Le président rappelle le protocole de publicité des travaux de la commission d’enquête et fait prêter serment à M. Got.

M. Gilbert BARBIER, Président.- Monsieur le Professeur, si vous le voulez bien, vous pouvez peut-être nous exposer votre vue des choses sur une dizaine de minutes à peu près. Ensuite, les questions de M. le rapporteur et de mes collègues vous permettront d’intervenir dans le débat.

M. GOT.- Cela correspond exactement à la durée, compte tenu des difficultés permanentes à la phase terminale d’une commission d’entendre un grand nombre de personnes.

J’ai essayé de formuler six questions, qui me paraissent les plus importantes. J’y donnerai une réponse et bien entendu je répondrai aux questions que vous vous posez.

Je m’occupe de ces problèmes des effets sur la santé des psychoactifs depuis une trentaine d’années en participant au Haut Comité d’études sur l’alcoolisme, au Haut Comité de santé publique, à la commission qui en 1993 avait proposé de rechercher les stupéfiants dans les accidents, la commission Jean Bernard. Je passe, c’est secondaire.

Je préside depuis quatre ans le Collège scientifique de l’Observatoire Français des Drogues et Toxicomanies.

La première question que je me suis posée, fondamentale, est de savoir si nous pouvions agir spécifiquement sur les stupéfiants sans les réintégrer dans un problème global des drogues licites ou des médicaments ? Ma réponse est non. Il faut avoir une cohérence dans ces actions ; sinon, l’efficacité de l’action publique s’affaiblit.

Je donnerai un exemple. La loi Evin a tenté de limiter l’intoxication des non-fumeurs et a organisé leur protection dans les espaces publics. Depuis 12 ans, cette loi n’est pas appliquée.

Je crois que si nous voulons convaincre les adolescents que respirer de la fumée, se mettre du goudron dans les poumons, perdre sa liberté de sentir, de respirer et de vivre..., nous ne pourrons pas atteindre cet objectif si nous ne stigmatisons pas la fumée dans les lieux publics. Il faut donc des actions spécifiques, cohérentes traitant l’ensembledu problème.

Deuxième point très important : la recherche est-elle à un niveau suffisant dans ce pays dans le domaine des stupéfiants et en général des drogues ? Ma réponse est non. Il y a eu des progrès au cours des dernières années. Vous avez beaucoup entendu et utilisé dans cette commission des résultats produits avec des études financées par l’OFDT, que ce soit ESCAPADE, ce que fait Marie Choquet ou d’autres. Cependant, ces progrès sont encore dramatiquement insuffisants. Il n’y a pas de bonne législation, de bonne gestion du risque sans une connaissance approfondie.

Dans une réunion récente de l’Office parlementaire d’évaluation des choix scientifiques et techniques, j’ai eu à parler des lacunes de l’épidémiologie dans le domaine de la psychiatrie. C’est dramatique. Il n’y a pas une cohorte en France étudiant les effets à long terme du cannabis. Nous sommes obligés de faire venir, c’était le cas, un Anglais, qui avait étudié la cohorte suédoise, et de regarder dans la littérature les deux autres cohortes publiées, une néo-zélandaise et une australienne, avec des résultats pas tout à fait identiques, avec une forte présomption d’un développement possible de psychose en cas de consommation de cannabis par un jeune.

Nous avons donc besoin de renseignements. Quand nous voyons, je l’ai lu, le débat parlementaire, en particulier au Sénat, sur les crédits de l’OFDT et de la MILDT, je suis consterné. Ces outils, car ce sont des outils, sont à la disposition du Gouvernement. Si vous augmentez leurs moyens, vous aurez des moyens d’agir fondés sur des connaissances. Si vous les réduisez, nous serons dans le débat d’idées et pas dans une approche de la vérité.

Troisième problème fondamental : l’éducation pour la santé est-elle au niveau où elle devrait être dans ce pays ? A l’évidence, la réponse est non. Je fais partie d’un groupe, des cinq sages a-t-on dit. C’est une mauvaise dénomination. Nous étions un groupe d’activistes. Nous cherchions à faire évoluer le système. Quand nous avions proposé il y a 15 ans que 1 % des taxes sur le tabac aille à l’éducation pour la santé, à la formation des maîtres dans les IUFM, à des actions de terrain, nous n’avons jamais pu l’obtenir. Un certain nombre de parlementaires avaient relayé cette proposition. Nous l’avons vue apparaître parfois dans des gouvernements de droite, de gauche, parfois avec les mêmes personnes, avec des personnes différentes. Finalement, il y a eu un interdit au niveau du ministre du Budget, qui ne voulait pas d’une telle dépense affectée.

Il faut savoir ce que l’on veut. Si l’on pense pouvoir agir dans ce domaine sans donner à l’Education nationale les moyens de ses missions, éventuellement de façon contraignante, parce que tous les enseignants ne sont pas volontaires pour intervenir dans ces comportements humains, mais l’apprentissage du risque, de la vie, de la mort, des facteurs de risques et de la façon de les gérer, expliquer à des jeunes que c’est leur avenir qui est en jeu, que tous ces systèmes fonctionnent -le terme est grammaticalement et lexicologiquement correct- comme des défenseurs sociaux, c’est-à-dire des moyens qui vont permettre à quelqu’un de le faire descendre, au lieu d’essayer de réaliser son existence, sa vie professionnelle, familiale... On n’est pas capable actuellement d’expliquer cela correctement aux jeunes. Je le sais, pour intervenir constamment dans des établissements scolaires.

