25. Quels doivent être la contribution et le rôle de l’Europe à cet égard, et surtout que peut faire l’Union européenne ? Jusqu’ici, l’UE a fait clairement savoir, dans chacune des déclarations publiées depuis le 11 septembre 2001, que ses efforts de lutte contre le terrorisme se concentreraient essentiellement sur le dialogue politique et la mise en œuvre d’un ensemble de mesures dans le domaine de la justice et des affaires intérieures, de l’économie et des finances. Le Conseil européen a déclaré qu’il appuyait les opérations militaires lancées par les Etats-Unis, tout en se gardant de mentionner ou de soutenir la décision prise par l’OTAN d’activer l’article 5 du Traité de Washington. Selon la presse6, les membres traditionnellement non alignés de l’UE tels que l’Autriche, la Finlande, l’Irlande et la Suède se sont opposés à une proposition de la présidence belge favorable à une déclaration plus musclée, qui aurait rapproché le Conseil européen de la position de l’OTAN. Aucune mesure concrète n’est envisagée dans le domaine de la PESD.

26. M. Javier Solana, Secrétaire général de l’UEO et Haut représentant pour la PESC, a déclaré dans une interview que l’objectif numéro un dans la lutte contre le terrorisme n’était pas le conflit militaire. Evoquant la création d’une force de réaction rapide européenne, il a indiqué que les objectifs étaient inchangés. Cette force sera affectée au maintien et au rétablissement de la paix. Le terrorisme doit être combattu essentiellement avec des techniques et des moyens policiers7.

27. Mais il existe d’autres points de vue. Le Premier ministre français, M. Lionel Jospin, a souligné dans un discours prononcé devant l’IHEDN le 24 septembre que " les attentats du 11 septembre nous ont rapprochés, que la défense de la paix passe aussi par la protection du territoire et qu’il serait donc paradoxal d’envisager la défense de l’Union européenne sous le seul angle de la projection extérieure... L’implication de l’Europe de la défense dans ce domaine devrait donc être envisagée par les Quinze. "

28. Lors d’une réunion non officielle tenue par les ministres de la défense de l’UE le 12 octobre 2001, les suites à donner aux attentats du 11 septembre ont simplement fait l’objet d’un échange de vues informel. Toutefois, selon la presse8, certains pays soutiennent que la portée des tâches qui constituent l’essentiel du volet militaire de la PESD est désormais trop limitée. L’UE suit toujours le programme qu’elle s’était fixé avant le 11 septembre. Il faudrait peut-être donner une nouvelle orientation à la PESD pour soutenir les Etats-Unis dans leur lutte contre le terrorisme.

29. Dans sa Recommandation n° 694, l’Assemblée a déjà chargé le Conseil de demander à l’UE de revoir la PESD et de prendre les mesures nécessaires pour que ses attributions concernant les missions de Petersberg soient élargies de manière à inclure la lutte contre le terrorisme international et pour développer les capacités et les ressources appropriées à cette fin. Mais l’Union européenne doit actuellement faire face à des querelles entre ses membres, la Commission européenne et le Parlement européen à propos du financement de la PESC, chaque institution se demandant qui doit assumer la responsabilité des dépenses et dans quelle mesure le Parlement européen doit être consulté sur ce point9.

30. D’après la presse10, le Conseil de l’UE aurait prévu de mettre en place un fonds intergouvernemental propre pour les opérations européennes de gestion militaire et non militaire des crises, hors du contrôle de la Commission et du Parlement européen, ce qu’ont vivement critiqué ces deux instances, qui insistent sur leur droit de codécision en matière de financement de la gestion civile des crises. Dans certaines circonstances, le Conseil peut toutefois compter sur le budget de l’UE si aucun consensus ne se dégage entre les membres sur le financement de certaines opérations à partir des budgets nationaux. Pour faire pression sur le Conseil, le Parlement se proposait même de pratiquer des coupes claires dans le budget de la Commission pour les opérations relevant de la PESC.

31. Il est évident qu’il sera d’autant plus difficile de rendre l’Union européenne apte à relever le plus rapidement possible les défis qui se présenteront à elle si la mise en oeuvre des objectifs " traditionnels " en matière de PESC et de PESD devient, elle aussi, de plus en plus l’enjeu de querelles interinstitutionnelles au sein de l’Union européenne.

32. Le Conseil européen a chargé, à Göteborg, la présidence belge entrante de faire avancer les travaux sur tous les aspects relatifs à la PESD afin de rendre l’UE rapidement " opérationnelle ". Le Conseil européen a annoncé qu’une décision dans ce sens devrait être prise au plus tard lors de son sommet de Laeken en décembre 2001.

