(extrait du procès-verbal de la séance du mardi 21 novembre 2000)

Présidence de M. Bernard Cazeneuve, Président,
puis de M. Claude Lanfranca, co-rapporteur.

M. Bernard Cazeneuve, Président : Nous accueillons aujourd’hui le docteur Yves Coquin, actuellement Sous-directeur au sein de la direction générale de la Santé, qui vient, après les responsables que nous avons auditionnés sur les aspects sanitaires du dossier, nous apporter son témoignage.

Je vous remercie de votre présence, docteur, et vous demanderai de faire un exposé liminaire le plus synthétique possible, de telle sorte que les membres de la mission puissent ensuite vous soumettre toutes les questions qu’ils ont à poser sur le sujet dont nous avons à connaître.

Docteur Yves Coquin : M. le Président, Mesdames et Messieurs les députés, mes propos seront assez brefs, car l’on ne peut pas dire que je sois un spécialiste de la guerre du Golfe. J’appartiens à la direction générale de la Santé depuis janvier 1993, où j’ai exercé les fonctions de Sous-directeur de la veille sanitaire jusqu’au mois d’août 2000. J’ai souhaité être déchargé de ces fonctions et je suis actuellement toujours sous-directeur, mais en attente d’une nomination à un poste de directeur de projet.

C’est dans ce contexte que le directeur général de la Santé m’a demandé d’intégrer la cellule d’appui scientifique. Il m’a chargé, avant mon départ en vacances, de travailler sur ce dossier afin d’en débroussailler les éléments et, surtout, d’en étudier la littérature médicale et les données qu’elle apporte, afin de savoir ce à quoi il fallait particulièrement prêter attention. Par conséquent, je ne me suis pas occupé de la question du « syndrome de la guerre du Golfe », ni dans l’exercice de mes fonctions, ni guidé par un intérêt scientifique particulier, avant l’été 2000.

Lorsque j’ai été chargé de cette mission par le directeur général de la Santé, mon premier mouvement a été de faire appel à la bibliographie scientifique et, en particulier, d’interroger la base de données « MEDLINE ».

J’ai donc pu me rendre compte que la littérature scientifique en la matière était fournie : plusieurs centaines de titres, voire plus d’un millier selon qu’on sélectionne les articles ayant trait plus ou moins directement à la guerre du Golfe. Les équipes qui se sont penchées sur cette question et qui ont publié des travaux sont tout à fait sérieuses ; leur notoriété internationale n’est pas discutable. J’ai sélectionné une trentaine d’articles que j’ai lus attentivement. Sous couvert de l’appellation « syndrome de la guerre du Golfe », ils identifient un nombre élevé de symptômes cliniques qui sont essentiellement de nature fonctionnelle et non lésionnelle ; ces symptômes traduisent plus le ressenti subjectif de troubles variés que l’objectivation d’une anomalie physiologique. Cela ne veut pas dire pour autant qu’il ne faille pas prêter attention à ces symptômes fonctionnels, car ceux-ci peuvent être avant-coureurs de pathologies organiques diverses.

Quand on analyse, dans la littérature, les conditions dans lesquelles ce conflit s’est déroulé et les différents facteurs de risque auxquels les troupes ont pu être soumises, on constate, d’une part, que le conflit a certainement eu pour effet d’exposer les militaires de différents pays à des conditions très stressantes et, d’autre part, que les militaires ont probablement été exposés à des risques chimiques, notamment ceux liés à des retombées éventuelles d’explosions de stocks d’armes chimiques ou conventionnelles détruits par le corps expéditionnaire allié en Irak et dans le voisinage de la frontière de ce pays.

Par ailleurs, des actions ont été entreprises, en particulier les vaccinations, qui ont été effectuées de façon différente selon les corps expéditionnaires. Il semble, à cet égard, que les militaires américains aient subi des vaccinations plus nombreuses sur un temps plus court, et notamment des vaccinations qui n’avaient pas encore reçu une autorisation par la Food and Drugs Administration (FDA). Il y a donc certainement eu des facteurs d’exposition différents pour chaque corps expéditionnaire.

Il ressort également de cette littérature que ces militaires ont pu être exposés à des molécules chimiques utilisées comme insecticides. Là encore, il y a probablement des différences selon l’origine des différents corps expéditionnaires, puisqu’il semble que les Américains ont utilisé des organophosphorés alors que le Service de santé des Armées nous a indiqué que les seules molécules pour lesquelles il avait donné un accord d’utilisation étaient les pyréthrinoïdes de synthèse qui, effectivement, n’ont pas la même toxicité.

Bien entendu, on cite aussi l’exposition à d’autres produits comme des produits de prévention - je pense notamment à la Pyridostigmine, un médicament relativement bien connu - mais aussi à des substances comme l’uranium appauvri, utilisé comme agent de fabrication de certaines munitions, sans que puissent être d’ailleurs définis précisément dans ce cas, les unités ou les individus qui ont pu y être exposés.

Au travers de ces publications qui sont des études à visée épidémiologique, il ressort que l’on n’arrive pas à déterminer de façon certaine que telle ou telle unité aurait été plus particulièrement concernée par certains troubles en fonction des facteurs de risque auxquels elle aurait été particulièrement exposée. Cela n’apparaît pas, du moins dans les articles que j’ai lus.

Le dernier point que je soulignerai est que les différentes études épidémiologiques - en particulier, celles réalisées par une équipe universitaire américaine qui a beaucoup publié et qui est celle du Docteur Haley - faute de pouvoir identifier un syndrome qui serait univoque, démembrent ce syndrome en sous-ensembles pour lesquels des explications physiopathologiques distinctes pourraient être trouvées, sans que celles-ci correspondent plus particulièrement à tel ou tel type de facteur de risque qui y serait associé.

A la suite de cette revue générale, nous avons tenu une réunion avec nos collègues du Service de santé des Armées qui se sont efforcés de nous préciser la position des troupes françaises sur le terrain. Je n’ai pas beaucoup appris à ce sujet parce que la localisation géographique des facteurs de risque préférentiels fait défaut. Nous avons toutefois eu, à cette occasion, des précisions concernant les produits reçus par les militaires. J’ai d’ailleurs regretté que l’audition de personnalités militaires devant votre mission ait permis d’affirmer que les militaires français avaient bien reçu un ordre de prendre de la Pyridostigmine alors que nos collègues du Service de santé des Armées - je crois, en toute bonne foi - nous avaient affirmé qu’il n’y avait pas eu d’ordre du commandement. Mais il est bien évident que, même en l’absence d’un tel ordre, les conditions psychologiques étaient telles qu’il fallait s’attendre à ce que des militaires, à partir du moment où on leur avait pré-distribué les produits, puissent éventuellement être tentés de les prendre de leur propre chef pour se protéger. Il faut comprendre ce genre d’attitudes. Mais enfin, nous avons aujourd’hui la confirmation qu’il y avait eu un ordre du commandement de prendre de la Pyridostigmine.

Le Service de santé des Armées nous a également donné - je dis nous parce que j’étais accompagné du Directeur général de l’Institut de veille sanitaire et du professeur Marcel Goldberg ainsi que du représentant du Haut fonctionnaire de défense du ministère de la Santé, le Général Vilain - quelques indications sur les patients qui ont fondé l’association Avigolfe et sur la manière dont les procédures de reconnaissance des maladies liées à ce type d’opérations se déroulaient.

