« Construire une armée »
To Build an Army
Washington Post (États-Unis)
[AUTEUR] Walter B. Slocombe, directeur pour la sécurité nationale et la défense dans l’Autorité provisoire de la coalition en Irak de [L. Paul Bremer III], a été sous-secrétaire à la Défense pour les questions politiques dans l’administration Clinton (1994-2001).
[RESUME] Alors que le premier bataillon de la nouvelle armée irakienne est sur le point d’assumer ses devoirs et que la première unité du corps de défense civil irakien commence à travailler avec les unités états-uniennes, certains affirment que cette création était une mauvaise idée. Selon eux, il aurait fallu s’appuyer sur l’ancienne armée irakienne plutôt que d’en créer une nouvelle.
Vu notre objectif de remplacer le régime d’Hussein et pas seulement de changer son dirigeant, cela aurait été une erreur de recycler en gardienne de la démocratie une armée qui a été l’instrument d’un régime d’oppression. Si l’armée comptait des officiers qui se battaient avant tout pour leur pays, elle comprenait aussi des loyalistes à Saddam dans ses rangs. Quand les forces de la Coalition ont pris Bagdad, l’armée irakienne a cessé d’exister et elle s’est « auto-démobilisée ». Certains demandent à ce qu’on rappelle les militaires qui sont rentrés chez eux, mais la plupart étaient des conscrits, majoritairement chiites, qui ont été heureux de fuir leurs obligations militaires et les mauvais traitements des officiers sunnites.
Ce qui reste de l’armée, ce ne sont que des officiers de hauts rangs (il y a 11 000 généraux irakiens contre 307 aux États-Unis et 14 000 colonels contre 3 500 aux États-Unis alors que l’armée avait le même nombre d’hommes). En outre, vu le matériel civil et militaire de l’armée, si nous appelions les soldats à revenir, nous aurions non pas 500 000 soldats mais 500 000 réfugiés, n’ayant plus rien. Nous ne rejetons cependant pas les vétérans (60 % des membres de la nouvelle armée et tous les officiers ont une expérience militaire) et seuls les membres du Ba’as ne sont pas les bienvenus.
Aujourd’hui, l’armée irakienne comprend 100 000 hommes et ils seront 200 000 dans un an.
« Un combat au cœur de Kiev pour un pipeline »
Fighting for the pipeline to Kiev’s heart
International Herald Tribune (États-Unis)
[AUTEURS] Geoffrey Berlin est le directeur de Privatization Partners Ltd., une firme états-unienne active en Ukraine depuis 1994. Raymond Albright est vice président de GlobalNet Venture Partners une entreprise de stratégie financière états-unienne.
[RESUME] Les États-Unis et la Russie sont engagés dans un conflit post-Guerre froide au sujet d’un pipeline en Ukraine. Ce projet de pipeline, reliant Odessa à Brody et faisant 415 miles (674 km) de long a été commandé en mai 2002, mais avance au ralenti. Ce n’est pas surprenant car dans une étude de faisabilité que nos entreprises avaient réalisée avec Gulf Interstate Engineering, en 1999, nous avions conclu que ce pipeline ne serait pas compétitif pour acheminer le pétrole de la mer Caspienne.
Pourtant, les États-Unis veulent que ce pipeline alimente la Hongrie, la Slovaquie, la République tchèque et la Pologne en pétrole de la mer Caspienne, tandis que la Russie souhaite qu’il soit utilisé pour exporter son pétrole. Aujourd’hui, l’Ukraine a décidé de retarder la décision de l’usage du pipeline jusqu’en janvier 2004. En réalité, ce qui est en jeu, c’est l’orientation future de l’Ukraine. En effet, l’Union européenne et les États-Unis souhaitent que l’Ukraine s’intègre à l’Europe alors que celui-ci vient de signer avec la Russie, la Biélorussie et le Kazakhstan la création d’un « Espace économique commun ». Ce projet a été présenté par Leonid Kuchma comme un moyen d’enrichir l’Ukraine et donc de l’orienter vers l’intégration européenne.
Si le pipeline est un symbole, le facteur essentiel ne sera-t-il pas de voir si l’Ukraine tire le meilleur potentiel de son investissement ? C’est par une plus grande prospérité que l’Ukraine tracera sa voie vers l’Europe. Plutôt que de combattre la Russie, les États-Unis et les institutions financières internationales devraient se joindre aux investisseurs privés pour financer l’achat de pétrole pour remplir le pipeline et en faire un succès international. C’est une opportunité pour Kuchma de placer son pays dans une position intermédiaire entre l’Atlantique et ses voisins du nord.
