par Bernard Molard (37)

En mai 1991, l’opération DESERT STORM venait de se conclure par le succès de la coalition internationale. Au même moment, les ministres de l’UEO, réunis à Vianden, au Luxembourg, décidaient de créer le Centre satellitaire de Torrejon. Ils manifestaient ainsi leur volonté de doter l’Organisation d’une capacité autonome d’évaluation de la situation internationale. Cette décision ministérielle consacrait une des leçons fraîchement tirées de ce conflit annonciateur de risques d’un type nouveau : l’utilisation de l’espace est désormais incontournable dans la gestion des crises. Elle prenait en compte les recommandations de l’Assemblée de l’UEO sur l’intérêt stratégique de l’observation spatiale, ainsi que les résultats du groupe de travail ad hoc, qui avait été établi, à la demande du Conseil, pour examiner cette question.

Lors de la réunion ministérielle de Paris en 1997, quatre ans après son inauguration, le Centre satellitaire de Torrejon, arrivé à maturité, a été déclaré pleinement opérationnel. Aujourd’hui, il produit de façon régulière, et dans des délais très courts, des rapports d’information adressés au Conseil de l’UEO, en s’appuyant sur des moyens performants mais limités, et selon des directives politiques qui pourraient être plus ambitieuses. Le Centre représente un atout unique et un potentiel majeur pour l’avenir de l’Organisation. L’idée que l’UEO puisse être un creuset d’où se dégagerait une politique de renseignement, capable de concilier les divers besoins européens, est souvent exprimée dans les instances traitant des questions de sécurité et de défense.

Il convient d’imaginer un processus concret et flexible permettant d’y parvenir et de réfléchir sur le rôle que le Centre serait appelé à tenir dans la recherche d’une politique de renseignement pour l’Europe :
 Comment mieux exploiter les atouts existants et donner à l’Organisation une capacité de maîtrise de l’information, cohérente avec les missions dont elle s’est dotée pour développer l’Identité européenne de Sécurité et de Défense ? Plusieurs axes d’amélioration seront envisagés, tant sur le plan technique que fonctionnel.
 Comment limiter la contrainte, pour le Centre satellitaire, liée au fait qu’il n’a pas encore accès à la programmation directe d’un système d’observation spatiale ? Comment convaincre les ministres de l’UEO de se montrer aussi déterminés qu’en 1991, année de création du Centre, en décidant de participer à un système d’observation spatiale en développement ?

Réalisé en très peu de temps, sans modèle de référence et avec un budget limité, le Centre satellitaire existe aujourd’hui concrètement et fonctionne de façon opérationnelle. La réussite de cette entreprise montre qu’une organisation internationale comme l’UEO est capable de relever des défis majeurs. Le facteur humain est au coeur des préoccupations de tous ceux qui gèrent un centre de haute technologie et le Centre de Torrejon en est un. Il est doté de missions complexes et variées, il est jeune et multinational, et la richesse de cette mosaïque culturelle en fait un établissement peu ordinaire, dont l’UEO peut être fière.

Le Centre de Torrejon : un outil d’avant-garde

Dans toute organisation, lorsqu’un membre est le seul à maîtriser une source d’information particulière, il se trouve en situation privilégiée pour présenter sa vision de la situation. Dans le domaine de l’observation spatiale, les Etats-Unis ont une telle avance technologique que les avis qu’ils portent au sein de l’OTAN ont un poids déterminant. Dans le cas du Centre satellitaire, les dix Etats membres peuvent aujourd’hui proposer des candidats pour remplir les emplois d’analystes d’images. Les résultats des exploitations qui y sont conduites sont donc connus et partagés entre dix Etats. D’origine civile ou militaire, de culture et d’expériences professionnelles différentes, les analystes d’images constituent une mosaïque riche et complexe. Il faut coordonner leur formation, standardiser les méthodes, harmoniser les procédures, tout en veillant à préserver le bénéfice de cette richesse de savoir et de savoir-faire. Les dossiers produits par le Centre, rédigés par une équipe multinationale, multiculturelle et impartiale, ont une valeur toute particulière et un poids politique très fort. Ils donnent une vision collective d’une situation spécifique et sont complémentaires des informations issues des capitales. Pour ces raisons précises, le Centre de Torrejon a la réputation de remplir une fonction unique au monde. Il est également unique par le fait que de nombreux Etats ont accès, grâce à lui, à des sources d’information jusqu’alors réservées aux Etats coopérant au programme Hélios ou à ceux qui bénéficient d’alliances de défense avec des puissances spatiales.

Dès février 1986, le satellite SPOT 1 envoyait vers la Terre ses premières données, ouvrant la voie à la commercialisation d’images d’origine spatiale. Le 25 avril 1986, l’accident de la centrale nucléaire de Tchernobyl frappait l’Europe et SPOT 1, avec les performances techniques que l’on connaît, fut immédiatement programmé sur la région afin d’observer les conséquences de la catastrophe et d’analyser la situation. En 1988, l’Assemblée de l’UEO rédigeait deux rapports démontrant le besoin d’observer la planète à des fins de sécurité et l’intérêt de se doter d’instruments adéquats(38). Une capacité d’observation spatiale de très haute précision était, à ce moment-là, l’apanage des deux grandes puissances. Elles en réservaient les produits à une utilisation strictement nationale ou à un cercle choisi d’alliés privilégiés. C’est aussi en 1988 que la France décidait de réaliser le système Hélios en coopération avec l’Italie et l’Espagne.

