À la veille d’une audition publique de Condoleezza Rice par la Commission d’enquête sur le 11 septembre, le New York Times a demandé à deux experts, Peter Bergen et Scott Armstrong, quelles questions ils souhaiteraient lui poser. S’appuyant sur la vulgate du moment, qui attribue les attentats à une organisation islamiste dite Al Qaïda, ils envisagent des questions sur l’absence de référence à cette puissante organisation dans les travaux et discours officiels antérieurs au 11 septembre ; sur les raisons de l’attaque de l’Irak, qui n’est pas lié aux attentats, et de la non-attaque d’États prétendument liés aux attentats comme l’Arabie saoudite ; et sur l’absence de sanction dans les services secrets après ce qui est présenté comme leur plus grand échec. On espère que de telles questions seront posées, ainsi que d’autres encore sur le rôle de Madame Rice dans la journée du 11 septembre.

Le nouveau ministre des Affaires étrangères espagnol, Miguel Angel Moratinos, présente dans Le Monde la politique de son gouvernement, bien loin de la problématique munichoise dans laquelle les néo-conservateurs états-uniens tentent de l’enfermer. Il rappelle que la politique d’Aznar, de suivisme derrière Washington, est une parenthèse dans celle de l’Espagne depuis le rétablissement de la démocratie. Madrid est prête à participer à toute action militaire internationale sous mandat de l’ONU et refuse de s’engager dans des opérations conduites par les États-Unis ou d’autres en dehors du droit international, que ce soit en Irak ou ailleurs. L’Espagne refuse donc d’être une force d’occupation étrangère en Irak, mais est prête à participer à une force onusienne de maintien de la paix. Cette politique date de 1979 et n’a aucun lien avec les récents attentats.
Autre exemple de retour de la raison : le spéculateur George Soros souligne dans le Los Angeles Times que présenter la lutte contre le terrorisme comme une guerre conduit à confondre terroristes et États, à impliquer l’armée dans des opérations de police, et à transformer le monde en champ de bataille. Il observe aussi que les terroristes ne seront jamais battus, puisqu’ils sont secrets, et que cette pseudo guerre est donc illimitée.

L’affaire Clarke n’en finit pas de provoquer des polémiques. Laurie Mylroie réfute dans le Wall Street Journal les allégations de l’ancien « Monsieur anti-terrorisme » de la Maison-Blanche. La journaliste, qui soutient depuis des années la thèse de la responsabilité irakienne dans l’attentat de 1993 contre le World Trade Center, dément en bloc toutes ses affirmations. Et, pour trancher dans le débat qui les oppose, elle cite le soutien à ses thèses que lui ont apporté les néo-conservateurs Richard Perle et James Woolsey. Un tel parrainage montre, si besoin était, que l’on a quitté le domaine de l’investigation et de l’analyse pour entrer dans celui du parti pris.
Or, dans le Los Angeles Times, le chroniqueur militaire William M. Arkin renvoie les polémistes dos-à-dos. Il relève que la politique défendue par Laurie Mylroie et mise en cause par Richard Clarke est précisément celle qu’il a préconisée. C’est en effet Clarke qui a mêlé la cybersécurité, l’anthrax et Al Qaïda. En cela, il est parfaitement responsable de la confusion entre lutte contre le terrorisme et guerre en Irak.

Christopher Hitchens, journaliste d’extrême gauche passé à l’extrême droite, affirme dans le Wall Street Journal que sans intervention états-unienne l’Irak serait devenu un gigantesque Faludja. En d’autres termes, le pays gouverné par Saddam Hussein aurait été le théâtre de scènes de violence comparable à celle de la semaine dernière. Revenons aux faits : contrairement à ce que nous avons indiqué dans ces colonnes, les quatre mercenaires n’ont pas été lynchés par la foule. Leurs deux véhicules ont été attaqués à la grenade par des résistants et ont pris feu. Les corps déchiquetés ont été carbonisés. Puis la foule a récupéré les restes humains et les exhibés en trophées. Ceci étant rectifié, le propos de Christopher Hitchens tient du syllogisme : le drame de Faludja n’a aucun rapport avec la dictature ba’asiste, mais illustre la révolte face à l’occupant.
Le sénateur Joseph Biden Jr. ne craint pas cette résistance, mais plutôt que l’Irak s’enfonce dans la guerre civile dès que les troupes d’occupation se seront retirées. C’est pourquoi, dans le Washington Post, il préconise le maintien d’une force internationale, qui ne saurait échoir aux seuls États-Unis et pourrait être confiée à l’OTAN. Cependant, il n’envisage à aucun moment de s’en remettre à l’ONU puisque, à ses yeux, l’Irak est désormais une chasse gardée de Washington.
La logique d’occupation ayant remplacé celle de la libération, un ancien conseiller de la Coalition en Irak, Michael Rubin, déplore dans le Los Angeles Times la politique de démocratisation imposée par le département d’État. Celui-ci a exigé que l’on soutienne de manière équivalente toutes les formes d’expression politiques, alors que le Pentagone ne subventionnait depuis des années que les formations adhérentes du Congrès national irakien. Washington a donc financé des groupes qui s’avèrent aujourd’hui être des ennemis.