La démission du général Colin Powell et de l’enseigne Richard Armitage, son frère d’armes, du département d’État marque le départ des éléments modérés de l’administration Bush I. M. Powell avait énoncé une doctrine qui porte son nom. Il avait posé comme responsabilité première des officiers d’économiser la vie de leurs hommes, prônant même la théorie de la « guerre zéro mort ». À ce titre, il s’était opposé aux aventures militaires du président Bush, conçues par les Vulcains et vendues à l’opinion publique par les intellectuels néo-conservateurs. Cet antagonisme a souvent été mal analysé dans la mesure où les propagandistes néo-conservateurs sont des personnages publics, tandis que les Vulcains n’avaient pas vocation à s’exposer. C’est pourtant ce groupe, formé et dirigé par Condoleezza Rice, qui triomphe aujourd’hui, et ses hommes qui prennent le contrôle des rouages décisionnels.

Max Boot dresse dans le Los Angeles Times un bilan peu élogieux du partant. Powell n’a pas su vendre la politique des États-Unis à l’étranger, d’autant qu’il n’a pas vraiment essayé. Il est resté ancré dans son fauteuil à Washington au lieu de voyager. Il n’a cessé de provoquer des conflits internes dans l’administration, notamment via le biais de « son » journaliste, le rédacteur en chef du Washington Post, Bob Woodward.
Joel Mowbray en rajoute dans le Washington Times. Powell, dit-il, défendait les personnels du département d’État devant le président au lieu de défendre le président devant le département d’État. Désormais, George W. Bush se donne les moyens de faire appliquer toute sa politique, celle-ci en gagnera en cohérence et en efficacité.

Philip H. Gordon note dans le Boston Globe que ce départ clarifie la situation. Powell était un modéré chargé de conduire une politique dure. Mais cela ne changera rien au fond puisqu’il n’avait aucun pouvoir décisionnel, la politique étrangère étant définie par le seul président. Cette analyse a été adaptée et publiée dans Le Monde, cette fois avec la double signature de l’auteur et de son collègue à la Brookings Institution, Justin Vaïsse.

Salameh Nematt du cabinet sioniste Benador Associates se réjouit dans Dar Al-Hayat de ce que la nomination de Rice au département d’État fait suite à celle de Porter Goss à la CIA. Les deux responsables vont pouvoir purger ces administrations déloyales. Si Goss a déjà commencé, Rice ne saurait tarder. Enfin l’administration va servir la politique du président.
Sydney Blumenthal observe dans le Guardian que les démissions et nominations actuelles obéissent à une unique logique : sanctionner tous ceux qui ont émis des réserves sur la ligne politique du président Bush et promouvoir les extrémistes. Il n’est pas question de compétence, mais de loyauté. L’ancien conseiller du président Clinton en conclut que ce n’est plus une administration, mais un régime, reprenant une analyse que nous développons depuis le 11 septembre 2001 et que, malheureusement, chaque événement vient confirmer.

Enfin, dans Dar Al-Hayat, le journaliste Randa Takieddine refuse de personnaliser les relations franco-états-uniennes. Avec justesse, il souligne que le problème n’est pas de savoir si les Français préfèrent la courtoisie de Powell au sourire de Rice, mais si les deux États peuvent surmonter leurs différends. Or, s’il sont capables de travailler de concert sur de nombreux dossiers, leurs points de vue sont irréconciliablement antagonistes sur l’Irak. Les États-Unis ne croient qu’en une solution militaire, la France qu’en une solution politique.