En février 2002, le Comité sénatorial permanent de la sécurité nationale et de la défense a déposé un rapport sur le sous-financement sérieux des Forces armées canadiennes et la préparation militaire insuffisante qui en découle. Ce rapport exposait également en détail le manque de sécurité dans les aéroports et les ports de mer du Canada. Nous continuons depuis de mener des études et d’entendre des témoins. Aussi avons-nous décidé de publier maintenant un nouveau rapport sur deux sujets d’actualité qui nous semblent mériter une attention plus soutenue :

La nécessité pour le gouvernement du Canada d’améliorer sans délai le repérage des navires qui approchent ses eaux territoriales et qui se déplacent à l’intérieur de celles-ci.

La nécessité pour le gouvernement du Canada d’agir sans tarder afin de mieux préparer les soldats canadiens à collaborer dans l’action avec les troupes des États-Unis ou de l’OTAN à la défense de l’Amérique du Nord.

NORAD, une exception

Le Comité note que le Commandement de la défense aérospatiale de l’Amérique du Nord (NORAD), partenariat militaire Canada-États-Unis conçu avant tout pour défendre l’espace aérien nord-américain, répond correctement au besoin d’une réaction commune rapide face aux menaces aériennes contre l’Amérique du Nord (p. ex. NORAD a réagi rapidement aux événements du 11 septembre 2001, alors qu’un officier canadien exerçait le commandement ce jour là à Colorado Springs).

Le Comité remarque en revanche qu’il n’existe aucun mécanisme mettant en jeu les deux pays dans le domaine de la défense maritime et terrestre. Est-il nécessaire de prévoir des dispositifs de défense maritime et terrestre aussi profondément intégrés que celui qui est assuré par NORAD dans le domaine aérien ? C’est une question dont il faut débattre.

Nécessité d’une politique nationale

Aux yeux du Comité, toutefois, il est évident que le Canada se doit d’agir sans délai pour améliorer la défense de ses eaux territoriales et que cette opération doit comporter une planification et une coopération concertées avec les États-Unis, voire la capacité de prévoir des mesures conjointes en cas d’urgence.

Il est également concevable que des actions communes s’avèrent nécessaires au sol. Le Canada et les États-Unis devraient s’attacher à donner une instruction conjointe aux troupes terrestres jusqu’au niveau de la brigade inclusivement, une pratique qui a été abandonnée au cours de la dernière décennie pour une série de raisons peu convaincantes. Ce type de formation est impératif, compte tenu de l’ampleur de la menace commune qui pèse sur les deux pays, laquelle a été amplement prouvée par les événements du 11 septembre.

L’intérêt propre du Canada

Les recommandations du Comité se fondent sur l’intérêt propre du Canada. La vision militaire de notre pays doit viser à assurer le meilleur niveau possible de protection et de sécurité à ses 31 millions de citoyens. Les Canadiens savent néanmoins que leur sécurité dépend largement de la sécurité mondiale et notamment de celle de l’Amérique du Nord. Ils ne peuvent pas être à l’abri sur une planète aux abois et sûrement pas sur un continent aux abois.

Certaines recommandations de notre rapport concernent exclusivement la capacité propre du Canada de défendre son territoire, mais d’autres visent le rehaussement de l’actuel niveau de coopération militaire entre notre pays et les États-Unis. Si une telle coopération, dans le cadre de l’engagement global du Canada en faveur de la sécurité collective, constitue l’un des grands piliers de la stratégie de défense canadienne depuis plusieurs décennies maintenant, toute suggestion visant au renforcement des liens militaires soulève invariablement des questions sur l’éventuel affaiblissement de l’intégrité politique du Canada qui pourrait s’ensuivre.

Il faut donc insister sur le fait que les recommandations du présent rapport sont au départ étroitement axées sur les intérêts nationaux du Canada, et non pas sur les souhaits des décideurs de Washington ou d’ailleurs. En tant que membres du Parlement du Canada, nous avons comme principale mission de promouvoir le bien-être des Canadiens et la capacité du gouvernement du Canada de soutenir ces derniers au sein d’une nation forte et indépendante.

Une utilisation efficace des ressources

Les membres de notre Comité sont d’avis que, pour optimiser cette capacité nationale, le gouvernement doit faire un usage intelligent et réfléchi de toutes les ressources qui sont à sa disposition. Cela suppose une utilisation prudente de notre voisinage avec la force militaire de la seule superpuissance mondiale encore existante - un pays avec lequel nous partageons un continent, mais aussi des ennemis communs.

Le lieutenant-général George Macdonald, vice-chef d’état-major des Forces canadiennes, a déclaré au Comité que le Canada et les États-Unis devaient au moins envisager d’étendre aux opérations maritimes et terrestres la coopération qu’ils entretiennent dans le domaine de la défense aérienne au sein du NORAD.

Dans un témoignage subséquent, le lgén Macdonald et Jill Sinclair, sous-ministre adjointe par intérim responsable de la sécurité et des politiques au ministère des Affaires étrangères et du Commerce international, ont affirmé que le gouvernement fédéral ne prévoyait aucun mécanisme comparable à NORAD pour les opérations maritimes ou terrestres. De fait, Mme Sinclair a déclaré au Comité que le gouvernement n’envisageait rien de plus que des mesures de planification et de coordination à cet égard et qu’il pourrait n’apporter aucune amélioration. Les ministères concernés, a-t-elle dit, envisagent au plus des " mesures modestes et pratiques qui pourraient être - ou ne pas être - nécessaires à l’amélioration des capacités existantes ".

Le Comité estime qu’une coordination plus serrée des moyens des deux pays s’impose. En tout cas, nous récusons tout à fait l’idée qu’une coordination continentale plus poussée de la surveillance des côtes et/ou de l’utilisation des troupes au sol pourrait " ne pas être " nécessaire. Ce resserrement est indispensable, et nos recommandations vont dans ce sens.

S’agissant d’une coopération plus large entre le Canada et les États-Unis pour la défense du continent nord-américain, les membres du Comité sont convaincus qu’un élargissement mesuré du partenariat militaire entre le Canada et les États-Unis serait de nature à améliorer le processus consultatif entre les deux pays. Il pourrait bien également réduire les probabilités que les États-Unis entreprennent une action militaire unilatérale pour défendre le continent nord-américain.


Source : Sénat du Canada : http://www.parl.gc.ca