De Nike - Zeus à Safeguard, 25 ans de projets virtuels

Jusqu’en 1957, les Etats-Unis, bien que n’étant plus les seuls détenteurs de l’arme nucléaire depuis 1949, sont totalement invulnérables à une attaque nucléaire balistique de l’URSS. A partir de cette date, tout change, et c’est notamment sur le slogan, faux, mais très porteur, du " missile gap " - à savoir un pseudo retard des Etats-Unis en matière balistique - que Kennedy est élu. Si les deux pays se lancent dans une course à la fois quantitative et qualitative qui vise à augmenter le nombre, la portée et la précision des missiles, ils travaillent également sur leur antidote, les défenses antimissiles. C’est de cette course sans fin entre le glaive et le bouclier que naissent les projets successifs de défense antimissile. Dès 1957, le programme Nike-Zeus est lancé, fondé sur des intercepteurs à longue portée équipés de têtes nucléaires. Un premier essai est effectué avec succès en 1962, alors que l’URSS a elle aussi réussi l’interception d’un missile de portée intermédiaire en 1961. Dès 1964 toutefois, il est abandonné en raison d’un coût excessif et de difficultés techniques liées à l’identification des leurres. Néanmoins, les Soviétiques ayant déployé un système antimissile autour de Moscou en 1966, le Secrétaire d’État à la Défense Robert McNamara lance le programme Sentinel, dont l’objet est de protéger les villes américaines contre une attaque nucléaire limitée, en l’occurrence chinoise, aux dires mêmes des responsables américains. 25 sites de lancement sont prévus, soit 16 équipés chacun de 100 missiles Spartan à tête nucléaire chargés des interceptions en dehors de l’atmosphère et 9 dotés de missiles Sprint, également à charge nucléaire, devant effectuer des interceptions endoatmosphériques.

La présidence Nixon est toutefois marquée par un rejet du projet de la part des citoyens américains qui, ville après ville, refusent d’avoir " des bombes dans leur cour ". D’où le remplacement de Sentinel par Safeguard, dont l’objectif est la seule protection des silos de missiles balistiques intercontinentaux basés dans le Dakota du Nord, à Grand Forks. Aux Etats-Unis comme en URSS, ce sont donc de facto des systèmes limités qui sont installés, situation que le droit vient sanctionner d’abord en 1972 puis en 1974, avec les versions successives du traité ABM (Anti-Ballistic Missile) dont l’objet est d’interdire à chacun des protagonistes de mettre l’ensemble de son territoire à l’abri des missiles de l’autre. Si le système russe autour de Moscou est toujours en place aujourd’hui, aux États-Unis, le système déployé en 1974 est démantelé en janvier 1976, sur ordre du Secrétaire d’État à la défense, Donald Rumsfeld, pour des raisons politiques liées à l’absence de soutien du Congrès, et techniques, le système fonctionnant mal. Ce système mort-né a coûté 22 milliards de dollars (valeur actuelle).

Suit une période de " sommeil paradoxal "1 pendant laquelle les euromissiles prennent le pas sur la défense antimissile. Des recherches se poursuivent néanmoins. C’est à cette époque, et forts de l’expérience de Safeguard, que les Etats-Unis commencent à travailler sur l’interception directe (hit-to-kill), de préférence à l’explosion nucléaire.

L’échec de l’initiative de défense stratégique

La querelle des euromissiles prend fin en 1983. Aux Etats-Unis, " l’Amérique est de retour " et, avec elle, la défense antimissile. Le 23 mars 1983, Ronald Reagan prononce le discours fondateur de l’Initiative de défense stratégique dont l’objet et la nature sont extrêmement ambitieux. Il ne s’agit rien moins que de rendre les armes nucléaires " impuissantes et obsolètes ", en protégeant la population américaine contre une attaque soviétique de grande échelle aux moyens de satellites et de lasers spatiaux formant un véritable bouclier au-dessus du territoire américain. Le surnom de guerre des étoiles donné à ce projet témoigne de son caractère démesuré.

Cependant, un bref regard sur l’histoire de l’IDS laisse apparaître une série de reculs et de révisions constantes, à la baisse, des objectifs assignés au projet. En 1987, l’objectif officiel - soutenir une attaque nucléaire massive - est implicitement infléchi, car reconnu comme irréaliste, et priorité est donnée au renforcement de la dissuasion par la préservation de l’arsenal nucléaire après une première frappe soviétique. En 1991, l’annonce par le Président Bush d’une couche supplémentaire d’intercepteurs dans l’espace ne doit pas tromper ; la vraie évolution réside dans la révision à la baisse du nombre de cibles à intercepter, 200 au total, le projet lui-même étant baptisé Protection globale contre des frappes limitées (GPALS). L’IDS est morte ; 23 milliards de dollars lui ont été alloués.


Source : Assemblée nationale (France) : http://www.assemblee-nationale.fr