Hier soir, j’étais avec Bruno Dalque, un magistrat qui a été longtemps à la Direction des affaires criminelles et des grâces, qui est maintenant aux Douanes. Nous essayions d’expliquer à des parents de lycéens et à des lycéens ce problème. Mais nous promener comme des espèces d’images pieuses de gens qui ont milité dans ce domaine et qui vont une soirée rencontrer des lycéens est nul. Ce n’est pas cela qui fait la conviction, mais les actions répétées, permanentes.

Quatrième problème fondamental : l’action publique est-elle équilibrée entre les actions d’amont et d’aval ? Bien entendu si nous voulons être cohérents, il faut être capable d’agir des deux côtés. Là encore, la réponse est non. La lutte contre l’approvisionnement est insuffisant. Nous avons eu la chance à l’OFDT d’avoir des personnes d’une compétence particulière dans ce domaine. Nous savons que l’approvisionnement de l’Europe en cannabis vient du Maroc. 1 700 tonnes de cannabis produit de résine sont produites au Maroc. Le Maroc n’est pas un pays comme la Colombie, avec des zones totalement aux mains de mafias, mais un pays structuré. Il faut que l’Union européenne négocie avec le Maroc et obtienne qu’il y ait une interruption de cette production de cannabis marocain au niveau où elle est actuellement.

Quand nous regardons, et j’en ai beaucoup discuté avec les personnes ayant en charge cette mission de lutter contre le blanchiment de l’argent, nous sommes dans une situation incohérente. L’échange électronique de moyens de paiement est parfaitement traçable. Si nous exigions vraiment des pays qui sont les paradis fiscaux que nous connaissons tous qu’il y ait une transparence absolue, nous savons bien que nous bloquerions les trafics en partie ; mais nous voulons avoir l’absence de drogue et l’argent de celle-ci. Grosso modo, nous voulons bénéficier de l’argent sale et ne pas mettre hors circuit les îles Moustiques, le Liechtenstein, voire le Luxembourg par certains aspects. C’est à la communauté des pays industrialisés riches de savoir régler ces problèmes. Elle ne le fait pas actuellement.

Enfin, je pense qu’il y a toujours un déficit au niveau des moyens policiers, des gendarmes, des douanes, pour lutter contre le trafic. Les GIR ont sûrement été un progrès, mais je reste persuadé qu’il faut des personnes très spécialisées, très compétentes. En avoir une centaine n’est pas suffisant. Nous n’avons pas investi suffisamment dans l’infiltration de ces milieux vivant de la drogue. Je pense que l’action d’amont actuellement est totalement déséquilibrée par rapport à l’ampleur du problème.

Autre problème extrêmement important, une question fondamentale : la répression de l’usager est-elle capable d’avoir une efficacité en matière de prévention ? Ma réponse est oui. Nous avons vu dans le domaine de la sécurité routière à quel niveau cela pouvait se situer. Actuellement, uniquement par une action psychologique qui est l’anticipation de la loi qui était encore devant le Sénat hier, nous avons eu 1 000 tués en moins sur les routes en quatre mois, uniquement parce qu’il y a eu un renforcement de la crédibilité de l’action des policiers et des gendarmes. C’est mon domaine de recherche, puisque initialement toutes ces activités de santé publique, j’y suis arrivé par mon activité de recherche qui est la sécurité routière, l’accidentologie. C’est dans ce domaine que j’étais entré dans cette action -si je puis dire- à la jonction du scientifique et du politique, quand Simone Veil et M. Peyrefitte ont fait voter en 1978 la loi sur les dépistages préventifs de l’alcoolémie au volant.

Nous voyons donc à ce niveau qu’il est véritablement nécessaire d’agir avec des moyens efficaces, de reconnaître les conditions de l’efficacité avant d’imaginer une nouvelle réglementation, une nouvelle législation. Or, les conditions de l’efficacité dans ce domaine d’une délinquance de masse et de la sanction, vous êtes en train de la décrire dans la loi de sécurité routière, qui je trouve est un excellent texte. J’ai partiellement "trempé" dans la genèse de ce texte, parce que véritablement le contrôle automatisé est la garantie de l’efficacité.

Borkenstein l’avait dit. Je relisais ces jours-ci ses travaux pour essayer de comprendre finalement la genèse de cette compréhension de l’action efficace dans la délinquance de masse. Quand cet homme avait fait sa première étude à grand rapide sur alcool et accidents de la route, il avait déjà fixé ces règles. Il avait dit que dans la délinquance de masse, il fallait des sanctions fréquentes, légères pour être acceptables, crédibles, équitables. Ces règles sont en permanence transgressées. On voudrait au contraire augmenter le niveau de sanction jusqu’à la rendre inapplicable. De temps en temps elle tombera sur quelqu’un, et cela apparaîtra comme une loterie. C’est l’inverse de l’équité. En faisant cela, on pense être efficace.

