La présidente rappelle le protocole de publicité des travaux de la commission d’enquête et fait prêter serment à MmeVasseur.

Mme Nelly OLIN, Présidente. - Nous allons organiser notre débat en vous laissant une dizaine de minutes pour que vous fassiez votre présentation, après quoi M. le Rapporteur ainsi que les autres sénateurs vous poseront un certain nombre de questions. Je vous laisse très volontiers la parole.

Mme VASSEUR. - Mon intervention concerne la drogue en prison.

Alors qu’un tiers des détenus consommaient de la drogue avant leur incarcération, une étude nationale, qui a été faite en 1997 sur les entrants en prison, fait apparaître les pourcentages de consommation suivants : cannabis : 25,6 % ; héroïne : 14,4 % ; cocaïne ou crack : 8,9 % ; médicaments détournés : 9 % ; autres produits (ecstasy, solvants, etc.) : 3,4 %. On observe aussi de plus en plus de polytoxicomanies et 43 % de détenus qui ont une consommation excessive d’alcool. J’ajoute que les non fumeurs représentent 21 % des détenus.

Dans l’interrogatoire de la visite médicale des entrants, quand on pose la question : "Prenez-vous de la drogue ?", les détenus répondent très souvent : "Non, mais je fume du shit", tant l’usage en est banalisé. On voit de plus en plus de fumeurs de cannabis dans les lieux publics, le métro, le train, les écoles, etc. et on les sent.

La prison n’échappe pas à cette banalisation. Pourtant, le détenu est très médicalisé dès son arrivée, puisque tout est fait pour sa prise en charge médicale et aussi pour la prise en charge de sa toxicomanie, avec sevrage et substitution par la Méthadone et le Subutex. La Méthadone est toujours prise à l’infirmerie et ne fait l’objet d’aucun trafic. En revanche, le Subutex est une très bonne monnaie d’échange, puisqu’un cachet de Subutex vaut un paquet de Marlboro.

Le cannabis rentre très facilement en prison et ce n’est un secret pour personne puisqu’on peut sentir son odeur en se promenant dans les coursives et que les patients avouent en fumer très régulièrement, de la même façon que le tabac. On m’en a déjà proposé et c’est une chose extrêmement banale.

On en saisit à l’occasion de rares fouilles et des trafics orchestrés par des détenus ou des surveillants ont été dénoncés et punis, même si cela entre aussi par les familles. Les gros trafics sont organisés avec des complicités, bien évidemment.

Pourtant, le cannabis n’est pas une drogue douce puisque, à l’occasion d’une série de décès d’août 1998 à février 1999, sur six décès, quatre analyses de toxicologie faites lors des autopsies ont montré la présence importante de cannabis en grande quantité dans le sang et l’urine, avec une embolie pulmonaire massive et deux infarctus chez des patients d’une quarantaine d’années sans antécédents particuliers, ce qui est la preuve à la fois d’une consommation régulière et chronique et du fait qu’ils fumaient au moment de leur décès ou très peu de temps auparavant.

Le cannabis est un analgésique très puissant. Il masque la douleur et il n’y a donc pas de signe d’appel et aucune douleur thoracique. Il provoque par ailleurs une chute de la tension artérielle et une tachycardie, qui favorise les thromboses et les embolies.

Après cette succession de décès très brutaux, j’avais alerté la Direction pénitentiaire de la Santé et on m’avait répondu : "Le cannabis ne tue pas". Il est vrai qu’il ne tue pas, mais il achève. Cette réflexion m’a confirmé mes doutes. Si on ne cherche pas, on ne trouve pas. Lorsque les détenus fument un joint, ils sont bien tranquilles et la Pénitentiaire a la paix.

On peut même dire que le shit et les psychotropes, qui sont prescrits larga manu par les psychiatres (quand je suis partie, en 2000, sur 700 traitements par semaine, plus de 300 étaient des psychotropes) sont des régulateurs de la détention pour éviter les émeutes.

