C’est toujours un privilège que de prendre la parole devant le Conseil de sécurité, et c’est pour moi un honneur tout particulier, Monsieur l’Ambassadeur, que de le faire sous votre présidence.

Le Secrétaire général a été bien trop aimable et généreux et, au nom de mes collègues et en mon nom propre, je le remercie de la confiance qu’il a placée en nous, de ses encouragements et de son appui. Je suis également très reconnaissant pour l’assistance que les membres du Conseil de sécurité nous ont fournie.

Le Secrétaire général a indiqué que le processus de formation du gouvernement intérimaire qui doit arriver au pouvoir en Iraq au 30 juin n’a pas commencé en mai, mais bien avant. J’espère que le Conseil me permettra de décrire en détail ce processus, notamment s’agissant des événements de ces derniers mois. C’est dans la transparence que l’Organisation des Nations Unies doit rendre compte du déroulement du processus.

Ma participation personnelle a commencé avec la mission exploratoire que j’ai eu le privilège de conduire en Iraq début février. Lors de cette visite, la première d’une série de trois visites au total, mon équipe et moi-même avons entamé des consultations avec les partis politiques iraquiens, les associations professionnelles, les syndicats, les chefs religieux, les chefs de tribus, les groupes de femmes, les mouvements de jeunesse, des intellectuels et des universitaires, entre autres.

C’est sur la base de ces consultations, outre celles menées avec l’Autorité provisoire de la Coalition et le Conseil de gouvernement, que nous avons formulé les observations et les recommandations figurant dans le rapport de la mission exploratoire. Ce rapport, que le Secrétaire général a transmis au Conseil de sécurité le 23 février (S/2004/140), disait clairement que les Iraquiens souhaitaient ardemment un gouvernement constitué à l’issue d’élections qui prendrait le relais de l’Autorité provisoire de la Coalition. Mais il était également bien compris que ce gouvernement ne serait pas viable si les élections qui déboucheraient sur sa mise en place n’étaient pas crédibles et véritables. Nous avons jugé que, techniquement, les conditions n’étaient tout simplement pas réunies pour que cela soit possible avant le 30 juin. Huit mois au minimum seraient nécessaires pour organiser des élections dignes de ce nom à partir du moment où une autorité électorale et un cadre électoral seraient en place.

Évidemment, il n’était pas possible d’envisager de renvoyer à plus tard la fin de l’occupation. On ne pouvait donc rien faire d’autre que d’accepter que le retour à la souveraineté s’effectue le 30 juin 2004 au plus tard, les pouvoirs étant transférés à un gouvernement non issu d’élections.

Quelle était l’alternative au système des " élections par des groupes désignés " qui avait été rejeté ? De toute évidence, il n’était pas possible que l’Organisation des Nations Unies fasse part de sa préférence. C’était au peuple iraquien de réfléchir à cette question, indépendamment de la rhétorique parfois engagée politiquement qui a entouré le débat sur la question de savoir si des élections crédibles étaient possibles avant le 30 juin. Le moment n’était pas à une solution hâtive, d’autant plus que, comme nous l’indiquons dans le rapport de la mission exploratoire, le pays était tellement divisé.

Le Conseil se rappellera que la Loi administrative transitoire a été adoptée par le Conseil de gouvernement et l’Autorité provisoire de la Coalition le 8 mars 2004. Son article 2 b) dispose que le gouvernement intérimaire arriverait au pouvoir le 30 juin et qu’il " serait constitué à l’issue de délibérations et de consultations approfondies impliquant tous les secteurs de la population iraquienne, sous l’égide du Conseil de gouvernement et de l’Autorité provisoire de la Coalition, et éventuellement en consultation avec l’Organisation des Nations Unies ".

Ensuite, dans une lettre adressée au Secrétaire général en date du 17 mars 2004 (S/2004/225, annexe II), le Président du Conseil de gouvernement iraquien a réaffirmé que le Conseil de gouvernement se félicitait des consultations de l’ONU dans le cadre du dialogue national portant sur la forme et les attributions du gouvernement intérimaire. Dans une lettre datée du même jour, l’Ambassadeur Paul Bremer faisait savoir au Secrétaire général son espoir que mon équipe et moi-même puissions " revenir en Iraq pour aider les Iraquiens à parvenir à un consensus sur les pouvoirs, la structure et la composition du gouvernement intérimaire et sur les modalités de sa mise en place " (S/2004/225, annexe IV). Le lendemain, le Secrétaire général a informé le Conseil de sécurité des lettres qu’il avait reçues et de sa réponse favorable.