33. On ne sait pas exactement ce que cela sous-entend. Pour certains, " opérationnel " signifie simplement que les structures décisionnelles pertinentes et les procédures appropriées doivent être prêtes. En effet, la présidence belge a indiqué, dans une " note de priorités ", qu’à la fin de son mandat, les structures devraient être permanentes et les procédures approuvées. Pour d’autres, la présidence belge veut annoncer au sommet de Laeken qu’à compter de 2002, l’UE sera prête à entreprendre au moins des missions limitées de gestion de crise. L’objectif est donc de permettre aux chefs d’Etat ou de gouvernement de proclamer la force d’intervention européenne opérationnelle en décembre.

34. La présidence belge aura du mal à s’acquitter du mandat qui lui a été confié à Göteborg pour diverses raisons. La première est que le Conseil européen a fixé d’autres objectifs concrets pour la gestion civile des crises qui devront être réalisés d’ici 2003 grâce à des contributions volontaires. C’est ainsi qu’un " objectif global civil " a été ajouté à l’objectif global militaire, qui comporte des exigences nouvelles en ce qui concerne le renforcement des capacités de gestion civile de l’UE. En outre, le Conseil européen a adopté un plan d’action en matière de police qui prévoit les modalités des contributions des Etats non membres de l’UE aux missions de police de l’UE entrant dans le cadre de la gestion civile de crise.

35. Il a également entériné les principes régissant la coopération avec les organisations internationales telles que les Nations unies, l’OSCE et le Conseil de l’Europe sur les aspects civils de la gestion de crise et adopté un programme de l’UE " pour la prévention des conflits violents ". Enfin, il a approuvé une politique globale d’exercices de l’UE associant des moyens et capacités civils et militaires, ainsi qu’un programme d’exercices de l’UE pour la période 2001-2006.

36. L’Union européenne pourrait avoir avantage à adopter une démarche globale afin de faire face aux défis sécuritaires futurs. Mais elle doit prendre une décision claire sur les priorités. " Mettre sans cesse l’accent sur les aspects civils de la prévention des conflits, aussi importants soient-ils, ne doit pas faire perdre de vue la nécessité de disposer d’une capacité de défense soutenue "11. L’axiome selon lequel " la guerre ne fait pas bon ménage, en règle générale, avec la modération "12 reflète une autre façon de voir les choses.

37. On mesure l’ampleur de la tâche dont l’Union européenne et ses membres se sont chargés lorsqu’on voit tous les problèmes qui restent à régler pour doter l’UE d’une capacité crédible de gestion militaire des crises, objectif initial des décisions fondamentales prises par les gouvernements européens dans le sillage de leur sommet de Pörtschach. La mission qu’il convient d’achever, c’est de rendre l’UE apte à déployer rapidement, puis à soutenir des forces capables d’accomplir toute la gamme des missions de Petersberg, y compris les plus difficiles.

38. La présidence belge a donc été chargée d’assurer le suivi des objectifs en matière de capacités militaires en organisant, les 19 et 20 novembre 2001, une conférence sur l’amélioration des capacités au niveau ministériel afin de remédier aux déficiences dans ce domaine et de contribuer à la réalisation de l’objectif global et des objectifs collectifs de capacités définis à Helsinki.

39. En outre, elle est chargée de définir les modalités de la coordination civilo-militaire. Elle doit poursuivre les discussions avec l’OTAN afin de mettre rapidement sur pied les arrangements pratiques prévus pour la coopération entre l’UE et l’OTAN. Enfin, les arrangements sur la consultation et la participation convenus avec les pays européens de l’OTAN non membres de l’UE et les autres pays candidats à l’adhésion à l’Union européenne, ainsi que les autres partenaires potentiels, doivent également être mis au point.

40. Si l’on considère tous ces objectifs, dont aucun n’est aisé à atteindre, une question se pose, qui n’est pas près d’être résolue : celle du financement. En effet, la présidence belge a été chargée de déterminer les besoins, sur le plan financier, des opérations de gestion de crise. Compte tenu de l’ampleur du problème relatif au financement de la PESD, il est surprenant que la note de priorités de la présidence belge ne le mentionne pas, bien que la présidence suédoise ait commencé en son temps à examiner les principes s’appliquant au financement des opérations ayant des incidences militaires ou relatives à la défense.