Sur le plan géopolitique, suite aux changements fondamentaux et spectaculaires que l’Europe connaissait (destruction du mur de Berlin et effondrement du Pacte de Varsovie), la menace traditionnelle prenait une autre forme et les capitales européennes décidaient de faire évoluer leurs outils de défense pour les adapter aux risques nouveaux. Plus tard, la guerre du Golfe mettait les Etats européens devant des responsabilités imprévues et leur imposait d’imaginer les modes d’action adaptés à la gestion de crises régionales.

C’est dans ce contexte que les ministres de l’UEO ont pris, en 1991, la décision de créer un centre d’analyse des images d’origine spatiale. La dimension financière du défi était d’importance (38 millions d’Ecus pour une première phase expérimentale de trois années), mais la décision était surtout audacieuse par le fait qu’elle exigeait la réalisation d’un moyen de dimension internationale qui n’existait nulle part ailleurs. Ce fut la dimension humaine du défi qui s’est révélée la plus gourmande en énergie et en attention soutenue. Ce constat est d’ailleurs encore d’actualité puisque les contrats de trois ans octroyés aux membres du personnel impliquent un renouvellement très rapide de l’équipe. Certes, la recherche de l’efficacité maximale serait facilitée si des contrats à durée indéterminée pouvaient être proposés.

En 1991, l’exploitation à des fins de défense d’images numériques d’origine spatiale était maîtrisée dans quelques rares capitales, mais aucune expérience multinationale n’existait. Réaliser un Centre dans lequel des experts de différents pays auraient pour mission d’extraire des informations d’images venues de l’espace, sur des sujets souvent confidentiels, représentait une nouveauté mondiale. Encore aujourd’hui à l’OTAN, où le renseignement est fourni par les capitales, un centre satellitaire de cette nature n’existe pas.

Devant les nombreuses inconnues de cette aventure, les ministres ont décidé la création du Centre satellitaire pour une première période d’essai de trois ans. De 1993 à 1995, cette phase expérimentale a été mise à profit pour effectuer les ajustements de jeunesse sur les plans techniques et informatiques.

Ce défi calendaire a été relevé à la Conférence ministérielle de Lisbonne en mai 1995, lorsque les ministres, à la lumière des résultats obtenus et au vu des conclusions d’une évaluation technique et opérationnelle conduite par une équipe européenne, ont déclaré le Centre satellitaire de Torrejon organe permanent de l’UEO. Dès lors, le Centre a pu concentrer ses travaux sur le travail à long terme et, en particulier, sur le développement d’une politique d’assurance qualité et sur la professionnalisation des méthodes et des procédures.

Au début de l’année 1996, la France, l’Italie et l’Espagne, pays coopérant au programme Hélios, ont mis à disposition du Centre satellitaire les premières images disponibles dans le cadre du mémorandum d’entente signé avec l’UEO. Bénéficiant de l’accès à cette source d’information de très grande précision, le Centre était alors en mesure de répondre au Conseil avec une justesse et un niveau de détail encore jamais égalé en Europe. L’imagerie Hélios ainsi disponible venait enrichir les images d’origine spatiale achetées sur des bases commerciales (SPOT, ERS, LANDSAT, RADARSAT, IRS). Cette palette de senseurs très complémentaires a été mise à contribution à la fin de l’année 1996 dans le cadre réel de la crise des Grands Lacs où les premiers dossiers ont été délivrés au Conseil en un temps extrêmement court. Le Centre satellitaire a, en outre, participé activement à l’exercice CRISEX 95/96, en apportant tout au long de l’exercice sa contribution à la Cellule de planification sur des situations très réalistes. Plus récemment, la crise albanaise a été l’occasion de démontrer au Conseil le professionnalisme désormais acquis par Torrejon : la couverture totale de la zone en images spatiales a été obtenue en deux jours.

Devant ce constat très positif, les ministres de l’UEO, réunis à Paris en mai 1997, ont tenu à se féliciter du niveau opérationnel atteint par le Centre satellitaire et l’ont doté d’une mission de surveillance générale, gage de confiance en ses capacités. Cette nouvelle mission a vocation à générer au sein du Conseil et de la Cellule de planification une perspective réellement stratégique de l’observation spatiale. L’ensemble de l’opération a été simulé pendant l’exercice CRISEX 98.

L’UEO et l’observation spatiale

L’analyse qui vient d’être faite sur l’évolution d’un Centre satellitaire efficace dans un ensemble organisationnel cohérent doit être pondérée. La capacité stratégique, bien réelle et à l’entière disponibilité du Conseil, est parfois sous-employée car son intégration dans la chaîne décisionnelle n’est pas encore totalement achevée. Les paragraphes suivants viseront à en analyser les raisons et à présenter quelques actions correctrices envisageables.

En dépit de la rhétorique, l’espace est un milieu qui reste à conquérir. L’observation de la planète à partir de l’espace appartient encore au domaine réservé de quelques experts. Les véritables atouts de l’observation spatiale et la richesse de son vaste champ d’application sont encore peu connus. Tous les satellites bénéficient des atouts du milieu spatial : permanence du vol, accès à tout point du globe sans violation du droit international et sans risque humain, répétitivité de l’observation, couverture de plusieurs centaines de kilomètres carrés en une seule scène, géométrie quasi constante de l’image, etc. Pour être objectif, il convient également de citer des contraintes telles que : une capacité encore limitée à détecter le détail, des délais d’accès à l’information enregistrée à bord parfois longs et la maintenance technique en orbite coûteuse, voire impossible. Cette comparaison certainement incomplète montre la complémentarité qui existe entre l’observation spatiale et la reconnaissance aérienne :
 l’espace apporte la permanence et la répétitivité. Il est l’oeil du veilleur, il scrute de larges zones et a vocation à détecter les anomalies et à porter l’alerte ;
 l’aéronef (avion ou drône) brille par la rapidité, l’agilité et la précision de l’information sur une localisation précise.

