Tendances et événements au Proche-Orient

La virulente campagne anti-syrienne lancée par l’Arabie saoudite à travers certains journaux montre que les relations bilatérales restent très tendues en dépit des efforts de bons offices déployés par l’Égypte entre Damas et Riyad. Des sources arabes qui suivent de près ce dossier rapportent les remarques suivantes :
 1. Il est clair que le royaume wahhabite s’est impliqué, à la demande des États-Unis, dans un plan de déstabilisation de la Syrie à travers le financement de groupes hostiles à la direction syrienne actuelle et l’accueil, par le roi Abdallah en personne, de personnalités opposées au président Bachar al-Assad. Des journaux et des chaînes satellitaires saoudiennes et arabes se sont pleinement engagés dans ce plan, moyennant finances. Les États-Unis pensaient pouvoir renverser le pouvoir syrien après qu’il eut refusé de se plier à leurs exigences et de s’aligner sur leur politique.
 2. Les signaux états-uniens et les mesures prises par Washington, soit directement soit à travers les Européens ou le roi de Jordanie, montrent que ces tentatives se sont brisées en raison de la résistance de la Syrie. Certes, les différends avec les États-Unis demeurent aussi importants. Les menaces israélo-US de guerre et d’invasions toutefois ont cédé la place au dialogue et aux négociations. Mais à leur habitude, les États-Unis n’ont pas pris la peine de mettre leurs « alliés » au courant de leurs nouvelles orientations, pour leur permettre de sauver la face. Ceux-ci sont donc allés trop loin dans leur hostilité à l’égard de la Syrie, alors que Washington avait déjà amorcé son virage.
 3. L’activité politique et diplomatique états-unienne et européenne ces deux derniers mois a montré la centralité du rôle de la Syrie dans les différents dossiers de la région et la marginalité des autres régimes arabes. Le royaume wahhabite s’est ainsi retrouvé en train d’assister, tout penaud, à des négociations menées avec la Syrie par plusieurs pays occidentaux sur de nombreux sujets. L’Arabie, elle, avait les mains ligotées en raison de l’étroite marge de manœuvres imposée par les États-Unis.
 4. Le fait que le dossier libanais soit une question centrale des discussions franco-syriennes irrite fortement certains responsables saoudiens qui pensaient naïvement hériter de l’influence syrienne au Liban après l’assassinat de l’ancien Premier ministre Rafic Hariri. Ils ont massivement investi en politique et en argent au Liban. Aussi déploient-ils de sérieux efforts pour entraver toute entente interlibanaise.

Presse et agences internationales

MAARIV (QUOTIDIEN ISRAELIEN)
Le rapport des agences états-uniennes du renseignement affirmant que l’Iran avait suspendu depuis 2003 son programme militaire nucléaire a inauguré peut-être une période d’apaisement. Mais en Israël, il a tiré la sonnette d’alarme. Une délégation des services de renseignement israéliens, y compris le renseignement militaire « Aman », est sur le point de terminer une mission aux États-Unis pour tenter de prouver que le projet nucléaire militaire iranien se poursuit. Prochainement, d’autres réunions vont avoir lieu entre les deux parties et Israël veut convaincre Washington qu’il est dangereux de prendre le risque d’agir selon la probabilité que l’Iran n’a pas de projet militaire. Dans ce contexte, les Israéliens vont divulguer aux États-uniens de nouvelles informations qu’ils gardaient secrètes au nom de « la sécurité des renseignements ».

• Dans un article publié dans la presse arabe, Eytan Happer assure qu’Ehud Olmert et Ehud Barak ont terminé en même temps mais séparément leur vie professionnelle. Ils affirment dans les cercles politiques et aux proches qu’il n’y a pratiquement plus de chance qu’Olmert soit réélu au poste de Premier ministre. Preuve en est les sondages qui, c’est le moins que l’on puisse dire, ne lui sont pas favorables. Les sondages sourient à Benyamin Netanyahu. S’il poursuit sur cette voie, il y a de fortes chances qu’il soit le prochain Premier ministre.

• Dans un article publié dans plusieurs journaux israéliens, Avi Bashkarof et Amos Beril affirment que les organisateurs du dernier meeting du Hamas à Gaza ont de quoi être satisfaits. Selon diverses estimations, quelque 200 000 personnes ont participé à la manifestation marquant le 20ème anniversaire de la fondation du Hamas. Mais cette large participation ne cache pas les grandes difficultés que traverse la direction du mouvement islamiste. Les dissensions entre le Hamastan à Gaza et le Fatahland en Cisjordanie s’amplifient ; la crise économique à Gaza n’a jamais été aussi grave ; au sein même du Hamas, le débat se poursuit entre le courant pragmatique (relativement) dirigé par le chef du bureau politique basé à Damas, Khaled Mechaal et le Premier ministre limogé Ismaïl Haniyyé, et l’aile militaire radicale, conduite par Ahmad Jaabari.

