Le « président » « civil » Roberto Micheletti.

Presqu’immédiatement après le coup d’État du 28 juin 2009, les grands médias n’ont pu s’empêcher de remarquer que Washington faisait face à un problème. Le 30 juin, on pouvait lire en gros titre dans le quotidien USA Today : « La journée d’Obama : la corde raide présidentielle. » L’article se poursuivait ainsi : « Bon matin depuis le Bureau ovale [Maison-Blanche]. Lors de cette même journée, en 1859, un acrobate français nommé Charles Blondin a marché sur une corde raide au-dessus des eaux torrentielles des Chutes Niagara. Exactement 150 ans plus tard, le président Barack Obama doit sans doute comprendre ce qu’il ressentait… [par rapport à] l’Amérique latine. Obama essaie de résoudre le coup militaire au Honduras malgré la charge de méfiance de l’Amérique latine face aux États-Unis. » [1]

La même journée, le Washington Post titrait : « Sur les questions de politique étrangère, Obama avance à pas comptés. » Le texte se poursuivait ainsi : « Le président Obama est arrivé au pouvoir en promettant des changements audacieux sur de nombreux fronts, mais sa politique étrangère se fait souvent en demi-teintes. Que ce soit en Iran, en Chine ou en Corée du Nord, y a-t-il des moments où l’on ne puisse pas dire que l’administration Obama « manœuvre prudemment » ou « avance à pas comptés » à l’étranger ? Le dernier exemple en lice est le Honduras, dont la Maison-Blanche, hier, a critiqué le coup d’État qui a renversé Manuel Zelaya, sans toutefois signifier sa désapprobation totale. ‘Mais tout en condamnant le renversement, les officiels américains n’ont pas exigé la réinstallation de Zelaya’, écrit le Times de Los Angeles. » [2]

Nous aborderons plus loin les différences apparentes ou véritables entre le président Obama et le département d’État, dirigé par Hillary Clinton. Mais pour l’instant, continuons de traiter le sujet initial. Le correspondant de l’AP, Nestor Ikeda, titrait ainsi son article repris le 6 juillet par plusieurs grands médias internationaux ou états-uniens : « Obama joue le rôle de l’équilibriste dans le drame hondurien ». M. Ikeda atteint sa cible en plein cœur lorsqu’il écrit : « Étant donné qu’Obama avait promis aux gouvernements sud-américains que nous allions désormais privilégier le dialogue dans la recherche de solutions diplomatiques, il semble que pour la première fois, il ait adopté un nouveau rôle face au coup d’État militaire au Honduras : celui de l’équilibriste. » [3]

Par ailleurs, le numéro du 7 juillet du Christian Science Monitor annonçait en manchette : « Hilary Clinton sur la corde raide face au Honduras » pour introduire un article soulignant que : « L’administration Obama s’est attaquée plus profondément à la crise au Honduras, mardi, dans la hâte que se résolve le dernier conflit de l’hémisphère sud. Cependant, elle a bien pris garde de ne pas apparaître comme la puissance hégémonique d’antan qui imposait sa volonté à ses plus petits voisins. » [4]

Dans le même ordre d’idée, le magazine Time écrivait le 8 juillet que : « Depuis le coup d’État, la Maison-Blanche a dû manœuvrer délicatement pour cultiver une nouvelle image moins interventionniste des États-Unis —qui ont trop souvent appuyé les coups d’État en Amérique latine— tout en « répondant aux désirs de l’hémisphère occidental qui leur demande d’être au premier plan dans la défense des normes démocratiques », affirme Vicki Grass, associée dirigeante pour les droits et le développement au Bureau indépendant sur l’Amérique latine à Washington. » [5]

Le dilemme auquel Washington fait face avait été prévu par le sympathisant médiatique le plus endurci du régime issu du coup d’État, soit le El Heraldo du Honduras. En effet, le 19 janvier, après l’inauguration d’Obama, le quotidien constatait : « Il sait qu’il n’a pas le droit de décevoir ses partisans. » […] Parlant de son discours inaugural, on a rapporté que « Ce sera comme si Obama marchait sur la corde raide ». Cela concernait la crise économique, mais pourrait également s’appliquer à la situation internationale. [6]

Le journal El Heraldo savait que l’oligarchie devait faire basculer l’équilibre en sa propre faveur.

Quels sont les deux côtés en bas de cette corde raide ?

Dans l’important discours prononcé par Hillary Clinton, le 15 juillet, au Council on Foreign Relations, elle affirmait que :

« […] La question qui se pose est non pas de savoir si notre pays peut ou doit donner l’exemple, mais comment il le fera au XXIe siècle. Les idéologies rigides et les vieilles formules n’ont pas lieu d’être. Nous avons besoin de considérer [les choses] sous un angle entièrement nouveau […] À ces ennemis actuels et éventuels, permettez-moi de dire que l’importance que nous accordons à la diplomatie et au développement ne remplace pas notre arsenal sécuritaire national. Notre volonté de dialogue n’est pas un signe de faiblesse à exploiter. Nous n’hésiterons pas à défendre vigoureusement nos alliés, nos intérêts et, avant tout, notre peuple, en ayant recours si besoin est à la plus puissante armée du monde. Ce n’est ni une solution que nous rechercherons ni une menace ; c’est une promesse faite à tous les États-uniens. […] [Sur la question du financement accru à USAID] De même que nous ne refuserions pas des munitions à des soldats US en route pour le champ de bataille, nous ne pouvons pas déployer notre personnel civil sur le terrain sans l’équipement nécessaire. […] Pour instaurer un système de coopération mondiale, nous devons définir des mesures adéquates et nous servir d’outils adéquats. Je fais souvent référence à la notion de « pouvoir intelligent » (smart power) car elle est au cœur même de nos réflexions et de nos processus de décision. Elle se définit par l’usage intelligent de tous les moyens à notre disposition, y compris notre capacité à rassembler et à nouer des liens. Elle se définit par notre puissance économique et militaire ; notre capacité à créer des entreprises et à innover ; et les qualifications et la crédibilité de notre nouveau président et de son équipe. Cette notion consiste également à faire preuve d’un bon sens traditionnel lors de la formulation de la politique. Elle allie à la fois principes et pragmatisme. […] » [7]