Lorsque, dans le domaine de l’imagerie, la complémentarité d’emploi entre l’objet spatial et l’aéronef est reconnue, les concepts d’emploi de défense évoluent naturellement vers une symbiose opérationnelle idéale : l’espace apporte la dimension stratégique de la surveillance générale et l’aéronef apporte l’appui tactique de la reconnaissance.

La capacité d’ubiquité des satellites entres différentes zones de crise n’est pas suffisamment connue. Pourtant, à l’heure où toutes les défenses du monde subissent des réductions budgétaires, il est bon de faire savoir que l’espace permet de gérer avec une efficacité accrue les ressources existantes. Il donne à ceux qui en maîtrisent l’emploi un multiplicateur de forces (militaires ou humanitaires) par l’optimisation de leur déploiement opérationnel et par le bénéfice tiré d’une exploitation adroite des données satellitaires : modèles numériques de terrain, simulation de l’environnement, analyse thématique des sols et des côtes, guidage terminal des aéronefs, représentation de la zone d’intervention en réalité virtuelle.

Il n’est pas rare qu’une même image satellitaire serve plusieurs applications. Durant la crise des Grands Lacs, les images obtenues sur le camp de Mugunga ont été utilisées pour la préparation de nombreuses tâches différentes : évaluer le nombre de réfugiés, étudier la situation en eau, planifier une éventuelle opération d’aérolargage de vivres et simuler le déploiement d’une aide humanitaire sur le site. Certains utilisateurs, faute d’avoir été correctement informés - ou peut-être déformés par des habitudes professionnelles trop spécifiques -, n’ont pas encore réalisé que l’observation spatiale donnait accès à des utilisations aussi variées. D’autres, craignant probablement la concurrence avec leurs sources nationales, préfèrent se montrer peu intéressés par les travaux du Centre. Très souvent, les analystes d’images de Torrejon se font pédagogues et sont amenés à expliquer et à démontrer que, si l’image spatiale est parfois de moins bonne qualité que l’image aérienne, elle a le mérite d’exister sur des zones où il serait humainement risqué, et politiquement inacceptable, d’envoyer régulièrement un avion de reconnaissance. A d’autres, il faut montrer que les dossiers du Centre ne concurrencent nullement le travail national, mais qu’ils apportent une autre vision des choses. A d’autres encore, il faut rappeler que l’utilisation des ressources du Centre est incluse dans la contribution budgétaire des Etats qui le financent.

Il y a, dans la démarche de pèlerin du Centre, la recherche de gisements de besoins qui restent à explorer. Beaucoup de ces besoins potentiels sont encore enfouis et ne sont pas encore exprimés au grand jour par ceux qui pourraient être intéressés. Quels décideurs savent, par exemple, qu’il est possible de leur présenter une vision synthétique en trois dimensions d’une région sur laquelle une opération est envisagée ? Qui pense à l’espace pour positionner au meilleur endroit une antenne chirurgicale en cas de catastrophe naturelle ? Qui va demander une simulation réaliste du terrain au profit d’un convoi humanitaire ou d’un aérolargage de vivres ? En cas de besoin, la surveillance régulière de centrales nucléaires ou de sites pétrochimiques, l’analyse de complexes industriels ou de zones portuaires, l’étude de régions soumises à inondations ou tremblements de terre sont des domaines parfaitement adaptés à une conception de la sécurité multidimensionnelle.

Dès l’année prochaine, la mise sur le marché d’images de très haute qualité (résolution d’environ un mètre en provenance des Etats-Unis) permettra d’améliorer grandement les performances du Centre. Faute d’accroître, pour le moment, l’indépendance européenne dans l’acquisition des images, de tels produits seront les bienvenus pour poursuivre la démonstration de l’efficacité de l’observation spatiale. Cet événement mettra entre les mains d’un plus grand nombre des données de très forte valeur et introduira une certaine déstabilisation de la situation actuelle concernant la diffusion commerciale d’images à potentiel militaire.

Les questions qui se poseront vite à la communauté internationale seront :
 quelle politique de contrôle de l’achat de ces images faut-il imaginer et adopter ?
 quels accords faut-il établir pour que l’UEO puisse bénéficier, en cas de besoin, d’un régime particulier de la part des fournisseurs ?
 comment gérer, selon l’intérêt des 28 Etats de l’UEO, l’exploitation de cette source satellitaire de façon à favoriser un emploi pacifique de l’imagerie spatiale et à éviter une utilisation dangereuse et condamnable ?

Conscients de ce que peut apporter aujourd’hui l’observation spatiale dans ses multiples domaines d’application, et de ce qui est attendu dans les prochains mois, les ministres de la Défense et des Affaires étrangères de l’UEO ont décidé au mois de mai dernier d’attribuer au Centre satellitaire une mission de surveillance générale. Cette nouvelle mission est propice à stimuler l’ensemble des besoins opérationnels et à agir comme un véritable catalyseur pour donner un élan nouveau à l’emploi du Centre au profit de l’Organisation.

