Malgré la découverte par la Commission d’enquête sur 11 septembre qu’il n’y avait pas de preuves d’une relation de collaboration entre Saddam Hussein et Al Qaïda, l’administration Bush continue d’affirmer que les deux travaillaient ensemble. Comme preuve, ils citent fréquemment Abu Musab al Zarkawi, le Jordanien de 37 ans qui est présenté comme le plus dangereux des terroristes en activité. Zarkawi, qui a quitté l’Afghanistan après l’invasion états-unienne et a trouvé refuge en Irak, est probablement derrière les attentats de jeudi qui ont fait plus de 100 morts et c’est lui qui en mai aurait décapité Nicholas Berg. Le lendemain des déclarations de la Commission d’enquête, Dick Cheney remettait en avant Zarkawi en affirmant qu’il avait construit une usine de poison dans le nord de l’Irak et qu’il avait été soigné à Bagdad en 2002. Pourtant, les preuves démontrant qu’il est le lien entre Al Qaïda et l’Irak sont faibles.
Zarkawi dirige une organisation indépendante d’Al Qaïda appelée Tawhid. Cette organisation avait des camps se trouvant à des centaines de kilomètres de ceux d’Al Qaïda en 2000. A cette époque, cette organisation était présentée par Robert Cressey, expert en terrorisme au National Security Council, autant comme une rivale qu’une collaboratrice d’Al Qaïda, et lors de son arrestation en Allemagne en 2002, l’un des membres de l’organisation affirma être opposé au groupe de Ben Laden. En janvier, une lettre de Zarkawi à destination d’Al Qaïda fut interceptée ; elle demandait l’aide de l’organisation de Ben Laden pour créer une guerre civile entre sunnites et chiites en Irak. Non seulement ce texte démontrait qu’il faisait une requête à un groupe qui n’était pas le sien mais en plus sa requête n’a pas reçu de réponse semble-t-il car la guerre entre sunnites et chiites n’est pas l’un des thèmes de prédilection d’Al Qaïda. Cette non-appartenance de Zarkawi à Al Qaïda a quasiment été reconnue par Donald Rumsfeld dans une conférence de presse en juin.
Les liens de Zarkawi avec Saddam Hussein sont encore plus minces et, après son départ en Afghanistan, il a dû passer autant de temps en Iran qu’en Irak. En outre, ce que Cheney décrit comme une « usine de poison » était dans la zone d’exclusion aérienne au nord-est de l’Irak, une région mieux contrôlée par Rumsfeld que par Saddam. De plus, l’opération chirurgicale qu’il est censé avoir subi à Bagdad serait une amputation d’une jambe. Or, sur la cassette de Nicholas Berg, l’homme qui parle a ses deux jambes. Enfin, les sites de Zarkawi présentent Saddam Hussein comme un démon.
Si les preuves des liens entre Al Qaïda et l’Irak s’en tiennent à cela, le dossier est vide.

Source
International Herald Tribune (France)
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« The most dangerous terrorist », par Peter Bergen, International Herald Tribune, 29 juin 2004.