Washington - Je suis rentré récemment de Bagdad, où j’ai eu l’occasion
de parler aux troupes qui ont libéré l’Irak. Bravant les escadrons de
la mort et les tempêtes de sable, elles ont couvert des centaines de
kilomètres pour arriver aux portes de Bagdad en moins de quinze jours
et ont renversé le régime de Saddam Hussein en moins d’un mois. C’est
là un accomplissement remarquable.
Mais il est une autre chose tout aussi remarquable que les
accomplissements des troupes : c’est tout ce qui n’est pas arrivé. Du
fait de la vitesse d’exécution du plan de guerre, le régime n’a pas
attaqué ses voisins au moyen de ses missiles ; la vaste majorité des
champs de pétrole irakiens n’ont pas été détruits et il n’y a pas eu
de catastrophe écologique ; le contrôle des principaux ponts, routes
et voies ferrées a été assuré ; les barrages n’ont pas été endommagés
; les villages n’ont pas été inondés ; l’infrastructure du pays est
essentiellement intacte ; il n’y a pas eu d’exode massif de réfugiés
traversant les frontières à destination des pays voisins ; et les
forces de la coalition ont pris grand soin de protéger les civils
innocents ainsi que les lieux saints importants.
Ces accomplissements établissent une fondation solide sur laquelle la
paix pourra s’appuyer. Contrairement à l’Europe à la fin de la
Deuxième Guerre mondiale, le peuple irakien n’aura pas, pour
l’essentiel, de travaux de reconstruction à entreprendre, si ce ne
sont ceux de la reconstruction de la nation et de la société après des
décennies de dictature.
Il y a toujours, certes, des difficultés en Irak : crime, inflation,
pénuries d’essence, chômage. Mais la présence de ces difficultés n’a
rien qui doive surprendre : aucune nation qui prend le chemin qui mène
d’un régime tyrannique à une société libre n’est à l’abri des
difficultés et des défis liés à cette transition - pas même la nôtre.
En effet, les années qui ont suivi notre guerre d’indépendance ont été
marquées dans une mesure appréciable par le chaos et le désordre. Il y
a eu des soulèvements tels que la révolte de Shays où des foules
d’émeutiers ont attaqué les palais de justice et les bâtiments
administratifs. Il y a eu une inflation galopante due au manque de
stabilité de la monnaie et à la concurrence du papier-monnaie entre
les divers Etats. Il y a eu des tensions régionales entre la
Nouvelle-Angleterre commerçante et le Sud agraire. Il y a eu des
pillages et des crimes et l’absence marquée de force de police
organisée. Il y a eu des partisans de l’ancien régime sur le sort
desquels il a fallu statuer. Nos premiers efforts visant à nous doter
d’une charte pour nous gouverner, les "Articles de la Confédération",
se sont soldés par un parfait échec et il a fallu huit ans d’âpres
débats pour que nous adoptions notre Constitution et que nous
installions notre premier président. Et contrairement au peuple
irakien, nous n’avions pas à faire face aux difficultés
supplémentaires d’un relèvement des traumatismes de décennies d’une
dictature brutale telle que celle de Saddam Hussein.
Voici où je veux en venir : sept semaines, pas plus, se sont écoulées
depuis la libération de l’Irak, et les défis sont là. Comme l’a dit
Thomas Jefferson, "nous ne devons pas nous attendre à passer du
despotisme à la liberté dans un lit de plumes". Il y a fallu du temps
et de la patience, mais nos ancêtres fondateurs ont fini par bien
faire les choses, et nous espérons que le peuple irakien en fera de
même, à terme.
Nous avons tout intérêt à le voir réussir. Car si l’Irak, avec ses
dimensions, ses capacités et ses ressources, s’avérait capable de
prendre le chemin de la démocratie représentative, cela pourrait avoir
dans la région et dans le monde un impact considérable. L’Irak
pourrait devenir un modèle, une preuve qu’un Etat musulman modéré peut
réussir dans la lutte contre l’extrémisme qui se livre aujourd’hui
dans le monde musulman.
Nous sommes déterminés à aider le peuple irakien à s’orienter sur la
voie d’une société libre. Nous ne parlons par d’un "modèle" américain
que nous voudrions imposer : les Irakiens détermineront comment ils
peuvent bâtir une nation libre selon des modalités qui reflètent la
spécificité de leur culture et de leurs traditions.