La commission d’experts mise en place par la Secrétaire d’Etat à la Santé et aux Handicapés et par le Ministre de la Défense a souhaité avoir accès aux dossiers de ces personnes. Il est en effet important de connaître la nature précise des plaintes déposées par les membres de cette association concernés et, au-delà, de l’ensemble des personnes ayant déposé une demande d’indemnisation. Nous ne nous sommes pas encore penchés sur ces dossiers. Avec les quelques exemples qui nous ont été présentés par nos collègues militaires, j’ai cru comprendre qu’il y avait des pathologies comme, par exemple, la tuberculose et des cas de cancers, qu’il va falloir examiner parce qu’elles ne figurent véritablement pas parmi les symptômes déjà décrits dans les différentes études concernant un éventuel « syndrome de la guerre du Golfe ».

Telle est l’analyse à laquelle je me suis livré. Le comité d’experts auquel je participe au nom de la direction générale de la Santé aura deux tâches à remplir : premièrement, se pencher sur les plaintes exprimées en France ; deuxièmement, s’engager dans une analyse beaucoup plus approfondie de la littérature existante - nous allons nous partager le travail - et, en fonction de cela, présenter un certain nombre de préconisations.

C’est tout ce que je peux dire, M. le Président, dans l’état actuel de notre démarche, mais je ne me déroberai pas aux questions.

M. Bernard Cazeneuve, Président : Nous vous remercions de cet exposé introductif.

M. Claude Lanfranca, co-rapporteur : Je ne poserai que deux questions de façon à ne pas trop mobiliser la parole.

Une personne que nous avons auditionnée affirmait qu’il suffisait de demander son dossier médical à un hôpital militaire pour en disposer. Cela me paraît bien simple parce que lorsque j’exerçais dans les hôpitaux civils, il me semble que l’on disait que le dossier était le bien de l’hôpital, même quand la demande arrivait par le biais du médecin traitant. Ce sera l’objet de ma première question : un plaignant peut-il obtenir aussi facilement son dossier médical dans un hôpital militaire, sur simple demande de son médecin traitant ?

Deuxième question, avez-vous eu connaissance de l’existence de plaintes « spontanées », ayant été déposées peu après 1991, ou n’affluent-elles que maintenant ? Pour vous donner un exemple, la presse a fait état de mon appartenance à cette mission et j’ai reçu une demande d’entretien, que j’ai d’ailleurs refusée pour cette raison, d’un militaire, auquel j’ai transmis l’adresse d’Avigolfe. Cette personne m’a dit avoir des problèmes familiaux assez graves, faire une dépression depuis deux ans, c’est-à-dire depuis 1998. On lui aurait dit que son état pouvait être en rapport avec la guerre du Golfe. Nous allons assister à une inflation des demandes. C’est la raison pour laquelle je voulais savoir si vous aviez eu connaissances de nombreuses plaintes déposées avant, dans les deux ans qui ont suivi la guerre du Golfe ?

Docteur Yves Coquin : Non, je n’ai pas eu connaissance de plaintes déposées dans les deux ans qui ont suivi la guerre du Golfe. Lorsqu’on lit la littérature étrangère, on s’aperçoit cependant que les premières plaintes enregistrées au sein du corps expéditionnaire américain sont survenues précocement après la guerre du Golfe. Je n’ai, pour ma part, pas directement eu connaissance de plaintes de militaires français ni des dates auxquelles les gens se seraient plaints. C’est un aspect dont nous prendrons connaissance lorsque nous examinerons les fiches des dossiers des personnes ayant déposé une demande d’indemnisation. Les quelques exemples qui m’ont été fournis montrent à l’évidence que la date à laquelle les maladies se sont déclarées n’est pas compatible avec les délais de reconnaissance fixés par l’autorité militaire comme pouvant donner lieu à une indemnisation à la suite d’une opération militaire. C’est la seule constatation que je peux faire. Je ne me prononce pas sur le lien éventuel de ces pathologies avec la guerre du Golfe.

Votre première question concernait les dossiers médicaux. Je suis à nouveau désolé car je ne peux pas répondre pour l’autorité militaire. Je suis médecin civil et, de plus, j’appartiens au ministère de la Santé. Or le Service de santé des Armées dépend du ministère de la Défense et possède une organisation autonome, y compris dans le domaine de la surveillance épidémiologique. Même si nous avons périodiquement des points de jonction qui nous permettent de prendre connaissance de leurs constatations, les systèmes restent totalement autonomes.

En revanche, j’affirme de façon très claire qu’un patient qui s’y prend bien - il est vrai qu’il y a là une question de présentation - doit pouvoir, en France, obtenir communication de son dossier médical dans quelque établissement que ce soit.

Mme Michèle Rivasi, co-rapporteure : Y compris dans un établissement militaire ?

Docteur Yves Coquin : Ce serait une erreur absolument monstrueuse que les hôpitaux militaires ne permettent pas la communication au médecin traitant des éléments du dossier médical de son patient.

J’ai effectivement appris lors de l’émission télévisée à laquelle je participais avec Mme Rivasi qu’un dossier radiologique aurait été détruit. Ce n’est pas que je sois spécialement sceptique ou incrédule, mais je conçois mal qu’un établissement de santé puisse prendre la responsabilité, extrêmement lourde, de détruire un dossier radiologique. Il est vrai que, périodiquement, lors de la révision des dossiers, les clichés radiographiques étant extrêmement encombrants et lourds, on en jette parfois en ne conservant que les clichés les plus pertinents. Il m’est arrivé de procéder à ce « tri » par le passé quand j’avais un exercice hospitalier, et de le voir faire aujourd’hui encore, puisque j’ai gardé une vacation hospitalière dans un service de réanimation. Mais je n’arrive pas à croire que des dossiers aient pu être détruits. Ils ont par contre pu être perdus.

Dans l’affaire du sang contaminé, par exemple, quand il s’est agi de rechercher certains éléments de preuve, je sais, de façon indirecte, que les experts de la commission d’indemnisation ont parfois été surpris de ne pas retrouver trace de certains dossiers, d’ailleurs de façon géographiquement assez localisée. Mais je le répète, ces cas sont des exceptions. Pour ma part, je n’ai pas d’exemple d’un patient qui n’ait pu avoir connaissance de son dossier médical, au moins dans ses grandes lignes. Mais il est vrai qu’on ne le lui donnera pas directement.

M. Jean-Louis Bernard : Ma première remarque portera sur les publications qui ont été portées à votre connaissance. Je pense que la mission serait très heureuse d’avoir un résumé de ces différentes publications, qu’elles soient anglaises ou américaines. Ce serait une bonne façon d’aborder ce syndrome.

J’ai bien compris que vous insistiez essentiellement sur une pathologie presque exclusivement fonctionnelle et pas très organique. Je m’explique. Vous nous avez parfaitement défini les facteurs de risque, qu’il s’agisse de la vaccination ou des organophosphorés. On connaît, par une revue de la littérature ou par l’expérience que nous en avons, les signes organiques, cliniques ou biologiques que cela implique. J’aimerais savoir s’il ressort de la littérature que vous avez consultée, que des patients ont pu présenter une symptomatologie organique et non fonctionnelle, ou les deux associées ? Et si tel était le cas, quelle que soit la symptomatologie, y a-t-il une prévalence de patients qui auraient été plus ou moins atteints en fonction de leur lieu de combat ou de man_uvre ?