À présent, prenons note de certaines notions dont l’équilibriste doit tenir compte pour réussir son numéro :

 1. Washington sera le leader du monde, tel que l’avait formulé mot à mot le président Bush. Le problème, toutefois, c’est que l’orientation de sa politique étrangère s’est avérée un échec, et par conséquent, a menacé l’objectif états-unien de domination et de contrôle. Alors comment doit-on gouverner sans laisser transparaître que nos politiques ne font qu’imiter celles de l’époque de Bush ? C’est ici qu’Hillary Clinton intervient pour affirmer qu’il faut une nouvelle façon de voir les choses (mindset).

 2. Washington souhaite employer la diplomatie, c’est-à-dire favoriser les pourparlers et inviter les autres pays à dialoguer. En même temps, l’autre côté de la corde raide —que Washington doit éviter— comprend en outre le recours à la force. Mais qu’y a-t-il de nouveau dans cette façon de voir les choses (mindset) ? Mme Clinton prévient ses interlocuteurs que la volonté états-unienne de parlementer n’exclut pas « vigoureusement […] et lorsque nécessaire, [le recours à] l’armée la plus puissante au monde. » En tenant compte de la situation actuelle au Honduras, quelle place et quelle importance tiennent réellement ces intentions pacifiques en regard du recours à la force militaire ?

 3. « Un mélange de principes et de pragmatisme ». Le principe prédominant, on le suppose, est que les États-Unis doivent « continuer de prendre les devants » (mais avec succès, c’est-à-dire sans provoquer la hargne des peuples et des gouvernements du monde à leur endroit). Le pragmatisme dont il est question signifie sans doute le besoin d’éviter un recours injuste à l’armée aux dépens des propositions de paix, comme cela se passait à l’époque de Bush et des autres administrations avant la sienne. Cela s’avère un véritable défi lorsque l’on considère, d’une part, l’opposition pacifique et continue du peuple hondurien et de son président légitime Manuel Zelaya, et d’autre part, les instigateurs du coup d’État, lequel est à présent doublé d’une répression brutale soutenue par la base militaire états-unien au Honduras. La lutte constante et courageuse du peuple hondurien pour mettre fin au régime issu du coup d’État peut mettre en péril le numéro des équilibristes les plus expérimentés, tels qu’on les retrouve à Washington.

Examinons, si vous le voulez bien, la façon dont le Département d’État tente de composer avec la situation, puisque cela comporte plusieurs leçons pour les populations de l’Amérique du Sud.

Le numéro d’équilibriste du département d’État

Le 28 juin, la journée du coup d’État, Hillary Clinton affirmait : « Les gestes perpétrés contre le président hondurien Mel Zelaya violent les préceptes de la Charte démocratique interaméricaine et par conséquent, devraient être condamnés à l’unanimité. Nous exhortons toutes les parties au Honduras à respecter l’ordre constitutionnel et la primauté du droit, à réaffirmer leur vocation démocratique et à s’engager à résoudre les conflits politiques de façon paisible, à travers le dialogue. Le Honduras doit embrasser les principes mêmes de la démocratie que nous avons réaffirmés lors de l’assemblée de l’OEA, laquelle s’est déroulée au Honduras il y a moins d’un mois. » [8]

Le département d’État a refusé de dire qu’il s’agissait d’un coup d’État, et il ne fait aucune mention du violent enlèvement et de l’expulsion forcée dont le président Zelaya a été victime, réduisant tout cela au simple terme « gestes ». Puis, il poursuit son délicat numéro d’équilibriste en plaçant les putschistes et le gouvernement Zelaya, élu constitutionnellement, sur un pied d’égalité : « Nous exhortons toutes les parties au Honduras […] à résoudre les conflits politiques de façon paisible et à travers le dialogue. » Si l’on pense que les États-Unis savaient que quelque chose se tramait avant même que se produise le coup d’État du 28 juin, alors qu’en est-il du pragmatisme « peace and love » dont parle Hillary Clinton ? Ou encore, se peut-il que les États-Unis aient effectivement été impliqués dans le coup d’État ? Le principe du recours à la force armée revendiqué par Hillary Clinton, tel que citée plus haut dans son discours au Council on Foreign Relations, pourrait très bien vouloir dire que les États-Unis l’utiliseront pour freiner la tendance montante des gouvernements et des peuples d’Amérique du Sud à bâtir leurs propre avenir anti-néolibéral et à s’opposer à la domination états-unienne chez eux. [9]

Le lendemain, 29 juin, Mme Clinton a déclaré : « Les États-Unis ont travaillé avec nos partenaires de l’OEA afin de créer un fort consensus pour condamner la détention et l’expulsion du Président Zelaya et pour demander la restauration totale de l’ordre démocratique au Honduras. Notre priorité immédiate est de rétablir complètement l’ordre démocratique et constitutionnel de ce pays.
Selon moi, la sagesse de notre approche fut évidente, hier, lorsque nous nous sommes fondés sur l’OEA et sur la Charte démocratique interaméricaine pour réagir au coup d’État
. » [10]

Mme Clinton se tournait-elle davantage du côté de la diplomatie, distançant le département d’État des instigateurs du coup d’État appuyés par l’armée ? Après tout, elle affirme « condamner la détention et l’expulsion du président Zelaya ». Néanmoins, afin de prendre part à la résolution ferme de l’OEA [11] contre le coup d’État et pour le rétablissement de Zelaya dans ses fonctions légitimes de président, les États-Unis ont dû faire quelques concessions. Il est à noter que Mme Clinton ne parle pas du retour de Zelaya chez lui, mais qu’elle évoque plutôt, de manière générale, « la restauration totale de l’ordre démocratique au Honduras ».

