Dans une lettre du 26 juin 1856, Ernest Renan, un des principaux penseurs d’alors, répond à Arthur de Gobineau, auteur de l’Essai sur l’inégalité des races humaines (1853) : « Vous avez fait là un livre des plus remarquables, plein de vigueur et d’originalité d’esprit, seulement bien peu fait pour être compris en France ou plutôt fait pour y être mal compris. L’esprit français se prête peu aux considérations ethnographiques : la France croit très peu à la race, (...) Sans doute si les éléments nobles mêlés au sang d’un peuple arrivaient à s’effacer complètement, alors ce serait une avilissante égalité, analogue à celle de certains États de l’Orient et, à quelques égards de la Chine. Mais c’est qu’en réalité une très petite quantité de sang noble mise dans la circulation d’un peuple suffit pour l’ennoblir, au moins quant aux effets historiques ; c’est ainsi que la France, nation si complètement tombée en roture, joue en réalité dans le monde le rôle d’un gentilhomme. En mettant à part les races tout à fait inférieures dont l’immixtion aux grandes races ne ferait qu’empoisonner l’espèce humaine, je conçois pour l’avenir une humanité homogène. »