On rencontre en prison beaucoup de patients complètement shootés et hagards du fait des psychotropes, du shit ou des deux à la fois. En revanche, pendant huit ans et demi, je n’ai jamais entendu parler de saisies de cocaïne, de crack ou d’héroïne. Il est arrivé simplement deux fois que l’on retrouve des petites seringues à insuline, ce qui a conduit à accuser à tort l’infirmerie : elles ne venaient pas de là.

Il est évidemment impossible de faire une analyse toxicologique puisqu’elle relève de l’analyse médicale. Même si on a connaissance de ces doses parce qu’on les sent, on ne peut prouver quelque chose que par les autopsies, et lorsque je m’en suis ouvert à mes confrères, lors d’un congrès de médecine pénitentiaire, ils m’ont répondu que je débarquais et que ce n’était pas l’affaire des médecins mais celle de la Pénitentiaire. Je ne suis pas d’accord, étant donné que beaucoup de détenus sont toxicomanes, mais qu’ils sont aussi en prison pour des vols liés à la toxicomanie. Alors que tout est fait pour les soigner, je trouve absolument hallucinant qu’on laisse le shit entrer et qu’ils continuent à en fumer.

Le cannabis n’est vraiment pas une drogue douce. En effet, en plus des problèmes cardio-vasculaires, il peut entraîner des perturbations de l’espace et du temps, des troubles de la vigilance, de la mémoire et de l’humeur avec irritabilité et crises d’angoisse pouvant entraîner des actes de violence avec passages à l’acte sur soi-même ou sur les autres.

Il peut aussi déclencher, révéler ou majorer des troubles psychiques chez des patients instables, et on connaît le taux très important de détenus psychiquement perturbés, le nombre d’agressions sur les surveillants et sur les détenus entre eux, le nombre impressionnant d’automutilations, de tentatives de suicides et de suicides qui ne cesse d’augmenter.

La drogue est interdite et tout est en place pour le traitement des toxicomanes, mais le cannabis circule librement, sans vraie volonté d’y mettre fin. C’est le laxisme et l’incohérence totale.

Il est vrai que ce n’est pas facile, puisqu’il y a un très fort taux de polytoxicomanes et qu’il est de plus en plus rare de constater une toxicomanie à un seul produit. Le cannabis est très souvent associé à l’alcool, puisqu’il augmente l’appétence à l’alcool. Même les détenus qui sont traités par Méthadone en prennent et on peut dire qu’il y a une grande association entre la Méthadone et le cannabis, le Subutex et le cannabis, mais beaucoup moins entre l’héroïne et la cocaïne.

Voilà ce que je peux dire sur les drogues illicites. L’alcool est interdit en prison depuis 1995, mais le cannabis circule extrêmement facilement.

Mme la Présidente. - L’alcool ne circule pas ?

Mme VASSEUR. - Il y a de la bière sans alcool depuis 1995 et l’alcool ne circule pas. En revanche, l’alcool qui peut servir pour désinfecter des boutons, comme l’hexomédine, est utilisé, et les détenus fabriquent des alambics avec des fruits macérés. Beaucoup expériences sont faites par les détenus pour essayer de s’évader mentalement avec de nombreux produits, qu’ils soient licites ou illicites.

Mme la Présidente. - Je vous remercie beaucoup de cet exposé qui est particulièrement consternant et qui pose des problèmes inquiétants. Je vais laisser très volontiers la parole à M. le Rapporteur et je souhaite aussi vous saluer pour votre courage.

M. Bernard PLASAIT, Rapporteur. - Merci, madame la présidente, et merci de votre intervention, docteur. Dans votre livre célèbre, vous avez dénoncé les mauvaises conditions sanitaires des prisons françaises. Y a-t-il un cas particulier pour les toxicomanes ? Est-ce plus grave pour eux ?