C’est ainsi que le porte-parole du département d’État, Ian Kelly, a dû monter à son tour sur la corde raide. Tout juste après que Mme Clinton eût fait la déclaration rapportée ci-dessus, le 29 juin, il a répondu aux questions des journalistes sur le Honduras lors du point de presse habituel qui se déroule presque tous les jours sur différents sujets. Selon les extraits cités dans la transcription suivante, il semble évident que les États-Unis ont dû adhérer à l’orientation de l’OEA afin de sauver la face —et de combiner principes et pragmatisme, comme le dirait Hillary Clinton—. Cela semblait avoir été fait à contrecœur, tel que le reflètent les réponses de M. Kelly (les États-unis ont « adhéré » à la résolution de l’OEA). L’échange transcrit plus bas révèle un autre sujet de prédilection, soit la première d’une longue série de questions de journalistes et de réponses ambigües fournies par le département d’État. Cet échange s’est étendu sur une période de six semaines. De quel enjeu fut-il question pendant tout ce temps ? Réponse : déterminer si les États-Unis jugeaient qu’il s’agit effectivement d’un coup d’État militaire au regard des normes juridiques. Ce jugement aurait signifié la suspension de toute l’aide militaire et autres formes de secours à leurs alliés au Honduras.

Ian Kelly (© Xinhua)

« — Question : Donc, Ian —je suis désolé, c’est seulement pour confirmer— donc vous ne dites pas qu’il s’agit d’un coup d’État, c’est bien cela ?
— M. Kelly : Eh bien je crois que vous avez tous entendu la déclaration de l’OEA hier soir, affirmant qu’il s’agissait bien d’un coup d’État, et que vous avez entendu ce que vient d’affirmer la Secrétaire d’État. Ceci étant dit, nous sommes très conscients des détails de la loi états-unienne à ce sujet. Nous vous reparlerons donc plus tard de la question de la définition légale. Vous comprenez, je ne voudrais pas nécessairement inventer de politiques au moment où l’on se parle.
— Question : Puis-je poursuivre là-dessus ? Car enfin, je ne comprends pas vraiment ce que vous souhaitez au juste, puisque vous ne réclamez pas la restauration. Soit, vous demandez que celle-ci se fasse selon l’ordre démocratique de la constitution, mais vous ne demandez pas à ce que le président —qui est à votre avis le président élu démocratiquement— puisse rentrer au pays. Ainsi, est-ce que vous…
— M. Kelly : Oui, nous le demandons.
— Question : – La Secrétaire Hilary Clinton vient tout juste de dire – non, la Secrétaire vient tout juste de dire qu’elle ne sait pas ce que réclament les États-Unis…
— M. Kelly : Nous – que dis-je, nous avons souscrit à la déclaration très ferme du Conseil permanent de l’OEA qui exige que le Président Zelaya soit rétabli dans ses fonctions de Président légitime.
 » [12]

Le lendemain, 30 juin, Ian Kelly dût affronter les journalistes au sujet de la même question, à savoir si les États-Unis jugeaient qu’un coup d’État avait été perpétré au Honduras en vertu de la loi.

« — Question : Honduras.
— M. Kelly : Elise, oui.
— Question : Pourriez-vous nous parler de la révision de l’aide accordée au Honduras à la suite du coup d’État – du président Zelaya ?
— M. Kelly : Oui. Comme nous en avons discuté hier, il existe une disposition dans la section –il s’agit de la section 7008, je crois- de la loi sur les opérations étrangères qui nous oblige à faire une évaluation légale des faits sur le terrain afin de déterminer si la disposition sur la suspension des fonds s’applique aux circonstances en question. Ce processus se déroule au moment où l’on se parle dans notre Bureau du conseiller juridique.
— Question : - - sans vouloir être simpliste – et je comprends qu’il y ait des questions légales à respecter – mais si vous êtes témoin qu’un Président a été évincé et que des troupes sont au pouvoir sans avoir été élues de façon constitutionnelle, je me –
[…]
— M. Kelly : Eh bien, oui.
— Question : - - me demande ce qu’il peut y avoir de compliqué là-dedans.
— M. Kelly : Eh bien, d’accord. Vous avez entendu ce qu’a dit la Secrétaire, hier. Elle a dit qu’il s’agissait d’un coup d’État.
— Question : Oui, mais –
— M. Kelly : Le président a dit que c’était un coup d’État.
— Question : D’accord.
— M. Kelly : Nous sommes témoins de certains faits, bien sûr, et ceux-ci nous disent que l’ordre constitutionnel au Honduras a été renversé. Mais il y a également un – il y a un processus à suivre, et nous le suivons présentement. Et c’est une question légale. Et comme vous le savez tous, lorsque l’on – lorsqu’il s’agit de questions légales, il est préférable de consulter ses avocats, c’est donc ce que nous faisons.
[….]
— M. Kelly : Eh bien je crois que notre message sera le même que celui que nous avons exprimé publiquement, c’est-à-dire, ce que la Secrétaire Hillary Clinton a affirmé hier et ce que le président Obama a dit – que nous croyons que le président Zelaya est le président constitutionnel du Honduras élu démocratiquement, et qu’il devrait pouvoir terminer son mandat. En outre, nous adhérons de très près aux procédures de l’Organisation des États américains, et nous croyons que ce qui s’est produit au Honduras ne respecte pas les principes de la Charte interaméricaine, et que nous devons nous attaquer à cela de façon multilatérale. Entre-temps, à l’ONU, il y a d’autres événements qui se précipitent. Ainsi, je crois qu’il s’agit là d’une occasion de manifester notre soutien au président élu présidentiellement – pardon, je voulais dire démocratiquement – au Honduras, et également de lui parler de la façon dont nous nous sommes coordonnés avec nos alliés, dont certains se trouvent à l’OEA.
— Question : Croyez-vous que ce soit une bonne idée qu’il rentre au pays jeudi comme il souhaite le faire ?
— M. Kelly : Je ne vais pas – je vais seulement – je crois que c’est une bonne idée qu’il soit rétabli dans ses fonctions de président du Honduras.
— Question : Les États-unis sont-ils prêts à lui fournir des mesures de sécurité s’il retourne au Honduras jeudi ?
— M. Kelly : Voilà une question à laquelle je ne suis tout simplement pas prêt à répondre, en fait.
Oui, Jill.
— Question : Oui, Ian, pour en revenir au sujet – je regrette, mais je crois devoir te poser une autre question légale.
— M. Kelly : Oui.
— Question : Mais seulement – vous dites constitutionnel – vous les connaissez, les faits. L’ordre constitutionnel a été renversé.
— M. Kelly : En effet.
— Question : D’accord. Alors est-ce cela l’élément déclencheur ? Est-ce suffisant pour suspendre l’aide ? Parce qu’ensuite, vous avez dit qu’il y aurait un processus légal à suivre.
— M. Kelly : Oui.
— Question : En d’autres termes, avez-vous défini – est-ce l’élément déclencheur que nous avons – vous savez, renverser l’ordre constitutionnel, par conséquent, nous avons le droit de suspendre notre aide ?
— M. Kelly : Eh bien, nous – comme je le disais, il y a un processus. Nous voulons nous assurer que M. Harold Koh, le Conseiller juridique au département d’État nouvellement entré en fonction, ainsi que son équipe, ait eu le temps voulu de prendre une décision à ce sujet.
— Question : D’accord. Ainsi - -
— M. Kelly : Voilà donc ce qui se passe maintenant.
— Question : D’accord. Donc, ce n’est pas suffisant pour suspendre l’aide ? Le renversement de l’ordre constitutionnel n’est pas suffisant sur le plan légal pour que vous puissiez suspendre votre aide ?
— M. Kelly : Nous avons besoin que nos experts juridiques consultent la loi, constatent les faits sur le terrain et qu’ils prennent une décision.
— Question : Et combien de temps cela prendra-t-il ?
— M. Kelly : Oh, ce ne sera pas long. Je ne peux vous dire avec exactitude combien de temps cela prendra, mais je présume que ce ne sera pas très long.
 » [13]