Sur cette toile de fond, mon équipe et moi-même sommes retournés en Iraq pour une seconde visite, du 4 au 15 avril. À notre arrivée, nous nous sommes aperçus que certains membres du Conseil de gouvernement soutenaient qu’il fallait avant tout assurer la continuité compte tenu de l’ampleur des problèmes auxquels ils allaient être confrontés durant toute la phase de transition à venir. C’est la raison pour laquelle ils étaient favorables à un transfert de souveraineté avant le 30 juin à eux-mêmes ou à une version élargie de leur Conseil. Par ailleurs, nos consultations approfondies en dehors du Conseil de gouvernement ont révélé une volonté de changement profond.

Au bout du compte, le Conseil de gouvernement lui-même a reconnu que l’Accord du 15 novembre 2003, ainsi que la Loi administrative transitoire, avaient préconisé sa dissolution, ainsi que celle de l’Autorité provisoire de la Coalition, avant le 30 juin. Un consensus a semblé se dégager sur la formation d’un gouvernement intérimaire comprenant un président, deux vice-présidents et un cabinet de ministres dirigé par un premier ministre. En dehors du Conseil de gouvernement, on exprimait l’espoir que ce gouvernement soit constitué de personnes honnêtes et compétentes qui dirigeraient efficacement le pays pendant sept mois environ, alors que l’on préparerait les élections. Une fois de plus, le peuple iraquien, tous milieux confondus, a souligné que les élections étaient pour lui la chose la plus importante.

Le 14 avril, j’ai informé le public iraquien de l’état d’avancement de nos travaux lors d’une conférence de presse avec le dixième Président du Conseil de gouvernement, M. Massoud Barzani. Après mon retour à New York pour consulter le Secrétaire général, le 27 avril, j’ai fait au Conseil de sécurité un exposé plus détaillé. Dans cet exposé, comme les membres s’en souviendront, j’ai ajouté que, dans la meilleure des hypothèses, ceux qui ont des portefeuilles au sein du Gouvernement choisiraient eux-mêmes de ne pas se porter candidats aux élections pour l’Assemblée nationale qui doit être élue en janvier prochain.

J’ai également souligné que la formation du gouvernement intérimaire ne suffirait pas en soi pour mettre un terme à la vague de violence. Il faudrait également qu’elle s’accompagne de mesures de confiance pour régler des questions aussi controversées et conflictuelles que la façon dont la nouvelle armée sera formée, la débaathification et la question des détenus et du traitement de leur cas en bonne et due forme. Dans ce contexte, nous avons suggéré la convocation d’une conférence nationale une fois rétablie la souveraineté, afin de permettre aux Iraquiens et aux Iraquiennes dans tout le pays de débattre et, espérons-le, de dégager un consensus sur les problèmes auxquels ils sont confrontés dans la perspective de leur avenir immédiat et à plus long terme. Nous avons également proposé que cette conférence, qui rassemblerait entre 1 000 et 1 500 personnes, reflète la diversité du pays, choisisse un conseil national plus réduit qui poursuivrait les débats et conseillerait le gouvernement intérimaire tout au long de son court mandat. Pour que cette conférence nationale soit bien préparée, nous avons recommandé la formation le plus rapidement possible d’un comité préparatoire représentatif.

Quelques jours après mon exposé devant le Conseil, mon équipe et moi-même avons quitté New York et sommes arrivés à Bagdad le 1 er mai, pour notre troisième et dernière visite. Notre tâche immédiate a été de sonder les réactions aux idées préliminaires que nous venions de présenter. Après tout, ces idées n’étaient pas les nôtres, c’était plutôt des idées qui se faisaient l’écho de ce que nous avaient dit des Iraquiens. Ont-ils pensé qu’elles reflétaient fidèlement ce qu’ils avaient dit ? Après mûre réflexion, avaient-ils quelque chose à ajouter ? S’ils acceptaient ce cadre, quels étaient les noms des personnes qui, à leur sens, convenaient le mieux pour assumer ces fonctions ?

Telles sont les questions que nous avons posées à nos interlocuteurs lors de cette troisième visite quand nous avons repris nos consultations. Ce que nous avons constaté, c’est qu’il y avait un consensus de fait sur la structure du Gouvernement. Celle-ci avait le mérite de la simplicité tout en comptant suffisamment de portefeuilles d’importance réelle et symbolique pour permettre à la plupart, voire à la totalité, des groupes d’intérêts clefs de la société iraquienne de se sentir représentés.

