Les rapports britanniques récemment déclassifiés révélant les craintes britanniques d’une invasion états-unienne de l’Arabie saoudite, il y a 30 ans, ont eu un écho remarquable dans le royaume et ont ré-alimenté le débat sur la fragilité de la famille royale et la dégradation de ses relations avec Washington. Pour beaucoup de Saoudiens, convaincus que les États-Unis ont envahi l’Irak pour s’assurer l’accès aux champs de pétrole, leur pays pourrait bien être le prochain.
Cette éventualité est perçue différemment selon les groupes sociaux. Les chiites, qui vivent dans les régions pétrolières, accueilleraient avec satisfaction une invasion américaine qui changerait un système qui en fait des « hérétiques ». Les Hijazis, qui vivent près des cités saintes de La Mecque et de Médine sont plus hésitants sur cette question. Ils sont aussi des citoyens de second ordre, ils ont vu leurs lieux de cultes rasés par les Wahhabites et ils continuent de penser que les Hachémites sont leurs souverains légitimes, mais ils ne collaboreront pas avec les États-Unis. Les tribus vivant aux frontières du Yémen n’apprécient pas la famille royale, ils sont férocement anti-américains. Leur attitude dépendrait de ce que Washington leur offre.
Ces divisions avaient déjà été analysées il y a 30 ans, quand les États-Unis étudiaient la possibilité d’une invasion de l’Arabie saoudite et du Koweit en réponse à l’embargo de 1973. Le projet était effrayant à l’époque et il l’est plus encore aujourd’hui. Reste à savoir si cela entre encore dans les intentions de Washington. En 1973, les États-Unis voulaient sécuriser leurs intérêts pétroliers, en 2004 ils veulent renverser un régime perçu comme l’épicentre du terrorisme. Même s’ils ne voulaient pas envahir le pays, le fait que les Saoudiens croient en cette hypothèse suscite la crainte.

Source
International Herald Tribune (France)
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« American invasion plan stirs fierce Saudi debate », par Mai Yamani, International Herald Tribune, 9 janvier 2004.