41. Le gouvernement belge avait décidé, dès décembre 2000, d’entreprendre une étude sur les six points suivants pendant sa présidence :
 l’aptitude opérationnelle de l’Union européenne et, dans ce cadre, les relations entre l’UE et l’OTAN ;
 les capacités militaires de l’UE ;
 le soutien de la PESD par l’opinion publique ;
 l’information des membres des assemblées parlementaires ;
 la rédaction d’un " Livre blanc européen sur la défense " et
 les questions de santé des soldats.

42. Les quatre derniers points sont des tâches supplémentaires que la Belgique veut examiner, semble-t-il, indépendamment du mandat général que lui a confié le Conseil européen. Mais le premier objectif - proclamer l’Union européenne opérationnelle d’ici à la fin de l’année - est essentiel si l’on veut que la décision de mettre un terme aux activités et capacités opérationnelles de l’UEO d’ici à la fin de 2001 conserve quelque crédibilité.

43. Le Directeur par intérim de l’ancien Etat-major militaire de l’UEO a confirmé dans un rapport d’adieu publié le 28 juin 2001 qu’à Pâques 2001, presque tous les arrangements politiques et militaires requis pour que l’UEO affronte efficacement les crises étaient en place. Cette confirmation concernait essentiellement la capacité de l’UEO de mener des opérations sous son contrôle politique et sa direction stratégique, pour lesquelles elle aurait recours à des moyens et capacités de l’OTAN, comme le démontrait l’étude théorique conjointe JES 01 réalisée en juin 2001 par l’UEO et l’OTAN. D’après la première partie du Quarante-septième rapport annuel du Conseil à l’Assemblée, l’UEO " disposait du volume de forces, des ressources et des capacités nécessaires pour mener des opérations sur tout l’éventail des missions de Petersberg. Des insuffisances ont toutefois été relevées dans les domaines suivants : transport aérien et maritime stratégique, renseignement, qualité et capacité des systèmes d’armes et des systèmes électroniques, soutien logistique et informations disponibles sur les moyens civils ".

44. Selon la présidence belge, proclamer l’UE opérationnelle signifie qu’elle sera en mesure de reprendre à son compte la capacité de l’UEO de gérer les aspects militaires d’une crise. De fait, l’Union européenne dispose désormais de structures permanentes conçues pour préparer les décisions pertinentes du Conseil. Il s’agit du Comité politique et de sécurité (COPS), du Comité militaire de l’UE (CMUE) et de l’Etat-major de l’UE (EMUE). Le Comité politique et de sécurité doit jouer un rôle clé dans les futures activités de gestion de crise de l’UE. Selon l’article 25 du Traité sur l’Union européenne tel qu’il a été révisé à Nice, il remplacera l’ancien Comité politique composé des directeurs politiques, qui étaient chargés jusqu’ici de suivre les questions relatives à la PESC.

45. Le Conseil européen réuni à Nice a ajouté les deux paragraphes suivants à l’article 25 du TUE pour préciser le rôle central que jouera le COPS :
" Dans le cadre du présent titre, le Comité exerce, sous la responsabilité du Conseil, le contrôle politique et la direction stratégique des opérations de gestion de crise.
Le Conseil peut autoriser ce Comité, aux fins d’une opération de gestion de crise et pour la durée de celle-ci telles que déterminées par le Conseil, à prendre des décisions appropriées concernant le contrôle politique et la direction stratégique de l’opération, ... "

46. Toutefois, tant que le Traité de Nice n’aura pas été ratifié par tous les Etats membres de l’UE, ces nouvelles dispositions ne pourront entrer en vigueur et le COPS ne pourra assumer les tâches nécessaires pour reprendre les fonctions dont était chargé jusqu’ici le Conseil de l’UEO.

47. Quelles sont actuellement ses fonctions ? Par une décision du Conseil en date du 22 janvier 2001, le COPS a été créé en tant que structure permanente du Comité politique visé à l’article 25 du présent traité. Tant que le Traité de Nice ne sera pas en vigueur, le COPS sera limité à l’exercice des tâches décrites dans cet article précis.

48. La décision du Conseil précédemment mentionnée confère au COPS la mission générale de traiter tous les aspects de la PESC et de la PECSD et de jouer un rôle essentiel dans la définition et le suivi de la réponse de l’UE à une crise. Il doit notamment préparer ces réponses en proposant au Conseil les objectifs politiques à poursuivre et en recommandant des options pour le règlement de la crise en question. Le COPS exercera ensuite le contrôle politique et la direction stratégique de la réponse militaire à la crise.