Avant la ministérielle de Paris, le Centre satellitaire ne pouvait être sollicité, au nom de l’UEO, que sur les zones reconnues en crise par le Conseil. Cette limitation - qui ne s’imposait pas aux capitales - avait deux conséquences négatives pour l’Organisation. La première laisse penser, à tort, que le Centre satellitaire était capable de remplir, avec ses moyens actuels, une mission tactique de gestion des crises en temps réel. Cela est évidemment impossible tant que l’orientation de la source d’information n’est pas entre les mains du demandeur, c’est-à-dire tant que l’UEO ne sera pas à même de programmer son satellite. La seconde tient au fait que cette limitation ne permettait pas d’exploiter pleinement le vaste champ d’applications couvert par l’observation spatiale, qui autorise précisément l’observation des signes précurseurs de crises avant qu’elles ne se déclenchent. Pour atteindre cette efficacité, les senseurs spatiaux doivent être programmés et orientés par des informations en provenance de spécialistes du renseignement, dans le cadre d’un plan précis de recherche de l’information.

La mission de surveillance générale, intégrée dans une recherche plus globale de l’information, permettra de recevoir directement du Conseil des demandes relatives à des régions d’instabilité persistante et potentiellement inquiétante ou sur des zones déjà en crise mais pas encore sous le regard attentif de l’UEO. Désormais, le Conseil demandera au Centre satellitaire d’analyser une région aux contours géographiques précis, pour une période donnée et sur un thème particulier. Le domaine d’emploi du Centre satellitaire peut se décliner en trois niveaux d’actions :
 évaluer les risques avant qu’ils ne prennent la forme de menaces ;
 donner aux décideurs un certain préavis qu’ils peuvent mettre à profit pour préparer, déclencher et contrôler les effets de mesures diplomatiques ou militaires ;
 gérer les crises et les opérations militaires avec une efficacité accrue.

Dans sa configuration actuelle, qui correspond aux choix technologiques des années 1991/92, le Centre ne répond que partiellement aux attentes de certains utilisateurs car, sans moyen dédié (satellites ou antennes de réception fixes ou mobiles), les délais d’accès à l’information représentent une limitation incompatible des exigences d’ordre tactique ou des besoins de confidentialité. La suite de ce document montrera que des solutions techniques existent aujourd’hui, d’ampleur technologique ou de portée financière différentes, limitées au Centre satellitaire ou visant un système d’observation autonome.

Un Centre satellitaire mieux équipé

Au début de 1998, à la demande du Comité directeur du Centre - dont le Groupe espace de l’UEO fait fonction -, une étude a été conduite par un consortium européen sur les moyens permettant la livraison directe des images par des liaisons numériques. Le but recherché est d’en garantir l’acheminement dans les délais les plus courts. Parmi plusieurs options envisagées, la transmission des images entre les fournisseurs et le Centre par des liaisons capables de débits élevés a été retenue et les essais techniques sont en cours.

Pour préparer l’avenir en tirant parti des dernières évolutions techniques, l’étude d’une station mobile de réception et d’exploitation des images d’origine spatiale au bénéfice de l’UEO a été également proposée. L’idée est de doter l’Organisation d’un poste d’exploitation des images numériques, qui serait implanté dans un véhicule équipé d’une antenne de réception capable de recevoir les données en provenance de satellites choisis. Durant l’exercice CRISEX 98, la France a présenté de manière concrète l’intérêt d’un tel outil en offrant une démonstration opérationnelle de la station mobile Hélios qu’elle a développée. Dans le cas de l’UEO, l’étude porte sur la faisabilité d’un Centre satellitaire "projetable", dans lequel des analystes d’images de l’UEO poursuivraient leurs travaux d’interprétation avec les mêmes outils et les mêmes sources. Cet ensemble pourrait être transporté sur le théâtre d’opérations, là où le besoin s’en ferait sentir, au bénéfice du commandant de zone, en relation avec le Conseil, l’état-major militaire et le Centre satellitaire. Grâce à un équipement de cette nature, l’observation spatiale, dont on a précédemment montré un emploi davantage orienté vers des applications stratégiques, trouve une prolongation dans des utilisations à des fins plus tactiques, notamment dans le cas des missions de l’UEO.

Ces différentes propositions ne nécessitent aucun développement très coûteux, puisqu’elles sont déjà disponibles "sur étagère". La station mobile demande toutefois une analyse fonctionnelle approfondie pour en évaluer l’intérêt au regard du concept d’emploi de l’UEO et cette étude est en cours. Mais, sur le plan technique, il est acquis que la solution est viable puisqu’elle s’est concrétisée de façon opérationnelle par l’US Air Force sous le nom de programme Eagle Vision, conçu et réalisé par un industriel européen. Cette commande américaine, placée dans le contexte du Foreign Comparative Program (FCP), est une des conséquences de la guerre du Golfe, où l’US Air Force s’est avérée être un très gros client de SPOT Image. Un prolongement significatif s’est produit par la commande d’une série de stations encore plus performantes, puisque capables de recevoir les images provenant de plusieurs types de satellites d’observation. Pourtant, les Etats-Unis disposent de satellites beaucoup plus précis que SPOT, qui est un système purement commercial.

Cela montre deux choses : la complémentarité entre l’image de très haute résolution mais de champ de prise de vue étroit, et les images de champ très large, permettant d’acquérir une vision globale de la situation ; et le besoin de recevoir les images dans les délais les plus courts implique d’avoir recours à de tels instruments de théâtre (si l’imagerie de haute résolution doit passer par les filtres des agences de renseignement avant d’arriver sur la zone d’opérations, elle arrive souvent trop tard. Une image fraîche, même de résolution moyenne, est alors la bienvenue). De la deuxième remarque, on déduit que l’observation spatiale est un domaine privilégié pour bénéficier d’une dualité civilo-militaire génératrice d’économies. Chercher à établir une différence entre les satellites civils et militaires est une erreur. Le fait qu’une image SPOT soit utilisée pour préparer une opération militaire démontre la relativité de la distinction. Tout satellite d’observation peut avoir des applications à des fins civiles ou de défense. Dans le contexte de la préparation d’une décision future sur l’accès à une capacité autonome d’observation spatiale, cette spécificité est à considérer tant il est clair que de tels systèmes sont, en effet, de véritables instruments gouvernementaux, à vocation interministérielle.