Mme VASSEUR. - Au point de vue médical, c’est gagné, à quelques bémols près, puisque c’est l’hôpital de rattachement qui a repris le suivi sanitaire des prisons depuis la loi de 1994.

M. PLASAIT. - Je parle des toxicomanes au sens propre du terme.

Mme VASSEUR. - Il s’agit de tout le monde. Je ne parle pas ici de la prison de la Santé. Les services médicaux des prisons assurent désormais une médecine de qualité identique à l’extérieur. C’est tout le reste qui ne va pas.

M. PLASAIT. - L’état sanitaire des toxicomanes, notamment le niveau des infections par le VIH et le virus de l’hépatite, revient à celui de la population générale dans la mesure où ils sont pris en charge ?

Mme VASSEUR. - Dès leur entrée, ils sont entièrement médicalisés. Ils sont très médicalisés. A la consultation d’entrant, on va leur faire une radio des poumons, leur proposer un test HIV, hépatite B, hépatite C, etc. Ils sont donc complètement pris en charge et retapés.

On voit de moins en moins de toxicomanes en état de manque. J’en ai vu au début, surtout avec le crack, mais on en voit désormais très peu. Comme ils arrivent en général après 48 heures de dépôt, le gros est déjà passé.

M. PLASAIT. - En consultant notre documentation pour préparer votre audition, nous avons relevé qu’il existait seize centres de soins chargés des toxicomanes en milieu pénitentiaire. J’essaie donc de comprendre. L’hospitalisation dont vous parlez correspond-elle à ces centres de soins ou s’agit-il de quelque chose de différent ?

Mme VASSEUR. - Dans chaque prison, il y a maintenant ce qu’on appelle une unité de consultation et de soins ambulatoires avec un service psychiatrique et, dans les grosses prisons (cela dépend évidemment du nombre de détenus), on trouve à la fois un service médical rattaché à l’hôpital le plus proche, un service psychiatrique et une antenne de toxicomanie avec des psychologues.

Les centres de soins pour toxicomanes que vous évoquez n’existent pas. Il s’agit d’antennes "toxicomanie" (je ne connais plus exactement leur dénomination) avec des psychologues.

Mme la Présidente. - Les centres de soins sont donc tous à l’extérieur des prisons ?

Mme VASSEUR. - Non, ils sont tous à l’intérieur.

Mme la Présidente. - Je parle des autres centres de soins. Ils sont bien à l’extérieur des prisons ?

Mme VASSEUR. - Pour les toxicomanes, oui.

Mme la Présidente. - Maintenant, si je comprends bien, la prise en charge à l’intérieur de l’hôpital est faite, comme vous le dites, par une unité spéciale pour les gens qui se droguent.

Mme VASSEUR. - Ce n’est pas une unité spéciale. Il s’agit du service médical et du service psychiatrique qui, ensemble, gèrent les toxicomanes. Il n’y a pas d’unité spécialisée. Il y a une antenne "toxicomanie" dans laquelle ontrouve un médecin référent psychiatre plus spécialisé dans la toxicomanie et des psychologues.

M. PLASAIT. - Vous avez évoqué tout à l’heure, et vous le faites beaucoup dans votre ouvrage, le problème du trafic de stupéfiants à l’intérieur de la prison. Avez-vous une idée précise de la façon dont le trafic se met en place ? Je comprends à travers vos propos que l’élément essentiel, c’est le laxisme, le laisser-faire, que l’on ferme les yeux là-dessus parce que, finalement, c’est plutôt mieux ainsi que s’il n’y avait pas de circulation de drogue.

Mme VASSEUR. - Attention : cela ne concerne que le cannabis.

Mme la Présidente. - D’accord. Cela explique que le système puisse se mettre assez facilement en place. Néanmoins, je voudrais savoir quel est ce système et comment le cannabis rentre dans la prison.

