Otto Lambsdorff, s’inquiète de l’ « anti-américanisme » que suscitent les tortures d’Abu Ghraib. Il estime cependant que, compte tenu des liens économiques qui unissent Europe et États-Unis, cette défiance vis-à-vis de l’ « Amérique » ne saurait durer très longtemps. C’est pourtant ce que craignent Keith Reinhard et Tom Miller qui notent que l’effondrement de l’image des États-Unis est en train de s’étendre à l’image des marques états-uniennes.
Alors que s’ouvrait vendredi le sommet de Guadalajara réunissant les 33 pays d’Amérique latine et des Caraïbes et les 25 pays de l’Union européenne, Chris Patten, commissaire européen aux relations extérieures, et Enrique V. Iglesias, président de la Banque interaméricaine de développement, expliquent aux lecteurs du Monde les buts officiels de la réunion : lutte contre les inégalités, développement de l’intégration régionale en Amérique latine et défense du multilatéralisme au niveau mondial. Ce faisant, ils minimisent le vrai thème de la rencontre : négocier un accord de libre-échange entre le Mercosur et l’Union européenne. Ils oublient de préciser les accusations de pillage des ressources latino-américaines prononcées à l’encontre de l’Europe par les délégations cubaines et vénézuéliennes et les absences remarquées des amis de Washington, Tony Blair et Silvio Berlusconi. Toutefois, à les croire, tout va pour le mieux.
L’éternel opposant, Boris Kagalitsky, s’étonne dans le Moscow Times des réactions aux photos de tortures à Abu Ghraib. Pourquoi, plus que les civils irakiens tués et les bombardements massifs, ces images choquent-elles l’opinion américaine ? C’est que ce qui est en jeu n’est pas le sort des Irakiens mais l’image que les États-Unis renvoient. Les milieux conservateurs qui ont soutenu la guerre sont effarés par le contenu sexuel des tortures. Qu’importe le sort de l’Irak pourvu que les États-Unis garde une image vertueuse.
Fidèle à cette conception, le président honoraire du groupe européen de la Commission Trilatérale, Otto Lambsdorff, s’inquiète, dans l’International Herald Tribune, de l’ « anti-américanisme » que suscite cette affaire. Il estime que l’Europe doit voler au secours de la Coalition en Irak et que, compte tenu des liens économiques qui unissent Europe et États-Unis, cette défiance vis-à-vis de l’ « Amérique » ne saurait durer très longtemps. C’est pourtant ce que craignent Keith Reinhard et Tom Miller dans le même quotidien. S’appuyant sur une étude réalisé par NOP World, dont Miller est président, ils notent que l’effondrement de l’image des États-Unis dans le monde est en train de contaminer l’image des marques états-uniennes qui risquent de perdre des parts de marché. Ils préconisent donc de créer une organisation, la Business for Diplomatic Action, qui aura pour vocation de défendre l’image des entreprises états-uniennes dans le monde.
Cette tribune reflète la panique qui gagne une partie des élites économiques états-uniennes suite à la Guerre contre l’Irak qu’ils ont pourtant encouragée. Non seulement, cette guerre n’a finalement profité qu’à quelques entreprises comme Lockheed Martin ou Halliburton, mais en plus ce sont les autres qui risquent aujourd’hui d’en payer le prix. Peut-être alors faut-il penser à changer le pensionnaire de la Maison-Blanche ?
Max Boot cherche pour sa part à rassurer les lecteurs du Los Angeles Times en relativisant les pertes en Irak. Certes, selon les chiffres du Pentagone, 2,5 % des hommes engagés en Irak ont été blessés ou tués, mais ce chiffre est beaucoup plus faible que lors des grandes guerres que les États-Unis ont connues. La guerre sans mort est une exception à laquelle la population s’est habituée à tort. Il faut qu’elle admette que la politique impériale de Washington ne peut pas se faire sans le sacrifice des soldats. Bref, ce que suggère l’auteur, c’est que les États-Unis doivent renoncer à la « doctrine Powell » de la guerre sans risque.
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