Le président Bush a exposé certains grands principes, conditions
essentielles du succès de la transition irakienne par laquelle le pays
sortira de la tyrannie : que l’Irak soit un seul pays, qui n’appuie
pas les terroristes, qui ne menace pas ses voisins ou le monde au
moyen d’armes de destruction massive, qui n’opprime pas sa population
diverse par la terreur et la répression, qui soit doté d’un
gouvernement qui respecte et protège les minorités, et qui offre à sa
population des débouchés, grâce à une économie de marché, et la
justice, grâce à un pouvoir judiciaire indépendant et à la primauté du
droit.
Ce sont là les principes fondamentaux qui soutiennent la communauté
des pays libres du monde dans toute sa diversité. La coalition
recherchera les Irakiens qui croient en ces principes et qui
souhaitent jouer un rôle dans l’avenir de leur nation ; elle fera
opposition à ceux qui sont opposés à ces principes et qui aspirent à
remplacer la dictature de Saddam Hussein par une autre forme de
tyrannie.
Voici certaines des lignes directrices appliquées par notre coalition
dans les efforts qu’elle déploie pour aider les Irakiens à bâtir une
société libre :
– Affirmer l’autorité. Notre but est de remettre l’autorité
fonctionnelle et politique entre les mains des Irakiens dès que
possible. L’Autorité provisoire de la coalition a la responsabilité de
combler le vide du pouvoir laissé dans un pays qui a connu des
décennies de dictature, en affirmant son pouvoir sur le pays. Elle le
fera. Elle ne tolérera pas les "dirigeants" autoproclamés.
– Assurer la sécurité. Au nombre des objectifs immédiats figurent le
rétablissement de l’ordre pour le peuple irakien et la fourniture des
services essentiels. La coalition recrute et forme une force de police
irakienne ; elle est prête à faire usage de la force pour imposer
l’ordre selon qu’il sera nécessaire car, sans ordre, il ne sera pas
possible de faire grand-chose.
– Volonté de rester, volonté de partir. La coalition maintiendra en
Irak toutes les forces de sécurité nécessaires, aussi longtemps que
cela sera nécessaire pour atteindre les objectifs fixés et pas plus
longtemps. Déjà, 39 nations ont offert de mettre à disposition des
forces de stabilisation et d’autres formes d’assistance pour l’effort
d’après-guerre et ce nombre ne fait que croître. Ensemble, les pays de
la coalition s’emploieront à instaurer la sécurité, de manière à ce
que les Irakiens puissent, à terme, assumer la direction de leur pays.
– Améliorer la situation et y associer les Irakiens. La coalition
déploie de vigoureux efforts pour améliorer la situation du peuple
irakien. Déjà, les services d’alimentation en électricité dans le Nord
et le Sud sont meilleurs aujourd’hui qu’ils ne l’étaient au cours des
12 années écoulées et la situation de Bagdad dans ce domaine
s’améliore, bien que lentement. La coalition s’emploie à réaliser des
progrès rapides et visibles pour ce qui a trait aux autres services
publics essentiels. Elle veillera à associer le peuple irakien à ces
initiatives dès qu’il sera possible et à confier aux Irakiens un rôle
directeur dans l’effort de reconstruction, car c’est à eux qu’il
appartient de façonner l’avenir de leur pays.
– Promotion des Irakiens qui souscrivent aux objectifs d’un Irak libre
et modéré. Dans la dotation des ministères en personnel et la mise en
poste de fonctionnaires locaux de manière à accroître leur influence,
la coalition s’attachera à obtenir dès que possible l’appui des
Irakiens, pour que des voix irakiennes puissent expliquer les
objectifs et les orientations au peuple irakien. Ce n’est que si des
Irakiens participent à la communication d’explications à leurs
compatriotes et en soient chargés qu’il sera possible d’obtenir le
large soutien du public qui est une condition essentielle de la
sécurité.
– Dé-baasification. La coalition oeuvrera avec les Irakiens
progressistes et s’opposera activement aux agents de l’ancien régime,
les dirigeants du parti Baas, les Fedayine de Saddam Hussein et autres
instruments de répression, et manifestera clairement sa détermination
d’éliminer tous les vestiges du régime de Saddam Hussein.
– Justice pour les criminels. Les gens qui ont commis des crimes de
guerre ou des crimes contre l’humanité seront poursuivis et traduits
en justice. Des mécanismes seront institués pour détenir et repérer
les membres des organisations exécutrices des activités de répression
du régime en vue de leur comparution. La dé-baasification sera
peut-être cause de certaines inefficacités, mais elle est essentielle
pour éradiquer la peur omniprésente dans la société irakienne.