Encore une fois, on peut observer que M. Kelly retarde son engagement à émettre un quelconque jugement pour déterminer s’il s’agit oui ou non d’un coup d’État selon la perspective et les lois états-uniennes. Pour l’armée, qui se consacrait (et se consacre encore), tous les jours, à réprimer la résistance montante et à entraver son avancée au Honduras, cela se traduit par du temps supplémentaire et la possibilité quotidienne de se régénérer. L’armée et la police s’efforçaient et s’efforcent toujours, par tous les moyens, de dissimuler et d’entraver sérieusement la couverture médiatique locale et internationale concernant la situation véritable qui se déroule au Honduras.

M. Kelly tente également de dévier l’attention portée sur la responsabilité états-unienne en s’empressant d’insister sur le besoin de diplomatie et de médiation par l’OEA. Vous remarquerez, ci-dessus, ce qu’affirme M. Kelly : « nous nous sommes coordonnés avec nos alliés, dont certains se trouvent à l’OEA ». Cela soulève la question à savoir qui sont les alliés de Washington ? Le Costa Rica, La Colombie, le Canada ? D’une part, les États-Unis louangent l’OEA, mais du même souffle, ils se réservent le droit de négocier de manière bilatérale avec certains gouvernements de leur choix. Washington a besoin de temps pour s’organiser avec ses alliés, et pour donner le feu vert aux putschistes afin qu’ils puissent faire de même avec l’oligarchie de droite de l’Amérique du Sud et de Miami. Cela représente une tentative à peine voilée de diviser les forces au sein de l’OEA. La résolution juste et bonne de l’OEA ne devient plus qu’une opération de camouflage qui sert à n’importe quoi sauf à la réinstallation du président Zelaya.

M. Kelly a également refusé de répondre à la question à savoir si les États-Unis allaient fournir des mesures de sécurité au président Zelaya s’il essayait de revenir chez lui. Ce numéro d’équilibriste est très révélateur, parce que lorsque M. Zelaya a déclaré publiquement qu’il allait effectivement tenter de rentrer chez lui par voie terrestre, le 24 juin, en passant par la frontière du Nicaragua, les États-Unis ont tenté de persuader M. Zelaya du contraire avec la dernière énergie, comme on le verra plus bas. Cela fut fait de manière à ce que tout incident qui puisse découler du retour de Zelaya soit perçu comme étant sa faute par les États-Unis. Cette position est la même que celle revendiquée par les instigateurs du coup d’État.

Lors du point de presse suivant, soit le 1er juillet, M. Kelly, répondant à la même question – à savoir quand les États-Unis auraient finalement déterminé s’il s’agissait d’un coup d’État au regard de la loi – M Kelly, donc, a déclaré qu’il ne pourrait acquiescer à aucun « adverbe de temps ». Il a d’ailleurs ajouté – ce qui semble être une excuse pour des délais ultérieurs – que les États-Unis prennent « [leurs] obligations légales très au sérieux ». C’est tout de même curieux de voir que la loi portant sur les résolutions adoptées par l’OEA ne semble pas relever du fait de prendre « [leurs] obligations légales très au sérieux. »

