La présidente rappelle le protocole de publicité des travaux de la commission d’enquête et fait prêter serment à M. Hovnanian.

Mme Nelly OLIN, Présidente. - Je vais vous laisser faire votre exposé qui durera, comme vous l’avez dit, douze à treize minutes, après quoi le rapporteur vous posera des questions, de même que les sénateurs qui sont autour de moi, auxquelles nous vous demanderons d’avoir la gentillesse de répondre.

M. HOVNANIAN. - Je vous remercie, madame la Présidente.

En 1950, des étudiants de Californie de familles aisées rêvaient du retour à la vie primitive. Ils ont fait l’erreur de croire avoir trouvé un recours dans les paradis artificiels avec le cannabis, puis, par l’escalade classique, par le recours à l’héroïne et à la cocaïne, avec pour résultat l’esclavage pour une partie d’entre eux.

Des facultés de Californie, cette mode conviviale et festive, dans ses débuts, s’est propagée aux Etats-Unis et a été ramenée en Europe, donc en France, par les fils de familles riches qui poursuivaient leurs études en Amérique à partir des années 60. Je dis cela pour bien montrer que, contrairement à ce qu’on dit, ce n’est pas une maladie de la pauvreté mais que c’est parti des classes aisées.

Mai 68, par le grand brassage de la jeunesse, a eu hélas aussi comme résultats la démocratisation de l’usage du cannabis et des drogues et leur entrée dans les lycées.

La deuxième erreur a été celle des psychiatres, qui est plus lourde de conséquences. Avec l’usage des drogues, certains jeunes présentaient des troubles du comportement, un mal-être, une souffrance, une désinsertion familiale et sociale. Les premiers psychiatres qui ont eu à traiter ces patients et qui découvraient par là même la toxicomanie des jeunes ont cru que ces symptômes étaient en fait les raisons qui les avaient poussés à user de drogues.

Or la clinique et la science nous ont confirmé depuis qu’ils étaient consécutifs à l’usage des drogues dans 90 % des cas. Ils ont donc, suite à cette erreur, occulté le rôle du produit. Ils ont cherché à traiter des symptômes sans penser à en supprimer la cause, c’est-à-dire le sevrage et l’abstinence. Ils se sont condamnés ainsi à échouer et ont entraîné dans l’erreur des milliers d’intervenants en toxicomanie. Ils ont aussi, en chemin, condamné pour partie la lutte contre la drogue à l’inefficacité.

J’ai pour ma part traité un millier de toxicomanes dans mon cabinet, du temps où j’exerçais, et dialogué, pour les étudier, avec près de 5 000 d’entre eux.

Depuis ces vingt dernières années, il faut distinguer deux grandes catégories d’usagers de drogues.

La première est la toxicomanie des jeunes, celle qui nous préoccupe le plus.

Aujourd’hui, ils ont commencé vers 11 à 14 ans pour voir, pour faire comme les autres. C’était une drogue douce, donc sans danger. Ils ont rigolé avec les copains.

Un tiers d’entre eux ont eu envie de retrouver ce plaisir festif et convivial qu’on leur a fait découvrir, mais personne ne les a prévenus que c’était la drogue piège qui, en quelques années, allait mener 6 % d’entre eux à l’échec scolaire, àl’esclavage au produit et à l’exclusion sociale. Ce sont pour nous des victimes innocentes d’une société dans l’erreur.

La deuxième catégorie est celle de la toxicomanie des adultes.

En revanche, ce sont les adultes qui recherchent la drogue : ils utilisent la cocaïne, les amphétamines ou l’alcool pour être performants 24 heures sur 24 et le cannabis pour soulager leur stress. C’est l’équivalent du dopage des athlètes de haut niveau. On les voit dans les milieux du show-business, de la télévision, des médias, chez les cadres de la vie économique et des professions libérales et, parfois aussi, chez les politiques. Quelquefois, l’un d’entre eux meurt subitement. S’il est connu, la presse dit : "Son coeur a lâché".

Deux lobbies jouent un grand rôle pour des raisons différentes mais avec un résultat semblable : la banalisation des drogues. En termes marxistes, j’appellerai cela "des alliés objectifs".

Le premier est le lobby idéologique, héritier de mai 68 : "il est interdit d’interdire" ou "il n’y a pas de mal à se faire du bien". L’appel du "18 joint 1976" (on a la résistance qu’on peut) est son acte fondateur. Il prône la libéralisation du cannabis drogue douce. Par des amitiés croisées, il a une grande audience dans la presse et influence même certains ministères.

Le deuxième est le lobby des trafiquants, plus discret mais fort de la puissance de l’argent : 500 milliards de dollars de chiffre d’affaires (estimation de 1995), qui utilise des spécialistes du marketing pour faire des campagnes de promotion à gros budget.

A cet égard, je citerai deux exemples :

 les effets thérapeutiques du cannabis (je vous laisserai une note du professeur Lechat, ex-président de l’Académie nationale de médecine, sur ce point) ;

 le cannabis, outil économique du XXIème siècle, créateur de 600 000 emplois dans l’année, à condition de lever l’interdit de la loi de 1970, publicité qui paraît à date régulière dans tous les journaux et revues de France et de Navarre, comme lorsqu’on sort un film ou qu’on lance un nouveau produit.. Il s’agit d’une publicité mensongère s’il en est, puisque la culture du chanvre textile n’a jamais été interdite étant donné qu’elle est à faible teneur de cannabinol. Cela étant, aucun journal ne l’a relevé.

J’en viens à la loi de décembre 1970, fondement de notre politique.

Lors de la discussion de cette loi, les lobbies n’étaient pas encore organisés et l’erreur des psychiatres n’était pas encore devenue la pensée unique dominante. Les parlementaires ont pu voter en toute sérénité une loi équilibrée et bonne, contrairement à ce que tout le monde en dit (ils n’ont pas dû la lire), compte tenu de nos connaissances du problème à l’époque et de l’absence de comparaison avec d’autres pays.

Sa première partie est d’ordre sanitaire : aide et soins gratuits, injonction thérapeutique, qui est une bonne mesure d’assistance à personne en danger, et proposition de soins à la place de peines de prison.

Dans une deuxième partie, elle prévoit des mesures répressives contre les trafiquants et des sanctions pour les auteurs d’incitation à usage par l’article L 630.

Il n’y avait qu’un oubli : la prévention. Cet oubli a été réparé en 1972 par une excellente circulaire, que j’ai à votre disposition, de M. Marcellin, ministre de l’intérieur. Elle a été vite remise au placard à partir du cliché : "De quoi se mêle le premier flic de France ? Qu’il se cantonne à son rôle répressif !"

L’application de cette loi s’est très vite heurtée à la pensée unique dominante relayée par les lobbies.

En 1978, une circulaire Peyrefitte, ministre de la justice, a conseillé aux procureurs de ne faire qu’une simple admonestation aux usagers de cannabis. Il a ainsi dépénalisé de fait le cannabis. Il a eu raison, à mon avis, de supprimer la peine de prison pour obtenir le sevrage, car il y a en effet de meilleurs moyens offerts par des prises en charge dans des structures éducatives d’accueil protégées, à condition de les créer.