Docteur Yves Coquin : Concernant la nature des études dont j’ai pris connaissance, le premier type d’études sont des études de mortalité, aussi bien au sein du corps expéditionnaire américain qu’au sein du corps expéditionnaire anglais. Ces études montrent effectivement une surmortalité dans la population de ces deux corps expéditionnaires. L’explication avancée par les auteurs me paraît tout à fait logique et en parfaite concordance avec les données épidémiologiques portant sur la population française, qui montrent aussi une surmortalité des sujets jeunes de sexe masculin, particulièrement élevée en France, du fait d’accidents. Sans vouloir grossir le trait, on peut se dire que ces corps expéditionnaires comptent vraisemblablement des gens qui ont une attitude de négation du danger, chez lesquels la perception du risque n’est pas la même que chez un père de famille. Ces études ne m’ont pas paru de nature à mettre particulièrement « la puce à l’oreille », si vous me permettez l’expression.

Le deuxième type d’investigations sont des études de morbidité, assez générales, qui ont analysé le recours aux soins du corps expéditionnaire du Golfe par rapport à d’autres catégories de militaires au cours de la période immédiate de l’après-guerre du Golfe. Elles n’ont pas montré de différence significative s’agissant du recours aux soins.

Le troisième type d’études générales ont été celles qui ont essayé de déterminer s’il y avait eu des conséquences sur la descendance de ces personnes, en particulier en termes de malformations. Ces études n’ont pas montré d’incidence en termes de malformations. Néanmoins, si vous me permettez d’exprimer un avis personnel, je pense que ces études sont un peu incomplètes pour deux raisons. La première est qu’elles se sont attachées à la survenue de malformations pour des enfants nés immédiatement après la guerre du Golfe d’un père ayant été engagé sur le terrain. Or certaines malformations peuvent se révéler de façon différée par rapport à la naissance. La seconde est que ces études ne se sont pas penchées sur les difficultés à concevoir ou sur le nombre de fausses couches qui auraient pu survenir. Ce sont là des remarques, sur le plan de la méthodologie, qui doivent être prises en compte et qui relativisent un peu la portée de ces études. Je pense notamment à une étude parue dans le New England Journal of Medecine.

Pour le reste et en rappelant à nouveau que je n’ai pas tout lu puisque je n’ai pris connaissance que d’une trentaine d’études, il y a parmi les symptômes rapportés des symptômes qui pourraient donner lieu à une interprétation organique comme, par exemple, le fait d’avoir la diarrhée. L’utilisation de Pyridostigmine à fortes doses est susceptible d’entraîner des troubles digestifs. Cependant, ces études ne se livrent pas à une analyse symptomatique précise de ces patients. Il reste difficile d’imaginer que ces cas de diarrhées n’aient pas été explorés, s’il s’agissait de diarrhées persistantes accompagnées de signes biologiques, de perte de poids ou autres qui autorisent à penser qu’il y a un problème chronique. Rien dans ces études, je le répète, ne montre que tel symptôme revient spécialement fréquemment, ou que tel autre pourrait éventuellement être en rapport avec une intoxication par des organophosphorés ou des para-sympathico-mimétiques.

Enfin, et votre remarque rejoint tout à fait une demande de ma part, je n’ai pas lu d’étude qui permette d’affirmer que telle unité a été particulièrement exposée à tel facteur de risque. Il y en a peut-être. Le comité d’experts permettra, par un balayage plus systématique, de le savoir. Aucune de ces études ne montre, par exemple, qu’une unité stationnée immédiatement à proximité de telle installation bombardée et ayant explosé, ait présenté un nombre anormalement élevé de tel symptôme ou groupement symptomatique. Cela n’apparaît pas. Je l’ai recherché dans les publications que j’ai lues mais pas de manière systématique. Il faudra, j’en conviens, que cela soit fait de manière systématique.

Mme Michèle Rivasi, co-rapporteure : Pour en revenir à votre dernier point, je pense aussi qu’il y a eu un problème de méthode car ces études n’ont pas cherché du point de vue des cohortes qui auraient pu être exposées à tel ou tel risque. Elles n’ont pris en compte que des individus clairsemés. C’est la critique que l’on peut faire de ces études, surtout des américaines.

Puisque vous êtes médecin, j’avais quelques questions à vous poser sur plusieurs sujets. Tout d’abord, concernant ce bromure de Pyridostigmine, j’ai lu la littérature qui nous a été confiée par l’armée. D’après vous, quelle est l’efficacité de cette Pyridostigmine vis-à-vis des gaz neurotoxiques ?

Docteur Yves Coquin : Madame, je ne peux pas vous donner un avis d’expert. Je ne suis pas compétent en la matière. Je peux simplement dire qu’elle est assez universellement reconnue comme étant un antidote vis-à-vis d’un certain nombre de risques chimiques. Il n’en existe pas beaucoup. De plus, ce produit chimique est utilisé au long cours chez certains malades, assez peu nombreux, en particulier chez les myasthéniques.

Le Service de santé des Armées nous a dit que le dosage des produits distribués aux militaires était deux fois moindre que celui du produit qui avait l’autorisation de mise sur le marché (AMM). Mais je n’ai pas les moyens de vérifier car je n’ai pas eu le chiffre exact.

Me trouvant devant des parlementaires, je me permets, à cet égard, d’ouvrir une parenthèse. Le ministère de la Santé est très souvent impliqué pour prendre une position vis-à-vis d’un certain nombre de facteurs de risque. Il suffit de regarder l’actualité. L’idée fondamentale que je souhaite exprimer est que l’on ne peut émettre un avis, porter un jugement ou une expertise que sur un élément que l’on est capable de vérifier ou de contrôler. Or, sur une foule de points précis, dans le domaine environnemental, celui de l’agroalimentaire, et y compris celui de l’exposition des travailleurs, nous n’avons pas connaissance de ce qui se passe réellement sur le terrain, de la façon dont les filières techniques sont organisées. Nous n’avons pas non plus les résultats des contrôles, ni leur maîtrise. Cela nous oblige parfois à prendre position sur des éléments que nous n’avons pas pu vérifier, ce qui explique que je m’exprime souvent de façon volontairement très réservée.

Mme Michèle Rivasi, co-rapporteure : J’irai tout à fait dans votre sens, docteur Coquin, car des documents d’experts que nous avons reçus sur la Pyridostigmine, il ressort qu’elle a une efficacité maximale de 8,8 % le premier jour de traitement et de 15,7 % le troisième jour, c’est-à-dire inférieure aux valeurs préconisées comme étant nécessaires à une protection efficace. C’est l’avis des experts. Votre remarque est très judicieuse parce que, si nous nous projetons dans l’avenir, car mon propos n’est pas de faire un procès d’intention, je me dis que si l’on administre un tel produit, il faut ensuite se donner au moins les moyens d’évaluation des effets secondaires susceptibles de se déclarer. Sinon, on va redistribuer ce produit sans en avoir mesuré les conséquences.

Par ailleurs, saviez-vous que l’état-major avait indiqué qu’il ne fallait pas donner de la Pyridostigmine à l’armée de l’Air parce que, d’après ses experts, les personnes en ayant absorbé perdaient la faculté d’accomplir plusieurs tâches simultanément ? Il est à noter, à propos du pré-traitement de l’armée de l’Air par la Pyridostigmine, que « la direction centrale du Service de santé des Armées a l’honneur de faire connaître à l’état-major que seul le pré-traitement par la Pyridostigmine est contre-indiqué au personnel navigant ». Ils disent « personnel navigant », c’est-à-dire les pilotes d’avions, mais, à mon avis, les conducteurs de char étaient tout autant concernés. Saviez-vous cela ?