La gestion de la délinquance financière, bancaire, les chèques en bois, etc. a été réglée par des problèmes ne faisant pas appel à la pénalisation. C’était la suppression de comptes bancaires. Là, il y avait des moyens permettant d’avoir l’exhaustivité et l’efficacité avec des mesures simples.

Sur la route, c’est déjà plus difficile. Les Hollandais nous montrent bien que le contrôle automatisé, une sanction automatique avec un lien avec le fichier des cartes grises, la personne recevant deux jours après son infraction, fonctionne, dissuade. Ils ont pacifié leurs routes avec ces systèmes.

En matière de consommation de drogue, cela va être difficile. Nous en avons eu un aperçu avec les mesures qui étaient envisagées, en particulier celles qui ont été énoncées par M. le ministre de l’Intérieur. Nous pouvons envisager des mesures de ce type, mais il faudra être très attentif au fait qu’elles soient appliquées à tout le monde, qu’elles ne désocialisent pas de façon dangereuse les personnes à qui elles vont s’appliquer.

Ce peut être des mesures financières. L’important est de les proportionner aux revenus de la personne ou de sa famille. Ceci est une difficulté, parce que nous avons toujours eu du mal, même avec toutes les possibilités de personnalisation des peines, à faire justement de l’automatique qui soit adapté. Là, il faut peut-être avoir de l’imagination et rendre possible grosso modo des sanctions financières automatiquement proportionnelles aux revenus.

Je crois que la prévention par la dissuasion fonctionne. Dans de multiples domaines, elle fonctionne.

Peut-être qu’une des explications de la diminution régulière de la mortalité et de la consommation d’alcool en France se comprend en partie par la loi de 1970 et la conduite sous l’influence de l’alcool. Tout le monde est passé vers la conduite automobile et il y a eu une contrainte, qui même si elle n’était pas totalement crédible, était tout de même forte.

Cette année, nous allons passer pour la première fois depuis la fin de la guerre à moins de 10 litres d’alcool pur en consommation d’alcool par habitant. Nous sommes le seul pays ayant diminué d’environ 40 % sa consommation d’alcool sur une période d’environ 40 ans.

J’ai réservé la dernière question pour la fin. C’est la plus difficile. Les débats parlementaires sur ce problème des drogues ont-ils été sereins au cours des périodes récentes ? Ma réponse est non. J’ai entendu dans des enceintes parlementaires des propos qui me désolent, parce que j’ai toujours fonctionné avec un principe simple : la fin ne justifie pas les moyens. On ne peut pas dire n’importe quoi pour faire adopter un texte. Malheureusement, nous avons entendu n’importe quoi.

J’ai deux propositions très concrètes à vous faire. Ce sont de petites propositions, mais c’est souvent avec des progrès de ce type que l’on réussi à faire évoluer une situation.

Je crois qu’il faut interdire, ce serait une décision des responsables du Sénat, de l’Assemblée, que des réunions se tiennent dans vos locaux, qui sont ceux où l’on fait les lois de la République, en laissant s’exprimer des groupes de pression faisant de la désinformation, c’est-à-dire mentant.

Si je dis cela et si je n’ai pas encore été poursuivi pour diffamation par les personnes que j’accuse aussi directement, c’est qu’il y a tout de même un fondement à mes propos. Quand des experts toxicologues donnent des indications sur la prévalence de la conduite sous l’influence du cannabis et que ces chiffres sont faux, j’estime qu’il est inacceptable que l’on puisse présenter de tels résultats dans des locaux qui sont ceux de l’Assemblée et du Sénat.

Deux mesures très simples redonneraient un peu de sens à ce qui se passe dans ces locaux. Ce serait d’interdire que l’on tienne des réunions de groupes de pression. Le lobbying est acceptable dans une démocratie, mais à mon avis il doit s’exprimer clairement en dehors du Parlement. Il y a une confusion des genres quand dans des locaux quisont ceux de l’Assemblée ou du Sénat des propos sont tenus, car immédiatement il y a une notion dans le public et les médias de crédibilité, due au caractère en quelque sorte officiel de ce qui se passe dans vos locaux.

Pour avoir un lien extrêmement précis avec cet interdit, nous retombons sur un problème fondamental, qui est la déclaration d’intérêt. Quand dans l’industrie pharmaceutique il y a eu à gérer ce problème, en relation avec le ministère de la Santé, pour les autorisations de mise sur le marché, quand Simone Veil a réformé en profondeur la Direction du médicament au ministère -à l’époque j’étais son conseiller technique, je connais bien ce problème-, il y a eu progressivement une exigence de clarification du débat. On ne peut pas être un expert qui va donner un avis pour mettre un médicament sur le marché et en même temps, par exemple, le salarié de la firme qui le met sur le marché. La déclaration d’intérêt est fondamentale.