Vers un système complet

En 1992-93, une étude globale de faisabilité concernant un système complet d’observation spatiale destiné à l’UEO a été réalisée à la demande du Conseil. Partant d’un besoin opérationnel, exprimé très sommairement par des représentants nationaux, cette étude avait démontré la nécessité de se doter d’une constellation de cinq satellites d’observation (deux optiques et trois radars) et deux satellites de transmission de données. La conclusion étant que les implications financières pouvaient poser problème, cette étude n’avait pas eu de suite.

Lors de la réunion des ministres de l’UEO à Erfurt le 18 novembre 1997, il a été demandé au Conseil permanent de reprendre ces travaux, à la lumière de l’expérience opérationnelle très concrète du Centre satellitaire, et en partant d’une analyse fonctionnelle plus poussée. Un premier rapport d’étape a été présenté à la Conférence ministérielle de Rhodes, suivi d’un rapport plus complet présenté à Rome en novembre 1998. Aujourd’hui, l’approche d’une participation à un programme multilatéral en coopération est privilégiée. Plusieurs projets existent en Europe. Ils sont à différents niveaux de développement et proposent des options techniques très proches. Il n’est pas certain que le programme Hélios 2 (auquel seule l’Espagne est, à ce jour, associée à la France) soit véritablement approprié, pour des raisons de calendrier et de budget. D’autres projets fondés sur de petits satellites permettent des performances très honorables et sont réalisables pour 2003. Le rapport de Rome indique par ailleurs qu’un système de petits satellites serait réalisable pour un coût dix fois plus faible que celui présenté en 1994.

Si l’on compare ces coûts avec les investissements de défense des Etats européens, on se rend compte que l’Europe, si elle en affirmait la volonté politique, pourrait s’en doter facilement. On sait, par exemple, que le programme Hélios 1 (deux satellites, deux lancements et un segment sol) a coûté environ 10 milliards de francs français. A l’échelle européenne, un tel système, ramené au total des budgets de défense 1996 des treize Etats aujourd’hui impliqués dans le Groupe espace de l’UEO, correspondrait à un effort inférieur à 0,1% et la solution bâtie sur des petits satellites représenterait un effort financier dix fois moindre.

Souvent les Etats de l’UEO, séduits par les discours commerciaux et les offres généreuses venant d’outre Atlantique, manifestent une certaine hésitation sur des choix technologiques européens pourtant capables de répondre à leurs besoins. L’Europe donne parfois l’impression de ne pas avoir confiance en elle et a du mal à réaliser qu’elle représente, avec ses 400 millions d’habitants, une véritable puissance mondiale et une capacité industrielle et financière capable de rivaliser avec les plus grands. Une décision européenne qui irait dans ce sens donnerait une indication forte à nos alliés sur la détermination de l’Europe à se doter de moyens autonomes, capables de compléter les leurs, et non pas de les concurrencer. Il serait également vital pour l’industrie européenne de démontrer qu’elle est en mesure d’assumer son autonomie technologique, à l’heure où la guerre économique est sans pitié. A l’inverse, une continuité dans l’absence de décision serait l’aveu d’un recul par rapport à la décision d’envergure prise en 1991 et d’une régression politique dont les conséquences industrielles et économiques seraient lourdes.

Une politique de renseignement pour l’UEO

Il faut d’abord s’entendre sur les subtilités de vocabulaire qui peuvent être à l’origine de malentendus. Dans diverses capitales européennes, on peut constater que des nuances existent entre "le renseignement militaire" et "le renseignement de défense" : les puristes préfèrent parler de "renseignement d’intérêt militaire" et de "renseignement d’intérêt de sécurité". La première expression s’attache aux informations nécessaires à la préparation des plans militaires, à l’exécution des missions des forces armées et à la gestion des opérations. La seconde recouvre une dimension interministérielle, plus politique, et s’intéresse à l’ensemble des questions relatives à la politique de défense et de sécurité, à savoir celles en rapport avec le monde diplomatique, économique, industriel, voire environnemental.

Au Centre satellitaire, on constate souvent que, sur une image correspondant à une zone géographique donnée, les analystes issus du monde militaire, les spécialistes provenant d’agences de renseignement gouvernementales ou les ingénieurs en télédétection portent chacun un regard différent. L’un n’est pas meilleur ou plus qualifié que l’autre, mais ce constat indique qu’une complémentarité de vision existe entre les diverses cultures professionnelles et que la conjugaison adroite de ces différences permet d’en additionner les talents. Une dualité civilo-militaire existe également sur un plan technique car le Centre de Torrejon est un utilisateur des images issues de satellites à la fois commerciaux et/ou de défense. Pour réaliser les dossiers les plus complexes, les données issues des satellites civils SPOT ou ERS, par exemple, combinées avec celles provenant de satellites de défense telles que Hélios, permettent d’atteindre le meilleur niveau de qualité.

Limiter les questions du Conseil au strict renseignement militaire serait réducteur. Elles peuvent embrasser l’ensemble du spectre d’applications du renseignement de défense, et la Section renseignement de l’UEO s’y emploie. Le document, rarement mentionné, "La sécurité européenne : une conception commune des 27 Etats de l’UEO" traduit parfaitement l’approche de l’Organisation sur les questions de sécurité. Affichant des valeurs et des intérêts communs, les Etats de l’UEO ont décidé d’examiner ensemble la situation de leur sécurité dans le contexte nouveau de la fin de la période de confrontation globale. Ils ont déclaré vouloir travailler ensemble sur les problèmes politico-militaires de maîtrise des armements et de désarmement, de non-prolifération, de contrôle du terrorisme et de la criminalité, ainsi que sur la protection de l’environnement, en plus des missions de Petersberg(39).

