Le Guardian pose la question des victimes, à la fois militaires et civiles, de l’invasion de l’Irak. Le quotidien britannique relaye une pétition de 46 personnalités qui ont interpellé le Premier ministre à ce sujet, consacre un article d’analyse pour comparer les chiffres disponibles, et publie une tribune libre de Mike Rowson et John Sloboda, de Medact et Iraqi Body Count. Nous avions déjà noté, en présentant une tribune de Jeffrey D. Sachs, qu’au contraire cette question est délibérément ignorée par la presse états-unienne. Il semble qu’entre 13 500 et 45 000 soldats irakiens sont morts au combat, 14 619 à 16 804 civils irakiens sont morts collatéralement pendant les combats, au moins 85 000 civils irakiens sont morts en dehors des combats faute de soin compte tenu de la destruction des hôpitaux. À cela, il faut ajouter plus de 1 000 soldats réguliers états-uniens et au moins 820 collaborateurs irakiens. Les mercenaires ne sont pas comptabilisés. Tout porte à estimer que cette invasion, effectuée en violation du droit international, a coûté la vie à environ 140 000 personnes.

L’ancien conseiller de Bill Clinton, Sidney Blumenthal raille dans le Guardian le nouveau secrétaire à la sécurité de la patrie, Bernard Kerik. Nos lecteurs connaissent ce personnage auquel nous avons consacré un portrait, mais les Anglo-saxons ignorent tout de lui. Les articles parus à l’occasion de sa nomination sont vides et souvent identiques au mot-à-mot. Ils reprennent les termes d’une dépêche d’agence, elle-même copiée sur la jaquette rédigée par son éditeur pour la vente de son autobiographie. Blumenhal souligne que le président Bush a choisi le garde du corps d’un de ses amis pour l’élever au rang de ministre, comme l’empereur Caligula nomma son cheval sénateur de Rome. Au demeurant, Bernard Kerik n’est pas seulement un incompétent loyal, c’est aussi un mégalomane qui vient de commander, aux frais de l’association des orphelins de la police new-yorkaise, trente bustes à son effigie. Derrière toutes ces incongruités, Blumenthal, comme d’autres commentateurs démocrates, voit se profiler un gigantesque système de détournement de fonds publics. Le budget du département de Sécurité de la patrie est en hausse constante, pour des résultats insignifiants. Des crédits considérables sont gaspillés dans des programmes fumeux au bénéfice de divers sous-traitants. M. Blumenthal pense que le nouveau ministre se livrera à un vaste trafic d’influence et que les nouveaux sous-traitants de son département seront conduits en échange de leurs contrats à investir dans Giuliani Partners, c’est-à-dire à financer la campagne présidentielle de 2008 de Rudolph Giuliani.
À ce propos, deux anciens présidents de la Chambre des représentants, Tom Foley et Newt Gingrich, demandent dans le Washington Times que l’on créé une Commission parlementaire permanente pour contrôler le nouveau département de Sécurité de la patrie, dont le rôle et le budget sont appelés à croître encore. La réorganisation de l’exécutif doit se doubler d’une réorganisation du législatif, expliquent-ils.

Christian W.D. Bock et Leland R. Miller dénoncent dans le Washington Post la passivité de l’Union européenne face à la crise du Darfour. Pendant que l’on discute de la qualification juridique des massacres (génocide ou pas ?), ceux-ci continuent. Selon eux, les Etats-Unis ne peuvent se permettre d’intervenir une fois de plus en terre d’islam, tandis que les Européens, qui le pourraient, attendent un feu vert de l’ONU qu’ils ne sollicitent pas.
Ce propos est habile, mais biaisé : le désaccord ne porte pas sur l’absence de mandat du Conseil de sécurité, mais sur l’analyse du conflit et les moyens d’intervenir. Dans une situation complexe, l’Union européenne, consciente des crimes coloniaux, préfère s’en remettre à l’Union africaine qu’elle soutient. La question devient alors, pourquoi les États-Unis soutiennent-ils si peu l’Union africaine dans cette démarche ?

Enfin, un collectif d’avocats et de militants arabes des Droits de l’homme plaide dans le Daily Star pour la prise en compte par le sommet du G8 et des dirigeants du Proche-Orient, réuni à Rabat, de leurs exigences de liberté, de démocratie et de justice. Jusque-là rien que du consensuel, un peu trop peut-être. La difficulté de ce genre d’exercice est d’être exhaustif et de hiérarchiser les problèmes. Et, de ce point de vue, il leur reste à justifier leurs choix dans la désignation des priorités concrètes.