L’erreur de la circulaire Peyrefitte a été de supprimer une sanction sans proposer des mesures de remplacement. Elle a ainsi renforcé l’image du cannabis drogue douce.

Je vous donne maintenant quelques exemples de carence d’application de la loi.

Il faut trois à six mois pour trouver une place d’accueil en sevrage et cure de préparation à la réinsertion.

Il n’y a aucune structure pour accueillir les jeunes en situation à risque du fait du cannabis puisque, pour le ministère de la santé, ce produit est sans grand danger. Vous pouvez interroger les familles touchées à ce sujet.

L’injonction thérapeutique au sevrage, qui est une excellente mesure, est rarement utilisée par les magistrats, soit faute d’y croire, du fait des experts, soit faute d’en avoir les moyens. Dorénavant, elle se résume aux produits de substitution qui ne sont justifiés, et encore, que pour les héroïnomanes.

Le décret de mise en vente du Subutex, sur ordonnance du 1er janvier 1996, était assorti de trois conditions : la formation préalable de 2 000 médecins, la prescription pour une semaine et un suivi psychosocial avec contrôle du respect du traitement. Parce qu’elles ne sont pas respectées (ce sont en effet les visiteurs médicaux du laboratoire qui fabrique le Subutex qui dispense l’information des médecins ; je vous laisse à penser ce qu’ils disent), cela a entraîné deux dérives : la création d’un marché parallèle de Subutex et la prise en injection intraveineuse alors qu’il doit être pris oralement, sans compter les morts par overdose de Subutex.

Depuis 1988, confrontés à l’échec thérapeutique de la toxicomanie, à l’épidémie mortelle de sida, à la crise économique et au chômage des jeunes, les spécialistes et, à leur suite, les pouvoirs publics ont baissé les bras. Unappel "limitons la casse" a fondé la politique de limitation des risques. On ne lutte plus contre la drogue ; on se contente de gérer la toxicomanie et de limiter les risques au prétexte d’être pragmatique (vous pouvez trouver la preuve de ce que je dis dans tous les opuscules officiels qui sont sortis ou même dans tous les discours), ce qui explique l’augmentation régulière du nombre des usagers et des victimes esclaves de la drogue et l’abaissement de l’âge d’initiation, ce qui est très grave. Maintenant, c’est entre 11 et 14 ans que l’on commence.

L’exemple le plus navrant est celui de la carence de l’Education nationale en matière de prévention. Il a fallu attendre octobre 1990 pour que sorte une excellente circulaire signée de M. Jospin, ministre de l’Education nationale, qui s’est soldée par un échec confirmé par un rapport de l’inspection générale en 1995.

Pour y remédier, une circulaire Allègre du 1er juillet 1998 a créé les Comités d’éducation à la santé et à la citoyenneté. Pour les mêmes raisons, l’absence d’un message ferme sur les dangers des produits et de formation d’animateurs de prévention, la nouvelle circulaire est aussi condamnée à l’échec.

Seule réponse indirecte à notre critique, l’administration de l’Education nationale et la MILDT se sont prévalues au printemps 2002 de l’existence de comités dans 73 % des collèges et des lycées. Je vous laisse le soin de faire votre enquête ; vous serez édifiés. La majorité d’entre eux n’existent que sur les statistiques ministérielles (je suis prêt à aller avec vous pour le vérifier : vous le verrez dans vos départements) et les comités actifs se contentent d’actions ponctuelles. Alors que nos enfants sont inondés au quotidien, on n’arrête pas une inondation en plantant un pieu ici ou là.

En ce qui concerne ces cinq dernières années où, pour la première fois, la MILDT a eu la même présidente, soit unecontinuité, je peux seulement dire que ce fut pire qu’avant puisque M. Kouchner a installé "une pyromane pour éteindre le feu" (je peux vous le préciser car j’en ai les éléments), en étant ainsi fidèle à son appel du "18 joint".

Dans cette politique de lutte contre la drogue, j’ai aussi regretté le manque de zèle de certains magistrats dans l’application des textes. Une juge d’instruction qui était manifestement passionnée par sa mission et que j’ai interrogée m’a demandée de ne pas y voir de réserve vis-à-vis de la loi mais la surcharge de travail et le manque de moyens pour y faire face.

Deux services ont fait des efforts pour appliquer la loi : la police et la gendarmerie nationale. Peut-être par esprit de discipline républicaine, ils ont même été au-delà de leur mission.

C’est ainsi que le commissaire divisionnaire Michel Bouchet, patron de la Mission de lutte contre la drogue au ministère de l’intérieur, a créé un excellent corps de policiers formateurs de prévention.

De même, l’Ecole nationale de gendarmerie de Fontainebleau, de son côté, a formé depuis dix ans chaque année 60 gendarmes Formateurs relais anti-drogue (FRAD). Pour ma part, j’ai eu l’honneur d’y enseigner pendant cinq ans, jusqu’en 2000.

Les interventions des policiers et des gendarmes (je peux vous l’affirmer pour aller au mois quarante ou cinquante fois par an dans les collèges sur une journée entière) sont très appréciées dans les collèges et les lycées. Pour ma part, j’en invite souvent à mes séances de prévention. Cela a l’intérêt supplémentaire de faire comprendre aux jeunes que les gendarmes et les policiers sont là aussi pour les protéger.

En conclusion, à mon avis, à condition de tirer les leçons de ces carences et des erreurs passées que je vous ai rapidement énumérées, nous pouvons encore faire ce qui n’a pas été fait. Il suffirait d’une volonté politique à l’égal de celle exprimée par Ingvar Carlsson, Premier ministre de Suède, qui, dans son appel aux Européens du 25 juin 1995, a dit : "Nous ne capitulerons pas devant la drogue. Ce n’est pas une donnée indispensable de notre société. L’usage du cannabis présente trop de menaces pour l’avenir et la dignité des jeunes. Notre rôle est de les en protéger".

J’ai confiance dans la volonté exprimée par le Sénat en créant votre commission d’enquête parlementaire et dans le pouvoir de votre rapport pour provoquer une prise de conscience des pouvoirs publics et pour amorcer un sursaut national pour se libérer de l’esprit de démission. L’avenir de trop d’adolescents est en cause. Ils ont aussi le droit de vivre libres et heureux sans drogue.

Mon expérience sur le terrain peut vous assurer que vous aurez l’appui des familles, heureuses que l’on s’occupe enfin sérieusement de sauver leurs enfants. Il faut pour cela tirer la leçon des erreurs et des carences du passé, cesser de subir la pensée unique dominante de l’approche psychiatrique de la toxicomanie, qui a fait la preuve depuis trente ans de son incapacité à apporter la solution au traitement de la toxicomanie.

La psychiatrie, certes, a apporté beaucoup à la médecine, mais elle ne peut rien apporter aux conséquences d’un produit stupéfiant. La prévention et le traitement des toxicomanes relèvent en premier lieu, pour le médecin que je suis, de bons éducateurs ayant une formation à la psychologie des adolescents et des toxicomanes.

Le recours aux psychiatres et aux médecins n’est utile qu’en cas de besoin et à la vacation. Cela suffit.