Deux questions fondamentales, toutefois, ont fait l’objet de débats. Tout d’abord, celle de savoir comment serait choisi ce gouvernement ? Et deuxièmement, dans quelle mesure les partis politiques y seraient représentés ?

L’idée qu’un gouvernement iraquien puisse, même de manière compréhensible partiellement, être choisi par des étrangers n’était pas très bien acceptée par certains. Par ailleurs, nombreux étaient ceux qui demandaient que seule l’ONU prenne part à cette opération, sans qu’y participent l’Autorité provisoire de la Coalition et le Conseil de gouvernement. De part et d’autre du spectre des positions, le sentiment était que s’il n’y avait pas suffisamment de temps pour convoquer une conférence nationale crédible avant le 30 juin, alors nous devions prévoir une période d’environ six semaines pour convoquer une table ronde de notables, de taille plus réduite, qui serait chargée de sélectionner le gouvernement intérimaire.

Nous avions cependant trois préoccupations par rapport à cette suggestion. Premièrement, si nous attendions la veille du 30 juin pour former le Gouvernement, ce dernier n’aurait alors pas le temps de se préparer à son arrivée au pouvoir ni la possibilité de participer aux discussions sur le projet de résolution dont le Conseil est actuellement saisi. Deuxièmement, le choix des participants à cette table ronde risquait d’être influencé par des étrangers et elle serait donc tout aussi controversée que la sélection du gouvernement lui-même. Troisièmement, si la table ronde ne parvenait pas à s’entendre, d’ici au 30 juin, sur la composition du Gouvernement, alors la fin de l’occupation serait retardée ; une situation qui n’est acceptable pour personne en Iraq.

En fin de compte, il a été impossible d’éviter le fait que le gouvernement intérimaire ne serait pas élu. Il y aurait donc un processus de sélection imparfait et ambigu et il serait injuste envers le peuple iraquien de prétendre le contraire.

S’agissant de la participation des partis politiques au Gouvernement intérimaire, nous avons constaté que les dirigeants de ces partis n’étaient pas les seuls à pousser en faveur de leur participation. Un certain nombre de personnalités iraquiennes indépendantes y étaient aussi favorables, soulignant que, par définition, tout gouvernement sélectionné de cette manière ferait l’objet de controverses. Et ces personnalités d’ajouter que l’importance des problèmes à régler immédiatement par le Gouvernement faisait qu’il était absolument impératif que ce dernier soit aussi représentatif que possible. Le Gouvernement intérimaire ne pouvait guère se permettre de commencer ses travaux dans une atmosphère d’opposition non négligeable venant de toutes parts. En conséquence, une participation la plus large possible signifiait la participation des partis politiques les plus importants, lesquels comptent un grand nombre de personnes extrêmement compétentes dans leurs rangs. L’essentiel était de garantir que la participation des partis politiques ne cède pas la place au sectarisme et à l’exclusion de candidats indépendants digne d’intérêt et ne permette pas à un parti d’avoir une influence disproportionnée au sein du Gouvernement.

Lorsque le moment est venu de commencer les pourparlers sur des noms concrets, nous avons proposé de former un groupe de travail rassemblant l’ONU, l’Autorité provisoire de la Coalition et le Conseil de gouvernement iraquien. Il aurait été quasiment impossible d’inclure l’ensemble des 24 membres du Conseil de gouvernement à ce groupe de travail ; nous avons donc proposé de travailler avec une troïka de l’ancien, de l’actuel et du futur Présidents du Conseil de gouvernement : ce sont Massoud Barzani, un Kurde ; Ezzedine Selim, un chiite et Cheikh Ghazi Al-Yawer, un sunnite. C’est dans le cadre de cette instance que nous avons commencé officiellement à discuter des critères permettant de déterminer les noms qui pouvaient être pressentis pour les portefeuilles du Gouvernement intérimaire, notamment celui de Premier Ministre.

À nos yeux, il était évident depuis le départ que l’Autorité provisoire de la Coalition et le Conseil de gouvernement devaient être formellement associés à ces pourparlers. Après tout, ce sont eux qui ont demandé assistance à l’ONU et non l’inverse. En outre, l’Autorité provisoire de la Coalition gérait le pays alors que le Conseil de gouvernement avait été officiellement reconnu par le Conseil de sécurité comme l’institution suprême de l’Iraq.

