Q - La lettre des huit dirigeants européens ne constitue-t-elle pas une pression sur la position franco-allemande concernant le recours à l’option militaire contre l’Iraq ?
R - La position de la France est connue et n’a pas changé. On peut la résumer comme suit : si l’on arrive à désarmer l’Iraq par des voies pacifiques, il n’y a pas lieu d’utiliser la force. Les inspecteurs ont réussi jusqu’à présent à détruire de plus grandes quantités d’armes que pendant la guerre du Golfe.

La guerre est la plus mauvaise des solutions et on ne peut y recourir que si l’Iraq empêche les inspecteurs de faire leur travail et de poursuivre leur mission.

Q - La lettre des huit ne reflète-t-elle pas une volonté d’isoler la position franco-allemande ?
R - J’ai lu la lettre et je ne partage pas cette interprétation. En effet, elle correspond tout à fait à la position française et à celle du Conseil de l’Europe, c’est-à-dire à la nécessité de respecter la légalité internationale et, pour l’Europe, de s’engager à parler d’une seule voix. Nous ne sommes pas face à une déclaration de guerre.

Q - Mais pourquoi ces huit dirigeants et pas les autres ?
R - Certains de ces pays ont été contrariés par le sommet franco-allemand et se sont sentis exclus. Pourtant, il s’agissait de célébrer la rencontre historique entre l’ancien président français, le général Charles de Gaulle, et l’ancien chancelier allemand Adenauer, en 1963. Ce qui est sûr, c’est que l’Europe s’est unifiée, même si certains pays sont restés en dehors de la zone euro. Nous faisons en sorte que l’Europe de la défense avance progressivement, en dépit des difficultés.

Q - Lors de la rencontre entre le président Jacques Chirac et le Premier ministre britannique Tony Blair, qui pourra, selon vous, convaincre l’autre de la justesse de sa position ?
R - Tony Blair s’est rapproché de notre position en reconnaissant que la légalité internationale doit être respectée. Les opinons publiques européennes sont en harmonie avec la position française.

Q - La France envisage-t-elle d’utiliser le veto au Conseil de sécurité, au cas où l’on s’orienterait vers une décision de guerre en Iraq ?
R - Avant de parler de l’utilisation du veto, il faut d’abord qu’il y ait une majorité de membres pour adopter cette décision.

Q - La France envisage-t-elle de développer ses relations militaires avec les autres pays du Maghreb, comme elle l’a fait avec la Tunisie ?
R - Nous avons toujours œuvré pour des relations privilégiées avec les pays nord-africains. Nous avons évoqué la nécessité de prendre des initiatives communes, comme des exercices militaires communs, lors des réunions des ministres européens de la Défense.

Q - Les ministres maghrébins de la Défense ont-ils approuvé cette idée ?
R - Je n’ai pas encore reçu de réponses. J’ai tenu à réserver à la Tunisie ma première visite dans la région. Mais il y a, ce qu’on appelle le 5+5 qui permet aux pays des deux rives de la Méditerranée de se consulter pour développer leur coopération militaire.

Q - La France accorde aujourd’hui plus d’importance au renforcement de ses capacités militaires. Quel en est le motif ?
R - Les socialistes avaient considérablement diminué les dépenses militaires et cela n’était pas compatible avec le souci de la France de maintenir son rang dans le monde. Au bout du compte, il était indispensable de lancer de nouveaux programmes comme l’avion « Rafale » et d’autres projets dans les domaines du renseignement, de la recherche et de la prévention contre les armes chimiques ainsi que de construire un second porte-avions, après le Charles de Gaulle.

Q - Les forces françaises sont-elles prêtes en cas de guerre en Iraq, si la France était obligée d’intervenir dans le cadre d’une nouvelle résolution internationale ?
R - Nous en sommes aujourd’hui au stade des efforts diplomatiques mais le rôle de tout ministre de la Défense est de veiller au caractère opérationnel de ses forces en toutes circonstances, pour mettre en œuvre les options définies par les responsables politiques.