Après avoir longtemps été négligé au profit des achats d’équipements neufs, le maintien en condition opérationnelle (MCO) des matériels des armées est devenu un enjeu de première importance. Lors de son discours de politique générale à l’Assemblée nationale, le 3 juillet 2002, le Premier ministre, M. Jean-Pierre Raffarin, a insisté sur cette priorité, en soulignant que l’" objectif " de la nouvelle loi de programmation militaire " sera de restaurer la disponibilité de nos matériels - cela veut dire avoir des pièces de rechange pour nos avions et nos chars, afin qu’ils puissent servir - " (1). Le Premier ministre rappelait ainsi l’engagement du Président de la République sur cette question majeure.

Soucieuse d’être éclairée avant que le débat sur ce texte important et attendu ne commence, la commission de la défense nationale et des forces armées a décidé, le 23 juillet, que soit rapidement conduite une sorte d’audit préliminaire sur l’état de l’entretien des matériels. Certes, quelques rapports parlementaires avaient déjà attiré l’attention sur la situation de tel type d’armement (2) ou de telle armée (3), mais aucun jusqu’à présent n’avait mis en perspective la question de la maintenance sous un angle interarmées.

Le présent rapport d’information, qui est le résultat de nombreuses auditions de responsables des états-majors, des organismes chargés de superviser les opérations de maintenance et d’entreprises d’armement (4), dresse un état des lieux général qui se veut objectif. Le rapporteur a également tenu à associer à ses entretiens quelques officiers proches du terrain, anciens chefs de corps ou commandants d’unités qui ont concrètement eu à faire face aux problèmes d’entretien.

Au terme de trois mois de travaux, il apparaît que la disponibilité technique opérationnelle (DTO) des équipements de toutes les armées reste insatisfaisante, même si l’appréciation mérite d’être nuancée selon les matériels considérés. Jusqu’à présent, les forces ont pu remplir correctement leurs missions, et ce malgré un contexte international très exigeant, la participation des armées à l’intervention anti-terroriste en Asie centrale s’étant ajoutée à une mobilisation toujours forte dans les Balkans et en Afrique. Pour autant, il est permis de penser qu’une certaine limite est désormais atteinte et que, faute d’une prise du problème à bras le corps comme s’y est engagé le Gouvernement, les armées pourraient ne plus être en mesure d’assurer matériellement la totalité des missions qui leurs sont assignées.

En outre, les incidences d’un entretien insuffisant ne sont pas uniquement d’ordre capacitaire, dans la mesure où les équipements sont également un outil de travail pour des soldats devenus professionnels, voire, pour les marins, un lieu de vie. A l’heure où il est question de consolider la professionnalisation des armées, il convient donc de réfléchir à l’impact des conditions de maintenance sur la fidélisation des recrues. Des améliorations sensibles en ce domaine semblent de nature à participer à la revalorisation de la condition militaire, qui est au c_ur des aspirations des personnels.

Le problème a indéniablement une dimension budgétaire. Au cours de l’exécution de la loi de programmation militaire 1997-2002, l’imputation des crédits d’entretien programmé des matériels (EPM) a progressivement été transférée du titre III au titre V du budget du ministère de la défense ; ces dotations ont donc subi de plein fouet les annulations et reports de crédits portant sur les moyens d’investissement des armées, dont la ministre de la défense, Mme Michèle Alliot-Marie, a souligné qu’ils représentaient au total l’équivalent d’une annuité de titre V (soit près de 13 milliards d’euros).

A enveloppe réduite, les états-majors ont choisi de préserver la bonne marche des programmes d’équipements les plus essentiels, parfois au détriment du financement de l’entretien des matériels, ce qui s’est répercuté sur l’ensemble de la chaîne de maintenance (pièces de rechanges manquantes, allongement des délais de réparation, entre autres). L’étalement des programmes de renouvellement des matériels, conjugué à une sollicitation accrue des équipements en service à cause de la multiplication des opérations extérieures (OPEX), a accéléré le vieillissement des armements existants. Ce double effet a amplifié la détérioration du niveau de disponibilité des matériels.

Pour rétablir un niveau de DTO plus satisfaisant, la solution passe par une revalorisation significative du montant des crédits consacrés au MCO et, plus généralement, aux programmes d’équipement des armées. Néanmoins, quelques économies sont sans doute possibles du côté du processus industriel de la maintenance. Dans ce domaine comme dans d’autres, quelques suggestions méritent d’être envisagées.

En définitive, le présent rapport d’information poursuit trois ambitions : mettre en lumière la réalité de l’état de la maintenance des matériels, expliquer les raisons de cette situation et formuler des propositions susceptibles de nourrir le débat parlementaire qui aura très prochainement lieu au sujet du nouveau projet de loi de programmation militaire, adopté en conseil des ministres le 11 septembre 2002.


Source : Assemblée nationale (France) : http://www.assemblee-nationale.fr