TECHRINE (QUOTIDIEN SYRIEN)
 Ezzeddine Darwiche
Après les revers et les déboires états-uniens en Irak, au Liban et en Palestine, peut-on parler de début de changement dans les orientations de l’administration Bush ? Les milieux journalistiques et les analystes se posent cette question avec acuité mais aucune réponse concluante n’est apportée. Sur le terrain, rien ne montre qu’il existe des changements réels dans les politiques US. L’administration Bush traite avec autant d’arrogance les dossiers de la région, pour couvrir son véritable projet qui est de diviser les pays du Moyen-Orient et piller les richesses.

LE MONDE (QUOTIDIEN FRANÇAIS, SOCIAL-DEMOCRATE)
La conférence des donateurs réunie lundi à Paris vise à financer le futur État palestinien, toutefois elle servira surtout à conforter Mahmoud Abbas face au Hamas. Selon le commissaire général adjoint de l’UNRWA, il y a une contradiction entre les objectifs affichés et la réalité de terrain. Sur place, on observe « un démantèlement progressif des institutions qui fait que rien ne sera prêt le jour où un État palestinien sera créé. »

LE FIGARO (QUOTIDIEN FRANÇAIS, MAJORITE PRESIDENTIELLE)
• Le succès anticipé de la conférence des donateurs pour la Palestine, aujourd’hui à Paris, est essentiellement à mettre au crédit de la bonne gestion du Premier ministre palestinien, Salam Fayyad, ancien fonctionnaire de la Banque mondiale et du FMI. Il a doté le ministère des Finances d’un compte unique, a centralisé les dépenses et mis fin au versement de soldes en liquide aux membres des services de sécurité, une pratique qui donnait lieu à toutes sortes de malversations. En outre, il a supprimé 40000 emplois de fonctionnaires depuis le mois de juin.
• Où va l’argent de la paix ? Port de Gaza, détruit par Israël. Aéroport de Gaza, bombardé par Tsahal. Laboratoire antiterroriste palestinien, réduit en poussières par les missiles de l’État hébreu. La liste des destructions d’infrastructures palestiniennes, financées notamment par l’Union européenne (UE), est loin d’être exhaustive. A ces gaspillages, il faut ajouter la corruption : Tel important ministre bien connu des bailleurs de fonds n’hésite pas à réclamer une commission de 10 % sur un contrat de 5 millions de dollars financé par la Banque mondiale. Mais c’est aussi tel pays européen qui accepte de gonfler des surcoûts liés à l’insécurité pour finalement doubler à 10 millions de dollars le montant d’un contrat sur un programme d’électrification rurale en Cisjordanie.

LIBERATION (QUOTIDIEN FRANÇAIS, OPPOSITION)
 Pierre Vermeren maître de conférences en histoire du Maghreb à Paris-I
Muammar al-Kadhafi n’est que la partie émergée de l’iceberg. Son séjour à Paris a eu au moins un mérite pédagogique, rappeler aux Français que 250 millions d’Arabes ou assimilés (Kurdes, Berbères, Nubiens) vivent en dehors du monde démocratique. La poussée islamiste chasse les minorités religieuses, chrétiennes et juives, et contraint l’Occident à soutenir des régimes autoritaires qui, depuis le 11 septembre, sont sensés le protéger de l’exportation de cette violence
 Wicem Souissi journaliste
Le ressort du régime tunisien, c’est la lutte contre la menace islamiste. Or la politique du président Ben Ali est aussi inefficace que contre-productive. La surenchère religieuse islamise les esprits et laboure le terrain au profit des fanatiques. Quand au volet sécuritaire, il sert surtout à étouffer toute voix discordante. Le salut ne peut venir que d’une ouverture à l’Union européenne.
 Zahir Boukhelifa, journaliste
Les milieux néo-nationalistes algériens attisent l’antisémitisme pour masquer leur échec politique et économique. Pour retrouver une légitimité, ils tentent de plaquer le conflit israélo-palestinien sur la guerre d’indépendance de l’Algérie. Si ce greffon de la haine prend, les quinze ans de terrorisme islamiste et étatique que vient de vivre l’Algérie ne seront rien comparés aux années à venir.

LE TEMPS (QUOTIDIEN SUISSE)
• Bâtir une ville nouvelle entre Naplouse et Jénine (Cisjordanie), construire des milliers de logements sociaux et établir un véritable système de sécurité sociale à l’occidentale. Tels sont quelques-uns des projets que présentera Mahmoud Abbas aux 90 participants à la conférence des pays donateurs réunis ce lundi à Paris. La création d’un système de sécurité sociale officiel est l’une des priorités du gouvernement de Salam Fayyad. Il devrait permettre d’étouffer les fondations charitables privées grâce auxquelles le Hamas s’est aussi bien implanté dans la population palestinienne.
•Gaza, sous blocus israélien, vit dans la misère. Mais, paradoxalement, les gens privés de tout trouvent la liberté intérieure qui nous fait défaut. L’Occidental qui est confronté à la fois à cette injustice et à cette vitalité, n’a rien à dire, rien à opposer au discours anti-israélien.

