Les États-Unis sont forts, l’Amérique latine est faible. Voilà la vérité de base qui déséquilibre leurs relations. En Amérique latine, il n’y a pas d’animosité irrationnelle contre les États-Unis, il n’y a pas de jalousie, ni de fascination non plus. Le problème dans nos relations vient de la politique étrangère de Washington.
Les États-Unis sont le Dr. Jekyll dans leurs frontières et Mr Hyde en dehors. Tout au long de leur histoire, ils ont eu bien souvent une attitude impérialiste à l’égard de leurs voisins du Sud. Toutefois, à l’époque de Roosevelt, les États-Unis avaient tenté de convaincre les pays d’Amérique latine de participer à la Seconde Guerre mondiale par la négociation et pas par la confrontation, puis ils avaient contribué à créer l’ONU sous Truman. Même si les États-Unis ont parfois violé les principes de l’ONU pendant la Guerre froide, ils se refusaient à les rejeter catégoriquement. Voilà ce qui est si choquant avec l’administration Bush pour les pays d’Amérique latine : le soutien à des dictatures brutales par le passé avait laissé des traces, mais jamais les États-Unis n’avaient renoncé explicitement aux principes des Nations unies, c’est désormais chose faite et Washington ne s’en cache pas. Dans de telles conditions, l’Amérique latine perd son seul moyen d’influencer Washington.
L’unilatéralisme devient la règle alors que la globalisation exige le multilatéralisme. Les dirigeants d’Amérique latine demandent un retour au multilatéralisme pour le bien du monde et ils trouvent un écho en Amérique du Nord fort heureusement. Il sera important de rétablir le respect du droit quand Bush et ses sbires belliqueux seront partis.

Source
Los Angeles Times (États-Unis)

« You Scare Us », par Carlos Fuentes, Los Angeles Times, 26 septembre 2004.