Que les ministres écoutent enfin ceux qui, depuis vingt ans, comme le CNID (nous avons été créés en 1979 par le professeur Lépine, membre de l’Institut et le professeur Lechat, de l’Académie de médecine), annoncent la catastrophe en cours. Actuellement, d’après nos estimations (nous n’avons pas les moyens de faire des études épidémiologiques complètes mais nos contacts nous permettent de faire des estimations), 42 000 jeunes de 15 à 18 ans ont chaque année leur avenir gâché, soit par une mort sociale, parce qu’ils sont devenus esclaves des drogues, soit par mort subite suite à la maladie, aux suicides ou aux accidents de la route.

Pour vous fixer les idées, sachez qu’en 1980, au lieu de 42 000, il devait y avoir 10 000 jeunes dans ce cas. Cela fait quatre fois plus en vingt ans.

Demain, des familles, comme dans le scandale du sang contaminé, pourront demander des comptes devant la justice aux ministres et autres responsables qui ont trompé les jeunes en leur laissant croire que le cannabis était moins dangereux que le tabac. Ils ne pourront même pas répondre : "Je ne savais pas, les médecins ne nous avaient pas prévenus ; responsables mais pas coupables". Alors qu’ils avaient tous les avis voulus, ils n’ont pas voulu les entendre. Nous en avons la preuve depuis vingt ans, ne serait-ce que par le courrier que nous leur avons adressé et les lettres d’information que nous avons publiées.

Aujourd’hui encore, une politique nouvelle en trois volets (prévention, traitement et répression) menée conjointement avec la même détermination peut, en deux à trois ans, renverser la tendance et, en quinze ans, en obtenir une régression significative.

Voilà, madame la Présidente, l’exposé liminaire que je voulais faire. J’espère ne pas avoir été trop long.

Mme la Présidente. - Pas du tout. Vous n’avez pas vu de notre part de signe d’impatience. Je vous remercie de votre exposé et je donne la parole à M. le Rapporteur.

M. Bernard PLASAIT, Rapporteur. - Docteur, je vous poserai une première question qui concerne une chose que vous avez dite au début de votre propos liminaire et que je n’ai pas complètement saisie. Vous avez commencé à évoquer la typologie des consommateurs et je voudrais donc que vous m’en disiez un peu plus et que vous précisiez, comme j’ai cru le comprendre dans votre propos, les causes de la toxicomanie en insistant sur le fait que le produit a autant d’importance que la motivation. Je souhaiterais que vous m’éclairiez sur votre point de vue.

M. HOVNANIAN. - En fait, ce sont les enfants qui m’ont tout appris, car je n’ai pas appris cela en faculté, comme tous mes collègues d’ailleurs. Il faut écouter les enfants raconter que, la première fois, ils sont à quatre, cinq ou six copains de 11, 12 ou 13 ans (il y a une quinzaine d’années, ils faisaient cela entre 15 et 20 ans), âge de la fragilité, qu’un copain sort un joint, l’allume, en tire une ou deux "taffes", le passe alors au suivant et que personne ne leur a dit alors : "attention, danger". Comme ils sont curieux, comme pour la première cigarette ou le premier verre d’alcool,ils veulent voir et ils font comme les autres. De plus, il y a le regard des copains : ils ont peur qu’on se moque d’eux.

Ils tirent donc une "taffe" ou deux et c’est alors qu’intervient le rôle du produit. J’entends des gens dire : "On ne sait pas", alors que les effets ont été décrits en 1840 par le professeur Moreau de Tours, un psychiatre qui a fait l’essai sur lui à l’exemple des clubs haschischins des romantiques. Il a tout décrit.

C’est alors que ces gosses de 12 ou 13 ans se sentent la parole facile et connaissent une certaine euphorie, un peu comme certains d’entre vous l’ont ressentie avec le premier verre d’alcool. Garçons ou filles, ils peuvent parler facilement, tout le monde rigole et la vie est belle.

Quelques jours après, ils ont envie de recommencer. Chose curieuse, contrairement aux statistiques officielles qui parlent de 60 %, ce sont pour nous 80 % des jeunes qui ont essayé un joint ou deux avant 18 ans.

Cela dit, miracle de la nature humaine, sur ces 80 %, 56 % vont s’arrêter d’eux-mêmes, nonobstant la carence de prévention et de soutien des adultes, quelques uns ayant été informés, mais ce n’est qu’une minorité. Malheureusement, il en reste 26 % qui vont continuer. Pourquoi ? D’abord pour retrouver ce plaisir convivial entre copains.

Ensuite, on en prend l’habitude et le propre des produits stupéfiants, c’est ce qu’on appelle la tolérance, c’est-à-dire que plus vous en prenez, moins l’effet est fort et donc que, pour ressentir le même effet, il faut en prendre de plus en plus.

De plus, ils ont 13 ou 14 ans, l’âge des problèmes existentiels et des problèmes avec la famille ou avec l’école, et ils se rendent compte que, pendant qu’ils fument, ils oublient leurs problèmes pendant deux, trois ou quatre heures. Ils y trouvent donc une raison. Ces raisons ne sont donc pas la cause première mais la cause aggravante, la cause initiale étant le produit et la guérison ne pouvant venir que de la cessation de l’usage du produit. Il est possible qu’un jour, on découvre une formule pharmacologique qui permettra de faire cesser la dépendance, mais il n’y en a pas à ce jour. Or c’est la dépendance qui pousse à continuer à en prendre.

Ensuite, l’enfant oublie et c’est la fuite en avant. Progressivement, les contraintes de la dépendance s’installent et le cannabis (M. Nordmann a dû vous en parler tout à l’heure), progressivement, diminue les facultés intellectuelles et les facultés de mémoire, ce qui entraîne l’échec scolaire, une désocialisation et une perte d’intérêt à tout.

Par conséquent, les raisons psychiatriques ne sont pas la cause mais la conséquence, et si je dis cela, c’est parce que nous avons guéri un certain nombre d’enfants qui ne sont plus les mêmes ensuite, de même qu’avant, ils n’étaient pas comme cela. C’est pendant la durée de leur dépendance, pour 90 % d’entre eux, qu’ils sont dans cet état.

Il faut donc d’abord s’attacher au cas général et, ensuite, apporter des réponses particulières aux cas particuliers.

Lorsque je fais des réunions dans les lycées, classe par classe (il ne s’agit pas de conférences mais de dialogues interactifs), j’ai toujours un ou deux gamins qui viennent me voir à la fin en me disant : "Je fume un joint ou deux par semaine, est-ce dangereux ?" Je lui réponds alors que, pour parler franchement, je n’en sais rien parce que, de même que devant le tabac, l’alcool ou tout produit, nous avons des vulnérabilités personnelles.

Cela ne dépend pas forcément uniquement du fait qu’il est malheureux chez lui. Le produit n’agira pas de la même façon, pour l’un ou pour l’autre, sur ses neurones et ses récepteurs cérébraux. Dans l’état actuel des choses, en tant que médecins, nous n’avons aucun moyen de détecter par avance ceux qui vont devenir dépendants et esclaves de la drogue, des épaves malheureuses et ceux qui vont résister. Nous n’en savons rien. Nous ne disposons pour le moment d’aucun test, qu’il soit chimique, relatif à l’imagerie médicale ou d’ordre neuroélectrique.