Audiovisuel international

ANB (APPARTIENT A L’HOMME D’AFFAIRES IRAKIEN NAZMI OJI)
Principal journal du soir
 John Bolton, ancien ambassadeur US à l’Onu
La politique du président George Bush est en train de s’effondrer et constitue un danger pour la sécurité nationale.
Bush agit contre ses convictions et sa nature. Il est sous l’influence de la secrétaire d’État Condoleezza Rice.
Si Hillary Clinton est élue présidente, l’armée américaine se retirera d’Irak.

Tendances et événements au Liban

Les contacts locaux et internationaux se sont accélérés pour tenter de trouver une issue à la crise. Ci-après les principaux points et indices enregistrés ces dernières 24 heures :
 1. La tournée à Beyrouth du secrétaire d’État adjoint pour le Proche-Orient, David Welch, a généré un climat d’escalade qui s’est illustré par les propos belliqueux et menaçants de figures loyalistes du 14-mars. Mais Welch, qui a fait preuve d’une partialité flagrante en boycottant le chef chrétien de l’opposition, Michel Aoun, n’était porteur de rien de nouveau. Il s’est contenté de rassurer les membres du 14-mars du soutien états-unien, surtout que ceux-ci sont inquiets des changements dans la politique US dans la région. Il les a informés que le mandat accordé à la France pour gérer le dossier libanais a été prorogé. Il les a aussi incités à rejeter l’accord politique global avant l’élection présidentielle.
 2. Les contacts syro-français se sont poursuivis intensivement ces dernières 24 heures. Le secrétaire général de l’Élysée, Claude Guéant, pourrait venir à Beyrouth dans les prochaines heures pour poursuivre les contacts avec les différentes parties.
 3. Des sources du 14-mars ont reconnu que le chef du 14-mars, Saad Hariri, a remis au ministre français des Affaires étrangères, Bernard Kouchner, un document écrit portant sur l’accord conclu avec le président du Parlement Nabih Berry (gouvernement d’union nationale, nouveau découpage électoral…). Hariri est revenu sur ses engagements au lendemain de son retour d’Arabie saoudite, à l’instigation de certains milieux du royaume.
 4. Les positions exprimées par Walid Joumblatt dans une interview montrent que la « sagesse » dont il fait preuve est toute relative. Le chef druze a déclaré que la priorité doit aller à l’amendement de la Constitution et l’élection du général Michel Sleimane à la présidence, et que tout projet d’amendement doit passer par le gouvernement de Fouad Siniora (jugé illégitime par l’opposition). Il a refusé d’évoquer une entente politique sur tous les dossiers litigieux avant l’élection.
 5. Le 14-mars prétend que de fortes pressions sont exercées sur la Syrie afin qu’elle facilite l’élection présidentielle. Mais la réalité est toute autre : en fait, c’est l’opposition qui attend de la France des assurances sur le gouvernement d’union nationale et la nouvelle loi électorale, ainsi que sur d’autres questions en suspens. La France doit fournir des garanties sur le fait que le 14-mars est réellement disposé à partager le pouvoir avec l’opposition.
C’est parce que toutes ces questions ne sont pas encore clarifiées, que la séance de l’élection présidentielle a été reportée pour la neuvième fois.

Presse libanaise

AN-NAHAR (QUOTIDIEN PROCHE DU 14-MARS)
Quelques heures après le départ de David Welch, des sources bien informées ont fait état de fortes pressions internationales, rappelant la période qui a précédé la prorogation du mandat d’Émile Lahoud et le vote de la résolution 1559, il y a trois ans, pour organiser l’élection présidentielle. Les pressions ont eu lieu dans toutes les directions, surtout sur la Syrie.

AS-SAFIR (QUOTIDIEN PROCHE DE L’OPPOSITION)
Des sources libanaises bien informées ont fait état de contacts franco-syriens de haut niveau ces dernières heures pour débloquer la situation.

Audiovisuel libanais

NTV (CHAINE PROCHE DE L’OPPOSITION)
Émission : La semaine en une heure
 Ibrahim Kanaan, député du bloc de Michel Aoun
Pour l’instant, la composition du prochain gouvernement n’a pas été évoquée. Sans réconciliation et accord politique préalable, il sera difficile d’arriver à une solution de la crise. Le président Nabih Berry refuse tout amendement de la Constitution avant la démission du gouvernement de Fouad Siniora.
 Ammar Houry, député du Bloc de Saad Hariri
La majorité n’a pas lancé des accusations contre la Syrie après l’assassinat du général François al-Hajj car elle ne veut pas mêler l’armée aux tiraillements politiques.

Tendances est un bulletin quotidien de veille politique sur le Proche-Orient, réalisé par l’agence New Orient News à Beyrouth. Retrouvez-le sur Voltairenet.org, en versions allemande, arabe, anglaise, espagnole et française. Consultez également Indicators, le bulletin quotidien de veille économique sur le Proche-Orient, disponible en versions anglaise, espagnole et arabe.