Accompagnée par l’un des experts internationaux de l’OMS en matière de lutte contre la maladie, je me suis rendue dans un marché de la ville de Al Hadi , appelée « Five Mile City ». Ce que nous y avons vu a confirmé les rumeurs - à savoir que des médicaments se vendaient au marché noir à Bassora. Au milieu des ordures, de la vase et de l’eau stagnante, des femmes vendaient, sur de petites tables, des médicaments en vrac ou à l’unité. A l’une d’elles, nous avons demandé ce qu’elle recommandait contre la diarrhée et elle nous a tendu une boîte de comprimés. Mon collègue a demandé combien il fallait en prendre par jour. Les passants qui nous entouraient se sont mis à rire. Très sérieusement, elle a levé trois doigts pour indiquer trois fois par jour. Ce sont surtout des femmes, pour la plupart ne sachant ni lire ni écrire, qui s’adonnent à ce commerce. C’est ainsi qu’elles gagnent leur vie. Avec l’habitude, elles parviennent à reconnaître les médicaments et à savoir à quoi ils servent.

Nous avons interrogé les autorités sanitaires locales au sujet de ce trafic. Nombre des « traitements » mettent actuellement en danger la vie des gens. Ce commerce remonterait à plusieurs années. « Lorsque nous, médecins, prescrivons des médicaments, les patients veulent savoir exactement comment il faut les prendre. Au lieu d’aller à la pharmacie, ils préfèrent les acheter moins cher, au marché noir. » Sur le marché, en effet, les médicaments sont vendus moitié prix. C’est un commerce prospère à Bassora où les problèmes de santé et la pauvreté sont très répandus. Les médicaments proviennent de sources diverses, des pillages qui ont eu lieu pendant plusieurs semaines, ou des vols commis dans les centres de santé.

Selon un haut fonctionnaire iraqien, les autorités procédaient à des contrôles avant la guerre et confisquaient la marchandise, sans parvenir toutefois à interrompre le trafic. Aujourd’hui, en l’absence de représentants de la police ou des autorités, il n’y a plus de contrôles. Ce phénomène, qui n’est pas inhabituel dans d’autres pays, était rare dans l’Iraq d’avant-guerre.

L’OMS, en liaison avec d’autres organisations de santé, s’emploie à définir les meilleures stratégies pour coordonner la distribution des médicaments. La tâche n’est pas aisée. Des dons de médicaments arrivent à Bassora. Certains sont distribués directement aux centres de santé, sans que les autorités centrales soient informées. Le message des autorités - et de l’OMS - est clair : « les dons sont les bienvenus, à condition qu’ils soient livrés directement aux entrepôts centraux ; sinon, il faut informer les autorités, au moins de la quantité des médicaments et de leur destination finale. » Si la distribution est coordonnée et centralisée, elle peut répondre aux besoins des centres et des hôpitaux. En travaillant tous ensemble, nous éviterons ainsi que certains centres soient approvisionnés tandis que d’autres, loin des zones urbaines, manquent de tout.

Source : OMS