Mme VASSEUR. - Comment rentrent les explosifs, les portables, les scies ?... Je ne le sais pas. Tout rentre. Ce sont de vraies passoires ! Dans certaines prisons, je sais que les produits sont jetés par-dessus les murs d’enceinte, ce qui n’est pas possible à la Santé puisqu’il y a une ronde tout autour. Cela rentre par les parloirs et aussi, forcément, du fait de complicités.

M. PLASAIT. - Evidemment.

Vous nous avez parlé du trafic de Subutex. Peut-il se passer en prison ce qui se passe à l’extérieur, c’est-à-dire, comme cela a été dénoncé ici, le fait qu’un toxicomane se présente chez un premier médecin, obtient une ordonnance avec délivrance de Subutex et réalise la même opération chez un deuxième, un troisième, un quatrième puis un cinquième médecin, si bien qu’au bout du compte, il a ce qu’il faut pour revendre les produits, le tout aux frais de la Sécurité Sociale ? Cela peut-il se produire à l’intérieur de la prison ? A priori, je pense que ce n’est pas possible puisque les détenus ne voient qu’un médecin.

Mme VASSEUR. - C’est impossible, puisque toutes les prescriptions sont sur ordinateur. En revanche, le Subutex est prescrit par les médecins généralistes et n’obéit pas aux mêmes règles que les centres de Méthadone : il n’y a pas de notion de places. Il peut donc être prescrit par n’importe quel médecin et, très souvent, les détenus arrivent en disant qu’ils sont sous Subutex et qu’ils ont laissé leur ordonnance chez eux.

A la prison de la Santé, un tri était donc effectué pour ne pas inonder la prison de Subutex, parce qu’il y a un énorme trafic et que c’est une monnaie d’échange.

Mme la Présidente. - Le choix, si je puis m’exprimer ainsi, entre la Méthadone et le Subutex est-il un choix médical par rapport au sujet à traiter ou un choix effectué au hasard ? Cela permettrait de se dire que, du fait du risque de dérapage sur le Subutex en prison, en particulier de trafic, sauf raison médicale, il n’y aura que la Méthadone comme produit de substitution en prison ?

Mme VASSEUR. - Pour ce qui est de la Méthadone, on ne fait que poursuivre la Méthadone prescrite à l’extérieur. Elle n’est jamais instituée à l’intérieur. Quant au Subutex, la pratique est complètement différente. Il faut savoir que l’on peut faire des overdoses avec la Méthadone, qui est un produit assez dangereux, alors que si le Subutex n’est pas mélangé avec des tranquillisants et des psychotropes, on arrive à une dose plafond et cela ne grimpe pas puisque c’est une substance qui bloque les récepteurs. Normalement, il n’y a pas de danger.

Je précise d’ailleurs que le Subutex ne procure aucun plaisir et que ceux qui en prennent et qui ne sont pas toxicomanes sont extrêmement malades. Ce n’est pas du tout plaisant. Les détenus appellent cela une drogue morte. Ce n’est que parce qu’il est disponible en prison et donné gratuitement qu’ils sont tentés d’en prendre.

Mme la Présidente. - Ce que vous venez de répondre est inquiétant, dans la mesure où on se dit qu’ils arrivent en prison, qu’ils sont sous traitement de substitution et qu’on suit ce qui a déjà été mis en place. Cela laisse à penser qu’on n’est pas très inventif ni imaginatif et que rien ne prouve aujourd’hui que celui qui prend du Subutex ne peut pas prendre de la Méthadone, ce qui éviterait de sérieux problèmes de trafic en prison. Ce serait une prise en charge médicale importante.

Mme VASSEUR. - De toute façon, lorsqu’un toxicomane est pris en charge dans une unité et un centre Méthadone, on ne lui donne pas sa Méthadone sans rien faire d’autre ; il y a une prise en charge psychologique très importante. Quand ils arrivent, la Méthadone est prise devant l’infirmière et cela ne pose jamais problème. Cela n’a jamais entraîné aucun trafic, d’autant plus que cela se passe sous forme de sirop.