« — Question : Pour commencer avec le Honduras : hier, vous nous avez dit que le Bureau du Conseiller juridique avait entrepris son examen officiel pour savoir si le gouvernement états-unien considérait cela comme un coup d’État.
— M. Kelly : Effectivement.
— Question : Et par conséquent, si cela entraîne la suspension de l’aide.
— M. Kelly : Oui.
— Question : Avez-vous terminé cet examen ? Vous avez également dit que vous pensiez que ce ne serait pas long.
— M. Kelly : Oui.
— Question : Est-ce terminé, et avez-vous pris une décision ?
— M. Kelly : Oui. Il est toujours risqué d’adjoindre un adverbe de temps, peu importe lequel, à une quelconque déclaration. En fait, nous n’avons pas fini d’étudier la question. Néanmoins, comme je l’ai dit hier, nos conseillers juridiques sont présentement en train d’évaluer activement les faits et la loi en question, que nous prenons très au sérieux. Nous prenons nos obligations légales très au sérieux. Et puis, bien évidemment, je vous en informerait sitôt que cette décision sera prise.
 » [14]

Voici maintenant en quoi consistait la partie du point de presse du 2 juillet portant sur le Honduras, en réponse aux questions du même journaliste :

« — M. Kelly : Eh bien, évidemment, notre objectif est la restauration constitutionnelle – de l’ordre constitutionnel à Tegucigalpa, ce qui veut dire la réinstallation du président Zelaya. Un processus mené par l’OEA est en cours actuellement. Nous croyons qu’il faudrait permettre à ce processus de se dérouler pleinement, et nous aurions tendance à dissuader qui que ce soit de poser des gestes pouvant entraver le déroulement de ce processus jusqu’au résultat souhaité, c’est-à-dire, évidemment, la réinstallation de Mel Zelaya au pouvoir.
— Question : Donc – simplement pour clarifier – êtes-vous en train de sous-entendre que son retour prématuré puisse être une entrave ?
— M. Kelly : C’est possible. Je pense que ce sur quoi nous devrions tous nous concentrer présentement, c’est la mission de l’OEA mandatée par son Assemblée générale extraordinaire. Évidemment, je ne peux parler au nom du président Zelaya, mais je crois comprendre qu’il ait prévu de retarder son retour au pays.
— Question : Avez-vous des nouvelles concernant la révision de l’aide accordée au Honduras et de la possibilité qu’elle soit suspendue ?
— M. Kelly : Oui, j’ai effectivement une mise à jour pour vous là-dessus, si vous voulez bien m’accorder quelques instants. La révision légale a présentement cours. Nous sommes en train d’essayer de trancher pour déterminer si la section 7008 de la Loi sur l’assistance aux pays étrangers doit être appliquée. Entre-temps, nous avons pris des mesures pour interrompre, comment dire, les programmes d’assistance que nous serions tenus par la loi de suspendre si effectivement l’on considère – si les événements du 28 juin sont considérés comme, tels que définis – ça y est, je commence à avoir l’air d’un avocat – tels que définis dans la section 7008 de la Loi sur l’assistance aux pays étrangers, s’ils sont définis comme étant un coup d’État.
 » [15]

Et tandis que cela se déroule à Washington, la répression contre la résistance héroïque du peuple hondurien se poursuit sans relâche.

Était-ce un coup d’État militaire ou non ? Le Département d’État a-t-il pris une décision ?

Pas encore ! Le 6 juillet, le numéro d’équilibriste se poursuivait ainsi :

« — Question : D’accord. Mais avez-vous pris une décision quant à – une décision à savoir s’il s’agit en effet d’un coup d’État militaire, et si par conséquent l’aide fournie par les États-Unis devrait être suspendue ?
— M. Kelly : Eh bien, comme je l’ai dit jeudi, nous avons décidé que toute aide suspendue en vertu de cette loi – qu’aucune aide de cet ordre ne doit parvenir actuellement au régime de facto. Nous sommes encore plongés dans le processus qui déterminera si cette loi s’applique. Néanmoins, nous préférons nous abstenir de prendre une décision statutaire pendant que ces initiatives diplomatiques sont en cours.
— M. Kelly : Bon, voici quelques faits. L’un d’eux est qu’il y a – la plupart de nos activités sont exclues en vertu de cette section spécifique de la loi, et il s’agit de l’aide humanitaire et de l’aide fournie pour soutenir les programmes qui visent à établir la démocratie.
Les fonds que nous avons décidé de couper sont ceux versés aux programmes qui pourraient être considérés comme ayant – directement aidé le gouvernement ou le – ce que nous appelons le régime de facto au Honduras. Il s’agit d’un processus compliqué, mais nous admettons que nous pourrions décider de suspendre notre aide, et c’est pourquoi tous les programmes qui pourraient être considérés comme un soutien au gouvernement ont été – aucune de cette aide n’est en route actuellement.
 » [16]

Il est à noter que M. Kelly s’inquiète de ce que l’aide envoyée au régime de facto soit « considérée » comme un soutien au gouvernement ; il utilise d’ailleurs ce terme deux fois dans le même paragraphe. Cela me rappelle l’importante déclaration de principe que Mme Clinton a faite le 15 juillet, tel que rapportée plus haut, alors qu’elle évoquait « les compétences et la crédibilité de notre nouveau président et de son équipe. […] cela signifie également se servir du bon vieux sens commun dans l’élaboration de nos politiques. Bref, c’est un mélange de principes et de pragmatisme […] » Ainsi, ce qui semble préoccuper le département d’État en tout premier lieu, c’est de rebâtir l’image et la crédibilité des États-Unis, tandis que ceux-ci tentent de « prendre les devants » d’une manière nouvelle et efficace. Accorder temps et soutien au régime de facto contribue au principe énoncé plus haut sur l’objectif impérialiste de domination états-unienne, ou comme on le dit à Washington, « prendre les devants ». Cette intention est censée se mêler au pragmatisme : dans le cas du Honduras, cela veut dire s’abstenir d’appuyer effrontément le régime soutenu par l’armée, comme cela aurait été le cas avec les politiques de Bush, lesquelles n’ont fait que contribuer à encourager les grands mouvements de masse latino-américains contre l’impérialisme états-unien et les politiques néolibérales. La défaite rapide du coup d’État contre Chavez organisé par les États-Unis ne fait que démontrer à son tour la futilité de ces politiques, que Washington essaie maintenant d’éviter. Et c’est en dissimulant la véritable cible des États-Unis sous des notions de dialogue et de diplomatie que ce pragmatisme se manifeste.

