Par définition, un bâtiment de la marine nationale est considéré comme indisponible s’il subit une opération d’entretien programmée, si l’état de certaines de ses installations ne lui permet pas d’effectuer sa mission principale, s’il a subi une avarie accidentelle, ou plus rarement si le quota de personnel de bord n’est pas atteint.

Comme les autres armées, la marine doit faire face à une diminution de la disponibilité globale de ses matériels. Sur l’année 2001 et le premier semestre 2002, celle-ci se situe aux environs de 56 %, ce qui constitue un seuil très bas au regard de l’objectif initialement fixé, lors de la professionnalisation, à 80 %. A titre de comparaison, le taux moyen de disponibilité opérationnelle de la flotte en 1990 avoisinait les 66 %, ce chiffre répondant alors à des critères beaucoup plus rigoureux puisqu’il reflétait des exigences plus strictes ; aujourd’hui, les bâtiments sont considérés comme disponibles même si certains équipements majeurs non indispensables pour la mission à effectuer ne sont pas opérationnels.

Un phénomène qui touche l’ensemble des catégories de matériels

Avec 66 unités de combat, auxquelles s’ajoutent notamment des bâtiments de soutien, tels les pétroliers ravitailleurs ou les bâtiments de soutien logistique, des patrouilleurs de service public ainsi que des remorqueurs, les navires de surface constituent la grande majorité, en nombre, des unités de la marine. La disponibilité de la plupart de ces bâtiments, quelle que soit leur fonction opérationnelle, ne cesse de se dégrader depuis plusieurs années. Le phénomène affecte autant les bâtiments de combat ayant vocation à intégrer un groupe aéronaval ou amphibie que des bateaux de moindre importance.

Si le cas du porte-avions n’est pas statistiquement le plus probant, étant donné que la France ne possède qu’un bâtiment de ce type, récemment mis en service, il n’en va pas de même pour les frégates anti-sous-marines, les avisos ou les chasseurs de mines, dont les niveaux de disponibilité sont respectivement tombés à 51,9 %, 59,2 % et 52,2 % pour les six premiers mois de cette année. Le cas des frégates antiaériennes et des transports de chalands de débarquement (TCD) est presque plus inquiétant, non pas tant en raison de chiffres qui illustrent la difficulté de maintenir opérationnel le nombre restreint de ces bâtiments spécifiques (3 frégates et 4 TCD), mais plutôt en raison de la place que de tels matériels occupent dans le concept de projection des forces.

Signe révélateur déjà mis en exergue par la mission d’information de la commission de la défense sur l’entretien de la flotte, présidée par M. Charles Cova, les difficultés rencontrées par les navires de surface à l’occasion de leurs opérations d’entretien sont également ressenties dans les deux escadrilles de sous-marins. Le phénomène est un peu moins prononcé, il est vrai, au sein de l’escadrille des sous-marins nucléaires lanceurs d’engins (SNLE) (6), mais, pour ce qui concerne les sous-marins nucléaires d’attaque (SNA), les chiffres des six premiers mois de cette année font état d’un niveau de disponibilité inférieur aux objectifs. Cette tendance, nouvelle pour les sous-marins, semble devoir s’accentuer, compte tenu de la lourdeur des opérations de maintenance et de l’organisation de la chaîne d’entretien en flux tendus. A Brest, les installations de l’Ile Longue sont âgées de trente ans et justifieraient des investissements supplémentaires en vue de leur modernisation.

La situation de l’aviation embarquée, grâce à l’entretien conjoint des appareils avec ceux de l’armée de l’air, apparaît moins délicate, dans la mesure où la disponibilité des appareils de combat semble se stabiliser. Les avions Super Etendard modernisés du groupe aéronaval présentent un taux de disponibilité plus que correct, compte tenu de leur âge avancé et de leur utilisation intensive ces dernières années, lors du conflit du Kosovo et en Afghanistan. Cependant, comme l’armée de terre, la marine rencontre de réelles difficultés dans le soutien de ses hélicoptères, notamment les Lynx.

Actuellement, la disponibilité des matériels de la marine se situe à son niveau plancher ; elle devrait s’améliorer rapidement pour ce qui concerne les matériels aériens, alors que cette évolution pourrait être un peu plus lente pour les bâtiments de la flotte. Le processus de modernisation de la définition et du suivi des réparations au sein même de la marine est plus récent et la mutation de l’organisation industrielle chargée de ce soutien (l’ancienne direction des constructions navales - DCN) ne rend pas les choses aisées.

Des capacités primordiales qui restent malgré tout préservées

L’engagement de nombreux bâtiments de la marine (33 unités au total, entre décembre 2001 et juin 2002) dans les opérations antiterroristes en mer d’Arabie démontre que la réactivité de cette armée et sa capacité à mobiliser son potentiel de combat ne sont pas vraiment altérées par les difficultés rencontrées dans l’entretien des bâtiments.

Il est vrai que les problèmes de maintenance les plus mal ressentis par les équipages affectent peu les équipements indispensables pour permettre à la flotte de naviguer : au pire, le potentiel des bâtiments s’en trouve parfois amoindri, mais, dans l’ensemble, il n’est jamais fait impasse sur les conditions essentielles à la sécurité des personnels.

En outre, la force océanique stratégique (FOST), l’un des deux piliers de la dissuasion nucléaire avec la composante aéroportée, continue de remplir son contrat, qui consiste à assurer la permanence de cette dissuasion en déployant si nécessaire deux SNLE en patrouille en mer. Jusqu’à présent, l’accomplissement de cette mission fondamentale n’a jamais été empêché par des raisons de maintenance, ne serait-ce que parce que la marine y a affecté les crédits nécessaires, parfois au détriment de l’entretien des autres bâtiments.

En définitive, le déroulement de l’activité opérationnelle programmée de la flotte est de plus en plus souvent ajusté en fonction des impératifs d’entretien et, le cas échéant, des urgences ; il s’agit d’une évolution parfois mal acceptée par les équipages, habitués à un respect plus scrupuleux des cycles d’indisponibilité des bâtiments. Pourtant, tant les personnels que les autorités qui ont recours aux moyens de la marine doivent accepter une certaine hiérarchisation des priorités qui n’avait pas cours auparavant ; à l’exception de la flotte de SNLE, les avaries importantes ne peuvent plus désormais être systématiquement réparées de manière immédiate.


Source : Assemblée nationale (France) : http://www.assemblee-nationale.fr