Je leur réponds donc ceci : "Mon pauvre gosse, tu joues à la roulette russe : ce n’est que lorsque tu auras tiré que tu sauras si tu tombes ou non. Tu ne le sauras que trop tard, quand tu seras dépendant".

En revanche, vous en avez en effet 5 à 6 % qui vont continuer sans rien avoir, de même que des buveurs excessifs ne meurent pas cirrhotiques ou en delirium tremens ou que, sur les dizaines de millions de fumeurs de tabac, tous ne meurent pas d’un cancer. Je leur dis par conséquent : "ce n’est pas parce que ton copain ou le frère de ton copain a 25 ans et est en faculté que tu pourras y aller. Tu n’en sais rien ! Donc évite de marcher au bord du parapet et de jouer avec le feu".

Autre élément intéressant : comme 12 % d’entre eux vont subir des dégâts intellectuels plus lentement que leurs copains, ils vont assister à la dégradation de leurs congénères, ce qui leur fait peur et leur donne d’autres raisons d’arrêter. C’est pourquoi, sur les 26 % qui continuent actuellement (cette proportion était moindre il y a dix ans), il y a trois catégories, dont 6 % qui vont tomber.

M. PLASAIT. - Vous en êtes venu à la dangerosité du hash et je vous propose tout d’abord de continuer sur ce point en parlant de l’échec scolaire, de la désocialisation et de la dangerosité comparée entre hash, alcool et tabac. Quel est votre avis sur la question ?

Deuxièmement, y a-t-il danger dès la première prise ? Je parle bien sûr du consommateur mais, éventuellement, des autres personnes de l’entourage du fait de l’altération de ses facultés si elle intervient dès la première prise.

Troisièmement, le consommateur qui a donc — vous allez nous le confirmer ou non — des altérations de sa perception et de son comportement, est-il conscient de ces altérations ?

M. HOVNANIAN. - En ce qui concerne la dangerosité comparée, je suis désolé, mais le cannabis et l’alcool sont aussi dangereux l’un que l’autre. Le tabac est dangereux, mais pour une autre raison : pour moi, ce n’est pas une drogue, car la caractéristique des drogues n’est pas uniquement la dépendance.

La drogue entraîne une dépendance avec déstructuration du fonctionnement cérébral alors que, dans le cas du tabac, si votre gosse fume, il va peut-être mourir à 45 ou 50 ans (c’est ce que je dis, d’ailleurs, en précisant qu’à cet âge, la vie est encore belle et qu’il est dommage qu’il gâche ses cinquante ans ou soixante ans d’espérance de vie qu’il a encore) d’un cancer du poumon ou de maladies cardio-vasculaires, mais il vivra normalement jusque là, alors que le gosse qui est au cannabis et à l’alcool va se dégrader et que, très vite, sa vie sera fichue.

Quand M. Kouchner et M. Lang ont osé dire : "je préférerais que mon fils fume un joint qu’une cigarette", je peux encore l’accepter de la part de M. Lang, qui est un littéraire et qui pouvait ne pas avoir de connaissances scientifiques (quoiqu’il aurait pu s’informer), mais comment M. Kouchner, qui est médecin, peut-il dire cela ? Vous me direz qu’il y a eu le rapport Roques, dont nous pouvons parler.

Avez-vous vu un jeune qui fume du tabac se jeter par la fenêtre du quatrième étage, pris d’une crise d’hallucination, ou sauter d’une falaise pour voler ? Avez-vous déjà vu un jeune qui fume des cigarettes se tuer en voiture ou tuer une gamine en face, comme il y en aura de plus en plus, puisque la banalisation du produit fait qu’il y a de plus en plus d’usagers ? Avez-vous vu un gosse échouer à l’école parce qu’il fume beaucoup ?

M. PLASAIT. - Pouvez-vous nous préciser les altérations de la perception et du comportement de façon précise ?

M. HOVNANIAN. - Il y a deux choses. La première, c’est la diminution de la capacité du raisonnement cognitif. Le cortex est touché, les communications se font moins vite et moins bien et le sujet raisonne donc moins bien.

La deuxième concerne celui qui est au volant : il s’agit d’une différence de perception de la vitesse, de l’espace et de la vigilance, comme pour l’alcool. Quand vous conduisez votre voiture, il vaut mieux avoir une parfaite perception de la vitesse. Les experts ont cité l’exemple d’un garçon de 27 ans sous cannabis (deux ou trois joints) qui voit un sac poubelle sur la route et l’écrase , c’était un garçon de 25 ans ! On peut vous citer je ne sais combien d’exemples comme celui-là !

Vous me direz que cela dépend de la dose qu’il a prise et de la date à laquelle il l’a prise, mais cela n’a aucun intérêt parce que, encore une fois, comme pour l’alcool, on a fixé un seuil. Alors que certains, avec 0,8 ou 1 gramme, se portent très bien et n’ont pas de trouble, il fallait bien fixer un seuil. On l’a fixé à 0,8 gramme auparavant et désormais à 0,50 gramme parce qu’il faut bien prendre des précautions. C’est la même chose pour le cannabis.

Vous m’avez demandé s’ils sont en danger dès le premier joint. A priori, non. Je dirai même que tous ces jeunes qui ont essayé un joint ou deux et qui ont arrêté sont à mon avis vaccinés : ils ont arrêté d’eux-mêmes car ils ont compris. Cependant, comme vous ne savez pas si, quand ils ont pris un joint ou deux, ils ne vont pas continuer, il vaut mieux dire aux gosses de ne pas commencer.

Nous commençons la prévention dès le CM2, en suivant l’exemple des Suédois, qui ont eu raison de le faire. Quand je fais des réunions dans les CM2, les instituteurs sont étonnés de voir ce que les gosses savent : ils en savent parfois plus qu’eux ! Ce sera de moins en moins le cas parce que bon nombre d’instituteurs ont fumé eux-mêmes.

M. PLASAIT. - J’insiste sur cette question. Vous dites donc qu’on ne peut pas savoir si le premier joint est dangereux pour l’individu parce qu’il n’est pas certain qu’il entraînera une dépendance. Pour autant, les hallucinations ou altérations de la perception dont vous parliez tout à l’heure et dont vous venez de donner un exemple peuvent-elles intervenir dès le premier joint ?

M. HOVNANIAN. - Bien sûr, d’autant plus que nous avons maintenant des cannabis hollandais à 25 ou 30 % de cannabinol. Il en est du cannabis comme de l’alcool : il est évident qu’entre un vin à 10 degrés et un Ricard à 40 degrés, à doses égales, les résultats ne sont pas les mêmes. De même, le cannabis de grand-papa, qui était à 2 ou 4 % de cannabinol, est passé progressivement, avec le hachisch, à 7 ou 8 % et les Hollandais, qui ne sont pas des pauvres cultivateurs du Maroc ou du Liban mais de bons horticulteurs de tulipes (qu’ils ont abandonnées parce que le cannabis leur rapporte plus) sortent du cannabis à 25 ou 30 % de teneur de cannabinol.