49. Mais tant que le Traité de Nice n’est pas ratifié, tous les pouvoirs décisionnaires du COPS qui doivent lui être délégués par le Conseil sont limités par la version du TUE en vigueur aujourd’hui, et par la Décision du Conseil du 22 janvier 2001, qui stipule que le Conseil et la Commission sont seuls compétents pour prendre les décisions juridiquement contraignantes en vertu de l’actuel TUE13. Ce traité ne permet pas au Conseil de l’UE de prendre des décisions concernant une éventuelle opération de gestion de crise ayant des incidences en matière de défense sans avoir demandé à l’UEO de les préparer et de les mettre en œuvre, mais depuis le 1er juillet 2001, l’UEO n’est plus opérationnelle pour ce type de mission. Lorsque que le Traité de Nice sera entré en vigueur, il autorisera donc l’Union européenne à confier les responsabilités que l’actuel TUE assigne à l’UEO aux institutions décisionnelles pertinentes créées dans le cadre de l’UE, c’est-à-dire le COPS, le Comité militaire et l’Etat-major. Mais à la suite du rejet par les Irlandais du Traité de Nice, la ratification de ce traité et, par voie de conséquence, son entrée en vigueur ne peuvent en aucun cas être considérées comme acquises.

50. Par conséquent, toute déclaration émanant du Conseil européen de Laeken qui affirmerait que l’UE est désormais à même de reprendre la mission de l’UEO de gestion des aspects militaires d’une crise devrait être examinée avec le plus grand soin. En outre, selon la Déclaration de l’UE annexée à l’Acte final de la conférence de Nice, la ratification de ce traité ne constitue pas un préalable nécessaire pour déclarer la PESD opérationnelle ; ce point doit lui aussi être examiné. Il est vrai que les nouvelles structures décisionnelles créées au sein de l’UE sont devenues opérationnelles, mais il semble évident que les capacités autonomes de l’UE n’ont pas encore atteint un stade de développement suffisant pour permettre à cette dernière de les mettre à l’épreuve dans une situation de crise réelle.

51. Mais quel est réellement l’état de la situation concernant la capacité de l’UE d’apporter une réponse militaire à une crise sous son contrôle politique et sa direction stratégique en utilisant les moyens et capacités de l’OTAN ? Il convient de rappeler dans ce contexte que l’Alliance atlantique est en principe convenue en 1999, lors du sommet de Washington, de coopérer avec l’UE et qu’elle s’est déclarée prête " à définir et à adopter les dispositions requises pour permettre l’accès aisé de l’Union européenne aux moyens et capacités collectifs de l’Alliance pour des opérations dans lesquelles l’Alliance dans son ensemble ne serait pas engagée ... ".

52. Les quatre groupes de travail suivants ont été constitués entre l’UE et l’OTAN pour mettre au point les arrangements pratiques de la future coopération entre les deux organisations :
 un premier groupe consacré à la préparation d’un accord entre l’UE et l’OTAN sur les dispositifs en matière de sécurité ;
 un deuxième groupe chargé de fixer les objectifs de capacités ;
 un troisième groupe pour préparer un accord sur les modalités de l’accès de l’UE aux moyens et capacités de l’OTAN ;
 un quatrième groupe pour l’établissement des arrangements permanents pour les futures consultations entre l’UE et l’OTAN en temps de crise et en l’absence de crise.

53. Les conclusions publiées par la présidence suédoise à l’issue du Conseil européen tenu les 15 et 16 juin 2001 à Göteborg indiquaient que les arrangements permanents sur la consultation et la coopération avaient été approuvés et mis en œuvre, et le rapport de la présidence se félicitait tout particulièrement de l’étroite coopération entre l’UE et l’OTAN sur les questions de gestion des crises dans les Balkans occidentaux, notamment dans le sud de la Serbie et dans l’ancienne République yougoslave de Macédoine. Alors que la conclusion d’un accord entre l’UE et l’OTAN sur les dispositifs de sécurité se fait toujours attendre, les principaux problèmes qui restent à régler sont les suivants : comment parvenir à un accord prévoyant l’accès de l’UE aux moyens et capacités de l’OTAN, pour lequel le Conseil européen de Nice a défini un ensemble de propositions devant être approuvées par l’OTAN, par exemple la garantie d’un accès permanent à des capacités de planification de l’OTAN, la présomption que les moyens et capacités pré-identifiés seront bel et bien disponibles, et l’identification d’une série d’options en matière de commandement ? La présidence belge de l’UE a été chargée de poursuivre les discussions avec l’OTAN " en vue de mettre rapidement sur pied les arrangements entre l’UE et l’OTAN qui sont envisagés ".