« Glisser de nouveau dans l’orbite de Moscou »
Sliding back into Moscow’s orbit
International Herald Tribune (États-Unis)
[AUTEUR] Ilan Berman est vice président pour les questions politiques de l’American Foreign Policy Council.
[RESUME] Pendant des années, Leonid Kuchma a su garder un équilibre entre les demandes de réformes de l’Union européenne et la politique russe dans l’« espace post-soviétique », mais aujourd’hui Kiev est en train de revenir dans l’orbite de Moscou.
Cela est patent dans le domaine énergétique. 90 % du gaz naturel exporté par la Russie passe par un pipeline situé en Ukraine et, compte tenu de sa situation géographique, ce pays a un bel avenir dans l’exportation du pétrole de la mer Caspienne vers l’Occident. Malheureusement, la Russie a développé son emprise sur l’Ukraine en raison de la mauvaise gestion qui a fait contracter de fortes dettes auprès de Moscou, ce qui a permis à la Russie d’obtenir un accord lui permettant de payer ses frais de transit des matières premières sur le territoire ukrainien en gaz plutôt qu’en roubles. Cela réduit les revenus de l’Ukraine et porte un coup à son indépendance énergétique. La Russie a développé son emprise en faisant entrer l’Ukraine dans un consortium trilatéral sur la gaz avec la Russie et l’Allemagne et en faisant détourner un projet de pipeline qui devait alimenter les pays d’Europe orientale en pétrole de la mer Caspienne en un pipeline exportant le pétrole russe.
Cette hégémonie énergétique de la Russie est due aux résultats commerciaux peu brillants de l’Ukraine avec l’Union européenne et à des disputes prolongées au Parlement qui ont détourné le pays de l’intégration européenne. Kiev a donc décidé d’intégrer l’« espace économique commun » proposé par Vladimir Poutine. Pour éviter que Kiev n’adhère à l’OTAN, Moscou a renforcé la coopération militaire entre les deux pays.
Il faut que les États-Unis et l’Union européenne entament un dialogue avec l’Ukraine pour lui faire comprendre que son avenir est à l’Ouest.
« Plus qu’une simple démonstration de solidarité »
More than a mere demonstration of solidarity
Ha’aretz (Israël)
[AUTEUR] David Breakstone dirige le département des activités sionistes de la World Zionist Organization et est l’un des dirigeants de l’Agence juive.
[RESUME] Depuis le début de l’Intifada d’Al-Aqsa, les fédérations sionistes dans le monde ont montré leur soutien à Israël. Ces activités sont importantes, mais elles sont une cause de préoccupation car on constate qu’il existe un « sionisme de crise » et, qu’en absence de crise, les communautés juives dans le monde tournent le dos à Israël.
Cela est dû au fait que le sionisme n’est pas une notion claire. Il est perçu comme une idée qui a fait son temps puisqu’elle a permis la constitution d’un sanctuaire pour les juifs persécutés. Pourtant, sécuriser une patrie pour les juifs n’a jamais été le seul rôle du sionisme. Le sionisme a pour but la création d’une société modèle qui peut s’exporter dans toutes les communautés juives de la diaspora.
C’est ce message que nous avons l’occasion de soutenir auprès des centaines de dirigeants juifs du monde entier qui viendront à Jérusalem pour participer à la conférence organisée par l’Organisation sioniste mondiale, l’Agence juive et l’United Jewish Communities of North America. Après trois ans d’Intifada, les dirigeants sionistes ont l’occasion de se rassembler autour d’un programme positif : le façonnage d’une société fondée sur la justice sociale et la recherche de la paix. Herzl voulait que le sionisme reste un idéal pour atteindre des buts moraux et spirituels. En fixant comme objectif la constitution d’une société modèle, nous n’ignorons pas les problèmes d’Israël, mais nous renouons avec les principes de la vision sioniste.
« Le chantage à l’islamophobie »
Le chantage à l’islamophobie
Le Figaro (France)
[AUTEUR] Engagé en faveur de la participation française dans la guerre en Irak, Pascal Bruckner est écrivain et philosophe.
[RESUME] Le MRAP, certains médias, des chercheurs et des hommes politiques développent aujourd’hui une nouvelle vulgate prétendant que l’islam est intouchable et que le critiquer ou le soupçonner, c’est faire preuve de racisme. Ce faisant, ils soustraient la religion coranique à l’épreuve de la remise en cause, qu’ont pourtant connue les deux autres religions monothéistes.
