Le secrétaire général de l’OTAN, Jaap de Hoop Scheffer, se réjouit à l’avance dans l’International Herald Tribune du prochain sommet de l’Alliance, les 28 et 29 juin à Istanbul. Washington entend utiliser cette réunion pour redéfinir plus explicitement la transformation de l’Alliance : elle n’aurait plus comme objectif la défense mutuelle de ses membres lorsqu’ils sont attaqués, mais la stabilité mondiale via des interventions extérieures. M. de Hoop Scheffer poussera à un déploiement de l’OTAN en Irak pour soulager le Pentagone du fardeau d’une occupation tous les jours plus difficile et coûteuse. Sa tactique diplomatique sera simple : ainsi qu’il l’indique dans sa tribune, il feindra d’interpréter la résolution 1546 du Conseil de sécurité comme un soutien au gouvernement intérimaire et de demandera à chacun de le traduire en actes.
S’engouffrant dans la brèche, Ian Bremmer et Nikolas Gvosdev proposent dans le même quotidien que la Fédération de Russie soit associée plus étroitement à l’OTAN, y compris en partageant ses bases militaires, pour garantir au mieux la stabilité, tout au moins au niveau régional. L’ennemi d’hier deviendrait une pièce maîtresse du nouveau dispositif impérial, ne laissant plus aucune chance aux révoltes et dissidences régionales.
Dans les colonnes des journaux, l’Empire est invincible, mais dans la réalité on ne voit pas pourquoi les Européens iraient mourir pour que les automobilistes états-uniens disposent de pétrole irakien, ni pourquoi les Russes devraient prêter leur concours au démantèlement de leur zone d’influence.

José Miguel Vivanco et Daniel Wilkinson de Human Rights Watch alertent les lecteurs du Washington Post face aux prémisses d’une dictature chaviste au Venezuela. Selon eux, le président, qui a été desservi par la partialité de la Cour suprême, serait en train de refaçonner la haute juridiction à sa convenance. La communauté internationale qui avait protesté contre le coup d’État anti-Chavez de 2002 devrait identiquement se mobiliser, cette fois en défendant la démocratie face à Chavez. L’argument est de mauvaise foi : en réalité, les anti-chavistes s’inquiètent des estimations électorales qui montrent l’impossibilité de renverser le président par les urnes. Il ne leur reste que deux possibilités, soit utiliser leurs appuis à la Cour suprême pour faire déclarer Chavez inéligible, soit déclencher la guerre civile et appeler le Pentagone au secours. Pour crédibiliser leur argument, MM. Vivanco et Wilkinson s’accordent à prétendre que la communauté internationale s’éleva contre le coup d’État de 2002. C’est malheureusement faux : dans une déclaration commune, les États-Unis et l’Espagne s’en étaient félicités. La suite des événements montra que les deux pays l’avaient fomenté. D’où l’on peut conclure que nos auteurs appellent Washington et Madrid à rééditer leur forfait.

Stephen F. Hayes rappelle à l’ordre la Commission d’enquête « indépendante » sur le 11 septembre. Celle-ci, qui rappelons-le n’a conduit aucune investigation sur les attentats eux-mêmes, mais uniquement sur les réactions de l’État aux attentats, s’est fendue d’un rapport d’étape. Elle a relevé qu’il n’existe aucun élément permettant de lier le 11 septembre à l’Irak. Ce que le président Bush en personne s’est empressé de démentir, bien qu’il ait lui-même formé et nommé la dite commission. Par glissements progressifs, le débat s’est déplacé vers les liens entre Al Qaïda et l’Irak. Or, Stephen F. Hayes fut un maillon central de cette intoxication. C’est lui qui fit « fuiter » dans son hebdomadaire, le Weekly Standard, le rapport bidon du Pentagone. Il revient donc à la charge dans le Los Angeles Times pour nous redire que les vessies sont des lanternes. Après s’être caché derrières quelques autorités officielles actuelles, il s’appuie sur une intox de l’administration Clinton : l’usine d’Al-Shifa (Soudan) aurait servie à Al Qaïda à fabriquer des armes de destruction massive selon une technologie irakienne. Las, cette affaire a été dégonflée depuis longtemps par une Commission d’enquête de l’ONU et Bill Clinton avait présenté des excuses.

Enfin, Le Monde reproduit l’appel de Samir Frangié pour un autre Liban, signé par plus de 2000 personnes. Le leader maronite y fait son mea culpa avant de proposer de tourner la page et de reconstruire un Liban émancipé de la tutelle syrienne. Tout appel à la réconciliation doit être pris au sérieux, cependant M. Frangié n’est pas le mieux placé pour le lancer et les signatures de quelques personnalités d’autres communautés ne suffissent pas à dissiper ce malaise. En outre, aucune proposition de retrait syrien au nom de la souveraineté nationale ne peut être crédible si elle ne s’accompagne d’une même volonté d’indépendance face à Israël et aux États-Unis dont les noms ne sont pas même cités.