A Torrejon, la capacité humaine de répondre à des demandes aussi vastes existe concrètement, tant par le nombre d’experts de la division exploitation que par les connaissances et les expériences des analystes d’images. C’est pour cette raison que le Centre satellitaire est déjà fréquemment chargé d’examiner des questions très génériques touchant à la sécurité et à la défense.

Pour des questions d’ordre militaire, l’état-major de l’UEO peut rechercher une information dans le cadre de sa mission d’établissement de plans génériques et de circonstance ; le Groupe politico-militaire peut également solliciter le Centre pour des points de surveillance générale.

Le Centre satellitaire exerce sa mission en coordonnant les compétences d’une soixantaine de spécialistes, et bon nombre sont issus du monde du renseignement militaire ou de sécurité. Les rapports destinés à l’Organisation sont adressés au Secrétariat général et à la Cellule de planification. La Section renseignement s’efforce, avec un effectif de cinq officiers, d’en réaliser la fusion avec les informations de source nationale et les autres sources auxquelles elle a accès. Alors qu’il était président de la Commission de défense de l’Assemblée de l’UEO, M. Baumel avait mis en lumière, dans le rapport intitulé "Une politique européenne de renseignement"(40), le nombre insuffisant de personnes appartenant à une Section pourtant dotée d’une mission déterminante dans les prises de décision du Conseil. Généralement, dans les centres d’exploitation nationaux traitant de questions équivalentes, on constate qu’il y a au moins autant de personnes responsables de l’exploitation des données que de personnes responsables du recueil de l’information. Dans le cas présent, une vingtaine de spécialistes au sein de la Section renseignement ne serait pas démesurée.

L’éloignement géographique de Madrid par rapport à Bruxelles est un élément aggravant et, pour corriger les effets de cette situation, deux pistes d’amélioration méritent considération : augmentation des effectifs de la Section renseignement et/ou développement d’une meilleure synergie géographique entre la Section renseignement et le Centre satellitaire. La première proposition est certainement difficile à satisfaire dans le contexte actuel, mais l’emploi de liaisons électroniques existantes - ou à venir - et le détachement d’un officier de la Section renseignement à Torrejon en cas de crise pourraient partiellement réduire le problème de l’éloignement.

Le contenu des rapports que le Centre diffuse est, selon la terminologie OTAN, du renseignement brut, bien que ces documents soient enrichis d’images aériennes et de données collatérales disponibles dans la documentation ouverte. Les études relatives aux risques naturels (inondations, sécheresse, éruptions volcaniques, etc.) ou aux risques industriels majeurs (centrales nucléaires, sites chimiques, complexes industriels) s’appuient sur l’analyse détaillée des images correspondantes et peuvent bénéficier d’informations auxiliaires fiables qui sont accessibles de façon de plus en plus structurée et sans restriction.

Cette fin de siècle apporte la structuration des données diffusées par de multiples médias, leur classement thématique et leur mise à disposition du public sous une forme de plus en plus conviviale. L’avènement d’Internet en est l’exemple le plus évident. L’utilisation à des fins de défense de ces informations non classifiées (appelées OSINT, Open Source Intelligence) est encore peu pratiquée, mais le Centre en fait déjà un usage intensif. Dans quelques semaines, lorsque les images de précision métriques seront sur le marché, le Centre de Torrejon sera capable non seulement de détecter ou de reconnaître les objets mobiles, mais aussi de les identifier(41). Associées aux sources ouvertes, ces informations détaillées seront de grande valeur et il ne fait aucun doute que le Conseil en sera très friand. Si l’Organisation le souhaitait, le Centre satellitaire pourrait, à juste titre, être rebaptisé "Centre de renseignement d’origine spatiale" et être plus clairement compris comme étant un organe d’intérêt essentiellement politique, qui amorce la mise en oeuvre de la politique de renseignement de sécurité et de défense de l’UEO.

De l’ensemble apparemment complexe des organes opérationnels de l’UEO, un concept d’emploi simple et homogène se dégage, puisque trois pôles complémentaires sont aujourd’hui identifiables : évaluation, décision, action. Le Conseil de l’UEO est au coeur de ce dispositif avec la fonction de décision. Le triptyque "Centre satellitaire - Cellule de planification - Centre de situation" représente la fonction évaluation de la situation. Les FRUEO (Forces relevant de l’UEO) composent la fonction action.

Ce dont l’UEO a besoin pour alimenter cette chaîne est une canalisation sûre des informations adaptées à ses besoins précis. Ces données doivent pouvoir être fusionnées avec les données nationales et être renouvelées à un rythme en rapport avec l’événement. La circulation ascendante des informations entre les pôles Evaluation et Décision se produit naturellement. La diffusion descendante de ces données entre les pôles Décision et Action est plus complexe. La finalité de l’UEO est la gestion des crises et il importe que les forces déployées puissent bénéficier du renseignement opérationnel qu’elles demandent. Le Conseil de l’UEO doit donc se doter d’une politique de renseignement propre, adaptée à des exigences simples et capables de canaliser les flux d’information. Cette politique doit être complémentaire de celle de l’OTAN. Elle doit mettre en évidence les besoins en moyens techniques de recueil de l’information et définir le niveau d’autonomie souhaité en rapport avec les ambitions et les possibilités financières des capitales concernées.