Docteur Yves Coquin : Je n’avais pas connaissance du fait que les militaires avaient formulé une contre-indication s’agissant de l’utilisation par les personnels navigants. Je sais, en revanche, que les effets de la Pyridostigmine peuvent éventuellement entraîner des modifications de comportement, même aux doses thérapeutiques. De là à dire que ce serait contre-indiqué pour un conducteur d’automobile, ce serait à vérifier sur la monographie du dictionnaire Vidal concernant le Mestinon, nom commercial de la Pyridostigmine. Je ne la connais pas par c_ur, mais je peux vous faire parvenir ce renseignement.

M. Claude Lanfranca, co-rapporteur : Pour parfaire la connaissance de la mission en la matière, j’ai lu la même expertise, fort complète sur le bromure de Pyridostigmine. Ce n’est pas tout à fait comme cela qu’elle doit être interprétée...

Mme Michèle Rivasi, co-rapporteure : J’ai la note ici !

M. Claude Lanfranca, co-rapporteur : Le dossier complet fait 176 pages. Il y est dit que la Pyridostigmine à dose assez élevée, alors que là, on donnait trois fois 30 mg, soit 90 mg, pourrait - le conditionnel est employé -, diminuer la vigilance chez une personne qui a plusieurs opérations à faire et qu’en conséquence, elle n’était pas donnée aux pilotes. C’est tout.

M. Guy Tessier : La raison peut être toute simple, et vous l’avez indiquée, docteur. La Pyridostigmine peut éventuellement déclencher des diarrhées. Pour un pilote de chasse, il est particulièrement désagréable de se trouver dans une telle situation. L’armée de l’Air n’a peut-être pas souhaité que cela se produise.

Mme Michèle Rivasi, co-rapporteure : Vous savez, pour les soldats avec des tenues NBC, cela ne devait pas être « terrible » non plus.

M. Guy Tessier : Oui, mais la tenue NBC - je ne sais pas, chère collègue, si vous avez eu l’occasion de l’enfiler - elle s’enlève, alors qu’aux commandes d’un Jaguar ou d’un Mirage, on a quelques difficultés pour en redescendre !

Mme Michèle Rivasi, co-rapporteure : Dans les chars, c’est pareil.

M. Guy Tessier : Tout à fait. Je pense qu’il y a peut-être tout simplement cet aspect. Je ne suis pas médecin, mais je me souviens très bien que la posologie était d’un comprimé toutes les huit heures, ce qui est tout à fait inférieur à la posologie normale.

Mme Michèle Rivasi, co-rapporteure : Mais l’expérimentation a été faite selon cette même posologie d’un comprimé toutes les huit heures.

Venons-en, docteur, au « Virgyl », le nom que donnent les militaires à cette molécule de l’éveil. Savez-vous si en novembre 1990 le « Virgyl », cette molécule dite encore Modafinil, avait une autorisation de mise sur le marché (AAM) ?

Docteur Yves Coquin : Je ne peux pas répondre à cette question. Vous me posez là une colle mais je peux fort bien vous trouver la date précise de l’autorisation de mise sur le marché.

M. Bernard Cazeneuve, Président : Vous faites une petite investigation auprès de la direction générale de l’Agence française de sécurité sanitaire des produits de santé (AFSSAPS) et vous nous faites un courrier, si vous y avez convenance, nous apportant des éléments de réponse précis à cette question de Mme Rivasi.

Docteur Yves Coquin : Absolument.

Mme Michèle Rivasi, co-rapporteure : Toujours d’après une information que je tiens de l’état-major des Armées, ce composé aurait fait l’objet d’une expérimentation chez l’homme en novembre 1990. Comme l’opération Daguet s’est déroulée en janvier 1991, ils n’avaient pas eu le temps, à mon avis, d’obtenir cette autorisation de mise sur le marché.

C’était une molécule un peu expérimentale puisque c’était la première fois qu’on la donnait. Que pensez-vous de son emploi ? Ils indiquaient lors de sa diffusion qu’il ne fallait en aucun cas dépasser 48 heures pour administrer la posologie. Vu le désordre dans l’information donnée, surtout pour le « Virgyl » ou Modafinil, cela a en fait été laissé à l’appréciation des régiments et des médecins présents à leurs côtés. Que savez-vous de cela ?

Docteur Yves Coquin : Sur le Modafinil, rien. Le Service de santé des Armées nous a dit que la molécule avait été donnée à un nombre extrêmement limité de militaires.

Mme Michèle Rivasi, co-rapporteure : 2 250 boîtes de huit comprimés.

Docteur Yves Coquin : 2 250 boîtes ? Mais je suppose que les militaires en ont récupéré une partie ?

M. Bernard Cazeneuve, Président : Cela fait partie des éléments sur lesquels il faut que nous soyons précis. Les éléments dont nous disposons, qui résultent de la lecture de documents déclassifiés qui nous ont été transmis par le ministère de la Défense, indiquent que 2 250 boîtes de Modafinil comprenant chacune huit comprimés ont été mises à la disposition des états-majors au moment de l’opération.

Cela ne signifie pas que ces 2 250 boîtes de huit comprimés aient été absorbées par les militaires au moment de l’opération. Nous avons adressé des questions supplémentaires au ministère de la Défense afin que nous soient transmis des éléments précis sur les conditions de récupération de ces médicaments. Nous vous en dirons plus dans le rapport, une fois obtenus ces éléments d’information. Aujourd’hui, nous savons seulement que ces médicaments ont été mis à disposition mais nous sommes incapables de dire dans quelles conditions ils ont été pris par les militaires.

M. Claude Lanfranca, co-rapporteur : M. le Président, je voulais vous demander si les dossiers déclassifiés étaient communiqués à tous les membres de la mission ou uniquement aux rapporteurs ?

M. Bernard Cazeneuve, Président : Tous les documents sont à la disposition de l’ensemble des membres de la mission pour que nous puissions faire un travail collégial. Ils sont transmis aux rapporteurs et sont à la disposition des membres de la mission au secrétariat administratif de la Commission de la Défense.

M. Claude Lanfranca, co-rapporteur : Je pose cette question car je signale que nous disposons d’une étude complète sur le « Virgyl » qui a été réalisée par l’armée et dont une conclusion laisse tout de même sous-entendre qu’un complément serait nécessaire. Elle est, chers collègues, à votre disposition si vous souhaitez la consulter.

M. Guy Tessier : Effectivement, des auditions que nous avons faites, il semblerait qu’un tout petit nombre de militaires ait absorbé du « Virgyl ». Les informations à ce sujet sont redondantes puisque le Général Roquejeoffre puis le Général Schmitt nous ont tout deux parlé d’environ 600 personnels, essentiellement des membres de commandos infiltrés, qui avaient besoin de rester en éveil pour remplir leur tâche, des pilotes de chasse et des chauffeurs, qui étaient amenés à faire des rotations de nuit.

Le Médecin général Jean Bladé nous a par ailleurs indiqué - cela répond à la question de ma collègue - que ce médicament donne toute satisfaction sur le temps de l’éveil, mais qu’on ne coupe pas à la récupération. Après 48 heures d’effets, il faut se reposer ; le repos est indispensable.