Toutefois, l’Autorité provisoire de la Coalition et les membres du Conseil de gouvernement ont eux-mêmes reconnu qu’ils ne pouvaient légitimement prétendre parler au nom de tous les Iraquiens. C’est pour cette raison, notamment, qu’ils ont demandé à l’ONU de les aider dans ce processus. Tous deux ont donc accepté le fait que l’ONU apporterait à ces pourparlers les opinions qu’elle avait entendues et recueillies auprès des Iraquiens dans tout le pays.

Bien entendu, pour des raisons de sécurité et de temps, nous n’avons pas eu de consultations aussi visibles et aussi larges avec la majorité des associations de la société civile ou les plusieurs centaines de partis politiques qui sont censés exister. Toutefois, au cours de nos trois visites, nous avons rencontré des milliers d’Iraquiens des quatre coins du pays, et dont beaucoup se sont rendus à Bagdad, Erbil, Mossoul et Bassorah pour nous voir, quand nous n’étions pas en mesure d’aller vers eux. Je présente mes sincères excuses à ceux qui ont essayé de nous rencontrer et qui n’y sont pas parvenus.

Nous nous sommes tout particulièrement efforcés de recueillir les vues des critiques les plus virulents. Nous avons également essayé de faire entendre la voix de ceux qui jusqu’à cette date étaient restés assez silencieux, y compris parce qu’ils en avaient décidé ainsi. Une de leurs préoccupations, que nous n’avons jamais perdue de vue lors des pourparlers du groupe de travail était le désir d’éviter le renforcement d’un esprit purement sectaire au sein du nouveau Gouvernement.

Ce groupe de travail s’est avéré un forum relativement efficace pour échanger des idées. De manière tragique, au lendemain d’une réunion du groupe de travail à Erbil, Ezzedine Selim était assassiné à Bagdad, le 17 mai 2004. Sa mort a non seulement porté un coup au processus mais a été une véritable perte pour le pays. C’était un homme remarquable de sagesse et de dignité, qui n’avait pas d’intérêt personnel autre que celui de mettre son pays sur la bonne voie. Peu de temps après, nous avons convié M. Hamid Majid Moussa, le Président du Comité du Conseil de gouvernement sur le transfert de souveraineté, à remplacer Ezzedine Selim au sein du groupe de travail.

Alors que nous discutions des différents portefeuilles du Gouvernement intérimaire, l’attention de la population dans tout le pays, ainsi que de la communauté internationale dans son ensemble, était centrée tout particulièrement sur le Premier Ministre. Nos délibérations au sein du groupe de travail, ainsi qu’avec un grand nombre de groupes en dehors du groupe de travail, ont révélé, dans un premier temps, qu’il était difficile d’obtenir un consensus sur un candidat quelconque.

En définitive, le nom qui semblait rallier le plus grand soutien au sein du Conseil de gouvernement et de l’Autorité provisoire de la Coalition, ainsi que parmi les communautés clefs, était celui de M. Ayad Allawi. Bien que son parti politique ne soit pas religieux, il entretient de bonnes relations avec d’importantes personnalités religieuses. Célèbre pour avoir tenté de renverser l’ancien régime, avec une aide extérieure, il a néanmoins passé l’année dernière à critiquer l’approche de l’Autorité provisoire de la Coalition concernant la " debaassification " et la manière dont l’ancienne armée avait été dissoute. Tout en étant chiite, il entretient de bonne relations avec d’importantes personnalités kurdes et sunnites. Sa biographie suscite, de manière bien compréhensible, la controverse, mais quel nom cité pour occuper le poste de Premier Ministre n’aurait pas le même effet en Iraq aujourd’hui ?

Le cas de M. Hussein Shahrastani est un très bon exemple de la difficulté qu’il y a à rallier le consensus autour d’une quelconque personnalité. Nous avions là un brillant scientifique, à la tête d’une association caritative, qui a passé 11 années en prison. C’est un, laïc, mais musulman fervent. Il est proche de certains dirigeants religieux et a beaucoup fait pour fournir aide et secours aux personnes dans le besoin. Et pourtant, son nom a suscité une forte opposition de la part de pratiquement tous les milieux, en tête desquels ceux qui se sont plus tard vigoureusement opposés à la désignation de M. Ayad Allawi.

Quoi qu’il en soit, nous avons clairement indiqué aux membres du groupe de travail que nous étions disposés à respecter le consensus qui se dessinait autour du choix de M. Ayad Allawi comme Premier Ministre et que nous étions prêts à travailler avec lui à la sélection du Cabinet. La liste du Cabinet complet a été finalisée le mardi 1 er juin sur la base des recommandations que nous avions officiellement remises à M. Allaoui.

