En 1998, la défense antimissile revient au premier plan du débat politique américain à travers le projet de NMD, qui vise à intercepter cinq à vingt têtes nucléaires simples, lancés par accident ou sans autorisation par la Russie ou la Chine ou délibérément par une nation hostile, qualifiée de rogue state (état voyou) dans la terminologie officielle, susceptible d’acquérir une double capacité, balistique et nucléaire, dans les années à venir.

Ce retour en force est dû à un faisceau de raisons : budgétaires, les Etats-Unis enregistrant un excédent qui atteint 200 milliards de dollars, ou encore techniques, alors que des systèmes de théâtre sont testés avec succès. Mais le fait déclenchant de cette nouvelle offensive américaine en faveur de la défense antimissile est politique.

Les enjeux politiques de la NMD

A ses débuts, l’administration Clinton était hostile aux projets de défense antimissiles du territoire national, pour des raisons stratégiques notamment. Elle a certes conduit, à partir de 1995, des négociations avec la Russie sur le traité ABM, mais dans un objectif de clarification des dispositions du traité sur la démarcation entre tactique et stratégique. Elle répondait en cela à une exigence légale, à la suite du vote par le Congrès du National Missile Defense Act de 1991, dans la foulée de la guerre du Golfe, qui demande l’accélération des études sur des programmes de défense de théâtre susceptibles de traiter les menaces sur les forces de type Scud, dans le cadre d’opérations extérieures.

En 1994, la victoire des Républicains au Congrès, chauds partisans de la mise en place d’un système national, se traduit par une pression permanente sur l’administration Clinton, qui aboutit, en 1996, à la conclusion d’un compromis informel entre les deux pouvoirs, prévoyant le déploiement d’un système national en 2003. En 1998, cette date est reportée à 2005 suite à un rapport critique de l’ancien chef de l’USAF sur les risques d’un déploiement trop hâtif.

La relance du débat sur la NMD en 1998 est d’abord due à la conjoncture politique intérieure. Deux facteurs conduisent le Président Clinton à se plier aux pressions des Républicains du Congrès, petit à petit rejoints par une majorité de démocrates, et à signer le National Missile Defense Act du 22 juillet 1999 :

 l’affaiblissement de la Présidence suite à l’affaire Lewinski et le renforcement parallèle du Congrès dans l’initiative politique. L’administration démocrate se retrouve face à un Congrès, à majorité républicaine, très réactif et très inventif, qui finance de nombreux instituts de recherche. On remarquera, par exemple, la présence parmi ces instituts du National Institute for Public Policy, dont le Président est l’ambassadeur Henry Cooper, dernier directeur du Strategic Defense Initiative Organisation (SDIO) ;

 la publication, sous l’égide d’une commission parlementaire présidée par Donald Rumsfeld, d’un rapport sur l’évaluation de la menace qui remet totalement en cause les analyses des services de renseignement présentées en 1995. Jusqu’alors, les évaluations combinaient l’analyse technique des moyens avec celle, politico-stratégique, des intentions. La nouvelle approche s’en tient à l’examen des capacités : le mot d’ordre est désormais qu’il faut faire vite face à une menace en progression rapide émanant de la Corée du Nord, de l’Iran et de l’Irak.

Un contexte géostratégique porteur

L’impact du rapport Rumsfeld est décuplé par l’évolution du contexte stratégique en 1998, marqué par l’intervention d’essais successifs de missiles balistiques par plusieurs pays, sans parler des essais nucléaires retentissants effectués par l’Inde et le Pakistan. Le 6 avril 1998, le Pakistan teste le Ghauri ; le 11 avril, c’est au tour de l’Inde de tester le missile Agni II. En juillet intervient un essai iranien. Enfin, le 31 août 1998, la Corée du Nord teste le Taepo Dong I, qualifié par les experts américains de " tir de validation du rapport Rumsfeld ", expression qui en dit long sur le consensus rapide et non remis en cause depuis qui s’est développé autour du rapport Rumsfeld. Aujourd’hui en effet, en dehors de deux petits groupes du Massachussets Institute of Technology (MIT) ou de la Fédération des scientifiques américains (FAS), il n’existe plus de véritable mouvement d’opposition à la NMD.


Source : Assemblée nationale (France) : http://www.assemblee-nationale.fr