J’ai soigné des crises d’obsession schizophrénique après deux joints, ce que je n’avais jamais vu avant et ce qu’on voit maintenant. Dans l’histoire du jeune garçon qui s’est jeté de la fenêtre du cinquième étage — cela s’est passé à Créteil —, il faut savoir qu’il avait fumé ses deux premiers joints quand il a senti subitement une panique et s’est précipité par la fenêtre. C’est un de mes amis qui a fait l’examen de laboratoire, M. Pépin (je vous conseille de l’auditionner), expert auprès des tribunaux, et qui m’a dit qu’il s’agissait de haschisch à 18 degrés de teneur en cannabinol.

M. PLASAIT. - Cela répond très précisément à la question posée.

J’ai une question complémentaire. On a parlé du stockage de principe actif du cannabis dans les graisses et d’une possibilité de relargage de ce principe, à l’occasion d’un stress, quelques jours, voire quelques semaines plus tard. Est-ce avéré et scientifiquement prouvé et les effets de ce relargage sont-ils les mêmes que ceux de la consommation primaire ?

M. HOVNANIAN. - Absolument. Alors que l’héroïne disparaît en quelques heures de l’organisme, ce qui fait que ses usagers sont très vite en manque, le cannabis, lui, a ce qu’on appelle une demi-vie de quatre jours. Autrement dit, au bout de quatre jours, un gosse qui a fumé un joint garde la moitié du cannabis dans le corps et, s’il en fume un autre, il a une dose et demi. Cela prolonge donc l’effet et le renforce insidieusement. On ne le dit pas aux gosses.

Dans le même temps, le cannabis est lipophile, comme l’héroïne (comme l’indique le rapport Roques qui, en dehors de son erreur finale, voulue à mon avis, recèle d’excellentes choses), c’est-à-dire qu’il se fixe sur les graisses à l’état pur et qu’il s’y trouve stocké. Sachant qu’il y a beaucoup de graisse autour du cerveau, quand un jeune garçon est au volant de sa voiture ou au guidon de sa mobylette, si un gosse traverse devant lui, il peut avoir un stress qui lui fait relarguer l’effet à l’état pur.

C’est la raison pour laquelle je ne suis pas d’accord quand on me parle de seuils pour les accidents de la route. En effet, qu’il en ait fumé hier ou il y a huit jours, le problème est le même, contrairement à l’alcool qui, lui, se dilue en six heures.

M. PLASAIT. - Pouvons-nous avoir des références scientifiques sur ce point ?

M. HOVNANIAN. - Pour ma part, je suis un clinicien, mais interrogez M. Pépin, qui est biologiste, M. Kintz, le président de la Société française de toxicologie analytique, M. Mura ou le professeur Lafargue, membre de l’Académie de pharmacie et ancien délégué de la France au sein du groupe Europe horizontale.

M. PLASAIT. - Vous nous avez parlé tout à l’heure d’éléments de politique, mais je voudrais que vous nous en disiezplus à la lumière de votre expérience d’association qui, sur le terrain, a des expériences concrètes.

M. HOVNANIAN. - Pouvez-vous me préciser la question ?

M. PLASAIT. - Vous nous avez parlé tout à l’heure des éléments d’une politique qu’il faudrait suivre. Je voudrais donc que vous nous donniez des exemples concrets de la mise en oeuvre de cette politique à la lumière de votre expérience.

M. HOVNANIAN. - J’ai en effet préparé quelque chose à ce sujet, car j’avais pensé qu’en en ayant parlé en trois mots, vous m’auriez interrogé sur ce point.

En effet, contrairement à tout ce qu’on nous dit sur le thème : "c’est fini, il ne faut pas se fatiguer, on ne peut rien faire, tout a été fait", il faut savoir qu’en fait, rien n’a été fait, même si je grossis le trait.

Mme la Présidente. - Ne pensez vraiment pas que je souhaite vous voir condenser votre propos, mais si vous nous avez préparé cet exposé, pouvez-vous nous le présenter de manière succincte et nous le laisser ensuite ?

M. HOVNANIAN. - Je vous laisserai la note et je vous donne donc les grandes lignes.

Premièrement, je pense qu’il faut créer un haut comité de lutte contre la drogue, à la fois pour réfléchir, proposer, contrôler et évaluer l’application, ce qu’on ne fait jamais. Vous me direz que cela fait un comité de plus, et je sais bien que les comités valent par la qualité des gens qui en font partie (on le sait bien à mon âge), mais c’est quand même mieux que rien, surtout s’il est composé de façon très démocratique : il faudrait cinq députés, cinq sénateurs, cinq conseillers régionaux, des maires, une dizaines d’hommes de terrain et quatre ou cinq représentants des familles.

Pourquoi ce comité ? Pour éviter ce qu’on a vu, surtout amplifié durant ces cinq dernières années, c’est-à-dire la parole réservée à un clan et les autres totalement écartés. Du coup, il n’y a pas eu de vrais débats ; il n’y a eu que des faux débats et des débats partiaux, certains étant amenés à se taire. C’est la première fois —et je vous en remercie— que j’ai l’occasion de parler devant des gens sérieux, mais la télévision nous est interdite, de même que les journaux.

Il n’y a plus de censure politique aujourd’hui, mais il y a une censure journalistique au nom de la liberté de la presse. En fin de compte, ces messieurs disent qui il faut laisser parler ou non et, si vous le souhaitez, je peux vous envoyer de nombreuses preuves de ce que j’avance.

Il y a donc une censure de la presse, qui est, pour les trois quarts, favorable à la dépénalisation. Etant personnellement contre le fait de capituler devant la drogue, je ne suis évidemment pas persona grata.

Un tel haut comité, de même que le CSA, pourrait veiller à ce que tout le monde puisse avoir la parole et, surtout, à ce que les gens soient informés, car ils ne le sont pas.

Ensuite, il faut une politique en trois volets à appliquer en même temps.

Le premier est la prévention, qui est l’élément le plus important que nous pouvons faire tous ensemble. Nous le faisons, nous, avec nos faibles moyens, en faisant participer les parents, les enseignants et des grands jeunes. Nous les formons et ils suivent un séminaire de quatre jours, après quoi ce sont eux qui participent aux réunions, sachant que nous ne faisons que les premières réunions avec eux pour les mettre dans le bain.

Dans le cadre de ce premier volet relatif à la prévention, il convient tout d’abord de former des adultes relais et, ensuite, de délivrer un message clair et ferme, ce qui n’existe pas à ce jour, un message qui doit en premier lieu leur parler des dangers qu’ils ne connaissent pas, en deuxième lieu démythifier l’aspect positif (en insistant sur le fait que ce n’est pas parce que tel idole prend du cannabis qu’il est chanteur : il avait du talent et c’est pourquoi il est devenu chanteur, mais s’il prend du cannabis, il peut disparaître) en précisant que cela n’apporte ni le bonheur, ni le talent, ni la liberté, mais l’esclavage, et, en troisième lieu, leur rappeler que s’ils laissent leur cerveau intact, ils vont pouvoir s’en servir pour construire leur bonheur. Si on leur dit qu’il y a du chômage, la crise et le reste, et s’ils veulent surmonter tout cela, il vaut mieux qu’ils gardent leur cerveau intact, sachant que, s’ils l’abîment, ils seront encore plus vulnérables aux sursauts de la vie.

