« Le principal plan de Sharon est d’annexer plus de territoires »

Sharon’s main plan is to capture more land
Gulf News (Emirats Arabes Unis)

[AUTEUR] Patrick Seale est un analyste et auteur réputé sur le Proche-Orient. Contributeur régulier à Gulf News. Il a notamment publié des ouvrages sur l’histoire contemporaine de la Syrie et une biographie d’Abu Nidal.

[RESUME] Ariel Sharon et ses amis de Washington sont pressés d’atteindre leur but avant que quelqu’un ne les en empêche. L’Iran et la Syrie sont dans le collimateur, mais plus loin, on trouve l’Arabie saoudite et même l’Égypte. Ils utilisent des moyens économiques et militaires pour faire plier les Arabes à la volonté d’Israël et de ses patrons états-uniens.
L’objectif d’Ariel Sharon est la constitution d’un grand Israël sur les ruines du nationalisme palestinien. Son dernier instrument pour atteindre ce but est le mur qui sera terminé dans huit mois avec le soutien de Washington à l’ONU. Si Sharon est pressé, c’est qu’il craint que George W. Bush et les néo-conservateurs ne perdent l’élection de 2004 en raison de la détérioration de la situation en Irak et des problèmes économiques. Il craint qu’un démocrate soit moins tolérant à son égard. En outre, il a des problèmes intérieurs avec le scandale financier touchant ses fils, le réveil de la gauche israélienne et surtout l’accord de Genève.
Cet accord représente tout ce que Sharon et ses amis détestent et cherchent à détruire. Il semble utopique et n’a aucune chance d’être appliqué tant que Sharon ou quelqu’un lui ressemblant est au pouvoir, mais il offre aux Israéliens un espoir de sortir de la spirale de la violence. Un changement à Washington accompagné d’un recentrage de l’opinion israélienne pourrait mettre un terme aux ambitions du Premier ministre israélien : annexer toute la Palestine et expulser la population palestinienne en Jordanie, un objectif si ambitieux que Sharon l’a déjà revu à la baisse pour ne plus souhaiter obtenir que 90 % de la Palestine historique en parquant la population derrière son mur.
Le soutien de Washington à Sharon marque l’une des pages les plus noires de l’histoire de ce pays, provoque l’incompréhension en Europe et accroît l’anti-américanisme dans les communautés musulmanes. Sharon a des motifs de satisfaction en ce moment avec l’occupation de l’Irak, la pression internationale contre le programme nucléaire iranien, l’impuissance des pays arabes et les menaces contre la Syrie. Il est certes gêné par les kamikazes, mais il considère que c’est le prix à payer. Son objectif, c’est les territoires, pas la sécurité.

« Un message depuis Ain El Saheb »

A Message From Ain El Saheb
Dar Al-Hayat (Royaume-Unis)

[AUTEUR] Amin Howeidi a été ministre égyptien de la Défense dans les années 60.

[RESUME] Le camp déserté d’Ain El-Saheb en Syrie nous envoie un message : « Les enfants du diable m’ont frappé avec leurs avions et ont tué un garde ». On ne sait pas en revanche pourquoi cette attaque a eu lieu sans déclencher d’alarmes ou entraîner une confrontation. De même, on ignore pourquoi les « démons » ont frappé un réacteur nucléaire près de Bagdad en 1981 ou détruit l’aviation égyptienne en 1967 sans rencontrer de résistance. Ces évènements nous ont coûté et nous coûtent encore beaucoup.
Suite au succès du raid d’Ain El Saheb, Ariel Sharon a déclaré qu’Israël se préparait à frapper ses ennemis n’importe où et n’importe comment. La Maison-Blanche soutient Israël comme si c’était elle qui donnait les ordres et Tel Aviv qui les appliquait. Le nouveau raid sur la Syrie a été fondé sur le refus par Damas d’obéir à Washington et a précédé la ratification par le Congrès des États-Unis de sanctions contre les Syriens. Le message est donc clair : que la Syrie fasse ce qu’on lui dit où qu’elle s’attende à des punitions de plus en plus dures.
Cette attaque est un tournant décisif, mais la Syrie ne semble pas l’avoir compris et ne se prépare pas à la guerre. Alors que les États-Unis ont adopté le principe des frappes préventives, pourquoi devrions-nous renoncer à prendre l’initiative plutôt que de subir les agressions. Il faut adapter notre politique aux changements de règles du jeu. Pour cela, l’un des hommes les plus capables est Moustafa Tlas, le ministre de la Défense syrienne pendant 33 ans.

« L’aide du monde est demandée pour reconstruire l’Irak »

World’s Help Is Needed to Rebuild Iraq
The Moscow Times (Russie)

[AUTEUR] Hisham A.R. Ibrahim est chargé d’affaires à l’ambassade irakienne à Moscou.