Un petit brûlot rédigé par un « spécialiste », La nouvelle islamophobie de Vincent Geisser, tente d’accréditer la thèse que, victime d’amalgames scandaleux et attaqué par des écrivains comme Houellebecq ou des journalistes comme Fallaci, l’islam est la paria des confessions et la confession des parias. Ceux qui dénigrent l’islam se fonderaient sur les « fantasmes » des « intellectuels médiatiques ». Conclusion : l’islam doit être protégé par tous les moyens et ceux qui médisent de lui doivent être traînés devant les tribunaux. On peut noter que cette définition de l’islamophobie est calquée de celle de la judéophobie comme s’il s’agissait de rétablir le principe d’équivalence et de ne pas laisser aux seuls juifs la couronne du martyre.
Après le 11 septembre, déclaration de guerre adressée aux infidèles du monde, il n’y a pas eu en France de saccage des lieux de cultes musulmans, preuve que les Français savent faire la différence entre croyants ordinaires et terroristes qui défigurent la foi. Ceux qui veulent protéger l’islam du moindre jugement dépréciatif doivent se souvenir que le combat anticlérical en France et en Europe confina parfois à la barbarie, à l’image de ce que fut la domination des Églises sur les peuples. Ce combat outrancier nous a libéré de la tutelle ecclésiastique. Or, le christianisme et l’islam sont deux religions impérialistes persuadées de détenir la vérité. L’Église catholique a dû céder du terrain face à ces critiques, pourquoi l’islam n’en ferait pas autant ? Après tout, contester un système de pensée est à la base même de la vie intellectuelle. On a le droit de vomir toutes les religions à moins qu’on rétablisse le crime de blasphème.
En réalité, le crime d’islamophobie permet surtout de stigmatiser les musulmans qui osent critiquer les principes de leur foi et plaident pour une séparation des pouvoirs temporels et spirituels. La dénonciation de l’islamophobie sert à nier, pour mieux la légitimer, l’offensive islamiste en Europe et à intimider les musulmans qui la combattent. Vincent Geisser, comme Le Pen, Fallaci ou Huntigton, est un essentialiste imprégné de pessimisme culturel. Il voit les religions, les cultures et les races comme des blocs. Or l’islam est une religion divisée entre intégristes et laïcs.
L’islam fait partie du paysage français et il mérite le respect tant qu’il respecte les règles républicaines. Il doit s’engager dans le même type de réforme qu’a connu le christianisme sans quoi il restera l’objet d’une prudence légitime. Il est ahurissant de criminaliser les adversaires du fanatisme et si Voltaire vivait aujourd’hui, certains « antiracistes » le feraient jeter en prison.
« La flexibilité, pas le fédéralisme, est la clé dans ce monde de compétition »
Flexibility, not federalism, is key to this competitive new world
The Daily Telegraph (Royaume-Uni)
[AUTEUR] Gordon Brown est ministre des Finances travailliste britannique.
[RESUME] Le plus grand défi de la nouvelle Europe à 25, face aux exigences de compétitivité globales est de transformer l’Europe et de le faire vite. Les rigidités, le manque de flexibilité et de compétitivité en Europe sont un problème dans un contexte de concurrence mondiale, comme le prouvent la faible croissance économique du continent, les 14 millions de chômeurs européens et le fossé entre la productivité européenne et celle aux États-Unis.
Nous devons abandonner l’idée qu’un marché commun nous mènera inexorablement vers l’harmonisation des taxes, le fédéralisme fiscal et un État fédéral. En soutenant ses valeurs traditionnelles de lois fiscales fondées sur le long terme, de flexibilité, d’ouverture des frontières et de libéralisation du commerce, la Grande-Bretagne ne fait pas que défendre ses intérêts en Europe, elle défend les intérêts de l’Europe dans le monde. L’Europe doit cesser d’avoir une vision à court terme en matière monétaire et fiscale, elle doit déréguler davantage son économie, amener plus de flexibilité dans le monde du travail pour diminuer le chômage de longue durée. Elle ne doit pas harmoniser ses taxes, mais laisser jouer la concurrence fiscale entre pays. Il faut également qu’elle réouvre les négociations de l’OMC pour libéraliser le commerce mondial et qu’elle diminue ses propres barrières commerciales avec les États-Unis. Il est dans l’intérêt de l’Union européenne et des États-Unis de développer leurs liens économiques.
Aujourd’hui, la globalisation remet en cause les desseins des fondateurs de l’Union européenne et il faut que la Grande-Bretagne mène en Europe les réformes qui ont fait leur preuve pour l’économie britannique. C’est pour cette raison que lors de la Conférence intergouvernementale, nous allons défendre le veto en matière fiscale pour éviter l’harmonisation dans ce domaine et lutter contre l’installation d’une Europe fédérale, mais pour une Europe plus flexible.
Restez en contact
Suivez-nous sur les réseaux sociaux
Subscribe to weekly newsletter