Dans toutes vos commissions, dans toutes les auditions et dans toutes les manifestations en dehors du cadre législatif se tenant au Parlement, il faut que vous exigiez des personnes qu’il y ait une déclaration d’intérêt, voir si celui-ci est direct, leur patrimoine personnel, ou indirect, leur structure qui va bénéficier d’un financement.

A l’évidence, les toxicologues qui ont fait ces déclarations avec des communiqués à l’Agence France Presse le jour du début du débat parlementaire devaient dire : "Nous sommes intéressés à ces mesures. Chaque fois qu’un nouveau dépistage sera fait, nous allons gagner tant." Il faut vraiment dans ce domaine, qui en est un difficile, une certaine clarté. C’est pour cela que je voulais finir par ce questionnement sur finalement la sérénité des débats, parce que je vous assure que lire que 1 500 jeunes meurent sur la route du fait de l’usage des drogues, c’est dans le Journal Officiel, est tout de même consternant. A ce moment-là quand nous regardons quelle fraction est attribuable aux drogues, il faut mettre dans les 2 300 ou 2 400 jeunes qui meurent sur la route, nous atteignons un niveau de consommation et un niveau dans la fraction attribuable des accidents liés aux stupéfiants tout simplement ridicule.

J’ai mis dans le texte que je vous donne deux citations de deux structures qui se sont prononcées sur ce problème des drogues. Nous les connaissons. Une est le Groupe Pompidou du Conseil de l’Europe, qui est la structure qui depuis longtemps, à l’instigation du fils Pompidou, s’intéresse à ce problème et qui réunit les structures de l’Union et du Conseil de l’Europe. A la dernière réunion, il a été publié un fascicule comme cela, disant que finalement il y avait énormément d’inconnues. C’était la même conclusion dans le rapport d’expertise collective de l’INSERM, qui a dit qu’actuellement il n’y avait pas de consensus au niveau mondial, scientifique, sur la fraction attribuable des accidents liés à la consommation de cannabis seul.

Pour le cannabis et l’alcool, tout le monde est d’accord, mais là il n’y a pas de problème, l’alcool est facile à doser et à mettre en évidence.

A mes yeux, tout le débat parlementaire sur le contrôle de l’usage des drogues au volant a été pollué par véritablement ce refus d’objectivité, l’intervention de tiers extérieurs ayant un intérêt à agir. Je trouve que c’est dommage pour la qualité des travaux produits.

Je vous remercie beaucoup de m’avoir entendu. Si vous avez des questions auxquelles vous estimez que je peux répondre, je suis à votre disposition.

M. BARBIER.- Merci Professeur Got de cet exposé, très organisé.

M. Bernard PLASAIT, Rapporteur.- Monsieur le Professeur, merci beaucoup de cet exposé très intéressant, qui ramasse assez bien, de façon très parlante, un certain nombre d’idées qui nous sont venues au cours de cette enquête, nous ayant permis de découvrir l’ampleur du sujet et aussi sa complexité.

Le principal souci est évidemment celui que vous avez mentionné à la fin, l’honnêteté, car il faut que nous comprenions où est la vérité ou en tous cas essayer de nous en rapprocher, de telle manière que nous puissions préconiser les bonnes mesures.

Sur un sujet, il y a une controverse. A mon sens, un certain nombre de personnes s’expriment avec une très grande malhonnêteté intellectuelle ou avec des arrière-pensées que je ne connais pas sur la question du cannabis. Or, il me semble qu’il faut en cette matière ne pas diaboliser le cannabis, ni non plus le banaliser, mais simplement pouvoir dire à son sujet la vérité.

Nous avons vu en audition ici des personnes qui nous ont expliqué pratiquement que le cannabis était inoffensif, que sa consommation relevait de la liberté individuelle.

M. GOT.- C’est un autre problème.

M. PLASAIT.- Par conséquent, nous pouvions le dépénaliser, le libéraliser, le légaliser. Certaines sont même allées jusqu’à dire qu’au-delà du cannabis, il fallait légaliser l’usage de toutes les drogues.

Le cannabis est un phénomène pour nous extrêmement important, parce que nous avons compris que sa consommation avait explosé dans les dix dernières années.

M. GOT.- Pas dans les dix dernières années ; il augmente régulièrement depuis trente ans. La pente est pratiquement stable depuis trente ans. A mon avis, l’affirmation d’une explosion les dix dernières années ne correspond pas à la réalité documentée.

M. PLASAIT.- En tout cas une augmentation considérable et régulière de la consommation de cannabis fait que certains posent le problème en termes de culture, de phénomène de société qui serait irréversible, etc.

La question est de savoir si le cannabis est dangereux ou pas. S’il ne l’est pas, il n’y a pas de raison de ne pas le légaliser, de ne pas le laisser utiliser de la façon dont les jeunes en particulier ont envie de l’utiliser dans leurs nouveaux rites, leur nouvelle culture.

En revanche s’il est dangereux, il faut l’interdire et dire pourquoi. S’il y a doute, avant d’en savoir plus, il faut peut-être appliquer le principe de précaution.

J’ai retenu, et je parle sous le contrôle de tous les commissaires qui ont participé à cette enquête, que finalement il y a, comme d’ailleurs le titrait la Recherche du mois de mars 2003, un consensus scientifique au moins sur un certain nombre de points et discussion sur certains autres.