Pour le Subutex, c’est différent. Nous avions essayé de donner le Subutex à la becquée, à l’infirmerie, ce qui voulait dire qu’à un moment de la journée, tous les preneurs de Subutex arrivaient à l’infirmerie. Comme c’était devenu l’enfer, nous avons été obligés d’arrêter parce que cela se faisait avec des bandes de scotch dans la main... Tous les moyens étaient bons.

C’est très compliqué, d’autant plus qu’il y a des ruptures de traitement : lorsque les détenus sont accompagnés en centre de rétention, ils n’en ont pas. Comme il y a trop de trafic, le médecin-chef de la préfecture de police a refusé d’en donner. Le Subutex n’est pas la panacée, de toute façon.

Mme la Présidente. - Ce n’est pas la panacée et cela fait l’objet de trafic, ce dont on se passerait bien en prison.

Mme VASSEUR. - C’est vrai, mais tout fait l’objet de trafic. C’est aussi le cas des autres psychotropes.

M. PLASAIT. - Il est évident que, si l’importance du trafic, et donc de la consommation de drogue à l’intérieur de la prison, simplifie éventuellement le travail de la Pénitentiaire, elle ne simplifie pas la réinsertion du détenu lorsqu’il sort. On a donc toutes les raisons d’essayer de trouver des solutions pour changer cet état de fait lamentable.

Evidemment, la grande question à laquelle il est sans aucun doute extrêmement difficile de répondre serait de savoir, en dehors de la volonté manifestée d’emblée de prendre le problème totalement en charge et d’essayer de le régler, à la lumière de quel exemple étranger on pourrait initier une politique.

Mme VASSEUR. - Il faut déjà avoir la volonté que cela cesse. C’est la première chose.

Ensuite, on pourrait imaginer qu’à chaque fois qu’un détenu "pète les plombs", on puisse éventuellement faire une analyse d’urine. De toute façon, cela a une odeur particulière. C’est une chose qui est relativement admise et c’est ce que je trouve extrêmement grave.

Le fait qu’il y ait des trafics est autre chose : les détenus ne sont pas tous des gens honnêtes — c’est l’évidence —, ils trafiquent beaucoup de choses et cela ne peut pas être parfait, mais, en l’occurrence, il s’agit d’une tolérance, à mon avis, pour avoir la paix.

M. PLASAIT. - Cela démultiplie le phénomène.

Mme VASSEUR. - Bien sûr. Une personne de l’administration centrale qui était à ce congrès de médecine pénitentiaire m’avait dit qu’elle était effondrée et qu’elle allait faire quelque chose, mais il ne s’est jamais rien passé. Il n’y a pas de volonté que cela cesse parce que c’est un produit qui endort.

M. PLASAIT. - A votre connaissance, comment cela se passe-t-il dans les pays étrangers ?

Mme VASSEUR. - Je ne le sais pas. Je pense que cela circule aussi, mais je n’en sais rien.

Mme la Présidente. - Je donne la parole à nos collègues, qui ont des questions à poser.

M. du LUART. - J’ai été très intéressé, docteur, par ce que vous nous avez dit et j’aimerais vous poser une ou deux questions.

Tout d’abord, vous nous avez donné des statistiques sur le pourcentage des gens qui fumaient ou consommaient de la drogue à l’entrée en prison, mais a-t-on fait des statistiques à la sortie pour voir où on en était, compte tenu de l’aspect thérapeutique que vous avez mis en oeuvre en tant que médecin-chef de la Santé ?

Ma deuxième question est assez délicate. Vous avez dit que la Pénitentiaire a la paix quand le détenu fume, mais vous avez dit aussi que, parallèlement, il y avait un très fort taux de perturbation lié au cannabis et qu’à ce moment-là, il y avait de la violence.