Avant de décrire au Conseil la nature de ce Cabinet, je voudrais dire un mot sur la façon dont le Conseil présidentiel, composé de trois personnes, a été formé. Bien que quelques compromis très difficiles et beaucoup de sens politique aient été nécessaires de part et d’autre, un consensus s’est finalement dégagé autour des personnes de M. Ibrahim Jaafari et de M. Rowsch Shaways pour les postes de vice-présidents. Les deux hommes jouissent d’un grand respect et d’une bonne popularité au sein de leurs communautés respectives et au-delà. S’agissant du poste de président, les choix se sont réduits assez rapidement à deux candidats : M. Adnan Pachachi, ancien Ministre des affaires étrangères de l’Iraq, et le cheikh Ghazi Mashal Ajill al-Yawer, qui, en sa qualité de Président du Conseil de Gouvernement pendant ce difficile mois de mai, avait su obtenir l’appui et le respect de ses collègues. Finalement, M. Pachachi a refusé le poste et le cheikh Ghazi est devenu Président. Je suis convaincu que le Président et ses deux vice-présidents sauront donner l’impulsion et l’exemple d’unité qui s’imposent pour rassembler le pays alors que nous franchissons la passe difficile qui nous attend.

Quant au Conseil des ministres, il est très prometteur. Il comprend certains des ministres sortants ayant les meilleurs états de service, comme M me Nasreen Berwari, Ministre des travaux publics, et Mehdi Al-Hafidh, Ministre de la planification. Ils permettront d’assurer la continuité des travaux déjà engagés depuis un an et quelque. Mais il y a également beaucoup de nouveaux visages, notamment les Ministres de la défense, de l’intérieur, du commerce et des finances. Les deux tiers environ des membres du Cabinet sont nouveaux et seuls deux anciens membres du Conseil de gouvernement assumeront des postes au Cabinet. Les nouveaux ministres désignés comptent des spécialistes parmi les plus compétents et les plus qualifiés de l’Iraq. Ainsi, peu de gens, en Iraq, peuvent contester le fait que les nouveaux Ministres du pétrole, de la santé, du logement et de la reconstruction, de la justice et des transports, notamment, font partie des personnes les plus compétentes qui soient dans leurs domaines respectifs.

Le Conseil des ministres reflète dans une large mesure la riche diversité régionale, ethnique et religieuse du pays. On compte ainsi, au sein du Gouvernement, des ministres très capables issus des communautés turcmène et chaldo-assyrienne. Il y a également de nouvelles personnalités politiques au sein du Gouvernement provenant de groupes qui n’étaient pas bien représentés au Conseil de gouvernement.

Le Conseil des Ministres se compose en grande partie de technocrates, bien que certains d’entre eux aient des affiliations politiques, comme c’est souvent le cas dans beaucoup de pays. Je suis également heureux de constater qu’à peu près 20 % des membres du Conseil des ministres sont des femmes. Ce sont des femmes qui sont connues pour leur compétence, leur expérience et leur attachement au renforcement du pouvoir des femmes dans la vie publique.

Pris dans son ensemble, ce Gouvernement intérimaire renferme beaucoup de talent et est très bien placé pour rassembler le pays au cours des quelque sept prochains mois. Comme le disait récemment l’Ayatollah al-Sistani, ce Gouvernement mérite qu’on lui donne toutes ses chances et tout l’appui nécessaire. En dernière analyse, ce sera le peuple iraquien qui jugera sur pièces le Gouvernement intérimaire.

Le Gouvernement intérimaire devra commencer à prendre en charge la question des solutions à trouver au grave problème d’insécurité qui continue d’affliger le pays. L’Iraq aura besoin d’une force de police efficace et d’une armée professionnelle et bien formée. Il va falloir accélérer les efforts à cette fin. De même, les dispositifs juridiques, politiques et pratiques adéquats doivent être établis entre le Gouvernement intérimaire et toute force étrangère appelée à aider entre-temps au maintien de la sécurité. De la façon dont ces rapports seront gérés dépendra en grande partie la crédibilité du Gouvernement intérimaire aux yeux de la population.

Dans ce contexte, nous trouvons encourageant d’entendre que le Premier Ministre a conclu un accord avec les parties concernées au sujet de la dissolution des milices. Comme les membres s’en souviendront, il s’agissait de l’une des mesures urgentes de renforcement de la confiance que nous avions recommandées après notre deuxième visite en Iraq. Une mesure tout aussi importante et urgente est la grave question des prisonniers détenus dans le centre de détention tristement célèbre d’Abou Ghraib et ailleurs. Le nouveau Gouvernement verrait sa tâche considérablement simplifiée si ce problème pouvait être entièrement réglé avant le 30 juin.

