« Les exagérations des rapports britanniques »

Transcription de l’interrogatoire du Dr. Jones par la Commission Hutton
Site de la Commission Hutton (Royaume-Uni)

[AUTEUR] Ce texte est un résumé de la déposition du Dr Brian Jones devant la commission d’enquête Hutton sur les circonstances de la mort du Dr. David Kelly. Le Dr Brian Jones est un scientifique qui a travaillé pour le ministère de la Défense britannique depuis 1973. Récemment retraité, il a dirigé, de 1987 jusqu’à sa retraite, la section chargée de l’étude scientifique des renseignements relatifs aux armes chimiques, biologiques et nucléaires.

[RESUME] Dans le cadre de mes fonctions, il m’arrivait de travailler avec le Dr. David Kelly à partir de 1986. Il était spécialisé dans le domaine des armes biologique, d’abord concernant l’ex-URSS, puis concernant l’Irak après la guerre du Golfe. Il était devenu un expert de l’armement irakien et que nous le consultions donc régulièrement.
Quand le gouvernement britannique a fournit son rapport sur les armes chimiques, biologiques et nucléaires irakiennes, j’étais absent car je prenais des vacances entre le 30 août et le 18 septembre 2002. Durant cette période, mon équipe a dû travailler très activement sur le dossier irakien et on lui a demandé de rendre ses conclusions rapidement. Après ces travaux, j’ai interrogé le Dr. Kelly sur ce qu’il pensait du rapport qui avait été publié et il le trouvait bon. Ce n’était cependant pas le cas de l’expert en armes chimiques de notre groupe qui estimait que ses analyses avaient été déformées et exagérées.
Nos travaux précisaient que l’Irak avait peut-être pu développer des agents chimiques alors que le dossier se montrait beaucoup plus affirmatif. À plusieurs endroits, nos textes ont été expurgés de précautions que nous prenions vis-à-vis de certaines affirmations. Nous n’avions pas de preuves tangibles que l’Irak développait des agents chimiques et biologiques et moins encore qu’il pouvait les utiliser en 45 minutes.
La partie concernant ces 45 minutes est d’ailleurs douteuse. Elle a soulevé de nombreuses réserves dans mon équipe car elle se base sur des informations de seconde main, anonymes et non recoupées (ce que le Dr. Kelly savait). La formulation même est douteuse car il est question d’une durée pour envoyer des « armes de destruction massive », alors qu’on ne lance pas des armes biologiques et chimiques de la même façon tandis que la déclaration laissait penser que c’était le cas.

« Les journalistes tenus en joue »

Les journalistes tenus en joue
Libération (France)

[AUTEUR] Jean-Marie Charon est chercheur au CNRS, spécialiste des médias, et président des Entretiens de l’information.

[RESUME] A propos des journalistes tués à l’hôtel Palestine puis de la mort du cameraman Mazen Dama, les GI’s ont expliqué qu’il s’agissait dans les deux cas d’une méprise et qu’ils avaient pris les caméras pour des lance-roquettes. Le nombre de journalistes tués ne cesse d’augmenter d’un conflit à l’autre avec une dérive alarmante de l’Afghanistan à l’Irak. Il faut se demander si le phénomène n’est pas significatif en soi.
On peut s’interroger pour savoir si ces morts, loin d’être accidentelles, ne viennent pas ponctuer le nouveau système de relations que l’armée américaine a mis en place pour remettre au pas les journalistes. Aujourd’hui, soit la presse travaille sous l’aile bienveillante des unités américaines, soit elle agit indépendamment au risque d’être victime de la « confusion » entre caméras et armes. Cette pratique fonctionne puisque les grandes chaînes de télé et les agences hésitent de plus en plus à engager leurs propres moyens humains et s’en remettent à la reprise d’images uniformes ou à des indépendants sans moyens.
Le tir contre Mazen Dama a eu lieu une semaine après la remise du rapport d’enquête sur les tirs contre l’hôtel Palestine qui a été considéré comme l’autorisation de tirer sur les journalistes dérangeants. Il ne faut pas laisser cette dérive s’installer. Les médias et les démocrates doivent accepter qu’un statut et des droits des journalistes en temps de guerre soient définis, en prolongement de la Convention de Genève.

« Mes jours et mes nuits à Cancun »

Mes jours et mes nuits à Cancun
Le Monde (France)

[AUTEUR] Pascal Lamy fut chef de cabinet de Jacques Delors puis consultant de la Rand Corporation. Il est commissaire européen au commerce et négociateur de l’AGCS.