54. Mais à l’issue de la huitième réunion commune tenue entre le Conseil permanent de l’OTAN et le Comité politique et de sécurité (COPS) de l’Union européenne le 23 octobre 2001 à Bruxelles, le Secrétaire général de l’OTAN, Lord Robertson, a réaffirmé que les progrès concernant un arrangement sur la mise à disposition de moyens de l’OTAN pour des opérations de l’UE dépendraient de la résolution du problème de la participation à la PESD de pays membres de l’OTAN qui ne font pas partie de l’UE14.

55. Or, nul n’ignore que la Turquie, qui est membre de l’OTAN et membre associé de l’UEO, ne sera pas prête à donner son accord à la garantie d’accès de l’UE aux moyens de l’OTAN tant qu’elle n’aura pas obtenu des droits de participation plus substantiels au processus d’élaboration des décisions de l’UE pour les futures opérations militaires conduites par cette dernière. En fait, l’OTAN et l’UE n’ont pas la même conception des critères à remplir pour la mise au point définitive des arrangements de coopération entre les deux organisations.

56. Il a été convenu, lors du sommet tenu par l’OTAN à Washington en avril 1999, que les relations entre cette dernière et l’UE s’appuieraient sur les arrangements conclus entre l’OTAN et l’UEO. En outre, l’Alliance a souligné qu’il était " de la plus haute importance " que les alliés européens non membres de l’UE soient associés aussi pleinement que possible à des opérations de réponse aux crises dirigées par l’UE, sur la base des arrangements de consultation existant au sein de l’UEO. Mais le Conseil européen a souligné, en décembre 2000, que " l’UE et l’OTAN n’en sont pas moins des organisations de nature différente. Il en sera tenu compte (...) dans l’évaluation qui sera faite par l’UE des procédures régissant actuellement les relations UEO/OTAN en vue de les adapter éventuellement à un cadre UE/OTAN ".

57. Des arrangements à " 15+15 " et " 15+6 " ont été élaborés par l’UE afin de disposer d’une structure qui " assurera le dialogue, la consultation et la coopération nécessaires ", sur la gestion de crises conduite par l’UE, avec les pays européens de l’OTAN ne faisant pas partie de l’UE et d’autres pays candidats à l’adhésion à l’UE. Or, ces arrangements sont différents de ceux qui avaient été conclus entre l’UEO et ses membres associés et associés partenaires en ce sens que la participation des pays en question aux réunions pertinentes du Conseil au sein de l’UE constitue l’exception, alors que c’est la règle au sein de l’UEO.

58. La Turquie est mécontente du degré d’association accordé aux pays de l’OTAN non membres de l’UE dans le domaine de la PESD hors période de crise15. Elle a demandé une augmentation du nombre de réunions en formation à " 15+6 " et insisté pour que des officiers des pays de l’OTAN non membres de l’UE soient détachés afin de participer à tous les travaux ayant trait à la PESD au sein du Comité militaire de l’UE et pour que les alliés européens non membres de l’UE participent à part entière aux exercices16.

59. L’un des arguments avancés par la Turquie est que la plupart des scénarios dans lesquels l’UE pourrait envisager une opération de gestion de crise concerneraient des régions dans lesquelles elle a d’importants intérêts (telles que la Méditerranée orientale, les Balkans, le Caucase et l’Asie centrale) sans lui donner la possibilité de participer au processus d’élaboration des décisions. Les efforts intenses, déployés notamment par les gouvernements britannique et américain, en vue de trouver une formule de compromis de nature à satisfaire les revendications de la Turquie sont restés vains jusqu’ici. De ce fait, l’OTAN est à l’heure actuelle dans l’impossibilité d’offrir à l’UE un accès garanti à ses moyens et capacités.

60. En conséquence, à moins d’une évolution substantielle de la position de la Turquie ou de celle de l’Union européenne concernant la participation des alliés européens de l’OTAN non membres de l’UE à la PESD, l’Union européenne ne sera pas en mesure, à Laeken, de déclarer qu’elle a la capacité de gérer les aspects militaires d’une crise et donc de se substituer à l’UEO. De nombreuses voix s’élèvent désormais dans les rangs des gouvernements et dans les parlements, à l’OTAN comme à l’UE, pour exhorter la Turquie à modérer sa position, l’argument essentiel étant qu’un refus de ce pays renforcerait les tendances favorables, au sein de l’UE, au développement de capacités de planification autonomes en matière de PESD, qui, à leur tour, créeraient une distance entre la PESD et l’OTAN et aboutiraient à une duplication des moyens et des capacités de planification. Néanmoins, ce n’est pas de cela que dépend l’orientation future de la PESD. Les pays membres de l’UE ne sont pas disposés, pour la majorité d’entre eux, à accroître leurs contributions pour renforcer les capacités militaires de l’Union parce que la Turquie empêche la conclusion d’un accord avec l’OTAN. En effet, des capacités de planification sans capacités militaires n’ont qu’une valeur théorique.

