La vivacité du débat en France sur le Traité constitutionnel de l’Union européenne contraste avec le désintérêt général des Européens pour ce sujet. Ainsi, une centaine de militants verts appellent à voter non, tandis que sept maires de grandes villes européennes appellent au « oui », tout comme Claude Allègre qui utilise les États-Unis comme repoussoir pour soutenir le texte.
Le référendum sur le Traité constitutionnel de l’Union européenne divise la classe dirigeante française. La vivacité de ce débat contraste avec le désintérêt général des Européens pour ce sujet. Ce particularisme s’explique par deux raisons principales : d’une part les Français regrettent rétrospectivement d’avoir approuvé le Traité de Maastricht, d’autre part une personnalité présidentiable, l’ancien Premier ministre socialiste Laurent Fabius, a cassé le consensus en se prononçant pour le « non ».
Une centaine d’adhérents des Verts, dont deux parlementaires, lui emboîtent le pas dans Libération. À leurs yeux, ce traité ne parvient pas à clarifier la plupart des problèmes institutionnels et constitutionnalise des options politiques « libérales ».
À l’inverse, sept maires de gauche de grandes villes européennes prennent position pour le traité qui, selon eux, renforce la démocratie locale et constitutionnalise les droits sociaux. Au passage, on notera que le quotidien Le Monde, qui les publie, qualifie Barcelone de capitale, plaçant ainsi la région Catalogne au même rang que les États membres.
Dans la même veine, l’ancien ministre socialiste Claude Allègre développe un argument aussi efficace que malhonnête dans Libération. Il assure qu’un « non » isolerait un peu plus la France en Europe, laissant le pouvoir à l’axe libéral anglo-italien, et à travers lui ouvrant la porte à l’influence états-unienne. M. Allègre compte sur l’image repoussoir de Washington pour convaincre les électeurs de gauche de voter « oui », mais son argument ne tient pas : on pourrait tout autant affirme que le traité dilue un peu plus la capacité politique de l’Union pour la maintenir dans l’orbite états-unienne qu’elle n’a jamais quittée.
Le lecteur ne pourra qu’être surpris par la multiplicité d’interprétations du Traité, alors même que le rôle d’un tel texte est de formuler des règles claires.
Les parlementaires français ont, en outre, ouvert un débat dans le débat sur l’Europe : une majorité semble en effet se dégager à l’Assemblée nationale, droite et gauche confondues, pour s’opposer à l’ouverture de négociations d’adhésion avec la Turquie.
Des députés centristes prennent à témoin les lecteurs du Figaro pour contraindre le gouvernement à accepter de consulter l’Assemblée sur ce sujet. Dans la pratique, cela voudrait dire encourir un rejet et donc renoncer aux négociations. Là encore, devant l’impossibilité d’expliciter une intolérance religieuse face à un grand pays à population musulmane, les démocrates-chrétiens se retranchent derrière l’argument d’une Europe restreinte pour affronter les États-Unis plutôt que d’une Europe élargie et faible. Le repoussoir états-unien sert désormais à tout.
Sur le même sujet l’ancien président de la République et ancien président de la Convention européenne, Valéry Giscard d’Estaing, ne résiste pas au plaisir de rappeler le gouvernement à ses obligations démocratiques. Simple histoire de placer une fois de plus son vieil adversaire, Jacques Chirac, en face de ses contradictions : comment ce dernier peut-il se prononcer pour le Traité au nom de la démocratie renforcée et refuser la tenue d’un débat parlementaire, alors même que l’objet de celui-ci serait de censurer sa politique pro-turque. Le Monde publie avec délectation cette haine recuite.
Donald Rumsfeld défend son bilan dans le Taipei Times, mais aussi avec sens de la provocation dans Le Figaro. Il note que, déjà pendant la Guerre froide, la France critiquait la stratégie de Washington. À l’époque Charles De Gaulle avait même retiré l’état-major français de celui de l’OTAN. mais cela n’a pas empêché Washington de poursuivre sa lutte jusqu’à l’effondrement de l’URSS. Il en serait de même aujourd’hui : les critiques françaises ne feront pas faiblir la détermination états-unienne dans la guerre au terrorisme et n’empêcheront pas la victoire de la Coalition. Un raisonnement qui serait parfait s’il ne reposait sur une fanfaronnade (l’OTAN n’a pas gagné la Guerre froide, l’URSS s’est effondrée de l’intérieur) et un amalgame (le « terrorisme » ne constitue pas un adversaire et n’est pas comparable à un État comme l’URSS).
Arthur Ochs Sulzberger Jr et Russell T. Lewis, respectivement rédacteur en chef et Pdg du New York Times, dénoncent dans leur quotidien la condamnation de leur collaboratrice Judith Miller à une peine d’emprisonnement. Selon eux, un magistrat a tenté de contraindre la journaliste à révéler une de ses sources et, devant son refus, a décidé de son incarcération. Il s’agirait donc d’une atteinte au droit de la presse et d’une violation du premier amendement de la Constitution US. L’affaire est à la fois grave et distrayante. Mme Miller est accusée de couvrir l’identité d’un haut fonctionnaire qui aurait dévoilé à la presse un agent de la CIA. Elle serait donc, en théorie, complice d’un crime. Pourtant la loi sur les agents a été adoptée uniquement pour mettre fin aux fuites et sanctionner l’ex-agent Philip Agee qui avait révélé les agissements illégaux de l’Agence. Elle n’a jamais été appliquée depuis. Jusque-là, on donnerait raison au New York Times. Mais dans l’affaire Valérie Plame, car c’est d’elle dont il s’agit, la fuite était un coup bas de la Maison-Blanche contre une faction de la CIA sur fond de campagne d’intoxication de l’opinion publique pour justifier l’invasion de l’Irak. Or Mme Miller faisait partie sans aucun doute de ce complot, mais, comme l’admettent les patrons du New York Times, elle n’a pas écrit d’articles sur l’affaire Valérie Plame. C’est donc à titre privé qu’elle est incarcérée et pas en tant que journaliste. Elle ne saurait donc se prévaloir de cette qualité pour échapper à la justice.
Enfin, le militant catholique des Droits de l’homme, Reed Brody, s’indigne dans l’International Herald Tribune d’une véritable atteinte aux droits de l’homme : la mise au secret de prisonniers par la CIA. Les faits sont attestés par le très officiel rapport Schlesinger (commandé par le Pentagone) et privent ces prisonniers de la protection de la Croix-Rouge. Il s’agit d’agissements comparables à ceux des pires dictatures qui déshonorent les États-Unis.
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