M. Bernard Cazeneuve, Président : Nous savons que ce médicament a fait l’objet d’une étude en novembre 1990 diligentée par le Service de santé des Armées, étude qui nous a été transmise et dont le contenu sera publié dans le rapport. Les documents du ministère de la Défense font état du nombre de boîtes et du nombre de comprimés par boîte mise à la disposition de l’état-major. Il est indiqué dans l’étude du ministère de la Défense, et cela nous a été confirmé oralement par le Médecin général Bladé, que le Service de santé des Armées avait considéré que ce médicament présentait une totale innocuité. Sur la base de ces éléments, nous procédons à des questionnements supplémentaires du ministère de la Défense, comme c’est notre rôle.

Docteur Yves Coquin : J’ajouterai un mot en réponse à la question précédente de Mme Rivasi concernant la date d’AMM. Les indications sur ce médicament sont tellement peu nombreuses qu’il faudra longtemps avant de pouvoir considérer que ce n’est pas un médicament expérimental. En effet, le nombre de sujets sur lesquels il a été expérimenté est forcément extrêmement limité par rapport à la possibilité d’émergence d’un effet indésirable grave et rare. Mais il faut vraiment rester prudents parce que l’on ne pourra pas prétendre bien connaître ce médicament avant longtemps, en particulier quant à sa sécurité d’emploi.

M. Bernard Cazeneuve, Président : Vous soulevez là une question importante car ce médicament fait l’objet d’une autorisation de commercialisation.

Docteur Yves Coquin : Il a, en effet, une autorisation de mise sur le marché.

M. Bernard Cazeneuve, Président : Cela signifie que la direction générale de la Santé autorise aujourd’hui la commercialisation de médicaments dont les effets à long terme sur la santé n’ont pas été évalués ?

Docteur Yves Coquin : Mais tout à fait. Vous pouvez en déduire cela, à une nuance près : ce n’est pas la direction générale de la Santé qui signe les autorisations de mise sur le marché. C’était autrefois la direction de la Pharmacie ; ce fut ensuite l’Agence du médicament ; c’est maintenant l’Agence française de sécurité sanitaire des produits de santé et son Directeur général.

Je voulais bien faire comprendre que, dans la phase pré-AMM, un médicament est expérimenté dans des conditions qui permettent de définir au mieux la qualité de son action, c’est-à-dire sur des patients qui sont sélectionnés et dont les constantes biologiques et physiologiques sont enregistrées de façon à pouvoir définir au mieux l’impact précis du médicament sur ces personnes. Il fait ainsi l’objet d’études méthodologiques qui permettent de faire la part entre un effet placebo et l’effet propre du médicament. Un médicament utilisé dans la pratique l’est forcément avec une dérive, une approximation dans ses indications. Il est forcément utilisé au-delà des indications précises de l’autorisation de mise sur le marché. De ce fait, il est utilisé chez un nombre d’individus considérablement plus élevé que celui des cohortes d’essai. Il ne faut donc pas s’étonner de voir apparaître des effets indésirables qui n’étaient ni soupçonnés, ni même soupçonnables, à partir du dossier présenté pour l’obtention de l’autorisation de mise sur le marché. C’est d’ailleurs tout l’objet de la pharmacovigilance.

M. Bernard Cazeneuve, Président : Dès lors, docteur, que vous dites cela en généralisant le propos, vous êtes conscient que vous faites perdre beaucoup de portée aux critiques spécifiques liées aux conditions dans lesquelles ce médicament a été expérimenté, administré puis commercialisé ?

Docteur Yves Coquin : Oui, j’en suis parfaitement conscient.

M. Bernard Cazeneuve, Président : Bien.

M. Alain Clary : Je suis très intéressé par votre communication, docteur, car, étant profane en la matière mais aussi élu de la ville de Nîmes qui abrite la principale garnison interarmées de province et qui a fourni une participation importante à la division Daguet, je m’étais inquiété de longue date de ce « syndrome du Golfe ». J’avais d’ailleurs interpellé mes collègues qui m’avaient fait part d’un certain nombre de cas. N’étant pas spécialiste, je trouve les questions et vos réponses fort intéressantes mais elles appellent néanmoins notre vigilance. Aussi, mon interrogation est-elle de savoir si ces militaires, de retour en France, ont fait l’objet d’un suivi médical particulier ou systématique. Existe-t-il des études à ce sujet ? Y a-t-il eu un suivi particulier pour les personnes elles-mêmes et pour leur famille, car l’armée appartient aussi à la cité. Il ne s’agit pas de parler en termes de psychose, mais peut-être aurait-il pu y avoir des études voire des sondages à tel ou tel endroit, afin d’étudier aussi comment vivent les familles concernées. J’aimerais savoir si, dans vos lectures, vous avez eu des éléments sur ces points ; mais je comprends très bien la séparation qui existe entre les divers ministères et leur cloisonnement.

Docteur Yves Coquin : Sur le fait de savoir si ces militaires ont fait l’objet d’un suivi particulier après ces opérations, je ne peux que vous répéter ce que le Service de santé des Armées nous a répondu à cette même question que nous lui posions. Cela n’a pas spécialement été fait. La visite de démobilisation est, semble-t-il, une formalité obligatoire. Puis, il y a les visites périodiques que subissent régulièrement les militaires qui restent dans l’institution. C’est ce que nous ont répondu nos collègues militaires. Je ne peux pas aller au-delà.

M. Alain Clary : Je me demande s’il n’y a pas là matière à amélioration. J’ai bien compris ce que vous disiez sur les délais, etc., mais au-delà de la réparation, il faut tout de même étudier la « traçabilité », les conséquences et les effets en aval. Je m’interroge donc sur ce que nous pouvons faire à ce sujet.

Docteur Yves Coquin : Je ne veux pas m’avancer car c’est aussi un des objectifs du comité d’experts, présidé par le professeur Salamon, que de faire des propositions à cet égard. Mais, à titre personnel, je dirais qu’à partir du moment où le problème a été considéré - je ne dis pas forcément mis sur la place publique -, des questions se posent et nécessitent une démarche active.

M. Bernard Cazeneuve, Président : Je ne pensais pas que le professeur Salamon, mais peut-être n’ai-je pas compris ce que vous venez d’indiquer, eu égard aux trois missions qui lui ont été confiées, avait à faire des propositions concernant le suivi médical des militaires ayant été impliqués dans des opérations.

Docteur Yves Coquin : Non, il a trois missions...

M. Bernard Cazeneuve, Président : ...une mission d’étude de la bibliographie, une mission de proposition d’investigations épidémiologiques et enfin une mission d’expertise des dossiers qui ont été déposés. C’est plutôt, à mon sens, à nous de faire des propositions en faveur du suivi médical postérieur au conflit. Nous allons examiner les conditions dans lesquelles des militaires ont pu se trouver exposés, dans le cadre des opérations, à des risques particuliers. Sans être trop extensifs dans l’interprétation de notre mission, nous pouvons certainement considérer qu’il nous appartient de regarder en aval des opérations, et notamment les conditions dans lesquelles ces militaires ont fait l’objet ou non d’un suivi. Il ne serait pas absurde que la Commission de la Défense, via sa mission d’information, interroge le Service de santé des Armées sur cet aspect.

Après l’avoir interrogé et dressé un bilan, il me semblerait normal que nous formulions des propositions concernant un point précis, celui du suivi des militaires ayant été impliqués dans des opérations qui auraient pu les exposer à des risques. C’est donc plutôt à nous de faire de telles propositions, sur un volet militaire, et cela d’autant plus que cette compétence ne figure pas explicitement dans la lettre de mission adressée par les Ministres au professeur Salamon.