– Réparation du tissu social. L’Irak devra trouver les moyens de
guérir les blessures infligées à la société par les Baasistes. Ce
processus pourrait bénéficier de l’expérience de l’Europe de l’Est et
d’autres pays.
– Revendications sur la propriété. Des mécanismes seront établis pour
connaître des revendications en matière de propriété et pour statuer
de manière pacifique.
– Appui de l’économie de marché. Les décisions favoriseront
l’instauration de systèmes de marché, et non pas une économie
contrôlée de type stalinien, et la mise en oeuvre d’activités qui
diversifieront l’économie irakienne au-delà du secteur pétrolier. La
coalition encouragera les initiatives de privatisation des entreprises
d’Etat.
– Pétrole. L’Autorité provisoire de la coalition formulera pour
l’industrie pétrolière irakienne un plan caractérisé par la
transparence. Les avoirs pétroliers de l’Irak seront utilisés et
commercialisés pour le bénéfice du peuple irakien.
– Contrats favorisant le relèvement de l’Irak. Dans toute la mesure
possible, les marchés relatifs aux travaux à effectuer en Irak seront
adjugés à ceux qui emploieront des travailleurs irakiens et aux pays
qui ont appuyé la libération du peuple irakien, de manière à
contribuer à un accroissement de l’activité économique régionale et à
accélérer le relèvement économique de l’Irak et de la région.
– Communauté internationale. Les interventions des autres pays et des
organisations internationales, notamment des Nations unies et des
organisations non gouvernementales, en faveur de l’Irak seront les
bienvenues. Ces acteurs peuvent jouer un rôle important et l’Autorité
provisoire de la Coalition oeuvrera avec eux de manière à maintenir la
concentration des efforts.
– Voisins de l’Irak : assistance sans ingérence. L’assistance des
voisins de l’Irak sera la bienvenue. Inversement, l’ingérence des
voisins de l’Irak ou de leurs mandataires dans les affaires de l’Irak,
notamment de ceux qui vise à refaire l’Irak à l’image de l’Iran, ne
sera ni acceptée ni autorisée.
– Sources de fonds prioritaires. Les Etats-Unis joueront leur rôle
dans l’aide au peuple irakien, mais ils ne sauraient être considérés
comme la seule et unique source de fonds. Le peuple américain a déjà
consenti un investissement significatif pour libérer l’Irak et il est
disposé à participer aux efforts de reconstruction. Mais lorsque des
ressources financières seront nécessaires, avant de faire appel aux
contribuables américains, la coalition se tournera d’abord vers les
fonds du régime irakien se trouvant en Irak, les fonds du programme
"pétrole contre nourriture" des Nations unies, les avoirs du régime
irakien gelés aux Etats-Unis et dans d’autres pays et les donateurs
internationaux du monde entier dont beaucoup apportent déjà leur aide.
– Tâtonnements et expérimentation. La transition qui mène à la
démocratie sera longue et n’ira pas toujours sans heurts. En Europe
centrale et orientale, cette transition met du temps, mais elle
réussit. Les tâtonnements et l’expérimentation y auront leur part. Le
processus ne sera pas parfait. Des changements de cap seront
nécessaires et il faut s’y attendre. L’entreprise exigera, pour
réussir, de la patience de la part de toutes les parties concernées.
– Patience et respect de la spécificité irakienne. Le résultat
politique ultime doit procéder de la décision du peuple irakien, dans
le cadre des grands principes de la primauté du droit, du respect des
droits des minorités, de la liberté individuelle et de la démocratie
représentative. Il ne faut pas s’attendre à ce que le système irakien
issu de ces efforts reproduise un autre système quel qu’il soit.
Les Irakiens ont devant eux une occasion historique de bâtir une
société civile libre. La route sera dure mais la coalition est
déterminée à les aider à réussir. Une fois que les Irakiens auront
pris le contrôle de leur pays, élaboré les institutions de gouvernance
autonomes et repris leur place en tant que membres responsables de la
communauté internationale, le monde disposera d’un nouveau modèle de
transition de la tyrannie à l’autosuffisance et d’un nouvel allié dans
la guerre mondiale contre la terreur et dans la lutte pour la liberté
et la modération dans le monde musulman.
Source : département états-unien de la Défense
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