Je vous le dis rapidement pour que vous puissiez me donner votre sentiment là-dessus, infirmer ou valider cette approche. La partie qui me paraît certaine ou à peu près certaine est celle figurant dans le rapport de l’INSERM, où l’on parle des effets immédiats ou à court terme. A dose induisant la somnolence, on a déjà un certain nombre d’effets. Lorsque la prise est plus importante, on en a d’autres. On a des effets certains aussi à long terme, avec une consommation répétée. Voilà pour la partie paraissant certaine.

D’autres parties sont en discussion. Le cannabis est-il un facteur direct de schizophrénie ou facilite-t-il l’arrivée de la schizophrénie lorsqu’il y avait les éléments déjà constitués ? Il y a le problème de la dépendance. Est-ce une vraie dépendance au sens scientifique du terme ? N’est-ce qu’une accoutumance ? J’ai parlé récemment avec un professeur qui a ce problème avec ses élèves, qui sont un peu retirés de leur scolarité par ce qu’il appelait l’obsession du cannabis. C’est une forme d’accoutumance et de dépendance. Il y a discussion là-dessus entre les experts.

Enfin, il y a la question du cannabis au volant. Nous pouvons penser que le delta-9 ou le delta-8 en cas de relarguage ont un effet évident. Pour autant, pouvons-nous décider aujourd’hui qu’il y a un lien de causalité parfaitement établi avec des accidents automobiles ? Sans doute pas, mais peut-être que le principe de précaution devrait nous alerter sur quelques mesures à prendre. En tout cas, pour avoir une certitude là-dessus, il faut attendre d’en savoir plus et en particulier connaître les résultats de l’étude épidémiologique qui avait été prévue, et qui est en cours, après la loi Gayssot.

M. GOT.- D’ailleurs, elle fonctionne très bien. Nous en reparlerons.

M. PLASAIT.- Dans cette présentation générale des choses, approchons-nous de la vérité ?

M GOT.- Oui. Je vais essayer de répondre rapidement et ponctuellement. Le débat sur dangereux ou pas n’existe plus ; tout le monde est d’accord pour dire qu’il y a des risques liés à l’usage du cannabis.

Là, à mon avis ce qui est très surprenant, c’est de voir privilégié constamment le risque de l’effet psychoactif par rapport au risque physique. Peut-être est-ce dû en grande partie au fait que nous revenons à la recherche.

Combien de machines à fumer en France font des études régulières avec le cannabis saisi, avec de la combustion et des cancérogènes qui les documentent ? C’est facile, il n’y en a pas. D’ailleurs, il n’y a même pas de recherches sur la fumée du tabac, ce qui a permis aux manufacturiers du tabac, pendant des décennies, d’utiliser des machines à fumer qui fumaient de façon différente des usagers, avec une combustion et une absorption de nicotine et de goudron ne correspondant pas à la réalité.

Quand on veut documenter un risque, on se donne les moyens de le documenter. Ce ne sont pas des coûts importants, mais il n’y a pas de machines à fumer permettant de faire ce que demandait par exemple Mme Sasco, du Centre International de Recherche sur le Cancer, c’est-à-dire des études systématiques. Elle a publié sur ce sujet.

Dire que le cannabis n’a jamais tué personne, étant donné qu’il y a entre quatre et dix fois dans un joint la quantité de goudron qu’il y a dans la combustion d’une cigarette, est la négation du tabagisme passif et de tout ce qui a été accumulé depuis quarante ans sur la connaissance du risque lié au tabac.

En plus, comme la consommation de cannabis est associée habituellement à celle de tabac, il y a le développement d’un risque supplémentaire, qui est l’addiction à la nicotine, dont personne ne discute que c’est une drogue dure extrêmement addictive.

Vraiment, le débat sur le risque physique ou psychique lié au cannabis est actuellement inexistant. Il existe sur la nature du risque et son amplitude. C’est bien là où dans tous les exemples que vous donnez, il y a des certitudes et des incertitudes, avec un domaine d’incertitudes, un intervalle de confiance qui est la difficulté actuelle.

Si nous revenons très brièvement sur l’insécurité routière, dans le rapport de l’INSERM vous avez vu rapporter les études concernant le cannabis seul. Quatre concluaient à l’absence de risque relatif significatif, deux à l’existence d’un risque supérieur à un, mais avec un intervalle de confiance pas satisfaisant. C’était la situation 2001.

Depuis, deux études ont été publiées. Nous les connaissons. Le milieu qui s’intéresse à cela dans le monde est extrêmement limité. Nous retrouvons ces publications à l’ICADS, dans le Groupe Pompidou ou dans les quelques groupes réunissant ces données.

Une étude a été extrêmement discutée, celle du Dr. Mura dans le cadre du plan hospitalier de recherche clinique. Là, la discussion a été sur la qualité du groupe témoin. Personne ne met en doute la qualité de ces toxicologues. Le problème n’est pas là ; c’est un problème méthodologique. J’en ai souvent discuté avec Patrick Mura. Sur la route, on est exposé à un risque d’accident parce que l’on est sur la route.