Docteur Yves Coquin : Je m’inscris totalement dans la logique de ce que vous dites. Il n’y a pas, de mon point de vue, possibilité d’interférences, mais dès lors que l’on préconiserait des études épidémiologiques ou des recherches particulières, et donc que l’on se pencherait sur les dossiers des personnes ayant déjà déposé des plaintes, je vois mal comment nos recommandations ne concerneraient pas, à un moment donné, le suivi des personnes exposées à ce type de problèmes.

M. Bernard Cazeneuve, Président : C’est plutôt dans le cadre du deuxième volet des compétences du groupe d’experts que pourrait intervenir une recommandation sur des études épidémiologiques. Elle pourrait éventuellement conduire les ministères concernés à rappeler les personnes s’étant trouvées exposées, pour reconstituer des cohortes à partir desquelles on réaliserait des études.

Mme Michèle Rivasi, co-rapporteure : Pour reprendre cette discussion, il y a un aspect important dans les études épidémiologiques. On s’aperçoit qu’il faut cibler l’origine des facteurs de risque. Cela intervient dans la méthode qui consiste à prendre des cohortes et à se renseigner précisément sur les lieux où étaient les unités concernées et ce qu’elles ont subi. Mais il y a aussi un autre aspect qui incombe à notre mission. Je vous lis une phrase écrite dans un document officiel à propos du « Virgyl » : « L’emploi de cette substance n’est justifié qu’en opération. Hors temps de crise, en particulier sur le territoire métropolitain, son emploi n’est plus conforme à la législation française sur les médicaments. » Cela signifie que lorsque le « Virgyl » a été utilisé, c’était à titre expérimental. Je ne formule à cet égard aucun jugement de valeur, mais il ne serait tout de même pas inintéressant de faire des propositions vis-à-vis de l’armée afin que lorsqu’elle utilise une molécule sur laquelle elle n’a pas de retour d’information quant à ses effets secondaires, elle assure un suivi médical à ses soldats qui l’ont utilisée. Cela va dans le sens de l’intervention de notre collègue Clary.

En effet, quand nous avons demandé au Médecin général Bladé combien de soldats sont allés consulter, depuis 1991, les médecins militaires à la suite de leur participation à la guerre du Golfe, il ne nous a donné aucune réponse précise. Il n’y a eu aucune réponse. Cela me fait problème. Cela signifie que l’on ne sait pas combien de soldats ont contacté les différents hôpitaux militaires. Il a dit : « Je n’ai pas ce nombre. Je ne sais pas. »

Permettez-moi d’être surprise d’entendre ensuite dire que des études sérieuses montrent qu’il n’y a pas d’effets ! Je demande des chiffres. Combien d’études ? Combien de personnes ont contacté les hôpitaux militaires ? De quels types de symptômes ont-il fait mention dans les hôpitaux ? Quand on emploie des molécules nouvelles, à mon avis, il n’est pas inintéressant d’assurer le suivi de ceux à qui on les a administrées .

M. Bernard Cazeneuve, Président : Je n’ai pas le document sous les yeux mais je crois me souvenir qu’il y avait une phrase à la fin du paragraphe que Mme Rivasi vient d’indiquer. Elle est intéressante, car en cohérence par rapport à ce que vous avez dit. Elle fait également écho à ce que nous évoquions tout à l’heure concernant les boîtes de médicaments. Il est écrit : « Aussi les boîtes non utilisées sont-elles en cours de rapatriement et elles seront stockées par la pharmacie centrale des Armées ».

Cela signifie, d’une part, que la totalité des boîtes n’a pas été utilisée et, d’autre part, que les boîtes non utilisées n’ont pas été laissées à la libre disposition des militaires. Elles ont été récupérées par le Service de santé des Armées et probablement rapatriées.

Ensuite, concernant le point dont vous parliez quant à l’audition du Médecin général Bladé, ce dont j’ai le souvenir mais, n’ayant pas le compte rendu sous les yeux, je ne veux pas dire de choses approximatives, c’est que le Médecin général Bladé a dit qu’il était incapable d’indiquer le nombre de militaires qui avaient, au terme des opérations, été amenés à fréquenter des hôpitaux au titre de symptômes particuliers qui pourraient être identifiés comme résultant de pathologies induites par la guerre du Golfe. Il a en outre indiqué, comme l’actuel chef du Service de santé des Armées, le Médecin général Gautier, que les militaires impliqués dans des opérations faisaient l’objet d’examens médicaux réguliers de la part du Service de santé des Armées s’ils sont encore en activité. C’est ce que j’en ai compris. Le confirmez-vous ?

M. Guy Tessier : Du souvenir que j’en ai, il nous a dit qu’il y avait eu deux types de contrôles : l’un au retour et l’autre qui est régulièrement celui passé par nos soldats dans les unités. Une fois par an, on fait une visite médicale, comme d’ailleurs dans toute entreprise.

M. Claude Lanfranca, co-rapporteur : La réponse que retient notre collègue Rivasi n’est pas tout à fait celle-là.

Le Médecin général Bladé nous a dit qu’il n’avait pas de moyens d’investigation pour assurer le suivi de la majeure partie des militaires démobilisés ou qui se sont rendus de leur propre chef consulter des médecins civils. Il n’a aucun moyen de savoir si le caporal Untel est allé consulter un service spécialisé dans un hôpital civil, encore plus sûrement s’il n’est plus militaire. Il faut donc replacer les choses dans leur contexte.

Mme Michèle Rivasi, co-rapporteure : Ma source est le ministère de la Défense, plus exactement la direction centrale du Service de santé des Armées. Il s’agit d’une note adressée à l’état-major des Armées.

M. Guy Tessier : On peut donc considérer que c’est un document fiable. Je pense, pour ma part, que dans une situation de guerre totale - il convient de se replacer dans le contexte de l’époque - on ne discutait pas du sexe des anges. On faisait la guerre, on pouvait donc, pour la sécurité de nos hommes, faire prendre un certain nombre de médicaments...

M. Alain Clary : Une guerre propre, en quelque sorte !

M. Guy Tessier : Non, elle n’était pas propre ! C’était une guerre totale. On peut faire prendre des médicaments pour la sauvegarde des personnels sur le théâtre des opérations alors qu’on l’interdira formellement dans le cadre de man_uvres. Cela me paraît être du bon sens. Ce sont des ordres qui me paraissent mêmes responsables.

Mme Michèle Rivasi, co-rapporteure : M. Tessier, notre problématique est de savoir si ces gens sont malades ou pas. S’ils le sont, quelle est la cause de leur maladie ? Je n’émets pas de jugement de valeur sur le fait de donner ou pas tel ou tel médicament. Je dis simplement qu’à partir du moment où l’on choisit de donner une molécule alors qu’elle est encore expérimentale...

M. Claude Lanfranca, co-rapporteur : Non, elle est sur le marché. Elle n’est plus expérimentale.

Mme Michèle Rivasi, co-rapporteure : Non, en novembre 1990, elle n’avait pas encore cette autorisation de mise sur le marché.

M. Bernard Cazeneuve, Président : Mes chers collègues, sans vouloir abuser de mes prérogatives modestes de Président, je ferai deux remarques. Premièrement, un compte rendu sera rédigé de cette audition, qui est le résultat de son enregistrement par la mission. Ce compte rendu nous sera transmis très prochainement, et nous ferons le point sur le sujet.