Il faut maintenant s’appuyer sur ce qui existe et faire fructifier les investissements réalisés. Tous les éléments de la chaîne décisionnelle de l’Organisation sont en place. Mais force est de constater que, en dehors de certaines opérations de police, aucune action majeure sous autorité de l’UEO n’a, à ce jour, été décidée. Dans le cas de l’Albanie, on peut se réjouir que l’opération de police qui a été décidée, même si elle n’est pas l’opération militaire envisagée, représente la première action concrète de l’UEO dans sa géométrie à 28 Etats. On peut néanmoins se demander pourquoi aucun consensus n’a pu être trouvé au sein de l’UEO, alors que l’opération ALBA a été conduite par des Etats appartenant à l’Organisation. Il y a certainement, dans cet exemple concret, de nombreuses raisons intéressantes à analyser, mais ce qui manque encore est une définition européenne des objectifs politiques en termes de sécurité et de défense. Tant que l’UEO ne démontrera pas, dans un cas réel, son aptitude à décider de s’engager dans une situation de crise et à gérer une opération militaire, il faut accepter qu’un certain scepticisme sur sa véritable aptitude opérationnelle continuera d’exister en Europe.

Le Centre satellitaire a, jusqu’ici, concentré la majorité de ses moyens techniques et humains sur la zone Albanie/Kosovo. Aujourd’hui, près de cent rapports ont été envoyés à Bruxelles, nombre d’entre eux ont été réalisés avec le support des images Hélios. Il semble donc que l’instrument politique que représente le Centre de Torrejon soit adapté à certaines missions de gestion de crises. Des solutions existent pour accroître son rendement et réduire encore les temps de réaction.

Mieux cerner les besoins réels du Conseil représente désormais l’objectif à atteindre. De quelles informations a-t-il besoin ? Sur quelles zones géographiques ? Pour mener quelle politique ? L’OTAN semble davantage capable de répondre à ces questions et de décider rapidement si une crise est de sa responsabilité ou pas et le rôle moteur des Etats-Unis, qui disposent de moyens de renseignements puissants, n’est pas étranger à cela. L’UEO, en se dotant d’une politique de renseignement consoliderait ses acquis bien concrets et poursuivrait son chemin vers l’acquisition d’une autonomie européenne d’analyse de la situation internationale. Elle montrerait ainsi qu’elle se prépare à assumer ses responsabilités, en complément de celles de l’OTAN.

Débattre du renseignement dans les institutions internationales met en jeu des principes que les plus hautes autorités politiques considèrent comme touchant à leur souveraineté. Il incombe donc aux capitales de définir le contenu d’une politique de renseignement pour l’UEO, aussi sereinement que possible, selon une approche simple et pragmatique, capable de fédérer les besoins de chacun et de respecter les éventuelles susceptibilités nationales.

Le renseignement dans une institution évolutive

Définir progressivement une politique de renseignement pour l’UEO est un nouveau défi qui semble désormais incontournable et qui est la clé de son épanouissement opérationnel. Il est vrai que, dans la situation actuelle, la complexité des statuts des pays membres de l’UEO n’est pas facile à gérer et se traduit par certaines situations telles que : une Cellule de planification à 13, un Centre satellitaire à 10 (mais avec un budget construit à 13), un Centre de situation à 18 et des Conseils à 18 ou à 28.

Dans son histoire, l’UEO a cependant surmonté d’autres difficultés techniques et cette différence doit être considérée comme un signe évident d’ouverture et d’adaptation aux temps modernes et comme un atout politique dont il faut se réjouir. Parce quelle est évolutive, l’Organisation refuse de se figer sur une géométrie particulière. Elle est une plate-forme d’accueil capable de donner aux nouveaux venus la chance de participer aux échanges de vues sur les questions de sécurité et de défense.

Sur les questions spatiales, le fait que le Centre satellitaire et la Cellule de planification soient deux organismes à géométrie identique (à 13) facilite la circulation des informations. La signature des accords de sécurité avec les Etats observateurs permettrait d’établir, le moment venu, une relation simple avec le Centre de situation. Alors, la géométrie à 18 pour l’ensemble du pôle Evaluation, deviendrait possible et serait un gage d’efficacité et de cohérence générale.

Le Centre satellitaire est un organe subsidiaire permanent créé sur décision des Etats membres, signataires du traité de Bruxelles modifié. C’est pourquoi, jusqu’à présent, seuls les dix Etats membres peuvent proposer des candidats pour occuper des postes au sein du Centre satellitaire. Toutefois, depuis 1995, les membres associés participent au budget du Centre et, à ce titre, bénéficient de ses services et sont autorisés à émettre des demandes d’information.

Afin de répandre plus largement l’intérêt de l’observation spatiale et donner à un plus grand nombre accès à la connaissance de la situation internationale vue par le Centre, l’extension de la participation physique des Etats membres associés et/ou observateurs aux activités de Torrejon, sous certaines conditions, n’est pas à exclure.

Le triptyque "Cellule de planification - Centre de situation - Centre satellitaire" fonctionne sous le contrôle politique du Groupe politico-militaire. Tout récemment, la décision de créer un Comité militaire a indiqué la volonté du Conseil de consolider ses liens avec les organes subsidiaires et de renforcer l’échelon de synthèse de l’information. Il faut voir dans cette évolution un changement important qui pourrait entraîner une adaptation des procédures et des relations entre le Centre satellitaire et le Conseil.

On peut imaginer, à travers le Comité militaire, un début de planification du renseignement au bénéfice du Conseil et, par conséquent, une implication plus grande du niveau politico-militaire dans la formulation de besoins envers le Centre. L’émission, par exemple, de demandes entrant dans le cadre de la mission de surveillance générale pourrait lui être confiée, en coordination avec le Groupe politico-militaire.