Le deuxième volet, c’est une politique du traitement. Savez-vous que, dans ce pays, il n’y a pas 300 places dignes de ce nom pour sevrer un malade alors qu’il doit y avoir 200 000 ou 300 000 toxicomanes ? Il n’y a pas d’établissements pour accueillir les jeunes qui commencent à être en situation à risques à cause du cannabis.

On dit que le cannabis n’est pas dangereux, mais interrogez les mères de famille. Il existe maintenant des associations, et j’ai même appris qu’elles se préparaient à descendre enfin dans la rue (je les ai encouragées à le faire) avec la photo de leur enfant mort. On dit que le cannabis ne tue pas, mais vous verrez.

Il faut donc faire des établissements pour les jeunes qui sont en situation à risques. Comme certains ne peuvent plus rester à la maison, il faut des établissements très souples, des espèces d’internats sportifs, culturels et autres avec des gens qui les occupent, car le problème est de les amener à arrêter et à penser à autre chose. Autrement dit, il ne faut pas être un médecin mais, avant tout, un éducateur formé à ces problèmes.

Il faut aussi des établissements un peu plus lourds pour guérir ceux qui ont une toxicomanie lourde. Croyez-moi, on les guérit ! Il suffit de dix à douze mois pendant lesquels on commence par les sevrer. Il faut que cela ait lieu à la campagne, car ce n’est pas possible dans un hôpital ouvert : ils auront toujours un copain qui leur apportera de la drogue.

A la campagne, dans des hameaux, pour qu’il n’y ait ni barrière, ni quoi que ce soit, on peut les guérir, mais il faut aussi les préparer à la responsabilité. Comme ils ont souvent été en échec scolaire, il faut leur réapprendre un métier.

Vous me demanderez ce que l’on peut faire s’ils ne le veulent pas. Dans ce cas, il y a l’injonction thérapeutique. Certains disent que cela intente à leur liberté, mais comment peut-on parler de la liberté d’un esclave ? Comment peut-on dire qu’il faut qu’ils le demandent ? Me viendrait-il à l’idée de dire à l’un de mes malades qui a la jambe cassée : "si tu ne viens pas à pied, je ne te soignerai pas" ? Il a une volonté brisée et on veut qu’il vienne de lui même !

Le deuxième malade que j’ai soigné, en 1978, est venu dans mon cabinet entre deux policiers de la brigade des mineurs ; il avait 17 ans et demi. Sa mère en larmes m’avait appelé en me disant où il était et je lui avais demandé de me l’amener en venant également. Quand je suis allé le voir dans son lieu de cure, il a refusé de me serrer la main en me disant : "je ne serre pas la main des salauds qui travaillent avec les flics". Six mois après, il était dans mon cabinet, propre et impeccable, et il m’a tendu la main en disant : "je viens te remercier pour ce que tu as fait pour moi et je te demande d’en faire autant pour ma copine qui est dans le même état".

Ils sont maintenant mariés, elle est directrice d’école maternelle, il dirige les services horticoles de sa commune et ils ont maintenant 45 ans et deux enfants. Ceux qui disent qu’on ne guérit pas contre sa volonté n’ont jamais essayé de le faire et je dis qu’ils ne connaissent pas les toxicomanes.

Il faut également créer des communautés thérapeutiques, car ce sont les structures les moins chères et les plus efficaces. J’ai d’ailleurs été satisfait de lire que M. Jayle disait qu’il fallait en créer.

Enfin, troisième volet, il faut que la répression soit réelle. Alors que l’article L 630 sanctionne les incitations à usage, quand je vois qu’il n’y a pas eu vingt procès en trente ans et que, lorsqu’il y en a un, les prévenus ont 3 000 F d’amende, je me pose des questions. Je connais un récidiviste qui a eu six mois de prison avec sursis trois fois de suite. Croyez-vous que ce soit dissuasif ? Or c’est l’une des sources de la banalisation et cela fleurit dans les journaux, les revues, les films et les disques. Il faut donc appliquer les lois.

En 1996, la loi a instauré la saisie des biens présentant des signes extérieurs de richesse à revenus non justifié, mais les magistrats ne semblent pas avoir les moyens de l’appliquer. Si on confisquait leur voiture à tous ces jeunes qui se baladent en BMW et qui font les marioles ou l’appartement qu’ils ont acheté, les choses pourraient peut-être changer.

Appliquons la loi, mais il faut mener les trois actions en même temps : la prévention, le traitement, parce que le toxicomane est à la fois un malade et un vecteur de drogue, et la sanction du trafic, parce qu’il n’y a pas de raison de ne pas le faire.

Mme la Présidente. - Merci, docteur. Je donne maintenant la parole à mes collègues.

Mme PAPON. - Je voudrais tout d’abord rendre hommage, docteur, à votre action militante associative et à votre enthousiasme très communicatif. Vous nous avez fait part de votre expérience de terrain, très riche, et nous avons, nous aussi, en tant qu’élus, des expériences de terrain.

Vous avez, au cours de vos propos, stigmatisé plusieurs fois la carence de l’Education nationale et vous avez déploré, comme nous le faisons dans nos départements et nos établissements scolaires, le manque de clubs "santé", qui sont effectivement insuffisants.

Cela passe sûrement par une sensibilisation des enseignants. Ne pensez-vous pas qu’il faudrait inclure dans la formation de ces enseignants un cycle sur le maintien de la santé et sur la prévention des drogues ? Encore faudrait-il, comme vous l’avez dit à un moment de votre intervention, que ces enseignants ne soient pas eux-mêmes dépendants.

M. HOVNANIAN. - Bien sûr, mais on peut au moins leur dire qu’ils peuvent fumer tranquillement sans le dire aux gosses, car je ne prétends pas réformer l’être humain.

Nous menons une expérience pilote à Compiègne avec votre collègue, M. Marini, qui me l’a demandée en 1999. En effet, c’est votre assemblée qui nous subventionne, sans quoi je n’aurais pas de crédits. C’est M. Poncelet qui a commencé à les accorder il y a six ou sept ans sur la réserve parlementaire. Sinon, je n’aurais pas de crédits officiels, puisque le pouvoir officiel rejette ce que nous faisons sans même discuter et sans même venir voir.

A Compiègne, cela a pu être fait grâce à la volonté de M. Marini. Il faut en effet que quelqu’un dise qu’il va le faire, sans quoi on s’enlise dans les histoires administratives et il ne se passe plus rien. J’aimerais que, demain, une volonté nationale comme celle de M. Ingvar Carlson puisse s’exprimer : cela entraîne.

Ensuite, l’inspecteur d’académie a voulu faire une première réunion, et je lui ai dit qu’il ne servait à rien de réunir 1 500 personnes et qu’il valait mieux réunir les 60, 70 ou 80 personnes qui peuvent devenir des acteurs. C’est ainsi que nous avons fait une réunion avec M. l’Inspecteur d’académie, des proviseurs de lycée et des principaux de collège et que M. l’Inspecteur d’académie a accepté de s’engager.

Il a commencé par faire une journée pédagogique, puisque nous avions décidé de commencer par les CM2, avec les 300 instituteurs de la circonscription de Compiègne, qui comprend 60 000 habitants, 27 CM2, 24 classes de 6e et 24 classes de 5e, et ces instituteurs sont repartis enchantés en ayant le sentiment d’avoir enfin appris quelque chose au cours d’une réunion pédagogique.

