La guerre est finie, mais la bataille pour protéger les enfants d’Iraq est loin d’être gagnée

De graves menaces pèsent encore sur la survie, la santé et le bien-être des jeunes Iraquiens, malgré la fin de la guerre et l’évolution rapide de la situation dans le pays, a affirmé l’UNICEF aujourd’hui.

Selon l’UNICEF, si l’on ne fait pas immédiatement de la protection de ces enfants une priorité nationale, des milliers de jeunes Iraquiens risquent de mourir, et des centaines de milliers d’autres risquent de se blesser, de tomber malades, ou d’être victimes de mauvais traitements et de diverses formes d’exploitation ou encore de prendre du retard à l’école.

« Nous exhortons tant les Iraquiens que les parties en train de modeler la société iraquienne à faire de la protection de la jeunesse leur tâche numéro un, a dit Mme Carol Bellamy, Directrice générale de l’UNICEF. L’avenir de l’Iraq dépend de la santé et du bien-être de ses enfants. Pour le moment, nous ne sommes pas à la hauteur. Ce devrait être une priorité absolue pour nous. Et il ne suffit pas d’en parler, il faut aussi agir. Et franchement, je trouve qu’on n’agit pas suffisamment en faveur des enfants. »

Au lendemain du retour de son personnel international à Bagdad, l’UNICEF a énuméré les multiples dangers qui guettent encore les jeunes Iraquiens, même si la guerre est finie :

* L’insécurité qui règne encore un peu partout dans le pays, ce qui empêche l’aide humanitaire de parvenir avec régularité à toutes les communautés qui en ont besoin. L’insécurité favorise les pillages qui entravent encore davantage les opérations de secours.

* La dégradation considérable du réseau national d’eau potable, ce qui augmente les risques sanitaires, pour les enfants en particulier. On a signalé des flambées de diarrhée, choléra et autres maladies mortelles dans le pays.

* Des quantités indéterminées de munitions non explosées dans les villes iraquiennes ou à proximité de celles-ci. Chaque jour, des enfants en sont victimes.

* Des centres sanitaires et les hôpitaux sous une pression énorme. L’approvisionnement en fournitures médicales de première nécessité est irrégulier et insuffisant et dans beaucoup d’endroits, les blessés et malades n’ont pas accès à des soins adéquats.

* Le fait qu’on n’accorde pas à la réouverture des écoles un rang de priorité suffisamment élevé. Dans ces conditions, les enfants traînent dans la rue où ils sont exposés à de multiples dangers, ce qui aggrave les soucis de parents surmenés.

* La malnutrition, encore fréquente car l’acheminement des vivres n’étant pas encore stabilisé ; plus du quart des enfants de moins de cinq ans souffrent déjà de malnutrition.

* « La guerre est peut-être finie, mais notre travail est loin d’être terminé, a déclaré Mme Bellamy. Des enfants continuent de mourir ou de courir de graves dangers. Il faut faire de la protection de l’enfance un objectif aussi important et aussi urgent que l’était la fin de la guerre. »

Les grandes priorités de l’UNICEF sont la remise en état des services de santé et du réseau de distribution d’eau, ainsi que la réouverture immédiate des écoles. L’UNICEF s’efforce aussi de reprendre les soins aux enfants qui souffrent de malnutrition avancée. Les enfants forment près de la moitié de la population iraquienne, a fait remarquer l’agence.

Enfance et stabilité

Mme Bellamy a affirmé qu’en donnant la priorité aux enfants dans le processus de relèvement du pays, on unit la population, on stabilise le pays et on dégage plus facilement un consensus politique. Les interventions menées en Afghanistan, en Angola et dans d’autres pays en crise ont montré que les populations ayant souffert pendant des années des conflits et luttes sont soucieuses du sort de leurs enfants et se mobilisent pour répondre à leurs besoins.

Lorsqu’on investit rapidement en faveur des enfants - avec des résultats probants— a-t-elle ajouté, l’instauration de la paix et de la stabilité d’après-conflit en est grandement facilitée.