Depuis Borkenstein, la règle fixée est que le groupe témoin devait en être un exposé au risque, c’est-à-dire un groupe circulant au même moment au même endroit. Borkenstein a fait son étude de grand rapide avec une méthode très simple : on arrête au même endroit quelqu’un qui passe, on lui demande de souffler dans un éthylomètre et l’on voit s’il est sous l’influence de l’alcool. On a fait la même chose avec les accidentés et l’on voit s’il y a plus de gens sous l’influence de l’alcool en accident que dans le groupe témoin.

Si nous n’avons pas un groupe témoin valable, je prends souvent cette comparaison, c’est comme si l’on disait que 12 % des accidentés ont les yeux bleus. A ce moment-là on ne va pas sauter le pas et dire que c’est parce qu’ils ont les yeux bleus qu’ils ont un accident. Pour pouvoir calculer une fraction attribuable, il faut avoir un groupe témoin.

Pour l’alcool nous avons toujours pu l’avoir facilement, parce que l’alcool est accepté culturellement. Quand 3 000 personnes étaient arrêtées au bord des routes, la fraction refusant de souffler dans l’éthylomètre était extrêmement faible. A ce moment-là, on pouvait dire que 2,5 % des gens circulaient avec une alcoolémie dépassant 0,8. C’était le taux de l’époque. En accidents, nous avions 33 ou 35 %. Je menais des études dans les années 1973 et qui ont permis d’adopter la loi de 1978. Là, on calcule un risque relatif et on dit en moyenne, toutes alcoolémies confondues, qu’il y a dix fois plus de risques d’avoir un accident mortel quand on est sous l’influence de l’alcool à plus de 0,8 que lorsque l’on n’a pas une alcoolémie à ce niveau.

Nous pouvons même faire des sous-classes et dire que lorsque l’on est à plus de 2 grammes par litre d’alcool, on a un risque relatif supérieur à 100, 10 000 % d’augmentation. On fait un kilomètre, il y a 100 fois plus de risques d’avoir un accident mortel que si l’on n’est pas sous l’influence de l’alcool.

La difficulté pour le cannabis est que nous ne pouvons pas voir de relation dose/effets, parce que l’absorption est rapide, le taux sanguin s’effondre et après il y a une diminution lente. Beaucoup de toxicologues, c’est l’opinion du Dr. Mura, nous disent que sur cette partie qui descend, nous n’aurons jamais de relation dose/effets calculable. Nous allons voir. Je pense que c’est un problème aussi d’échantillon. Si nous avions des dizaines de milliers de cas étudiés, nous aurions peut-être, mais c’est une hypothèse, pas une vérité scientifique. Actuellement, aucune équipe au monde, en accidentologie routière, avec un groupe témoin, n’a montré de relation dose/effets.

Le groupe témoin de l’étude du Dr. Mura du PHRC vient de personnes consultant aux urgences. Nous comparons un groupe d’accidentés à un groupe venant consulter aux urgences. Je regrette, pas une équipe d’accidentologie au monde n’accepte un tel groupe témoin, parce que si les jeunes consomment plutôt du cannabis à l’extérieur et se retrouvent sur les routes revenant d’une rave à 200 kilomètres parfois de l’endroit où ils habitent, les conditions d’exposition au risque ont été liées aussi aux conditions de consommation. Ils consomment plus souvent à l’extérieur de chez eux que chez eux.

Si ceux qui viennent aux urgences pour une appendicite, une colique néphrétique, un événement aigu, viennent de conditions différentes de vie, d’exposition au risque, sont deux fois moins consommateurs avant de venir à hôpital, le risque relatif 2 va apparaître dans l’étude. C’est une hypothèse.

Le Dr. Mura nous dit que ce n’est pas vrai, la preuve : pour l’alcool nous avons aussi un risque relatif ; mais on ne consomme pas d’alcool chez soi comme du cannabis.

L’autre étude qui a été publiée, passionnante, est celle de Claude Dussault, qui a dirigé longtemps le service de recherche de la Société d’Assurance Automobile du Québec. C’est une société d’assurance particulière, puisque le Québec, libéral, a nationalisé son assurance automobile. La SAAQ gère le permis à points, l’assurance et une bonne partie de l’organisation de la sécurité routière au Québec bien sûr, sous le contrôle des parlementaires pour tout ce qui est de nature législative. Cette étude est à sa phase encore préliminaire pour les résultats. Ceux-ci ont été passionnants. Ils ont réussi à faire un groupe témoin hors accidents au bord de la route, mais avec beaucoup de refus. Là, Claude Dussault se dit que ceux qui ont refusé sont peut-être ceux qui consomment. Si ceux qui ont refusé et qui sont dans le groupe témoin sont ceux qui ont consommé, on crée un risque relatif artificiellement.

Comme il est malin et sérieux, il a fait aussi un groupe témoin en accidents analogue à la méthode retenue par l’OFDT et que nous utilisons depuis deux ans, qui va aboutir à des résultats en 2004 sur environ 10 000 accidents mortels. L’étude du groupe témoin en accidents consiste à prendre tous les accidentés, à se documenter sur l’alcool, les drogues, éventuellement les médicaments et de voir quelle est leur responsabilité dans l’accident.

