Le 14 septembre 1641, Louis XIII signe avec Honoré II le Traité de Peronne, date de naissance des relations entre la France et Monaco.

Le Roi de France accorde sa protection à la Principauté dont il reconnaît les droits souverains. Une garnison de 500 officiers nommés et payés par la France s’établit à Monaco où elle se trouve placée sous les ordres du souverain monégasque.

Le 2 février 1861, Charles III de Monaco renonce à Menton et Roquebrune qui reviennent à la France, il s’engage pour lui-même et ses descendants à ne pas aliéner la souveraineté monégasque, sauf au profit de la France, et à accepter éventuellement le protectorat de cette dernière. C’est à cette époque que se conclut, en 1865, entre la France et Monaco la première Union douanière.

Le 17 juillet 1918 la France et Monaco signent un " Traité d’amitié protectrice " qui officialise la nature privilégiée des liens entre les deux pays.

Sur le plan extérieur, Monaco est un " Etat souverain dans le cadre des traités conclus avec la France " et les mesures concernant les relations internationales de la Principauté doivent faire l’objet d’une entente préalable entre la France et Monaco.

Sur le plan intérieur, la Principauté a confié sa défense à la France qui " garantit l’intégrité du territoire monégasque comme s’il faisait partie intégrante de la France ".


Extraits du Traité d’amitié protectrice signé à Paris.

" 17 juillet 1918 MONACO.

" Article 1er.- Le Gouvernement de la République Française assure à la Principauté de Monaco la défense de son indépendance et de sa souveraineté et garantit l’intégrité de son territoire comme si ce territoire faisait partie de la France.

" De son côté, le Gouvernement de son Altesse Sérénissime le Prince de Monaco s’engage à exercer ses droits de souveraineté en parfaite conformité avec les intérêts politiques, militaires, navals et économiques de la France.

" Article 2.- Les mesures concernant les relations internationales de la Principauté devront toujours faire l’objet d’une entente préalable entre le Gouvernement princier et le Gouvernement français.

" Il en est de même des mesures concernant directement ou indirectement l’exercice d’une régence ou la succession à la couronne qui, soit par l’effet d’un mariage, d’une adoption ou autrement, ne pourra être dévolue qu’à une personne ayant la nationalité française ou monégasque et agréée par le Gouvernement français.

" Article 3.- Son Altesse Sérénissime le Prince de Monaco, conformément aux articles additionnels du traité du 2 février 1861, confirme, tant pour lui que pour ses successeurs, l’engagement pris envers le Gouvernement français de ne point aliéner la Principauté, soit en totalité, soit en partie, en faveur d’aucune autre Puissance que la France.

" En cas de vacance de la couronne, notamment faute d’héritier direct ou adoptif, le territoire monégasque formera, sous le protectorat de la France, un Etat autonome sous le nom d’Etat de Monaco. (...)

" Article 4.- Le Gouvernement français pourra, soit de sa propre initiative, avec l’agrément du Prince, ou en cas d’urgence après notification, soit sur la demande de son Altesse Sérénissime, faire pénétrer et séjourner sur le territoire et dans les eaux territoriales de la Principauté les forces militaires ou navales nécessaires au maintien de la sécurité des deux pays. (...) .../...

" Article 6.- Des conventions particulières fixeront les dispositions concernant notamment : les conséquences économiques de l’Union douanière stipulée par le traité du 2 février 1861, la poursuite et la répression des fraudes fiscales, des contraventions, des délits et crimes de toute nature, l’organisation des services publics communs, l’enseignement, le recrutement des fonctionnaires publics, le régime des étrangers principalement au point de vue de leur naturalisation et de leur sujétion aux impôts, la coordination des mesures de police, la surveillance des frontières, étant bien entendu qu’il appartient au seul Gouvernement princier d’édicter, avec l’assentiment du Gouvernement français, s’il y a lieu, les dispositions concernant l’ordre public interne de la Principauté. (...)

" En foi de quoi, les Plénipotentiaires respectifs ont signé le présent Traité et y ont apposé leurs cachets. "


Cette " Amitié protectrice " accordée par la France à Monaco sera renforcée par la Convention du 28 juillet 1930 qui réserve à des ressortissants français la plupart des hauts postes de l’administration et du Gouvernement.

Actuellement les fonctions de Ministre d’Etat c’est à dire le chef du Gouvernement, de Conseiller du Gouvernement pour l’Intérieur, de Directeur des services fiscaux, de Directeur des services judiciaires, sont exercées par des Français en application de cette Convention.

Ces deux textes se justifiaient à l’époque pour des raisons tenant à l’impossibilité pour Monaco de former et de recruter dans sa population des fonctionnaires ou magistrats en nombre suffisant pour occuper des postes de responsabilité.

La France tenait par ailleurs à s’assurer que dans l’hypothèse d’une extinction dynastique, le territoire de la Principauté ne relèverait pas d’une autre souveraineté que la souveraineté française.


Extrait du traité conclu entre la France et Monaco le 28 juillet 1930

" Art. 4. - Le Gouvernement de la République française est disposé à mettre à la disposition du Gouvernement princier, pour des périodes renouvelables de trois en trois ans, des agents choisis avec son agrément, par Son Altesse Sérénissime, qui pourra toujours faire appel aux cadres des fonctionnaires français pour remplir les emplois publics, monégasques, sans qu’aucun desdits emplois, sauf les emplois inférieurs désignés par le Gouvernement princier d’accord avec le Gouvernement français, puisse, par ailleurs, être confié à un étranger qui ne serait pas de nationalité française.

" Le Gouvernement français, est prêt en outre à remplacer à la première démarche du Prince, les fonctionnaires détachés, même au cours d’une période non achevée.