Deuxièmement, la mission d’information parlementaire n’a pas pour tâche de déterminer l’existence ou non du « syndrome du Golfe ». Les pathologies dont souffrent ceux qui auraient pu être victimes d’expositions particulières relèvent de la mission du Professeur Salamon et de la médecine. Notre rôle est de reconstituer les conditions dans lesquelles les opérations militaires se sont déroulées et de voir si, à l’occasion de ces opérations, il y a eu des expositions à risques. Je ne souhaite pas que nous sortions de ce cadre. Sinon, nous allons faire un travail qui ne sera pas rigoureux tant au plan intellectuel que scientifique.

Vous confirmez, docteur, que des parlementaires, fussent-ils très au courant des dossiers, ne peuvent s’ériger en épidémiologistes capables de trancher en trois ou quatre mois sur des questions que les épidémiologistes mettent des années à traiter. Enfin, concernant le rapport lui-même, c’est du moins ce que je souhaite mais nous en reparlerons, il faut que les choses soient présentées de façon « notariale », c’est-à-dire en fondant notre réflexion sur des documents, des comptes rendus d’auditions, etc.

M. Guy Tessier : L’activité notariale est ma spécialité !

M. Bernard Cazeneuve, Président : Je sais que c’est votre spécialité. Vous ne devriez donc avoir aucune difficulté à accéder à ma demande. Il s’agit de faire en sorte que ce qui apparaît dans les documents, donc des pièces déclassifiées, et lors des auditions, soit reproduit de façon la plus précise.

Ensuite, l’opinion se fera son idée. Les épidémiologistes auront de la sorte matière pour apprécier les conditions dans lesquelles les soldats se sont trouvés exposés. C’est cela notre objectif.

M. Claude Lanfranca, co-rapporteur : Notre rôle, je l’ai déjà dit lors de nos précédentes réunions et j’y insiste, est de dire que tant de soldats ont pris du « Virgyl », tant d’autres de la Pyridostigmine, et tant au total ont été exposés à tels risques. Mais ce n’est pas à nous de dire si le « Virgyl » est bon ou pas. Nous ne sommes pas des spécialistes, même si certains d’entre nous ont pour profession la médecine ou la biologie. Par médecin, en l’occurrence, j’entends pharmacologiste. Un médecin généraliste, ni même un chirurgien, n’est pas pharmacologiste. C’est aux experts de dire si en administrant telle substance et à telle dose, il y avait des risques.

Mme Michèle Rivasi, co-rapporteure : Je reviens sur une question importante, docteur Coquin. Tout à l’heure, vous avez dit qu’en lisant les documents qui émanent des Canadiens, des Américains et d’autres sources, on constate qu’il y aurait eu exposition à des gaz chimiques. J’ai posé plusieurs fois aux Généraux la question de savoir si des détalac ont fonctionné...

Docteur Yves Coquin : De quoi s’agit-il ?

Mme Michèle Rivasi, co-rapporteure : Les Détalac sont des systèmes de détection de pollution pour les gaz. Il faut bien dire, d’après une note que j’ai ici, que « les systèmes de détection d’alerte automatisés existant dans les forces, type détalac, ont semblé nettement insuffisants dans le contexte ». A votre connaissance, les Américains ou les Canadiens, par exemple, ont-ils été soumis à des molécules chimiques, provenant soit d’arsenaux irakiens bombardés par l’aviation américaine, soit d’ailleurs.

Docteur Yves Coquin : Avant de répondre à cette question, j’aurais voulu m’autoriser une petite parenthèse. Votre Président a bien souligné que votre mission ne devait pas se substituer à celle des épidémiologistes. Je le comprends parfaitement. Il m’avait toutefois semblé, dans la manière que Mme Rivasi a de présenter le problème, que la question est, en fait, de savoir si l’on peut réellement organiser un système de pharmacovigilance parmi les troupes engagées sur le terrain.

Mme Michèle Rivasi, co-rapporteure : Tout à fait.

Docteur Yves Coquin : J’avoue que cette question n’est certainement pas simple à résoudre. A titre personnel, je pense que les militaires ont effectivement un devoir d’organiser une pharmacovigilance au bénéfice de leurs troupes, mais qu’il est extraordinairement difficile de pouvoir maîtriser des informations dans le feu de l’action, au sens propre du terme. Et, dans le cadre d’actions de guerre et à distance, il y a des gens qui, de toute bonne foi, peuvent très bien ne pas se rappeler ce qu’ils ont fait ou pris. Par ailleurs, il est assez difficile, à partir du moment où des gens ont quitté l’institution militaire, de continuer d’exercer une action de surveillance qui, théoriquement vient se confondre avec l’action de surveillance à laquelle est théoriquement, soumis l’ensemble de la population. Je ferme cette parenthèse. Elle peut très bien ne pas figurer au procès verbal si vous estimez que je sors de mes attributions.

M. Bernard Cazeneuve, Président : Nous la ferons figurer.

Docteur Yves Coquin : C’est vous qui êtes le seul juge.

M. Bernard Cazeneuve, Président : Non seulement nous la ferons figurer, mais je souhaiterais que l’on puisse poser une question au ministère de la Défense sur ce sujet : quel dispositif de pharmacovigilance s’applique aux militaires engagés dans des opérations, puis postérieurement ? Le Service de santé des Armées peut nous répondre.

Docteur Yves Coquin : Cette question est d’autant plus pertinente qu’à partir du moment où la Pharmacie centrale des Armées est devenue un établissement pharmaceutique - je n’y suis peut-être pas pour rien -, l’on s’engage dans un système qui est un système similaire à celui de l’industrie du médicament. Mme Rivasi me demande si j’ai eu connaissance de molécules chimiques éventuellement toxiques. Non, je n’en ai pas connaissance. Dans ce qui est écrit, on sait que les militaires américains ont été vaccinés avec des valences de vaccins contre le charbon qui sont des valences qui sont expérimentales. C’est clair. Sont également soulignées, sans plus de détails bien que certaines études insistent beaucoup là-dessus, les fumées des incendies de puits de pétrole.

Je n’ai donc pas connaissance de molécules chimiques. Je peux dire - encore que je n’aie pas fait cette guerre mais d’après les photographies et ce que j’imagine de ce qui a dû se passer -, que je n’arrive pas à croire que des militaires n’aient pas été pris dans des nuages qui, par définition, comportaient des molécules toxiques, qu’elles résultent de la combustion de produits pétroliers ou de substances chimiques.

On est absolument incapable de dire quelles sont les molécules en cause, même si l’on identifie des molécules de base dans des arsenaux chimiques ou simplement traditionnels. Une fois que vous avez lancé une bombe et que tout explose et flambe, vous êtes incapable de savoir ce que vous respirez. Vous savez seulement que cela sent mauvais, que vous toussez, et vous vous écartez du danger le plus possible. Ce sont des facteurs de risque. Cela est particulièrement vrai pour certaines particules susceptibles d’absorber un nombre de molécules chimiques qui peuvent, lorsqu’il s’agit de particules fines, se déposer relativement au fond des bronches et dans des macrophages. Par conséquent, pour moi, il ne fait pas de doute qu’il y a eu une exposition à des molécules chimiques.

Mme Michèle Rivasi, co-rapporteure : Très bien.

Docteur Yves Coquin : Mais je ne l’ai pas découvert à l’occasion des articles que j’ai lus.