L’école, facteur capital

« Rien n’améliorera autant le bien-être des jeunes Iraquiens, rien ne les protégera mieux que de retourner à l’école », a estimé Mme Bellamy. Elle a fait valoir qu’au niveau local, des initiatives visant à rouvrir les écoles ont été lancées par des collectivités de tout le pays, ce qui reflète bien le fait que les parents ont conscience que leurs enfants sont en danger et ont besoin d’une vie structurée.

« La salle de classe est pour les enfants un lieu sur lequel ils peuvent concentrer leur attention, on y échange des informations vitales, elle empêche les enfants de traîner dans les rues ou de se faire exploiter. Tout ceci aide les parents et leur permet de travailler à leur propre relèvement, a expliqué Mme Bellamy. Pour l’UNICEF il n’y a pas de priorité plus grande et plus évidente que la reprise des cours aussi rapidement que possible et dans le plus grand nombre d’endroits possible. »

L’UNICEF a déjà fourni des centaines d’« Ecoles en boîte » préemballées pour aider les collectivités locales à organiser rapidement la reprise des cours. Le conditionnement de milliers d’ « Ecoles en boîte » supplémentaires est en cours afin qu’elles soient prêtes à l’envoi. Chaque boîte contient le matériel de base nécessaire pour mettre sur pied des salles de classe temporaires, avec du papier et des crayons pour les enfants, des tableaux noirs, des cartables pour les enfants et de l’équipement pédagogique pour les enseignants. Une « Ecole en boîte » permet d’aider 80 enfants.

Perdus dans la masse

« L’Iraq a subi des changements énormes depuis six semaines et des efforts énormes ont été entrepris pour aider le pays et les populations à se relever, a constaté Mme Bellamy. Mais au milieu de toutes ces activités, nous ne restons pas concentrés sur le sort des enfants. Cela doit changer. J’exhorte tous ceux qui participent à la reconstruction de l’Iraq à donner la priorité aux enfants chaque fois qu’une décision doit être prise, chaque fois qu’on entreprend quelque chose, à chaque nouvelle étape vers le progrès. C’est ainsi que l’on mesurera les progrès accomplis. »

De retour à Bagdad

L’arrivée à Bagdad, hier, de son représentant en Iraq, M. Carel de Rooy, marque le retour du personnel international de l’UNICEF dans la capitale depuis l’évacuation finale du 19 mars, avant le début des hostilités.

Le premier geste de M. de Rooy, après un voyage de quatorze heures, a été de saluer les 200 ressortissants iraquiens du personnel de l’UNICEF.

« Pendant la durée des hostilités, ces gens se sont efforcés de maintenir le système de distribution d’eau en bon état et de veiller à l’acheminement de l’aide humanitaire, a-t-il expliqué. Ils l’ont fait en faisant fi de leur propre sécurité, et à l’UNICEF, nous saluons leur courage et leur dévouement. »

Contexte

L’UNICEF aide les enfants d’Iraq depuis 1953 et travaille sans interruption dans le pays depuis 1983. Le personnel national et international compte maintenant plus de 200 personnes dans tout le pays.

Depuis la fin de la guerre, l’UNICEF a fourni des médicaments et du matériel pour des centaines de milliers de gens, livré du matériel pour la distribution d’eau et réparé les installations d’eau et d’assainissement essentielles, acheminé des millions de litres d’eau douce par camion-citerne, aidé à la réouverture des salles de classe en fournissant des « Ecoles en boîte » et livré des biscuits à haute teneur en protéines et autres éléments nutritifs vitaux aux enfants les plus vulnérables.

L’UNICEF a lancé un appel de fonds d’un montant de 166 millions de dollars pour financer ses opérations humanitaires à destination des enfants iraquiens. Il n’a encore reçu qu’un tiers des sommes demandées. Le financement de l’UNICEF se fait exclusivement par le biais de contributions et l’agence compte sur la générosité des particuliers, de fondations, d’entreprises ou de gouvernements pour remplir sa mission.

Source : UNICEF