Il y a 15 ans, le monde était profondément divisé sur les questions stratégiques de développement économique et on considérait que l’ONU était incompétent sur ce sujet, ou pire, qu’elle était le défenseur de gouvernements corrompus des pays en voie de développement. Aujourd’hui, les choses ont changé et le débat sur la politique de développement est fondé sur ce dont chacun à besoin pour atteindre le développement. Le sommet du Millenium en 2000, les conférences de l’ONU sur le financement du développement à Monterrey et sur le développement durable à Johannesburg en 2002 ont conduit à un consensus global sur la façon de développer les économies, diminuer la pauvreté et protéger l’environnement. Les huit objectifs de développement du Millenium, définis il y a quatre ans, constitueront les points de référence pour mesurer les progrès en 2015.
Il n’est malheureusement absolument pas certain que ces objectifs seront atteints en 2015, notamment en Afrique sub-saharienne, mais au moins la lutte pour y parvenir nous a permis de parvenir à un accord sur ce qu’il convient de faire. Malheureusement, concernant les moyens de rendre le monde plus sûr, nous ne sommes pas parvenus à un tel compromis. Le compromis global contre le terrorisme a vite éclaté avec les disputes de la Guerre d’Irak qui sont apparues comme révélatrices de divisions sur des questions plus fondamentales sur la lutte contre le terrorisme, l’usage de la force et la place de l’ONU dans un monde unipolaire. Ces questions ont pris le pas sur le débat des années 90 sur les limites de la souveraineté des États.
Il y a un an, pour suggérer des réponses à de telles questions, j’ai désigné un groupe de 16 personnalités éminentes et je leur ai demandé d’évaluer les menaces que l’humanité affronte aujourd’hui et de proposer les changements nécessaires, à la fois dans nos politiques et dans nos institutions, pour leur faire face. Le 2 décembre, ils remettent leur rapport, Un monde plus sûr. Notre responsabilité partagée dans lequel ils donnent 101 recommandations afin de forger une réponse commune aux menaces communes. Il comporte une explication claire du droit d’autodéfense, des lignes directrices pour l’utilisation de la force, un accord pour une définition du terrorisme, des propositions pour prévenir une prolifération nucléaire en cascade et pour améliorer la biosécurité et enfin une série de recommandations pour rendre l’ONU plus efficace en actualisant les organes de décision. Ce rapport expose également les interactions de notre époque et comment une catastrophe affecte tout le monde.
On ne pourra pas lire ce document et continuer à croire que rendre ce monde plus sûr n’est pas en réalité une responsabilité collective, ainsi que l’intérêt de tous. La balle est manifestement dans le camp des dirigeants politiques du monde. Je les exhorte à se saisir de ce texte et à le mettre en pratique.

Source
Le Monde (France)
Los Angeles Times (États-Unis)

« Comment rendre le monde plus sûr ? », par Kofi Annan, Le Monde, 2 décembre 2004. Ce texte est adapté de l’avant propos du rapport Un monde plus sûr de l’ONU.
Un extrait moins long du même texte a été publié par le Los Angeles Times : « U.N. Blueprint for a More Secure World », 2 décembre 2004.
« A way forward on global security », International Herald Tribune, 3 décembre 2004.