La portée de cet article ne me permet pas d’aborder certaines notions ou niveaux juridiques subtils quant aux différentes formes d’aide fournies par les États-Unis, entre autres dans le cadre de la « promotion de la démocratie », dans les domaines militaire, économique, humanitaire. Je me limiterai ici à traiter de la politique états-unienne actuelle, qui consiste à ne pas vouloir se prononcer clairement sur la nature juridique du coup d’État. Quelles seraient, pour les politiques états-uniennes relatives au Honduras, les conséquences d’une définition juridique claire du coup d’État comme étant un coup d’État militaire ? Les deux plus récents articles d’Eva Golinger fournissent des révélations et des analyses détaillées sur les différentes formes de l’aide états-unienne [17] :

Dans le point de presse du 7 juillet, M. Kelly a répondu à une question concernant le rétablissement de M. Zelaya dans ses fonctions de Président :

« — M. Kelly : Oui. Eh bien, je crois – si vous regardez le discours du président Obama à Moscou aujourd’hui, ce qu’il a dit, c’est que nous avions été témoins d’une situation où un président élu démocratiquement a été renversé et forcé à s’exiler. Et nous voulons adhérer au principe voulant que l’on ne puisse traiter ce genre de conflits sans égard à la constitution. Voilà le principe que nous souhaitons voir respecter. Nous voulons voir le – cet ordre démocratique et constitutionnel restauré.
— Question : Il semble que vous ayez ouvert la porte à une autre solution en devançant probablement les élections - -
— M. Kelly : À présent, c’est ce qu’on va voir. C’est-à-dire, maintenant – c’est-à-dire que nous soutenons depuis le début que (a) nous voulons que ces conflits soient résolus à travers le dialogue et (b) nous avons perçu cela comme un problème pour l’Organisation des États Américains et pour le – pour le forum du Forum Interaméricain. À présent, un processus remarquable est en cours où le président du Costa Rica joue le rôle de médiateur. Évidemment, ce processus ne fait que commencer. Et comme l’a dit la Secrétaire, nous ne voulons pas présumer de la façon dont il se déroulera, mais à présent, un dialogue a été établi.
 » [18]

M. Kelly veut que la médiation du président du Costa Rica, M. Arias, puisse « se dérouler pleinement » pendant qu’au Honduras, la lutte se poursuit entre le régime militaire et la Résistance populaire. Il semble que le département d’État souhaite vivement que la Résistance du peuple hondurien s’estompe avec le temps. Néanmoins, au moment d’écrire ces lignes, on ne trouve aucun signe de découragement en dépit de la répression et des conditions extrêmement difficiles.

Le 10 juillet, en réponse aux journalistes, le secrétaire d’État adjoint, M. Philip J. Crowley, a affirmé que les « […] négociations [menée par Arias] sont le meilleur moyen de résoudre la crise de manière pacifique […] » [19]. Ce n’est que lorsqu’un journaliste a insisté pour savoir si cela supposait le retour de Zelaya au pouvoir que Crowley a confirmé ceci – à tout le moins verbalement.

Hillary Clinton reçoit Manuel Zelaya (© State Departement).

La médiation menée par le Président Arias est-elle un processus états-unien ?

À mesure que la réponse à cette question prenait davantage le devant de la scène, on a demandé à M. Kelly, le 13 juillet, si la médiation menée par M. Arias constituait ou non un processus états-unien.

« — M. Kelly : Oui, eh bien ce n’est pas un processus américain. C’est un processus où nous mettons tous nos – c’est un processus mené par le président du Costa Rica, Oscar Arias, auquel nous donnons tout notre appui. Et…
— Question : À mes yeux, cela ressemble drôlement à un processus américain. (Rires)
— M. Kelly : Nous appuyons ce processus mené par Arias. Il n’est pas américain ce…
— Question : Quel pays se trouve dans quelle partie du monde ?
— M. Kelly : Ce n’est pas un processus qui est mené par les États-Unis d’Amérique. (Rires) Et devons simplement donner – nous devons donner le temps à ce processus de fonctionner. Et je vais simplement – nous – nous allons – comme je le disais, nous appuyons fermement le président Arias. Vers la fin de la semaine dernière, il a dit qu’il s’attendait à s’asseoir de nouveau avec les deux parties, et j’espère qu’il s’agira du type de propositions dont les deux protagonistes seront prêts à discuter.
 » [20]

Puis, le 14 juillet :

« —Question : Le président Zelaya a donné un – ce que les gens ont appelé un ultimatum. Il affirme que si les pourparlers dont le président Arias est le médiateur ne le réinstallent pas ou ne le remettent pas au pouvoir lors de la prochaine session, qu’ils auront échoué et que d’autres mesures pourraient devoir – d’autres mesures devront être adoptées.
— M. Kelly : Oui.
— Question : Quel – est-ce là la position qu’ont adoptée les États-Unis ?
— M. Kelly : Eh bien, je pense que vous savez quelle est notre position – qui est que nous croyons que tous les intervenants dans ces pourparlers devraient donner du temps à ce processus, ne pas donner de dates butoir artificielles, ne pas faire de – ne pas dire que si un résultat « x » ne se produit pas dans tel délai, que les pourparlers seront clos. Nous devons laisser ce processus faire ses preuves et appuyer le travail du président Arias.
— Question : Alors, allez-vous considérer qu’ils ont échoué si la prochaine session ne provoque pas le retour de Zelaya ?
— M. Kelly : Eh bien écoutez, comme je viens de le dire, nous ne voulons pas fixer de date butoir artificielle.
— Question : Alors, voilà qui est – êtes-vous en train de nous dire que la réponse est « non », que vous n’êtes pas d’accord avec Zelaya quand il dit qu’il s’agira d’un échec s’ils - -
— M. Kelly : Je crois que nous devrions donner une chance au Président Arias […]
 » [21]