Nous devons également nous rappeler que la majorité des Iraquiens que nous avons rencontrés ont souligné que le problème de l’insécurité ne pouvait être réglé uniquement par des moyens militaires. Une solution politique est nécessaire. Le Gouvernement intérimaire devra mener les discussions sur ce que devrait impliquer cette solution politique. Il devra aller au devant de ceux qui ont ouvertement critiqué le processus de l’année écoulée et engager le dialogue avec eux. Il devra résister à la tentation de taxer tous ceux qui se sont opposés à l’occupation de terroristes et de jusqu’au-boutistes.

La conférence nationale est l’occasion idéale d’aller ainsi au devant des critiques et de construire un vrai consensus national sur la façon de régler le problème de l’insécurité. M. Fouad Massoum prendra la tête du comité chargé de préparer la conférence nationale, qui doit se tenir en juillet. M. Massoum a déjà commencé à réfléchir à la composition du comité, à partir des nombreuses recommandations que mon équipe et moi-même lui avons communiquées.

Au cours de ce processus, je suis certain que M. Massoum et ses collègues du comité préparatoire se souviendront que le Conseil de gouvernement a été mis en place sur la stricte base des quotas, ce qui a été universellement décrié et rejeté. Or, chacun voulait voir sa communauté ou son groupe équitablement représenté. Il n’était pas possible à ce stade d’éviter de reproduire l’équilibre du Conseil de gouvernement au sein du Gouvernement intérimaire. Mais tout le monde a dit que cela ne devrait pas constituer un précédent et qu’à l’avenir, l’Iraq pourrait fort bien avoir un président kurde ou un premier ministre arabe sunnite ou même voir ces positions occupées par des personnes issues de communautés plus restreintes.

Nous pensons que la conférence nationale ne devrait pas être convoquée sur la base d’un quelconque système de quotas, même s’il convient de veiller à refléter la diversité du pays. À cet égard, je pense devoir transmettre au Conseil la demande justifiée des Turcmènes d’être reconnus comme la troisième communauté la plus importante en Iraq. Des demandes analogues ont été formulées par d’autres communautés plus réduites et je pense qu’il faudra entendre ces demandes légitimes et en tenir compte dans la nouvelle constitution.

Pour terminer, comme le disait il y a un instant le Secrétaire général, l’ONU a accompli sa tâche, pleinement et dans les temps, pour ce qui est de cette phase des événements. Après un processus long, compliqué et délicat qui s’est déroulé dans des Conditions loin d’être optimales, l’Iraq dispose maintenant de deux institutions capitales pour la phase suivante : un Gouvernement intérimaire et une commission électorale nationale indépendante. Ce Gouvernement, comme les membres ont pu le voir dans les médias, est en général bien accepté par la population iraquienne. Certains sont plus circonspects et il peut exister, dans certains cercles, une opposition plus forte, mais le peuple iraquien semble être disposé à donner au Gouvernement la chance de faire ses preuves. Il ne faut pas se faire d’illusions, toutefois : les jours et semaines à venir mettront à rude épreuve le nouveau Gouvernement et les problèmes actuels de l’Iraq prendront des années, non des mois, à solutionner. Le 30 juin, l’Iraq va atteindre une nouvelle phase du processus politique, mais pas la fin de ce processus.

Il n’en reste pas moins que ni le Gouvernement intérimaire ni le Conseil national qui devrait être choisi par la conférence nationale ne seront des organes élus. Or, seul un gouvernement élu et un parlement élu peuvent légitimement prétendre représenter l’Iraq. Tout le travail à réaliser maintenant - en particulier sur le plan de la sécurité - doit être axé sur cet objectif : mettre en place les conditions propices d’élections crédibles et dignes de ce nom d’ici à janvier 2005.

Pour créer les conditions propices à la tenue de ces élections, ainsi que pour faire face aux énormes défis auxquels il est confronté, le peuple iraquien a besoin d’urgence de l’aide de la communauté internationale. L’Iraq a besoin du soutien franc et uni de ses voisins. L’Iraq a besoin de la générosité de ses créanciers. L’Iraq a besoin de l’appui patient, ferme et soutenu de cet organe, le Conseil de sécurité, et de celui de toute l’Organisation des Nations Unies.

Source : ONU
Référence : S/2004/461