Un programme défini en fonction d’une appréciation de l’évolution de la menace balistique

A l’appui de son programme de NMD, l’administration américaine évoque la montée du danger représenté par les " rogue states " tels que la Corée du Nord ou l’Iran qui seraient capables, au cours de la présente décennie, de mettre au point des missiles balistiques intercontinentaux susceptibles de frapper le territoire des Etats-Unis en délivrant des armes de destruction massive, nucléaires, biologiques ou chimiques.

S’agissant de la Corée du Nord, l’administration considère que bien qu’infructueuse, la tentative, le 31 août 1998, de placer un satellite en orbite à partir du tir d’un missile à trois étages Taepo Dong 1, est révélatrice des progrès accomplis par ce pays en matière de missiles à longue portée, notamment en ce qui concerne la séparation des différents étages et les technologies de guidage et de contrôle.

Elle s’appuie sur le rapport du National Intelligence Council réalisé en septembre 1999 selon lequel, transformé en missile balistique intercontinental, le Taepo Dong 1 pourrait délivrer à l’encontre des Etats-Unis une charge militaire légère, insuffisante pour porter une arme nucléaire mais adaptée à une charge radioactive ou chimique de quelques kilogrammes.

Selon le même rapport, le Taepo Dong 2, doté d’une portée de 3 500 à 5 500 km, pourrait être prochainement testé, probablement dans les premiers temps comme lanceur d’un véhicule spatial. Un Taepo Dong 2 à deux étages pourrait atteindre l’Alaska et Hawaï avec une charge de plusieurs centaines de kilogrammes, et la moitié ouest des Etats-Unis avec une charge plus légère. Le même missile, doté de trois étages, pourrait atteindre n’importe quel point des Etats-Unis en portant une charge de plusieurs centaines de kilogrammes, c’est-à-dire potentiellement nucléaire.

L’administration estime que ces capacités pourraient devenir effectives à partir du milieu de la décennie. Elle souligne les moyens dont dispose la Corée du Nord en matière d’armes chimiques et biologiques et considère que l’arrêt des capacités de production actuelles sur le site de Yong Byong depuis 1995 ne garantit pas qu’elle ne pourrait construire une ou deux armes nucléaires à partir de matières extraites précédemment, bien que cette dernière hypothèse n’ait pas été non plus démontrée.

Toujours selon les mêmes analyses de renseignement, l’Iran poursuivrait son programme balistique avec l’aide de technologies nord-coréennes et russes. Après avoir testé le Shahab 3 d’une portée de 1 300 kilomètres, l’Iran pourrait ainsi être dotée, avec le Shahab 4, d’un missile de portée intermédiaire (2 000 km) vers 2002-2004 puis, avec le Shahab 5, d’un missile intercontinental (3 000 à 5 500 km de portée) dans la seconde moitié de la décennie (2005-2008). Le développement de la portée de ces missiles pourrait être envisageable avec une forte assistance étrangère.

Dans l’esprit de l’administration, le développement des capacités de ces deux pays, ainsi que celles de l’Irak ou de la Libye, induit un risque pour l’intégrité du territoire américain, ces Etats risquant d’être moins sensibles au jeu traditionnel de la dissuasion que ne l’était l’Union soviétique et susceptibles de ne pas s’attacher aux dommages qu’ils subiraient en retour s’ils attaquaient les Etats-Unis. Ces derniers pourraient alors faire l’objet d’un chantage, l’éventualité d’une frappe balistique sur leur territoire pouvant par exemple servir de moyen de pression pour stopper leur intervention dans un conflit régional, en Asie ou au Moyen-Orient.

Les capacités de la NMD : une protection du territoire national contre une attaque de quelques dizaines de missiles balistiques

Telle qu’envisagée par l’actuelle administration, la NMD est fondamentalement limitée dans ses capacités, puisqu’il s’agit de stopper une attaque de quelques dizaines de têtes tout au plus lancées par un " rogue state ".

Les capacités du système se situent en effet nettement en dessous de la dimension des arsenaux russe, britannique et français. Tel n’estpas le cas pour l’arsenal intercontinental chinois, doté de 20 têtes nucléaires, mais la NMD n’a pas officiellement vocation à parer une attaque d’une puissance nucléaire reconnue, scénario qui entre dans le cadre du schéma classique de la dissuasion. De même, l’hypothèse d’un tir accidentel d’un missile russe n’est plus officiellement évoquée.

Limitée par le nombre de têtes qu’elle peut intercepter, la NMD se voit néanmoins assigner la protection de la totalité du territoire américain, c’est-à-dire des 50 Etats, Alaska et Hawaï compris, cet objectif impliquant des contraintes spécifiques en matière de localisation des sites de lancement.

EVOLUTION DES PROGRAMMES DE DÉFENSE NATIONALE ANTIMISSILES

Initiative de défense stratégique GPALS NMD
Mission Protection contre une frappe massive de missiles balistiques soviétiques Protection contre un tir limité, accidentel ou non autorisé de missiles Protection contre une frappe très limitée provenant d’un " rogue state "
Ampleur de la menace Plusieurs milliers de têtes 200 têtes Quelques dizaines de têtes
Laser basé dans l’espace Environ 10 Non Non
Intercepteurs basés dans l’espace 4 000 1 000 Non
Intercepteurs basés à terre 1 500 750 1001

(Source : Ballistic Missile Defense Organisation)


Source : Sénat (France) : http://www.senat.fr