L’équilibriste change, mais la précarité demeure

Le 17 juillet, M. Robert Wood, un autre porte-parole du département d’État, s’adressait ainsi aux journalistes :

« — M. Wood : Et puis écoutez, les pourparlers de paix dirigés par Arias n’ont pas été – voyez-vous, cette initiative est récente. Nous devons lui donner du temps. Comme je l’ai déjà dit, il s’est engagé dans ce processus, nous le sommes aussi, et d’autres dans l’hémisphère occidental le sont. Nous devons donner la chance à [ce processus] de faire ses preuves. Nous devons lui permettre d’évoluer. Ainsi, nous allons continuer d’encourager les intervenants à l’appuyer dans ce processus, parce que nous croyons que c’est la meilleure manière de revenir au point où nous voulions nous trouver. _ Warren.
_ — Question : Pour poursuivre là-dessus, le gouvernement états-unien a-t-il spécifiquement demandé au président Zelaya, ou l’a-t-il exhorté à ne pas faire une autre tentative contestée de revenir au Honduras ?
— M. Wood : Je ne voudrais pas aborder des discussions que nous pourrions avoir eues ou ne pas avoir eues avec le président Zelaya sur une foule de sujets. Disons simplement que nous ne voulons pas – comme je l’ai dit plus tôt, nous ne voulons pas que quiconque prenne de mesures qui puissent entrer en conflit, de quelque manière que ce soit, ou ne pas contribuer de manière bénéfique au processus de médiation.
— Question : Donc, son retour ne serait pas bénéfique ? Est-ce ce que vous dites ?
— M. Wood : Je n’ai rien à ajouter à ce que je viens de vous dire […]
 » [22]

Qu’est-ce que Hillary Clinton a dit à Micheletti ?

L’armée hondurienne protège le putschiste Micheletti (© Getty Images, photo transmise par l’auteur).

Revenons à M. Crowley, lors du 20 juillet :

« — M. Crowley : Et hier, depuis New Delhi, la Secrétaire a eu une conversation téléphonique avec le leader du régime de facto, M. Micheletti. Et elle a exposé durant cet appel – l’a encouragé à continuer de se concentrer sur ces négociations, et l’a également aidé à comprendre les conséquences qui pourraient s’ensuivre s’il laissait passer cette occasion de médiation.
— Question : En fait, c’est la première fois qu’elle – que qui que ce soit, je crois, parle à Micheletti ?
— M. Crowley : Voilà une bonne question. Je ne – nous avons été en contact avec des représentants des deux parties, mais de toute évidence, c’est là son premier contact avec lui.
— Question : Donc ce n’était pas concernant…
— Question : Avez-vous une transcription qui démontre son niveau de fermeté dans sa conversation avec Micheletti ?
— M. Crowley : Je crois qu’elle…
[…]
— Question : …a-t-elle signifié très clairement à M. Micheletti que les États-Unis ne reconnaissent pas le gouvernement de facto, et que peu importe ses objections durant les pourparlers de ce week-end, il devra se préparer à se retirer afin de laisser le président élu reprendre sa place ?
— M. Crowley : Je crois que cet appel téléphonique a été très ferme. Néanmoins, je pense qu’il a été – elle a clarifié à savoir si le régime de facto avait besoin qu’on lui rappelle que nous voulons la restauration de l’ordre démocratique et constitutionnel, donc une résolution pacifique. Nous croyons que personne ne devrait prendre la moindre mesure qui puisse attiser le risque de violence au Honduras, et nous appuyons totalement la médiation en cours menée par Arias.
— Question : Donc, vous avez prévenu M. Zelaya de rester pour l’instant au Nicaragua, ou dans le pays qui lui donne refuge, si cela pourrait faire diminuer les tensions ?
— M. Crowley : Je crois que nous avons aussi signifié clairement au président Zelaya qu’à notre avis, la médiation est la voie à suivre.
Oui.
— Question : Pouvez-vous – des mesures plus sévères, des déclarations que vous êtes prêts à faire s’ils – le régime de facto ne change pas sa conduite…
— M. Crowley : Vous savez, nous disposons d’alternatives s’ils ne le font pas – également des obligations légales si les négociations échouent.
[…]
— Question : P.J., je voudrais simplement clarifier. Vous avez affirmé avoir dit à Zelaya que la médiation était la voie à suivre. Mais lui avez-vous dit spécifiquement : « Ne rentrez pas car c’est dangereux et cela pourrait engendrer des tensions et de la violence » ?
— M. Crowley : Oui.
— Question : C’est ce que vous lui avez dit, directement ?
— M. Crowley : Oui.
— Question : D’accord.
 » [23]

Cette conversation téléphonique entre Mme Clinton et Micheletti n’a pas été divulguée au public. Néanmoins, je crois que Mme Clinton s’est effectivement montrée très « ferme » face à son interlocuteur, tel que son porte-parole et secrétaire du département d’État l’a indiqué plus haut. Mais pourquoi donc ? Les instigateurs du coup d’État ne peuvent même pas se mettre d’accord sur une proposition – qui pourtant les favorise grandement – issue de la médiation, tandis que la résistance se poursuit dans les rues du Honduras : quelle image cela donne-t-il de la nouvelle politique étrangère que Washington voudrait transmettre à travers le globe ? De quoi cela a-t-il l’air aux yeux de la population états-unienne elle-même, qui a démontré qu’elle était de plus en plus opposée aux politiques d’affrontement sur la scène internationale ?

M. Zelaya, pour sa part, n’a pas eu le privilège d’être averti en privé. Comme le département d’État l’indique plus haut : « Ne rentrez pas car c’est dangereux et cela pourrait engendrer des tensions et de la violence. » En affirmant cela publiquement, ne démontre-t-on pas ouvertement aux putschistes qu’ils ont le droit de s’en prendre à Zelaya et que Washington ne lui portera pas secours ? Si nous comparons cela à la conversation téléphonique secrète avec M. Micheletti, semble-t-elle aussi ferme que les paroles adressées à M. Zelaya ?