61. L’UE a besoin du soutien et des contributions des pays alliés non membres pour atteindre son objectif global et devenir un acteur politique et militaire crédible dans le domaine de la gestion de crise. Elle a besoin du soutien de l’OTAN au cas où la gestion militaire d’une crise dégénérerait au point d’aboutir à une situation relevant de l’article 5. Par conséquent, les opérations potentielles de gestion de crise dirigées par l’UE mettent en jeu les intérêts de sécurité de tous les pays de l’OTAN non membres de l’Union, et pas seulement ceux de la Turquie. Il est donc important que l’OTAN s’efforce de convaincre l’Union européenne d’apporter des aménagements qui ne soient pas simplement symboliques aux modalités de participation de ces pays au processus d’élaboration et de prise des décisions concernant la PESD. Il y a déjà des propositions qui circulent en vue d’accorder à la Turquie et aux autres alliés de l’OTAN non membres de l’UE le statut de " membre associé " pour la PESD.

62. La question non résolue de savoir comment garantir la participation de ces pays à la PESD révèle le problème de fond posé par la décision des gouvernements des Quinze de confiner étroitement la coopération européenne en matière de sécurité et de défense dans le cadre institutionnel et juridique de l’Union européenne, même si cette coopération reste ancrée dans le deuxième pilier (intergouvernemental). Les questions de sécurité et de défense exigent la plus grande flexibilité politique et si les institutions n’en sont pas capables, elle sont mises à l’écart par des coalitions de bonnes volontés constituées par la diplomatie et la puissance intergouvernementales traditionnelles. Nous en avons eu un exemple avec la réunion des chefs d’Etat et de gouvernement de la Grande-Bretagne, de la France et de l’Allemagne, qui a été consacrée au conflit en Afghanistan à la veille du sommet de Gand de l’Union européenne, puis avec le mini-sommet organisé par le Premier ministre britannique, M. Blair, le 4 novembre, auquel ont pris part six pays de l’UE.

63. En fait, l’Union européenne, en tant qu’organisation, est absente des discussions en cours sur les mesures à prendre pour appuyer la campagne militaire en Afghanistan et rétablir la paix dans ce pays. Chaque pays européen décide pour ce qui le concerne de l’envoi éventuel de forces armées pour participer à la campagne ou à des opérations de maintien de la paix. Des coalitions telles que le groupe des 6+2 (les pays voisins de l’Afghanistan, plus la Russie et les Etats-Unis) et d’autres groupes prennent part à ces discussions, tandis que l’Union européenne en tant que telle peut jouer un rôle dans la coordination de l’aide humanitaire.

64. Selon la presse17, les gouvernements de l’Union européenne ont chargé le Haut représentant pour la PESC, M. Solana, de présenter un rapport sur la contribution que l’UE pourrait apporter à la lutte contre le terrorisme international. Il serait prudent que l’UE mène dès le début sa réflexion en coordination avec l’OTAN, où des études et des propositions de même nature sont en voie d’élaboration, en vue notamment de créer une force d’intervention interalliée contre le terrorisme18. Il conviendrait que toute initiative visant à combattre le terrorisme par des moyens militaires soit prise d’emblée dans un esprit de transparence et d’inclusivité de manière à éviter de se heurter à un problème similaire à celui que connaît actuellement l’UE en ce qui concerne ses relations avec l’OTAN.

65. Dans le cadre de la réalisation de l’objectif global, une seconde conférence d’engagement de capacités, à laquelle ont participé les ministres de la défense et des affaires étrangères des pays membres de l’UE, s’est déroulée les 19 et 20 novembre. La présidence belge devait présenter un plan d’action visant à remédier aux insuffisances constatées dans un certain nombre de domaines : la transport aérien et maritime stratégique, le ravitaillement en vol, la surveillance aérienne, le commandement et le contrôle, les munitions guidées de précision et la défense antiaérienne19. Ce plan d’action comprendrait également des propositions en vue de renforcer la coopération dans le domaine du renseignement et, en particulier, de la planification financière. Il convient de rappeler à ce propos qu’un grand nombre de pays européens de l’OTAN non membres de l’UE et d’autres pays candidats à l’UE ont offert de contribuer à l’amélioration de la capacité militaire européenne. Mais certains d’entre eux se sont ensuite découragés car c’est plutôt dans le domaine des équipements que dans celui des effectifs que l’UE s’efforce de remédier à ses insuffisances.

