En Amérique latine, la démocratie représentative a été détournée par les élites et c’est pour cela que nous avons mis en place un système de référendum révocatoire permettant à la population de garder le contrôle des institutions. L’opposition tente malheureusement de détourner ce système en fraudant durant la collecte des signatures nécessaires pour convoquer un référendum. La commission nationale des élections, si elle était un arbitre inflexible, annulerait tout le processus. Je respecte toutefois sa décision et si, ce dont je doute, l’opposition parvenait à obtenir 2,4 millions de signatures, alors un scrutin décidera si je dois rester au pouvoir. Même si ce vote était organisé, je doute que le oui l’emporterait et cela ne m’empêcherait pas de me représenter à ma propre succession.
Aujourd’hui, l’opposition organise des manifestations violentes pour me présenter comme un tyran et tenter d’organiser un coup d’État comme en avril 2002. Je ne pense pas qu’il y ait eu d’abus d’usage de la force par les forces de l’ordre, mais si c’était le cas je prendrai des mesures, comme je l’ai déjà fait par le passé. En cinq ans de pouvoir, je n’ai jamais interdit la moindre manifestation, ni censuré les médias et nous ne l’aurions fait la semaine dernière que si les médias avaient appelé à la violence. En dehors de ces circonstances extrêmes, je ne toucherai pas à la liberté de la presse et je participerai à la bataille médiatique malgré nos faibles moyens.
L’opposition dispose de l’aide des principaux médias, dont les émissions sont relayées par les télévisions étrangères dont CNN. L’administration Bush veut me renverser pour s’approprier le pétrole du Venezuela et le coup d’État de 2002 entrait dans une stratégie visant à sécuriser le pétrole vénézuélien avant l’attaque de l’Irak. Il en veut aussi à mon pays d’avoir ressuscité l’OPEP. C’est pour cela que l’une des premières mesure de Pedro Carmona après qu’il m’ait renversé a été de faire sortir le Venezuela de l’OPEP. Si Bush est assez fou pour tenter de déstabiliser à nouveau le pays, nous utiliserons alors l’arme pétrolière.
Aujourd’hui, le Venezuela propose un modèle alternatif au néo-libéralisme : la révolution bolivarienne. C’est un humanisme qui s’appuie sur la pensée de Simon Bolivar et Francisco Miranda et qui tire les conclusions des erreurs de la gauche latino-américaine dans les années 60. Il s’agit d’établir une démocratie représentative et participative et de lutter contre les inégalités en mettant en place une économie redistributive, en reconnaissant les droits des indigènes et en travaillant à l’aménagement du territoire. Sur le plan international, nous voulons fédérer l’Amérique latine et développer nos liens avec l’Union européenne pour favoriser l’émergence d’un monde multipolaire.

Source
Le Figaro (France)
Diffusion 350 000 exemplaires. Propriété de la Socpresse (anciennement créée par Robert Hersant, aujourd’hui détenue par l’avionneur Serge Dassault). Le quotidien de référence de la droite française.

« Si Bush tente de nous déstabiliser, il n’aura plus une goutte de pétrole », par Hugo Chavez, Le Figaro, 9 mars 2004. Ce texte est adapté d’une interview.