Quand nous allons dans les classes, nous passons trois CM2 le matin et deux l’après-midi, après quoi nous voyons les enseignants le soir et les parents ensuite : cela commence à 8 h 30 le matin et se termine à 23 h 00. Or il faut savoir qu’avant que j’arrive dans chaque classe, les enseignants ont fait un travail préparatoire à l’aide de documents sur des canevas de prévention que je leur ai fait passer, ce qui leur permet de préparer le terrain auprès des jeunes.

Un mois plus tard, je leur demande d’en reparler avec les enfants pour voir ce qu’ils en ont retenu, car je souhaite que cela serve à quelque chose. Je ne suis pas là-bas pour m’amuser et pour le plaisir de parler. J’y vais pour sauver les gosses !

Par conséquent, nous formons les enseignants. En fait, il suffit d’appliquer la circulaire Allègre. Quand un lycée ou un collège me demande de venir faire une réunion, je leur dis que si c’est pour une simple réunion, ce n’est pas la peine de perdre le temps de chacun car cela va rentrer par une oreille et sortir par l’autre. En revanche, je leur demande de réunir des responsables d’associations de parents d’élèves, des enseignants intéressés (quand ils savent qu’on va leur proposer quelque chose, on en trouve) des grands élèves, des médecins scolaires et toutes les bonnes volontés pour leur faire une première réunion de sensibilisation.

C’est ainsi que, dans un lycée privé, j’ai eu trente volontaires qui sont venus suivre un séminaire de quatre jours, le vendredi et le samedi, c’est-à-dire une journée sur leur travail et une journée sur leurs congés.

Vous avez raison : il faut impliquer les enseignants, mais aussi les parents car ils vont prendre le relais.

Ensuite, la réunion se fait en proximité et ce groupe que j’ai formé tient une permanence toutes les semaines pour parler de cas qu’ils ont détectés et pour les aider. Il y a donc un suivi. Si on veut que ce soit solide, il faut un réseau et une permanence. C’est ainsi que vous arrêtez l’inondation.

Cela dit, il faut savoir qu’actuellement, nous travaillons dans un milieu à contre-courant car, pendant ce temps-là, toute la presse continue à dire que le cannabis est moins dangereux que le tabac et l’alcool.

Mme la Présidente. - Merci, monsieur Hovnanian. Je donne la parole à M. Chabroux.

M. CHABROUX. - J’ai suivi avec attention ce que vous avez dit et je voudrais avoir quelques précisions sur certains points.

Vous avez évoqué le rôle de la MILDT et vous avez dit que le gouvernement précédent avait nommé, à la tête de la MILDT, "une pyromane pour éteindre un incendie" et que vous aviez des preuves. Je souhaiterais en savoir un peu plus. Le fait que la MILDT ait pris en compte l’ensemble des drogues et ait élargi son champ d’intervention vous pose-t-il problème ? Je vous pose cette question.

M. HOVNANIAN. - Absolument pas.

M. CHABROUX. - Je parle de l’ensemble des drogues licites et illicites.

Le nouveau responsable de la MILDT, M. Didier Jayle, a rendu hommage à l’action qui avait été menée pour bien prendre en compte l’ensemble de ce champ, y compris les drogues licites, comme l’alcool et même le tabac. Je pense en effet que l’alcool fait certainement autant de ravages - je reconnais que vous l’avez dit — que d’autres drogues.

J’aimerais avoir une autre précision. Vous avez dit — et cela m’interpelle — que le tabac n’est pas une drogue et vous avez ajouté qu’il n’y avait pas que la dépendance à prendre en considération. Je pense quand même que le tabac est une première drogue et qu’en commençant par le tabac, on est peut-être enclin à poursuivre ensuite par le cannabis. N’y a-t-il pas une chaîne ? Ne faut-il pas voir l’ensemble des drogues et l’enchaînement de l’une à l’autre, en commençant par le tabac ou par l’alcool et en aboutissant au bout du compte à une polyconsommation ?

Je souhaiterais donc savoir ce que vous entendez par le mot "drogue" et quel rôle pour assignez à la MILDT.

M. HOVNANIAN. - Je pensais bien qu’avec l’amorce que j’avais faite dans mon exposé, vous me poseriez cette question. Je vous laisserai donc une note à ce sujet si jamais je suis trop long.

Tout d’abord, il faut faire le bilan non seulement de la MILDT mais de Mme Maestracci et de M. Kouchner. C’est en effet M. Kouchner, ministre de la santé, qui a proposé Mme Maestracci à ce poste et qui a inspiré sa politique de lutte contre la drogue et supervisé son action. Il s’agit donc d’un bilan conjoint de M. Kouchner et de Mme Maestracci.

Le bilan du plan triennal de 1999 à juin 2002 aurait dû être fait en octobre 2002. Or Mme Maestracci est partie sans faire de bilan. M. Jayle a annoncé le 3 janvier que nous aurions cet état des lieux en janvier. Nous sommes le 4 février et je l’attends.

En revanche, je peux, moi, vous faire le bilan que j’ai constaté.

Le programme triennal était fait

 d’intentions louables portant sur l’information du public, sur la prévention et, en matière d’action, sur le renforcement des moyens mis à la disposition des chefs de projet départementaux,

 et de propositions plus discutables pour améliorer le sort des toxicomanes, puisqu’il privilégiait encore la seule politique de limitation des risques et la distribution de produits de substitution qui, pour moi, revient à abandonner les toxicomanes à leur sort.

A l’usage, les intentions louables se sont révélées être des leurres pour aboutir

 à une information tronquée et partiale du public et des jeunes, visant à occulter délibérément la dangerosité si grande du cannabis (drogue illicite la plus employée, et de loin, par les jeunes, malgré les avis répétés de l’Académie nationale de médecine),

 et à une prévention qui était fondée sur un message lénifiant au prétexte d’être soi-disant pragmatique et crédible (il faut dire comme les gosses "il faut être crédible", ce qui est stupide ; cela fait vingt-cinq ans que je me bats et j’arrive parfois à être excédé par ce que j’entends ; ce sont les gosses qui paient la note et non pas les adultes !), transformée ensuite en chasse gardée interdite aux associations dont le discours ne capitulait pas devant la drogue, par la création d’une commission d’agrément (très bonne idée pour rendre plus cohérent le discours visant à former les intervenants) soigneusement verrouillée, ce qui a entraîné l’échec des Comités d’éducation à la santé et à la citoyenneté.

Toutes ces actions étaient fidèles aux objectifs — et je ne parle pas à la légère — des signataires de l’appel du "18 joint" et à la volonté de M. Jospin de ne pas faire de vagues avant les présidentielles. Je vous le dis du fait de mon passé politique et parce que, n’en faisant plus maintenant de façon directe depuis vingt-cinq ans, j’ai des oreilles un peu partout. Malgré cela, du fait de leur ténacité, qu’ils auraient pu mieux employer, ils ont poursuivi une démarche de petits pas ponctuée par la publication de livres et de directives allant toutes dans le même sens.