[RESUME] Les Irakiens placent beaucoup d’espoirs dans la conférence internationale sur la reconstruction qui doit avoir lieu à Madrid la semaine prochaine. Elle offre une opportunité de réintégrer l’Irak dans la communauté des nations dont il a été isolé en raison de la folie d’Hussein. Des décennies de direction brutale et de tyrannie ont laissé l’Irak et la société irakienne en lambeaux. Il va nous falloir reconstruire le pays économiquement tout en refondant la société irakienne qui doit réapprendre à vivre en harmonie et abandonner les fausses divisions imposées par le régime ba’asiste.
Nous avons besoin de l’aide du monde pour cela. Nous avons beaucoup à apprendre de l’Allemagne et du Japon pour la reconstruction, mais aussi de la Russie pour le passage à l’économie de marché. L’Irak a dû subir des massacres de masses, l’éradication du mode de vie chiite et le gazage des villages kurdes, mais aujourd’hui, nous pouvons construire l’Irak dont nous rêvons : un pays tolérant.
Pour cela, le secteur privé aura un rôle important et les investissements internationaux seront bienvenues et protégés. Il ne faut pas attendre une sécurisation du pays pour investir car c’est maintenant que l’Irak a besoin d’aide.

« Trente ans de pétro-politique »

Thirty Years of Petro-Politics
Washington Post (États-Unis)

[AUTEUR] Prix Pulitzer 1992, Daniel Yergin est président de Cambridge Energy Research Associates. Il est l’auteur de The Prize : The Epic Quest for Oil, Money, and Power qui a gagné le prix Pulitzer en 1992. Il est co-auteur de Commanding Heights : The Battle for the World Economy. Il est membre du National Petroleum Council, de l’US Secretary of Energy’s Advisory Board et préside le US Department of Energy’s Task Force on Strategic Energy Research and Development. Il est conseiller du Carlyle Group, la société de gestion de portefeuille des familles Bush et Ben Laden.

[RESUME] Il y a trente ans, un groupe de ministres du pétrole réunis à Koweit City a pris la décision d’utiliser l’arme pétrolière arabe afin de pousser les pays occidentaux à soutenir les Arabes dans leur conflit avec Israël. Cela a amorcé la crise énergétique des années 70 en prenant tout le monde de court malgré les signes annonciateurs en 1967.
L’Occident fut pris de panique face à ce qui apparaissait être un bouleversement de l’ordre mondial. La politique se réduisit aux questions économiques et le pouvoir pétrolier devint central dans les politiques internationales. Ce fut la fin de la croissance spectaculaire de l’après-guerre. Certains pensèrent que le baril de pétrole atteindrait les 100 dollars, mais cela n’a pas eu lieu. On a même observé une baisse sensible des prix dans les années 80, baisse qui précipita l’effondrement de l’URSS qui dépendait des exportations pétrolières.
La crise énergétique poussa le monde à devenir moins dépendant du pétrole. Il se tourna vers d’autres énergies. Ce fut le point de départ des politiques de diversification des sources d’approvisionnement énergétique. Cela entraîna une diminution de la consommation qui poussa les exportateurs à revoir leur politique et à tenir compte de leurs clients en dépolitisant les politiques pétrolières.
Malgré les déclarations de l’époque, les États-Unis n’ont pas diminué leur dépendance au pétrole. Bien au contraire, mais nous l’avons compensé en diversifiant l’approvisionnement.

« Le cadeau empoisonné »

The Poisoned Well
New York Time (États-Unis)

[AUTEUR] Fouad Ajami est professeur d’études moyen-orientales à la Johns Hopkins University. Contributeur régulier du magazine Foreign Affairs il est l’auteur de Dream Palace of the Arabs : A Generation’s Odyssey.

[RESUME] Bien plus que la guerre du Kippour, c’est l’utilisation de l’arme pétrolière onze jours plus tard qui a changé la face du monde. Kissinger résuma cet épisode en affirmant que jamais auparavant dans l’histoire, un groupe de nations relativement faibles n’avait provoqué un changement aussi dramatique de la façon de vivre de l’écrasante majorité des humains.
Cette décision a provoqué dans le monde arabe un sentiment de victoire et de revanche. Les populations pensèrent qu’Israël devrait revenir aux frontières de 1967 et que les nouvelles richesses entraîneraient les différents pays sur la voie de la modernité et de la fin de la pauvreté. Au lieu de cela, les nouvelles richesses divisèrent des sociétés qui auparavant vivaient de peu, mais le partageaient. Elles créèrent une scission entre les possédants et les autres qui encouragea les crises politiques et l’antiaméricanisme.
La première victime de cette crise politique fut le Shah d’Iran, architecte de la nouvelle politique pétrolière, qui voulait diminuer le rôle de la classe religieuse et moderniser son pays. L’Algérie succomba aux mêmes difficultés et en Irak l’argent servit à alimenter le terrorisme d’État. De même Ben Laden est également un fils de la révolution du pétrole.