[RESUME] La rencontre de l’OMC à Cancun du 10 au 15 septembre est une étape importante du « cycle de développement » lancé à Doha, en novembre 2001, regroupant une discussion sur vingt sujets avec cent quarante-six États. Ma mission dans ces discussions sera, avec Franz Fischler, le commissaire européen à l’Agriculture, de défendre les intérêts des quinze États membres de l’Union européenne et des dix nouveaux membres sur les sujets suivants :
 L’agriculture : C’est le sujet le plus chaud et notre objectif en ce domaine est de concilier l’ouverture des marchés et le maintien de zones rurales viables partout dans le monde. L’Union européenne soutient son agriculture, mais ne fait pas de protectionnisme déguisé. L’Europe est d’ailleurs le premier importateur de produits agricoles dans le monde. En outre, nous sommes en train de réformer la PAC pour ne pas nuire à une concurrence loyale.
 Les marchandises : Ce processus étant sur de bon rails, la libéralisation des échanges de marchandises prête moins à discussion aujourd’hui, mais les pays en voie de développement insistent pour que nous diminuions davantage nos droits de douanes.
 Les services : Sur les quarante premiers pays exportateurs de services, quinze sont des pays en voie de développement. La demande de libéralisation de ce secteur est une de leurs requêtes récurrentes. Il faut ouvrir les marchés, tout en maintenant la justice et la solidarité. L’Union européenne a donc exclu la santé, l’éducation et la culture des discussions.
 Les médicaments : Ce dossier a longtemps divisé l’OMC à cause des réticences des Etats-Unis, mais un accord a finalement été trouvé.
 Les sujets dit « de régulation » : Il s’agit des investissements, de la concurrence, de la facilitation des échanges et de la transparence sur les marchés publics afin, non pas d’uniformiser, mais d’établir une plate-forme minimale de règles identiques pour tous.
 Environnement : l’Union européenne a mis tout son poids dans la balance pour que les discussions intègrent des règles environnementales.

« Continuons à libéraliser les services financiers »

Let’s free up financial services
International Herald Tribune (États-Unis)

[AUTEUR] Victor L.L. Chu est président de First Eastern Investment Group de Hong-Kong. Il dirige la Commission des services financiers et des assurances de la Chambre de commerce internationale.

[RESUME] La libéralisation des services financiers nécessite plus d’attention que ne lui en accordent les actuelles discussions de l’OMC car il s’agit de la colonne vertébrale des économies nationales.
Une libéralisation des services financiers et une ouverture à la concurrence internationale pourraient stimuler le croissance économique. Le monde des affaires et les gouvernements auraient des coûts financiers moins élevés et les ménages des produits d’épargne plus avantageux. En effet, la concurrence internationale pousse les compétiteurs locaux à fournir de meilleurs produits à moindres coûts.
Le Financial Services Agreement de décembre 1997 a donné un premier cadre légal, mais il faut aller plus loin et si les pays de l’OCDE sont déjà relativement ouverts, les pays en voie de développement ont encore un long chemin à faire. Ces pays hésitent car ils craignent une mésaventure identique à celle des pays asiatiques en 1997. C’est pour cette raison que la libéralisation des services financiers doit aller de pair avec l’édification de mécanismes de régulation.

« Le credo de toute une vie »

A lifetime credo
Al Ahram (Égypte)

[AUTEUR] Membre de la communauté arabe israélienne, Azmi Bishara est élu à la Knesset (Parlement israélien). Le gouvernement Sharon avait tenté de lui interdire de se présenter à la dernière élection législative en raison de ses prises de positions.

[RESUME] Dans son livre, He Does not Stop at Red, Uzi Benziman affirme, en se basant sur des témoignages de soldats de l’époque, qu’Ariel Sharon a fait abattre en 1952 deux femmes palestiniennes d’un village jordanien lors d’une embuscade, parce qu’elles passaient en Israël sans le savoir pour aller chercher de l’eau. D’après les habitants du village, ce sont trois et non deux femmes qui ont été tuées.
Plus tard en août 1953, Sharon dirigea l’unité 101, un commando chargé de mener des raids contre les villages palestiniens le long de la frontière. Sous son autorité directe, cette unité attaqua le camp de réfugiés de Al-Bureij tuant 43 personnes parmi une population désarmée. Il justifia son acte auprès des ses supérieurs en affirmant qu’il n’avait eu le choix qu’entre l’attaque du camp et donner l’impression de battre en retraite devant l’ennemi.
Il participa également au massacre de Qibya qui fit 70 victimes. Ce massacre choqua la communauté internationale, mais Ben Gourion nia la responsabilité de l’armée israélienne dans un discours radiophonique où il accusa les États arabes de manipuler les réfugiés et de vouloir détruire Israël.
Sharon a donc été éduqué politiquement et militairement à l’école du machiavélisme israélien : toujours montrer sa force, démontrer aux Arabes que le prix à payer pour attaquer Israël est élevé et mentir éhontément pour justifier ses actes. C’est une leçon que Sharon a appliqué toute sa vie.