Complémentarité avec l’OTAN et l’UE

La complémentarité entre les organisations internationales était présentée par le Secrétaire général de l’UEO de la façon suivante : "L’Union européenne est l’expression centrale de la volonté politique européenne. L’OTAN est la pierre angulaire de la défense de l’Europe. A la charnière de ces deux organisations, l’UEO est un instrument nécessaire au développement de l’identité européenne de sécurité et de défense"(42). Cette vision très synthétique de la situation actuelle montre clairement la voie de la complémentarité entre ces trois organisations qui vivent chacune une vie parallèle.

L’UEO s’apprête à fêter le cinquantième anniversaire du Traité de Bruxelles et, au bilan de ce demi-siècle, son essor dans le domaine de l’observation spatiale restera un fait marquant. Dans sa conviction de pionnier à explorer ce nouveau milieu spatial, elle a manifesté un esprit créatif et une détermination qui lui donnent aujourd’hui des atouts exceptionnels. Dans le domaine du renseignement, l’UEO dispose désormais d’une véritable monnaie d’échange avec l’OTAN. Une délégation d’experts de l’organisation atlantique qui s’est rendue à Torrejon a reconnu que les dossiers du Centre satellitaire représentaient un intérêt non négligeable pour l’OTAN. Ceux réalisés par fusion de données issues de plusieurs satellites, et ceux qui ont bénéficié de l’imagerie commerciale de haute résolution, peuvent venir compléter de façon intéressante les sources déjà riches de l’OTAN. Les dossiers réalisés au bénéfice du Conseil de l’UEO peuvent, sur demande et sous certaines conditions, être mis à la disposition de l’OTAN. Ils ont vocation à amorcer une coopération dans les échanges d’informations pour le bénéfice mutuel des deux organisations. A titre de réciprocité, l’UEO pourrait bénéficier d’un accès plus simple aux bases de données de l’OTAN.

En parallèle, le rapprochement avec l’UE est également recherché, conformément aux termes du concept d’emploi du Centre satellitaire. Au mois de novembre 1998, l’UE s’est manifestée pour solliciter l’appui du Centre satellitaire au profit des observateurs de l’OSCE sur le Kosovo. L’intégration des missions de Petersberg dans le Traité de l’Union et la déclaration annexée à l’Acte final de la conférence intergouvernementale concernant l’établissement d’une Unité de planification de la politique et d’alerte rapide de l’UE présentent des opportunités nouvelles d’échange d’informations entre les deux organisations. Tout cela pourra prendre une forme très concrète dès que le Traité d’Amsterdam aura été ratifié.

Le Centre satellitaire constitue une première étape dans l’acquisition d’une autonomie d’appréciation des risques. Il réalise cette tâche en relation avec les interlocuteurs désignés par le Conseil et avec les moyens techniques alloués il y a six ans. Des améliorations organisationnelles sont accessibles et les récents progrès techniques réalisés dans le monde de la haute technologie permettent, à coût modéré, de poursuivre l’oeuvre amorcée.

L’UEO peut montrer l’exemple en manifestant un intérêt soutenu pour faire évoluer son Centre satellitaire vers une plus grande performance dans les délais de réception d’images spatiales et une plus grande autonomie dans la programmation et l’acquisition de ces images. Avec un investissement infime par rapport au total des budgets de défense nationaux, l’UEO pourrait se doter d’un système d’observation spatial adapté, qu’elle piloterait et programmerait, selon ses besoins stratégiques propres. Elle est aujourd’hui la seule organisation européenne habilitée à mener des opérations militaires. Grâce à l’établissement d’une politique de renseignement conforme à ses besoins et en s’appuyant sur les organes spécifiques dont elle s’est dotée, l’UEO pourrait être demain la seule capable d’évaluer la situation internationale en toute autonomie et être en mesure de prendre les décisions d’action au mieux des intérêts européens de sécurité et de défense.


NOTES

37.. Bernard Molard est, depuis janvier 1996, directeur du Centre satellitaire de l’UEO, situé à Torrejon, en Espagne, et quittera ce poste le 31 décembre 1998.

38. Document 1159 de l’Assemblée de l’UEO, "Vérification : une future agence européenne de satellites", rapport présenté au nom de la Commission de défense par M. Fourré (rapporteur), 3 novembre 1998 ; document 1160 de l’Assemblée de l’UEO, "Aspects scientifiques et techniques de la vérification par satellite du contrôle des armements", rapport présenté au nom de la Commission technique et aérospatiale par M. Malfatti (rapporteur), 7 novembre 1988.

39. Missions humanitaires ou d’évacuation de ressortissants ; missions de maintien de la paix ; mission de forces de combat pour la gestion des crises, y compris des opérations de rétablissement de la paix.

40. Document 1500 de l’Assemblée de l’UEO, "Une politique européenne de renseignement", rapport présenté au nom de la Commission de défense par M. Baumel (rapporteur), 4 décembre 1995.

41. Selon les définitions de l’OTAN (AAP-6), la détection est la découverte par un moyen quelconque de la présence d’une personne, d’un objet ou d’un phénomène (par exemple, un véhicule) ; l’identification est la discrimination entre plusieurs objets appartenant à une même classe déterminée (par exemple, un char) ; et la reconnaissance est la détermination de la nature d’une personne, d’un objet ou d’un phénomène détectés (par exemple, un Leopard 2).

42. L’UEO aujourd’hui, Secrétariat général de l’UEO, Bruxelles, 1997, avant-propos.


Source : Institut d’Études de Sécurite de l’UEO http://www.weu.int/institute/index2.html