Quelqu’un perd le contrôle dans un virage, part à gauche et tue un autre usager de la route. Cet usager est un bon témoin, parce qu’il est au même endroit au même moment, au même jour de la semaine, dans les mêmes conditions d’exposition au risque.

La méthode de l’OFDT, vous l’avez peut-être connue, est de prendre tous les accidents mortels. Nous venons ou sommes sur le point de recevoir cette semaine le 6 000ème procès-verbal. Nous en aurons 10 000. Cela a été lent à se mettre en route. Cela fonctionne parfaitement, nous avons une très bonne relation avec les policiers, les gendarmes et les CRS, qui nous envoient leurs procédures. A partir de là, un groupe d’accidentologistes étudient la responsabilité sans connaître bien sûr les résultats des dosages, ni pour l’alcool ni pour les stupéfiants. C’est vraiment fait dans des conditions qui sont celles de la recherche médicale pour des médicaments. A terme, nous serons capables de comparer et nous vous dirons si nous avons un risque relatif documenté ou pas.

En ce qui concerne les psychoses, là la réunion de l’Office parlementaire a été passionnante. Je pense qu’avec les trois études publiées l’année dernière, nous avons plus qu’une ébauche, nous avons des éléments nous permettant de penser que la consommation de cannabis est prédictive du développement d’une psychose, d’une schizophrénie 20, 25 ans après.

Est-ce un effet direct ou agit-on sur des gens qui ont un facteur de risque personnel et est-ce cela qui va les faire passer de l’autre côté ? Honnêtement, cela n’a pas une grosse importance. Que l’on passe de l’autre côté parce que l’on est prédisposé ou indépendamment d’un facteur génétique prédictif n’a pas d’importance. Si nous sommes capables de calculer une fraction attribuable, nous l’utilisons comme un élément d’attribution d’un facteur causal. Même si nous savons qu’il n’est pas commode dans l’épidémiologie de passer d’une corrélation à une explication causale, dans un cas comme celui-là, à mon avis, nous avons la possibilité de le faire, mais le risque est faible.

Sur les dizaines de milliers de conscrits suédois, il faut toujours regarder les valeurs absolues. Quand nous regardons au bout du compte quels étaient les effectifs dans les différents groupes, deux personnes, trois, cinq, nous étions dans un risque que nous pouvions considérer comme documenté, mais faible. Vous voyez donc la difficulté d’utiliser ce genre d’argument. Ce n’est pas un risque majeur mais faible. Cependant, à mes yeux, maintenant, je le crois documenté. C’est une appréciation personnelle du moment.

Regardez les difficultés que nous avons eues sur la documentation de l’effet favorable des faibles doses d’alcool sur les maladies cardio-vasculaires. Nous avons mis trente ans à nous mettre d’accord. Maintenant, c’est une notion acceptée. Maintenant, la discussion existe sur la mortalité globale et là, le problème n’est pas résolu.

En ce qui concerne les psychoses, voilà ce que j’en pense actuellement avec les données.

Sur la notion d’accoutumance, tout le monde est d’accord pour dire qu’il n’y a pas une dépendance forte, physique et psychique en matière de cannabis, mais il y a des personnes qui dans leurs conditions de consommation, dans leur environnement, avec leurs caractéristiques personnelles, vont faire que pour elles, la consommation de cannabis sera un facteur d’inhibition de la qualité de leur travail, de leurs relations sociales, professionnelles et grosso modo sera destructrice, comme peut l’être l’alcool.

Le tabac l’est beaucoup moins, car il a un effet psychostimulant et peu d’effets finalement destructurants de la personnalité, mais il a l’énorme inconvénient de tuer 60 000 de ses consommateurs chaque année. L’alcool est plutôt à 40 000, 45000.

Nous voyons bien que lorsque nous raisonnons en termes de risques, là un mot maintenant m’inquiète, qui est le principe de précaution. Quand nous disons s’il est dangereux, par précaution il faut l’interdire, là nous retombons sur le problème de la gestion cohérente des risques. C’est ma spécialité.

Le dernier livre que j’ai écrit est sur la gestion des risques. En trente ans, j’ai participé à vingt commissions, j’ai fait lecompte, ayant eu à gérer des problèmes de risques, que ce soit le rapport sur le sida qui m’avait été demandé par Claude Evin ou la commission Jean Bernard sur l’alcool, qui était une commande de Valéry Giscard d’Estaing, ou le rapport sur l’amiante en 1999.

La gestion du risque, c’est-à-dire la jonction entre la connaissance et le passage à l’acte administratif, ou politique quand on est dans le domaine législatif, est mon objet passionnel -si je puis dire- d’intérêt. Il est extrêmement difficile de garder une cohérence dans ces domaines, surtout si vous allez jusqu’à utiliser le principe de précaution.