Mme VASSEUR. - Je dis simplement que le cannabis n’est pas une drogue douce et qu’il entraîne des perturbations psychiques très importantes. Le cannabis n’est pas anodin.

M. du LUART. - Je suis heureux de vous l’entendre dire.

Mme VASSEUR. - Maintenant, je sais que, dans les prisons, la violence augmente sans arrêt, qu’il s’agisse des automutilations, des tentatives de suicide ou des agressions. Je ne dis pas que c’est le fait du cannabis, mais, alors que c’est une population extrêmement perturbée, cela ne va pas s’arranger en prison et on sait que le cannabis peut déclencher des perturbations psychiques. Il faut donc arrêter le massacre.

Quant à dire que, lorsqu’il y a une perturbation, elle est liée à la prise de cannabis, je n’en sais rien puisqu’on ne peut pas faire d’analyse.

M. du LUART. - La pénitentiaire est-elle complice du trafic de cannabis en prison ?

Mme VASSEUR. - On ne peut pas dire qu’elle est complice. Je n’ai simplement vu aucune volonté que cela cesse.

M. du LUART. - Au niveau de la hiérarchie ?

Mme VASSEUR. - A tous les niveaux. Je ne l’ai pas vu non plus au niveau de mes collègues médecins, qui disaient que ce n’était pas notre affaire mais celle de la Pénitentiaire. À partir du moment où on met en place des structures pour aider les toxicomanes, cela me paraît quand même notre affaire, justement.

M. du LUART. - Le précédent président de la MILDT considérait que le cannabis était une drogue douce, ce qui a fait l’objet d’un profond désaccord que j’ai pu avoir avec elle. Or vous dites vous-même, en tant que médecin, que ce n’est pas une drogue douce compte tenu des répercussions que cela peut avoir sur l’organisme, surtout en milieu pénitentiaire.

Mme VASSEUR. - Pas seulement en milieu pénitentiaire. Si une personne fume trois joints et prend un demi-litre d’alcool, je peux vous assurer qu’au volant, ce sera désastreux !

M. du LUART. - Ce sont les accidents du samedi soir.

Mme VASSEUR. - C’est une drogue dangereuse.

M. PLASAIT. - Je ne suis pas sûr d’avoir bien compris une chose que vous avez dite tout à l’heure, docteur, et qui est importante quand on parle de la dangerosité du cannabis. Vous avez dit : "Le cannabis ne tue pas, mais il achève". J’ai cru comprendre que vous vouliez dire qu’en cas de décès par infarctus, si on relevait qu’il y avait eu une consommation de cannabis dans les temps précédant le décès, on pouvait imaginer qu’on n’avait pas été alerté sur les signes avant-coureurs de l’infarctus faute de douleur à cause des qualités analgésiques du cannabis. Vous ai-je bien comprise ?

Mme VASSEUR. - Oui. De plus, cela provoque une hypotension. Certains détenus m’ont dit qu’ils n’avaient plus besoin d’un médicament anti-hypertenseur parce qu’ils fumaient un joint le soir, et je dois admettre que leur tension était redevenue normale.

De toute façon, même en étant complètement effarés par cette situation, nous ne sommes pas des "flics" et nous n’allons donc pas les dénoncer. C’est aussi une question de confiance vis-à-vis de personnes qui se confient à nous. Ce n’est pas notre travail.

Mme la Présidente. - Merci infiniment, docteur. La commission a été heureuse de vous entendre. Vous nous avez apporté un certain nombre d’éléments qui nous permettent d’être encore mieux éclairés sur ces dangers.

Mme VASSEUR. - Je tiens à dire que je suis totalement contre la dépénalisation du cannabis.

Mme la Présidente. - Nous avions cru bien le comprendre. Je vous prie de nous excuser à nouveau du retard avec lequel nous vous avons entendue.


Source : Sénat français