86. Bien que le Secrétaire général de l’UEO, Javier Solana, ait dit à maintes reprises que la PESD progressait à la vitesse de l’éclair, elle n’a pas atteint un stade de développent suffisant pour jouer - et nul ne s’en étonnera - un rôle dans la présente campagne contre le terrorisme international et les opérations militaires en Afghanistan. Mais il est permis de se demander, dans l’hypothèse où l’Union européenne aurait été " opérationnelle ", si elle aurait joué un rôle, l’OTAN elle-même ayant été mise sur la touche. La campagne contre le régime des talibans était une affaire de coordination entre les Etats-Unis et une coalition composée de gouvernements à titre individuel.

87. Que peut-on faire pour éviter que le projet de PESD de l’Union européenne ne connaisse le même sort que l’UEO - en d’autres termes, qu’elle se tienne toujours prête, mais qu’on ne fasse jamais appel à elle ? Le projet de l’Union européenne est, il est vrai, bien plus fort et plus vaste et il continue de prendre de l’importance sur le plan international dans de nombreux domaines significatifs. Mais pour que l’Union européenne devienne un acteur crédible dans la gestion militaire des crises, il reste à réunir un certain nombre de conditions fondamentales. Le problème majeur n’est pas la non-ratification du Traité de Nice (même si celle-ci est indispensable à la mise en œuvre des décisions prises depuis Cologne) ; ce n’est pas non plus la coordination et la coopération avec l’OTAN, ni la participation des pays tiers - avec la bonne volonté de toutes les parties concernées, les questions pendantes pourraient être réglées de façon satisfaisante. Ce n’est pas non plus la réalisation de l’objectif global, qui a assez bien progressé.

88. En revanche, une question de poids demeure, étant donné que les points de vue divergent sur la finalité de l’Union européenne. Pour de nombreux pays membres, l’Union européenne est avant tout une puissance civile pacifique qui concentre ses efforts sur la prévention des conflits et la gestion des crises en s’appuyant essentiellement sur des moyens politiques. En outre, l’UE dispose, avec son pilier communautaire, de puissants moyens économiques et financiers pour soutenir sa diplomatie.

89. Le développement des capacités militaires au sein de l’Union européenne ne fait qu’ajouter une nouvelle composante aux nombreux et divers autres instruments que l’UE peut choisir pour poursuivre ses objectifs politiques. Ce souci de disposer d’une panoplie complète ne constitue un avantage que si on peut parvenir rapidement à une coordination interinstitutionnelle et si les décideurs sont aptes et prêts à se mettre rapidement d’accord sur les priorités. L’attribution des moyens financiers nécessaires est elle-même étroitement liée au choix des priorités. Mais compte tenu des positions divergentes des Etats membres et de la concurrence entre institutions communautaires et institutions intergouvernementales, il est compréhensible que le processus décisionnel manque quelque peu d’allant.

90. Une fois que la PESD sera pleinement opérationnelle, la rapidité du processus décisionnel au sein de l’Union européenne deviendra cruciale. Mais même le Parlement européen reconnaît " que la procédure de décision à l’intérieur de l’Union est rendue plus confuse et plus opaque " à la suite des décisions prises à Nice22. D’ailleurs, la volonté politique même d’utiliser les instruments de la PESD doit encore être affirmée, ce qui implique, entre autres, un soutien beaucoup plus large de l’opinion publique, qui ne pourra être obtenu que si les populations de l’Union européenne parviennent à admettre que l’Union est aussi une puissance militaire.

91. Il sera plus facile de l’en convaincre si tous les membres de l’Union européenne, et notamment si ceux qui, traditionnellement, jouent un rôle de leader en matière de défense, donnent le bon exemple et si, dans une situation de crise donnée, ils choisissent les instruments européens communs au lieu d’agir isolément comme ils l’ont fait dans de nombreuses situations de crise qui ont surgi dans le passé et, tout récemment, par exemple, dans le conflit afghan. Etant donné que le Traité de Nice n’est pas encore en vigueur et l’objectif global non encore atteint, il est toujours temps de mobiliser l’attention des hommes politiques et de l’opinion publique des pays de l’Union européenne sur le fait qu’ils vivent ensemble dans une véritable communauté de sécurité et de défense.

92. Pareille prise de conscience peut et doit être développée sans mettre en question la position actuelle, selon laquelle les questions de sécurité et de défense restent soumises à un consensus intergouvernemental. La sensibilisation de l’opinion publique aux capacités militaires européennes communes est encore plus importante si l’on veut éviter la " renationalisation " des politiques. Il importe donc au plus haut point de demander aux gouvernements de redoubler d’efforts en mettant ces capacités rapidement en place et en les rendant opérationnelles. En outre, plus les gouvernements tiendront les représentants des parlements nationaux informés, au niveau européen, de leurs vues et de leurs choix communs, plus ils contribueront à la formation d’une prise de conscience européenne en matière de sécurité et de défense et plus ils favoriseront une large adhésion de l’opinion publique à une PESD crédible et efficace.


NOTE
22 Rapport de la Commission des affaires constitutionnelles du PE sur le Traité de Nice et l’avenir de l’Union européenne, 4 mai 2001.


Source : Assemblée parlementaire de l’Union de l’Europe Occidentale (UEO) http://www.assemblee-ueo.org/