66. En outre, compte tenu du rôle majeur qui reviendra aux ministres de la défense pour mettre sur pied la capacité militaire dont l’UE a besoin pour entreprendre toute la gamme des missions de Petersberg, il est absolument essentiel de transformer la réunion jusqu’ici informelle des ministres de la défense en réunion officielle du Conseil Défense, comme l’a proposé la présidence belge.

67. Il est à noter que la présidence belge considère comme un objectif prioritaire de tenir le public et les parlements nationaux informés de l’évolution de la PESD. La présence du ministre de la défense belge, M. André Flahaut, à la conférence parlementaire sur la PESD et son contrôle parlementaire qui s’est tenue les 2 et 3 juillet 2001 à Bruxelles, en est la manifestation tangible. M. Flahaut a alors présenté les priorités de la présidence belge en matière de PESD et répondu aux questions des parlementaires. Il n’a pas indiqué précisément si l’Assemblée de l’UEO devrait être informée des activités de l’UE dans le domaine de la PESD, mais il a réaffirmé le souci de la Belgique d’assurer l’information et de bonnes relations avec les assemblées parlementaires " aux niveaux national, européen et à celui de l’UEO ". Ce pourrait être au moins un bon point de départ pour parvenir à une entente avec les gouvernements afin que l’Assemblée de l’UEO figure parmi les destinataires de l’information sur les questions relatives à la PESD pendant la période intérimaire qui va durer jusqu’à la prochaine conférence intergouvernementale.

68. Une telle approche est d’autant plus justifiée que la présidence belge a lancé l’idée d’une sorte de livre blanc sur la sécurité et la défense, qui a rencontré un large soutien lors des réunions informelles des ministres de la défense, même s’il reste des questions en suspens en ce qui concerne l’intitulé de ce document et, surtout, sa finalité. Certains pays semblent avoir des objectifs plus ambitieux et vouloir doter l’Union européenne d’un véritable concept de sécurité et de défense, en vue notamment de recueillir l’adhésion d’un public plus large. Ce serait une réaction positive au colloque organisé par l’Assemblée de l’UEO en mai 2001 à Berlin et à la Recommandation n° 685 sur la révision du concept de sécurité européenne et les réponses aux nouveaux risques.

69. Néanmoins, certains pays ayant manifesté quelques réserves au sujet des objectifs et de l’opportunité d’un tel livre blanc, l’Institut d’études de sécurité de l’UEO a été chargé d’entreprendre une étude comparative des documents et livres blancs nationaux en vue de produire un premier document d’étude. La mise au point d’un document conceptuel à caractère plus contraignant ne semble envisagée qu’à moyen terme20. Cette extrême prudence est toutefois difficile à comprendre dès lors que chacun s’accorde à reconnaître que la nouvelle dimension du terrorisme international a nécessairement des répercussions fondamentales sur l’évaluation des risques et sur les concepts de sécurité traditionnels et la planification en la matière.

70. Un bilan des progrès accomplis à ce jour par l’Union européenne en vue de prendre en charge l’éventail complet des missions de Petersberg serait incomplet s’il ne mentionnait pas les travaux effectués en vue de l’inclusion dans l’UE des fonctions pertinentes de l’UEO. En fait, le Conseil de l’Union européenne a adopté deux décisions le 20 juillet 2001 : la création d’un Centre satellitaire de l’Union européenne et celle d’un Institut d’études de sécurité en tant qu’agences de l’UE. Ces deux instances, qui seront opérationnelles à partir du 1er janvier 2002, seront chargées des missions suivantes :
 celle du Centre satellitaire de l’Union européenne (CSUE) - qui sera situé à Torrejón de Ardoz en Espagne - consistera à soutenir le processus de prise de décision de l’UE dans le cadre de la PESC, notamment de la PESD, en fournissant du matériel résultant de l’analyse de l’imagerie satellitaire et des données collatérales, y compris, le cas échéant, de l’imagerie aérienne ;
 celle de l’Institut (qui sera situé à Paris) sera de contribuer au développement de la politique étrangère et de sécurité commune (PESC), y compris la politique européenne de sécurité et de défense (PESD), en effectuant des recherches et des analyses dans les domaines pertinents21.