" Art. 5.- Son Altesse Sérénissime continuera comme par le passé à ne faire appel qu’à des Français qui seront dorénavant détachés des cadres de l’administration française pour remplir les emplois qui intéressent la sécurité, l’ordre public, les relations extérieures de la Principauté et l’exécution des accords conclus avec le Gouvernement français. Seront également de nationalité française les officiers du corps de carabiniers et des sapeurs-pompiers.

" Art. 6.- La majorité des sièges sera réservée à des Français détachés des cadres français dans les divers tribunaux de la Principauté sous réserve de l’organisation actuelle du tribunal criminel. "

Extrait du Journal Officiel du 17 août 1935.


Aujourd’hui les monégasques ont un point de vue un peu différent et estiment qu’il serait temps d’évoluer sur cette question qui donne à certains le sentiment " d’être toujours sous protectorat ".

Sans méconnaître les liens privilégiés et d’amitié, qui unissent Monaco à la France, les représentants du Conseil national, c’est à dire le Parlement monégasque, souhaiteraient pouvoir reconsidérer le principe qui réserve aux fonctionnaires et magistrats français les postes de responsabilité et les fonctions d’autorité.


" Nous pensons que certains Monégasques sont à même de reoccuper certains postes "

" M. Jean-Louis CAMPORA, Président du Conseil national : Dans le système monégasque, le Prince désigne, un ministre d’Etat auquel il délègue une partie de ses pouvoirs. Ce dernier est français et il est proposé par le Président de la République. Cette dualité entraîne souvent des confusions entre députés monégasques car nous avons le sentiment d’être toujours sous protectorat, ce qui nous gêne un peu. Les Français détachés, qui viennent en poste à Monaco, prêtent serment au Prince.

" M. Vincent PEILLON, président : Nous comprenons vos réticences, mais notre idée est que Monaco est un Etat souverain à part entière.

" M. Jean-Louis CAMPORA : Nous considérons nos rapports avec la France, tout à fait normaux, et gardons à l’esprit les conventions qui nous lient et qu’une amitié et une histoire ont fortifié. Toutefois la seule discordance pourrait être liée à l’après des traités franco-monégasques de 1918 et de 1930. Autant ces derniers se justifiaient en 1918 et en 1930, autant ils mériteraient d’être rénovés.

" M. Vincent PEILLON, président : A quoi pensez-vous en particulier ?

" M. Jean-Louis CAMPORA : A Monaco, par exemple, un certain nombre de nos postes sont réservés à des détachés français, sans même évoquer les plus hauts postes tels que celui du Ministre d’Etat, du directeur du port ou de magistrat. En 1918, les Monégasques qui faisaient des études pouvaient se compter sur les doigts d’une main, alors qu’ils sont de plus en plus nombreux aujourd’hui.

" La France, à l’époque, nous détachait des personnes compétentes qui formaient les Monégasques dans différents domaines. Aujourd’hui, ce traité de 1930 bloque l’accession des Monégasques à des postes de haute responsabilité. Les Monégasques font des études et obtiennent des diplômes et les compétences adéquates pour assumer ces postes. Monaco a une souveraineté, et l’amitié franco-monégasque est consacrée. Il conviendrait donc de revoir, entre amis, un certain nombre de choses.

" M. Vincent PEILLON, président : Cette discussion évolue-t-elle ?

" M. Jean-Louis CAMPORA : Pour le moment, elle est au point mort.

" M. Michel BOERI, Président de la Commission des relations extérieures : Il faut aussi la resituer dans son contexte. En 1916, le Gouvernement français craint, dans le cas de la disparition des princes légitimes, que les Allemands nous revendiquent. C’est dans cet esprit que s’est appliqué le dispositif de 1916, maintenant totalement obsolète mais reconfirmé en 1930. A l’époque, nos élites n’étaient pas encore formées. Puis les choses ont évolué. La meilleure illustration en est M. Mitterrand venant à Monaco et amenant, dans la corbeille de mariée, les eaux territoriales. C’est à partir même de la partie française que les choses ont commencé à évoluer.

" Aujourd’hui, il n’y a aucun esprit de rébellion, mais nous pensons que certains Monégasques sont à même de réoccuper certains postes car eux aussi doivent se créer une carrière, un système de vie...

" M. Arnaud MONTEBOURG, rapporteur : Est-ce la position de la majorité du Conseil national ?

" M. Michel BOERI : Ce n’est pas une position politique, mais de bon sens ".

Extrait de l’audition de MM. Jean-Louis Campora, Président du Conseil national et Michel Boeri, Président de la Commission des relations extérieures.


Depuis soixante ans, la Convention franco-monégasque du 28 juillet 1930 s’est appliquée ne varietur alors que le contexte socio-économique s’est trouvé bouleversé au cours de cette même période.

Monaco s’est bâti une prospérité économique et financière à partir des années 50 et a souhaité affirmer sa présence au plan international.

Cette souveraineté extérieure qui se manifeste par une activité diplomatique soutenue de la Principauté, ne trouve pas son équivalent sur le plan intérieur puisque les plus hautes fonctions et les plus hauts postes de responsabilité restent occupés par des ressortissants français.

Cette aspiration à une pleine souveraineté de la part des monégasques, doit passer pour se réaliser par une renégociation de la Convention de 1930, et exige corrélativement la mise en place, dans les domaines où la législation et la réglementation française s’appliquent, d’un nouvel ordonnancement juridique mais aussi le respect par Monaco des standards ou engagements européens et internationaux qui s’imposent actuellement à la France en tant que membre de l’Union européenne et des différentes instances internationales auxquelles elle participe (Forum de Stabilité, GAFI, Conseil de l’Europe...).


Source : Assemblée nationale. http://www.assemblee-nationale.fr