Mme Michèle Rivasi, co-rapporteure : Si vous étiez directeur du Service de santé des Armées, et que vous ayez su que les Américains et les Anglais utilisaient de l’uranium appauvri, auriez-vous donné des consignes particulières aux soldats qui allaient dépolluer des sites ? Vous voyez le sens de ma question ?

Docteur Yves Coquin : Certes, mais il manque quelque chose dans votre question. Il est vrai que je suis obligé de dire tout d’abord, avec humilité, que l’on ne pense jamais à tout. Ensuite, peut-être, si j’avais été directeur général du Service de santé des Armées et que j’aie eu connaissance de l’utilisation de l’uranium appauvri, et dans la mesure où j’aurais eu également connaissance des tests d’explosion qui permettent de connaître les caractéristiques physico-chimiques des nuages, des poussières, etc., il est probable que je n’aurais pas négligé, du moins je l’espère, cette question. Cela étant, ce n’est pas évident.

J’ai envie de vous répondre que l’uranium appauvri n’est pas forcément beaucoup plus toxique que de l’arsenic, du plomb, du cadmium. J’imagine bien que quand vous détruisez des installations, vous êtes exposé à des inhalations dans lesquelles votre organisme absorbe des métaux lourds. Il n’est pas sûr que j’eusse porté forcément une attention particulière à l’uranium appauvri. Vous me posez cette question aujourd’hui, mais à l’époque... ?

M. Bernard Cazeneuve, Président : Pour reconstituer le niveau d’information disponible à l’époque, il vous fallait savoir que l’uranium appauvri était utilisé. Le responsable des opérations militaires, le Général Roquejeoffre nous a indiqué lors de son audition qu’il ne le savait pas. Le Général Schmitt interrogé quelques jours après a été, dirons-nous, « flou » sur les conditions dans lesquelles ces informations auraient pu être portées à sa connaissance. Les chefs militaires ne le sachant pas, on peut très bien comprendre que le directeur du Service de santé des Armées, qui ne savait pas que la Pyridostigmine avait été administrée alors qu’il relevait de sa compétence de dire les conditions dans lesquelles elle devait l’être, n’ait pas eu d’informations sur les modalités du déroulement opérationnel des opérations. Mais ce n’était pas le sens de la question de Mme Rivasi ; le sens de sa question était plutôt : si vous l’aviez su, qu’auriez-vous fait ?

Mme Michèle Rivasi, co-rapporteure : Oui. Je suis assez d’accord avec les propos du docteur Coquin sur les métaux lourds. Mais, dans le cas qui a retenu notre attention, il n’y avait pas d’explosion. On envoyait des légionnaires et des personnels pour faire en sorte qu’un aéroport soit nettoyé. Des militaires non informés ont visité des chars bombardés par des obus à base d’uranium appauvri. On aurait tout de même pu limiter les inhalations d’uranium relativement facilement : par l’information des troupes.

Qu’un Général me dise qu’il n’était pas au courant alors qu’il y a de très nombreux documents qui faisaient état de l’utilisation de ces armes, que la France les fabriquait, qu’elle en faisait même la publicité, me laisse très sceptique.

M. Bernard Cazeneuve, Président : Je crois, docteur, que vous êtes assez désarmé pour répondre à cette question.

Docteur Yves Coquin : Absolument. J’ai découvert, au travers d’articles de presse, l’existence de l’uranium appauvri en 1999.

M. André Vauchez : Vous avez bien exposé, M. le Président, quelles étaient nos missions respectives. Mais vous-même, docteur, vous êtes parfaitement au fait de savoir quels sont les effets des produits et médicaments qui ont été mis en contact avec les soldats. Nous souhaitons effectivement tout connaître. Nous venons de parler de l’uranium appauvri, nous voudrions savoir ce qui s’est véritablement passé sur ce point. C’est notre travail.

Pouvez-vous nous dire si vous imaginez que le fait de mettre en présence plusieurs produits, et surtout plusieurs médicaments que l’on connaît, peut avoir des effets cumulatifs qui se traduiraient par des conséquences tout à fait différentes sur le plan fonctionnel. En d’autres termes, cet ensemble d’éléments peut-il avoir des effets qui provoquent des dysfonctionnements divers ? Nous sommes confrontés à un problème qui a été posé par la presse, celui du « syndrome du Golfe ». Il s’agit d’une donnée un peu mystérieuse. A quel moment pourra-t-on dire qu’il existe bien un « syndrome du Golfe » ?

(M. Claude Lanfranca remplace M. Bernard Cazeneuve au fauteuil présidentiel.)

M. Alain Clary : A propos des vaccinations, elles ont été très variablement menées selon les pays. Vous nous avez cité l’exemple des Etats-Unis. Y en a-t-il d’autres ? Vous nous avez indiqué qu’elles étaient faites sans autorisation. Y a-t-il eu des préconisations particulières, notamment après l’incubation qui est la seconde phase ?

Docteur Yves Coquin : Je ne comprends pas le sens de « préconisations » ?

M. Alain Clary : Vous avez indiqué qu’après l’analyse de la littérature, vous passeriez aux préconisations.

Docteur Yves Coquin : Nos collègues du Service de santé des Armées nous ont affirmé - et je n’ai aucune raison de mettre en doute leur parole - que les militaires français n’avaient reçu que des produits qui avaient l’autorisation de mise sur le marché, pour ce qui concerne les vaccins ou les immunoglobulines. Je n’ai donc pas de raison de suspecter particulièrement les produits qui ont été utilisés.

En ce qui concerne le comité présidé par le Professeur Salamon, nous nous sommes réunis une première fois. Nous allons nous réunir à nouveau bientôt. Tout dépend des délais fixés pour rendre un rapport. Mais il est vrai que les préconisations suivront l’analyse bibliographique et l’analyse des plaintes. Nous mènerons en effet en parallèle l’analyse bibliographique et l’analyse des dossiers de plaintes de soldats français.

Pour répondre à la question de M. Vauchez, qui est plus complexe, le fait d’être exposé à de multiples molécules chimiques est effectivement un facteur qui favorise les interactions, de la même façon qu’il a toujours été recommandé de prescrire le moins de médicaments possible en même temps parce qu’il vient un moment où l’on ne maîtrise absolument plus les interactions médicamenteuses. Fort heureusement, l’homme est toutefois assez résistant aux interactions médicamenteuses ; mais je ne sais pas si l’on peut extrapoler ce fait à toutes les molécules qui tournoient dans le « bocal où nous vivons », tout au moins dans les compartiments du bocal qui nous intéressent.

De plus, il y a un élément qu’il ne faut pas négliger, c’est celui du stress auquel les gens ont été soumis. Ce stress est certainement à prendre en compte parce qu’il a dû être intense. Il y avait une telle médiatisation du risque chimique que c’est parfois très dur à vivre et à assumer. Je ne peux pas répondre précisément sur la multiplication des molécules chimiques, mais il est certain qu’elle ne peut qu’accroître le risque.

M. Aloyse Warhouver : Docteur, pourriez-vous fournir à la mission des statistiques sur les tranches d’âge des appelés ? Il y avait pas mal de jeunes de dix-huit ans qui découvraient leur premier feu, et il ne serait pas inintéressant d’avoir une répartition par tranche d’âge des populations concernées.

M. Claude Lanfranca, co-rapporteur : Nous la demanderons. Au nom de la mission d’information, je vous remercie, docteur.


Source : Assemblée nationale (France)