71. Ces décisions ont été mises en œuvre en transférant à l’Union européenne le Centre satellitaire et l’Institut d’études de sécurité de l’UEO, avec la direction et le personnel actuels. A l’évidence, ce transfert soulève un certain nombre de questions d’ordre politique, juridique et administratif, mais votre rapporteur voudrait saisir l’occasion de rendre hommage au Centre et à l’Institut pour la qualité remarquable de leurs travaux et de leurs réalisations. L’un et l’autre ont été créés à l’initiative de l’Assemblée. S’agissant de l’Institut, il convient de rappeler que la Décision du Conseil de l’UEO en date du 13 novembre 1989, par laquelle il a été créé, spécifiait expressément que l’Assemblée pouvait lui confier des études liées à ses propres activités et qu’elle aurait accès aux résultats de ses travaux non classifiés.

72. Il est d’une importance capitale que ces procédures soient préservées, de même que les relations étroites qui existent entre l’Assemblée et l’Institut lorsque celui-ci entamera son nouveau mandat d’agence de l’UE. En ce qui concerne le Centre satellitaire, la réponse du Conseil à une question posée par M. Maass souligne que des pays tiers, en particulier les alliés européens non membres de l’UE, auront la possibilité de conclure des accords d’association avec le Centre. Les pays déjà membres du Centre satellitaire de l’UEO pourront donc poursuivre leur participation aux activités du Centre. L’accès des pays tiers au Centre de l’UE sera analogue à celui dont ils bénéficiaient au sein de l’UEO. Il appartiendra à la commission compétente de l’Assemblée de veiller attentivement à ce que le Centre satellitaire conserve le même degré d’inclusivité et d’efficacité lorsqu’il sera sous l’égide de l’Union européenne.

73. A la fin de la présidence belge, l’Union européenne aura avancé à pas de géant vers la mise en place des structures de prise de décision nécessaires pour concrétiser ses nouvelles ambitions dans le domaine de la PESD. Des progrès considérables ont également été réalisés en vue d’acquérir les capacités militaires requises dans le cadre de l’objectif global de l’UE. Toutefois, bien que l’UEO ait cessé ses fonctions opérationnelles, l’UE n’est pas encore " opérationnelle " dans le domaine de la gestion militaire des crises. Un problème particulier se pose du fait que l’UE ne peut agir dans le domaine de la PESD que sur la base du Traité de Nice, dont on ignore quand il entrera en vigueur. Le rejet de ce traité à l’issue du référendum irlandais et la décision du Danemark de ne pas participer aux activités de l’UE ayant des implications en matière de défense ne font que rendre plus problématique une action solidaire de l’Union européenne. Les implications financières de la PESD et de la coopération avec l’OTAN ne sont pas encore connues. L’approche " globale " prônée par l’UE, qui suppose une forte synergie entre le militaire et le civil, pose des problèmes de coordination et de choix des priorités.

74. Dans une situation aussi difficile, on ne saurait attendre de l’Union européenne qu’elle soit en mesure de réagir rapidement face aux défis supplémentaires résultant de la nouvelle dimension prise par le terrorisme international. En revanche, ce qu’on doit attendre et exiger des pays membres de l’UE, c’est qu’ils saisissent l’occasion offerte par ces défis pour relancer leurs efforts dans le domaine de la défense européenne.


NOTES
6 Die Welt, 24 septembre 2001.
7 Die Welt, 4 octobre 2001.
8 Financial Times, 12 octobre 2001.
9 Financial Times, 12 octobre 2001.
10 Financial Times Deutschland, 23 octobre 2001.
11 Dieter Wellershoff, dans le Frankfurter Allgemeine Zeitung, 19 juillet 2001.
12 " Europe’s uncertain triumph ", Michael Stürmer, World Defence System, RUSI, volume 3, N° 2, juillet 2001.
13 Voir la réponse donnée par le gouvernement allemand le 6 août 2001 à une question posée par M. Bühler en juillet 2001.
14 Nouvelles atlantiques, 26 octobre 2001.
15 Remarque faite par M. Faruk Logoglu, Secrétaire d’Etat aux affaires étrangères de la Turquie, en décembre 2000, et citée dans un rapport de M. van Eekelen sur l’OTAN et la PESD, présenté à l’Assemblée parlementaire de l’OTAN le 23 août 2001.
16 Voir rapport van Eekelen.
17 Le Monde, 14 novembre 2001 et Financial Times, 20 novembre 2001.
18 The International Herald Tribune, 13 novembre 2001.
19 Nouvelles atlantiques, 17 octobre 2001.
20 Nouvelles atlantiques, 26 octobre 2001.
21 Voir la réponse du Conseil à la Question écrite n° 372 posée par M. Maass le 7 juin 2001.


Source : Assemblée parlementaire de l’Union de l’Europe Occidentale (UEO) http://www.assemblee-ueo.org/