Il y a eu un séminaire du plan sur le principe de précaution, qui a duré un an. Je suis allé à toutes les séances, sauf à une je crois. Cette réunion a été passionnante, parce que nous avons bien vu les dangers de sortir le principe de précaution du domaine pour lequel il a été créé, qui est le domaine du risque en gros planétaire ou étendu dans le domaine de l’environnement. Il a été créé pour la gestion de la pollution de la Mer du Nord. Ensuite, la conférence brésilienne sur en gros l’environnement, l’effet de serre et Kyoto ont repris ces notions. Lorsqu’il y a un risque pas assuré, mais les éléments pour penser que c’est crédible et lorsque l’on doit le gérer politiquement, si ce risque est planétaire et irréversible, il faut être tout de même extrêmement méfiant et accepter d’utiliser ce principe de précaution.

Si nous l’utilisons dans la vie quotidienne à propos du risque individuel, nous sommes perdus, parce que c’est un principe d’inaction, ou alors en permanence nous nous exposons à la critique qui a été formulée dans le débat sur la sécurité routière. J’ai lu totalement ce débat. Certains de vos collègues disaient : "Vous dites principe de précaution, qui s’oppose grosso modo à la prévention. La prévention est d’être sûr. Il y a risque documenté, nous sommes capable d’agir en disant si je supprime ce risque, je supprime la mortalité de telle cause par un facteur 2, 3 ou 5." L’opposition prévention/précaution existe, même si ce n’est pas du tout ou rien. Il y a des domaines dans lesquels nous commençons à savoir un peu, puis beaucoup et à un moment, nous admettons que c’est une certitude. La transition de l’un à l’autre se fait insensiblement. Il y a tout de même des domaines où la certitude existe et où nous n’agissons pas, alors qu’il n’y a pas d’intérêt à ne pas agir.

Là, je tombe sur ma spécialité. Vous m’entendez tenir ce discours depuis 15 ans. Lorsque l’on laisse mettre en circulation des véhicules allant à 200 kilomètres par heure dans un pays où la vitesse est limitée à 130 et que les assureurs nous documentent depuis 20 ans le risque relatif en disant que lorsque l’on met en circulation un véhicule lourd, inutilement rapide et puissant, il fait 18 fois plus de dommages corporels chez les tiers qu’un véhicule léger et lent, là on est dans la prévention. Le risque existe, il est documenté et on n’agit pas.

Un de vos collègues, dans la loi, a proposé un amendement pour limiter la vitesse lors de la construction à 130 kilomètres à l’heure, comme cela a été fait pour les poids lourds, les mobylettes. Il a été refusé en disant que c’était une décision européenne, qu’une directive nous obligeait à avoir des conditions d’homologation uniformes.

Quand nous avons utilisé les dispositions du traité pour s’en abstraire à propos de l’encéphalite bovine, nous avons dit que nous bloquions l’importation de viande britannique, embargo, en utilisant l’article du traité indiquant que lorsque nous avons des raisons de santé publique d’agir, nous sommes capables d’agir unilatéralement. Si ensuite la commission n’est pas d’accord, si la Cour du Luxembourg nous condamne, nous pouvons revoir notre position, mais nous n’avons même pas essayé de le faire.

Nous sommes donc dans des domaines de gestion du risque. Je terminerai là-dessus, parce que je crois que sur la question de dangerosité, c’est évident. La dépendance n’est pas forte. La pathologie psychiatrique à mon avis est un risque faible, mais il est documenté. Sur le volant, nous en avons parlé. Sur la précaution, non. Je crois qu’il faut que vous ayez à l’esprit, et vous l’avez, cette hiérarchie du risque liée aux psychoactifs. Il y a le tabac avec 60 000 morts, l’alcool avec 45 000, avec des dégâts sociaux considérables en plus de ceux physiques.

Vous ne vous occupez pas assez d’un problème : les médicaments. Nous en avons longuement discuté avec ces familles et ces élèves hier dans ce lycée. Nous sommes dans une société où l’on règle les problèmes de comportement et de mal-être avec des pilules et du chimique. Lorsque les enfants voient ce recours et cette fausse sortie à leurs problèmes avec un joint, là ce serait mal, alors que l’on a inondé des générations, et on le fait encore, d’anxiolytiques, de tranquillisants et d’hypnotiques. Nous sommes tout de même un des pays au monde, avec la Belgique, ayant la plus forte consommation par habitant de ces produits. L’OFDT le documente.

L’étude de M. Dussault a montré un risque significativement augmenté d’accident avec les anxiolytiques, alors que sur l’étude en accident, avec le groupe témoin sur la responsabilité, je ne vous l’ai pas dit, je n’avais pas fini ma phrase, elle ne montrait pas de différence significative.

Gérer le problème du cannabis au volant sans gérer celui des médicaments au volant heurte profondément mon sens de la cohérence dans l’action publique.

Voilà, si j’ai répondu à vos questions.

M. PLASAIT.- Merci Monsieur le Professeur.

M. GOT.- C’est moi qui vous remercie, Monsieur.

M. BARBIER.- Merci de ces réponses passionnées.

Mes chers collègues, avez-vous des questions ? (Aucune) Je crois que vous avez abordé globalement le problème. Nous vous remercions d’avoir accepté cette audition.


Source : Sénat français