En Irak, c’est l’échec, mais le reconnaître serait abandonner le pouvoir. Aussi William Kristol et Lewis E. Lehrman, animateurs du Projet pour un nouveau siècle américain (PNAC), appellent dans le Washington Post George W. Bush à ne pas fléchir. Comme Lincoln, le président-candidat doit rester insensible aux critiques et continuer la guerre. C’est sa victoire militaire qui assurera sa réélection et non un retrait déshonorant d’Irak.
Cependant Bush n’a aucune stratégie claire et ne contrôle pas même son administration. Le coordinateur des faucons, Frank J. Gaffney Jr., dénonce dans la National Review les manœuvres du département d’État et de la CIA pour éliminer Ahmed Chalabi, enfant chéri du Pentagone. Ces coups bas n’ayant aucune justification possible aux yeux des lecteurs et des électeurs, Gaffney assure qu’ils manifesteraient deux options : Powell aurait choisi de s’appuyer sur les sunnites via Brahimi, tandis que Rumsfeld aurait choisi les chiites via Chalabi. Une analyse plaisante quand on observe la diabolisation par les faucons du clerc chiite Moqtada el-Sadr et de l’Iran.
Dans ce contexte, personne à Washington n’écoute Michael Berg. C’est aux Britanniques qui manifestaient samedi contre la guerre en Irak que le père du jeune Nicholas Berg a adressé un message que reproduit Los Angeles Times. Il y présente son fils non comme un agent double, mais comme un militant pacifiste qui entretenait des relations avec les deux camps pour nouer le dialogue. Et il appelle ceux qui lui expriment de la compassion à agir pour arrêter le massacre.

On croyait le débat sur les armes irakiennes de destruction massive définitivement clos, mais il n’en est rien. Fox News a monté en épingle la découverte d’un obus au sarin pour y voir la preuve tant espérée. L’ancien inspecteur en désarmement de l’ONU, Scott Ritter, explique laborieusement dans le Christian Science Monitor que cette trouvaille ne prouve rien. Cette tribune illustre le fossé culturel qui oppose les États-Uniens au reste du monde. En Europe, où l’on détruit tous les jours d’anciens obus chimiques de la Première Guerre mondiale oubliés sur les champs de bataille, la découverte d’un obus au sarin en Irak n’a pas été vécue comme une information.

Le débat sur la torture évolue entre ignominie et hypocrisie. Le reporter de guerre et militant anti-communiste Jack Wheeler stigmatise dans le Washington Times le rôle des femmes dans l’armée. Selon lui, le scandale d’Abu Grahib a montré qu’elles n’étaient pas capables d’assumer ce type de responsabilités. Dans une guerre, il ne faut pas avoir peur, tandis que la générale Karpinski et la soldate England ne font que pleurnicher. Pour Wheeler ce qui est scandaleux, ce ne sont pas les tortures, dont il est partisan et qu’il enseigna, mais le désaveu infligé aux militaires qui ont eu le courage de se salir les mains.
Plus subtil, Milt Beaden, ancien officier de la CIA, souligne dans le Los Angeles Times qu’en son temps l’Agence formait des interrogateurs suffisamment efficaces pour ne pas avoir à utiliser la torture. Tout cela ne serait donc pas arrivé si l’on disposait aujourd’hui de personnels compétents. Cette habile présentation ferait presque oublier que les sévices infligés à Abou Grahib l’étaient en application d’un manuel de la CIA rédigé en 1983.
Par ailleurs, le journaliste Christopher Hitchens s’efforce de maintenir la version officielle selon laquelle il ne s’agit que de bavures individuelles. Il se fait donc un devoir d’attaquer dans Slate Magazine son ex-ami Seymour Hersh du New Yorker. En effet, celui-ci, actuel champion des journalistes de gauche, fait remonter la dérive du commandement militaire à l’échec de l’arrestation du mollah Omar, en octobre 2001.

Enfin, Zalman Shoval, ancien président du Likoud mondial, interprète le rejet du plan Sharon par les adhérents du Likoud israélien comme un soutien à Yasser Arafat. En s’opposant au « retrait » unilatéral de Gaza, note-t-il dans le Jerusalem Post, les colons ont involontairement affirmé que tout plan doit être négocié avec les Palestiniens. Ils ont ainsi ouvert la voie à un retour de la gauche et à l’application de l’accord de Genève. En d’autres termes, pour fanatiser la base de son parti, Shoval la somme de choisir entre le tout ou rien.