En décembre 1997, a eu lieu un grand colloque national de tous les spécialistes et praticiens de terrain, présidé par M. Kouchner, excepté ceux qui n’étaient pas dans la ligne, c’est-à-dire qu’il s’agissait d’un colloque unilatéral effectué à grand renfort de presse, parce que M. Kouchner — il faut lui en rendre hommage — est un parfait communiquant. Je regrette de ne pas avoir ses talents.

Le résultat, c’est qu’on a servi une mauvaise cause. On fait un grand colloque pour éclairer le pays auquel on n’a invité que des gens sélectionnés, après quoi on verrouille : on met toujours les mêmes animateurs dans les tables rondes.

En octobre 1998, le rapport du professeur Roques a été publié.

En 1999, sort à 14 000 exemplaires un livre d’information grand public au titre évocateur : "En savoir plus pour risquer moins". Rien que dans le titre, on suppose qu’il ne s’agit pas d’en savoir plus pour ne pas tomber dans le piège ni pour arrêter mais pour risquer moins, c’est-à-dire qu’on ne lutte plus contre la drogue et qu’on se contente d’en limiter les risques.

Nous avons fait à chaque fois une analyse critique de tous les livres dont je vous parle. Nous les lisons de A à Z avec un crayon en main.

En novembre 1999, est sorti le bulletin officiel de l’Education nationale, un bulletin spécial pour donner des directives aux enseignants afin de traiter ces problèmes. Dans le chapitre "Les drogues et leurs effets", il y aura la même place, c’est-à-dire deux ou trois lignes, pour le thé, le café, la verveine, la camomille et le cannabis ! Croyez vous que c’est sérieux ? Il s’agit du bulletin n° 9 du 9 novembre 1999. Vous pourrez le lire et lire en même temps ma note.

Revenons au rapport du professeur Roques, le plus typique et la bible scientifique de la MILDT pendant ces cinq ans (c’est parce que nous l’avons toujours critiqué que avons été écartés de la prévention de façon arbitraire), malgré les contestations de l’Académie nationale de médecine, des experts auprès des tribunaux, des experts internationaux de l’Organisme international de contrôle des stupéfiants (OICS) et de sa filiale européenne, le PNUCID. Vous pouvez interroger à cet effet M. Franquet, préfet de Dordogne, qui représente la France à l’OICS et M. Bernard Leroy, qui représente la France à Vienne.

Dans les 210 pages du livre, on trouve d’excellentes informations scientifiques sur les drogues, leur mécanisme d’action et leurs effets. Il y est même dit dans le préambule qu’avec les acquis modernes, on ne peut plus nier le rôle du produit, ce que nous disions depuis vingt ans et ce qui était contesté. C’est écrit dans le préambule du rapport mais ils l’ont oublié parce que cela ne les intéressait pas.

Et puis, soudain, dans la conclusion du chapitre 11, qui traite du cannabis, par une pirouette, subitement, vous voyez apparaître l’affirmation selon laquelle le cannabis n’a pas les caractères neurotoxiques tels qu’ils sont décrits dans le chapitre III (bêtement, si on retourne au chapitre III, on constate qu’il n’est pas question de cela, mais on pense que les gens n’ont pas le courage de retourner en arrière), et vous lisez en conclusion que le cannabis est moins dangereux que le tabac et l’alcool !

Excusez-moi, mais c’est un peu léger. Jamais M. Roques ne m’a répondu car je n’ai jamais obtenu de débat avec ces gens-là. J’ai eu l’occasion de m’exprimer devant M. Kouchner au cours d’un dîner-débat au Sénat organisé par votre collègue, M. Guy Penne, qui est l’un de mes camarades d’enfance, au moment de la publication du rapport Roques. J’ai été le premier à prendre la parole et il a commencé par une belle pirouette en rendant hommage à ce que je faisais mais en ajoutant : "Ne faisons pas de débat aujourd’hui parce que beaucoup de gens veulent la parole. Je vous promets de le faire un jour". J’attends encore !...

La radio "télé santé" a proposé un débat d’une demi-heure entre Mme Maestracci et moi, mais celle-ci a refusé.

Voici le premier résultat du rapport Roques : le tirage à un million d’exemplaires gratuits de Libération comportant la mention, en rouge : "Le cannabis : acquitté". Le résultat, c’est que des tas de gosses m’ont dit : "monsieur, ce n’est pas méchant". Cela a trompé les enfants et les familles ! Un million d’exemplaires gratuits ! Qui a payé ? Ce n’est pas moi ; je n’ai pas les moyens.

Je ne sais pas ce que M. Roques en pense aujourd’hui mais je ne l’ai jamais entendu en parler. Est-ce le but recherché ? Je vous conseille d’en mettre un exemplaire au dossier. Je garde le mien, mais vous pouvez le demander à Libération car, sur un million, il doit en rester quelques numéros.

Mme la Présidente. - Vous dites que ce tiré à part était gratuit ?

M. HOVNANIAN. - Oui, il était gratuit et ajouté au journal. Comme Libération ne tire pas à un million d’exemplaires habituellement, il a dû être distribué en plus.

Il me reste à répondre à une question de M. Chabroux, qui m’a demandé ce que je pensais de l’extension à toutes les drogues illicites et licites. Bravo, monsieur, mais après avoir demandé l’extension, Mme Maestracci n’a pris aucune mesure pour faire diminuer la consommation d’alcool chez les jeunes. A-t-elle dit un jour aux supermarchés que la loi leur interdit de vendre des bières à 12° ou même à 4° aux enfants ? Avez-vous une circulaire de Mme Maestracci ou du ministère de l’Education nationale pour rappeler les dispositions de la loi Evin aux responsables des lycées et collèges ? A-t-elle proposé une loi demandant que la vente de tabac soit interdite aux moins de 16 ans ?

En fin de compte, c’était de la poudre aux yeux. Le seul objet — je serai très franc —, c’était de faire un nuage de fumée devant les dangers du cannabis. Toute l’opération était destinée à cela, sans quoi elle aurait pris des dispositions.

Je n’ai pas attendu Mme Maestracci pour me battre contre l’alcool. J’ai commencé par cela quand j’étais jeune médecin, à 27 ans. J’étais président du Conseil régional de lutte contre l’alcool de l’Île-de-France en 1970 et j’ai créé cinq consultations d’hygiène alimentaire dans mon département, alors que j’étais conseiller général, et c’était le premier département de France à le faire. Je me bats pour de vrai ; je ne jette pas de la poudre aux yeux pour faire semblant !

Je vous laisserai ma note.

Mme la Présidente. - Monsieur Hovnanian, au nom de la commission, nous vous remercions de toutes les précisions que vous avez apportées et du rapport que vous avez présenté. Je vous remercie de nous laisser ce que vous nous avez promis. Ce sera de nature à continuer à éclairer nos travaux.

M. HOVNANIAN. - Je suis à votre disposition pour revenir quand vous voudrez, et si vous voulez me confronter à d’autres, je suis prêt à le faire également.

Mme la Présidente. - Comme vous le savez, cette commission a un délai pour travailler et nous avons de nombreuses auditions à faire parce que nous voulons avoir la vision la plus large possible, mais sachez que nous avons bien entendu tout ce que vous nous avez dit aujourd’hui. Merci encore.


Source : Sénat français