appliquée,

 le refus quasi systématique de coopération judiciaire en matière pénale,

le Liechtenstein constituait aujourd’hui le lieu de convergence où se retrouvent les fonds de la mafia, du terrorisme et de la corruption politique mais aussi les demandes de commissions rogatoires internationales adressées par les juges étrangers qui n’obtiennent aucune réponse.

Il a souligné que le travail de la Mission, qui n’a pas hésité à poser aux autorités du Liechtenstein les questions qui fâchent, ne constituait pas une démarche isolée. Il a ainsi rappelé le choix de l’Allemagne de faire appel à ses services secrets du BND qui, après avoir procédé à un travail d’écoutes et intercepté des données bancaires et financières, ont établi un rapport extrêmement négatif sur le Liechtenstein, dénonçant la collusion et la complicité de notables financiers ou d’avocats acceptant de blanchir les fonds criminels des plus grands cartels de la drogue.

Le Rapporteur a indiqué que ce document largement commenté dans la presse allemande et publié de façon anonyme dans le journal Le Monde était parvenu à la Mission dans sa version intégrale et nominative.

Il a précisé que compte tenu des accusations extrêmement graves portées contre les personnes citées, il n’était pas paru possible à la Mission de publier ce rapport qui restait cependant accessible en consultation aux membres de la Mission.

Il a rappelé que les Italiens excédés eux aussi par l’attitude du Liechtenstein avaient pour leur part décidé d’y envoyer officiellement une délégation de magistrats pour négocier un déblocage des commissions rogatoires concernant des affaires politiques graves et totalement enlisées à Vaduz.

Les Anglais ont quant à eux choisi de traiter via le Foreign Office de la question de fonds alimentant le terrorisme et s’abritant au Liechtenstein.

A ces initiatives s’ajoute celle de la Suisse qui ne cache plus son mécontentement et n’hésite pas à faire pression officiellement sur le Liechtenstein, celle de l’Union européenne qui vient de confier à la Commission européenne le soin de mener une enquête sur la situation de ce pays, celle enfin du GAFI qui a récemment publié la liste des critères qui caractérisent les territoires non coopératifs et auxquels le Liechtenstein répond en tout point.

La question de la sanction politique du Liechtenstein se pose donc pleinement si cet Etat continue à se dérober de la sorte à ses obligations vis à vis de la Communauté internationale.

Le Rapporteur a conclu en indiquant que le projet de loi relatif aux Nouvelles Régulations Economiques, auquel la Mission apportera sa contribution par voie d’amendements, prévoit dans son volet blanchiment, cette possibilité pour la France d’intervenir unilatéralement pour sanctionner ou limiter des échanges avec ces territoires jugés non coopératifs.

M. Gilbert Le Bris a constaté que le Liechtenstein était constamment évoqué comme le pays du blanchiment discret voire " honteux " à la différence des centres offshore exotiques bien connus de la planète.

Il a rappelé que le Ministre allemand des Finances avait qualifié le Liechtenstein de " ver dans le fruit " européen et a souligné tout l’intérêt et l’efficacité du travail de la Mission qui, s’inscrivant au-delà du cadre purement national, a su trouver les appuis nécessaires pour soulever les questions qui dérangent.

M. Michel Hunault a déclaré qu’il se désolidarisait personnellement du contenu de ce rapport qui contient des accusations très graves en affirmant notamment que le Liechtenstein prospère grâce à l’argent du terrorisme, de la mafia ou des caisses noires.

Il a rappelé que le Liechtenstein avait adhéré à la Convention du 20 avril 1959 sur l’entraide judiciaire en matière pénale qu’il disposait par ailleurs d’une législation anti-blanchiment et qu’il existait dans son code pénal une incrimination spécifique de blanchiment.

Il a indiqué que la Principauté du Liechtenstein, membre de l’Espace Economique Européen avait également signé la Convention de Strasbourg de 1990 et que les engagements qu’elle venait de prendre pour modifier sa législation témoignait d’une volonté de lutter contre le blanchiment des capitaux.

Le Président Vincent Peillon a estimé que le problème qui se pose en l’occurrence est celui de l’exemplarité dans cette lutte contre le blanchiment. Il a rappelé la volonté du Gouvernement français d’adopter une attitude offensive comme en témoigne le nouveau dispositif anti-blanchiment contenu dans le projet de loi sur les Nouvelles Régulations Economiques.

La France étant bien décidée à montrer l’exemple, la Mission a choisi de créer le mouvement en rencontrant systématiquement, lors de chacun de ses déplacements, les parlementaires chargés de ces questions en vue d’établir un échange permanent d’information et d’élaborer un travail commun.

C’est dans cet esprit que le Président de la Chambre des Députés italienne Luciano Violante a rappelé à la Mission toute l’importance qu’il attachait à cette relation interparlementaire et donné son approbation au prononcé de sanctions contre les centres offshore.

M. Christian Paul a salué la qualité des investigations menées avec courage et acharnement par la Mission et s’est dit surpris de la réaction de son collègue Michel Hunault.

Face à ce travail méthodique étayé par des témoignages et des documents, il a mis sur le compte d’une opposition de principe la position adoptée par un représentant de l’opposition.

Le Rapporteur s’est dit extrêmement surpris que M. Michel Hunault, Rapporteur de la loi anti-blanchiment de 1996, qui constitue un des éléments majeurs de notre dispositif législatif, ait exprimé un tel désaccord sur le rapport de la Mission.

Il a rappelé que la signature d’une Convention se distinguait de la façon dont celle-ci était réellement appliquée par l’Etat signataire et a précisé que le Liechtenstein n’avait toujours pas ratifié la Convention de Strasbourg de 1990 relative à la lutte contre le blanchiment et à la saisie des produits du crime.

Il a de nouveau insisté sur le fait que les conclusions auxquelles la Mission est parvenue, résultent de la collecte de faits et d’éléments précis transmis par des autorités diplomatiques et judiciaires se heurtant, elles aussi, à la non coopération du Liechtenstein et a conclu en déclarant que ces accusations graves portés contre le Liechtenstein reposaient sur des faits qui ne l’étaient pas moins.

La Mission s’est prononcée pour la publication du rapport consacré à la monographie traitant du Liechtenstein.


Source : Assemblée nationale. http://www.assemblee-nationale.fr