La décision de Washington quant à la classification légale du coup d’État, en vertu des normes états-uniennes, n’avait pas encore été prise. Ce jugement éventuel allait déterminer si les États-Unis suspendraient ou non la totalité de leur aide militaire et économique, de façon permanente, aussi longtemps que les instigateurs du coup d’État resteraient au pouvoir, couperaient toute aide militaire, économique et politique ainsi que la reconnaissance diplomatique.

Le régime est totalement dépendant des secours états-uniens de toutes sortes pour assurer sa survie. Au moment du point de presse mentionné ci-dessus (le 20 juillet), le département d’État affirmait avoir simplement fait une interruption temporaire dans le cas de certains programmes. Or, plus tard au cours de ce même point de presse, en réponse à la question suivante : « Avez-vous décidé s’il s’agissait d’un coup d’État sur le plan légal […] » M. Crowley a dit : « non ». [24]

De l’ambigüité au cœur de l’ambigüité ! Cela veut-il dire que les États-Unis avaient finalement jugé que le coup d’État n’était pas légal, ou qu’ils n’avaient pas encore pris leur décision ? En fait, cette clarification n’aura lieu que plus d’une semaine plus tard, soit le 29 juillet.

Lors du point de presse suivant, le 21 juillet, le porte-parole adjoint du département d’État, M. Robert Wood, a répondu à une question en ces termes : « Nous sommes en contact constant avec un certain nombre de pays de l’hémisphère au sujet de la situation au Honduras. Et nous croyons que la médiation menée par Arias constitue la voie à suivre […] » En réponse à une autre question, à savoir ce que Wood voulait dire par « agir maintenant », il a affirmé : « ce que je veux dire par ‘agir maintenant’, c’est que nous disposons d’un processus que nous avons mis en œuvre et qui est mené par le président Arias ». [25]

Il semble évident que la médiation contribue à donner du temps aux États-Unis pour leur permettre de former des alliances en Amérique du Sud. Celles-ci sont dirigées non seulement contre Zelaya, mais également contre tous les gouvernements sud-américains, y compris ceux des Caraïbes, qui persistent à appuyer son retour inconditionnel, tel que les résolutions de l’OEA et de l’ONU l’exigeaient. La situation doit être très frustrante dans les rues de nombreuses villes du Honduras, où des milliers de personnes défient l’armée entraînée et parrainée par les États-Unis : en effet, tandis que le peuple persiste à défendre ses revendications malgré la violente répression, « agir maintenant », selon les États-Unis, s’applique uniquement aux forces sociales qui s’opposent aux instigateurs du coup d’État, mais ne concerne pas le régime putschiste. Sur la liste des priorités états-uniennes, les propositions de paix se retrouvent tout en bas, bien enfouies sous le matériel militaire.

Imprudent, prématuré et téméraire ?

Le lendemain, 23 juillet, en réponse à une autre question concernant les délais de la médiation, le secrétaire d’État adjoint, M. Philip Crowley, a affirmé qu’il ne devrait pas y avoir « d’échéance ». Puis, rétorquant à un autre journaliste qui voulait savoir si Zelaya prévoyait retourner au Honduras, il a qualifié ce retour « d’imprudent ». [26]

Le 24 juillet, la lutte s’intensifiait dans les rues du Honduras ainsi que dans les zones proches de la frontière nicaraguayenne, où M. Zelaya préparait son retour. Ce jour-là, la vidéo officielle du département d’État n’a pu dissimuler la réaction du secrétaire d’État adjoint M. Philip Crowley, lorsqu’une fois de plus, on lui a posé une question au sujet du retour de M. Zelaya. La frustration se lisait partout sur son visage. Il a semblé soupirer d’exaspération, puis, il a serré la vis un peu plus fort à M. Zelaya et à ses sympathisants, affirmant maintenant que son retour serait « prématuré ». [27]

Il n’y avait peut-être pas de grande différence entre « imprudent » et « prématuré », mais la même journée, le 24 juillet, Mme Clinton est apparue dans un point de presse avec le Premier ministre iraquien Nour al-Maliki, après leur rencontre au département d’État. Elle a affirmé de son propre chef, sans qu’il s’agisse d’une réponse à la question d’un journaliste, qu’elle considérait le retour de Zelaya comme étant «  téméraire  » [28]. Il n’y a aucun doute, cela consiste à serrer la vis. Et en outre, n’est-ce pas là une façon d’encourager M. Micheletti à prendre une position rude envers Zelaya ? La « fermeté » de l’appel téléphonique de Mme Clinton devait être bien loin dans l’esprit de Micheletti lorsqu’il l’a entendue prévenir publiquement M. Zelaya.

Le duo Clinton- Micheletti

À partir du vendredi 24 jusqu’au dimanche 26 juillet, l’armée s’est essayée (et dans une certaine mesure, a réussi) à réprimer par la force brutale le grand mouvement d’appui absolument indéniable et héroïque du peuple hondurien, qui voulait accueillir le président Zelaya à la frontière. En dépit de cela, le lundi 27 juillet, M. Kelly a corroboré l’opinion de Mme Clinton au sujet du retour de Zelaya, le qualifiant de « téméraire, effectivement ». Il a également ajouté que le département d’État appuyait le retour de Zelaya dans la mesure où ce soit fait « d’un commun accord ». En réponse à une question concernant la demande de sanctions qu’avait faite M. Zelaya contre le régime de facto le 27 juillet, M. Kelly a évité la question en affirmant qu’ils « appuyaient le président Arias ». [29]

Comment peut-il y avoir un « commun accord » alors que les putschistes refusent que Zelaya soit rétabli dans ses fonctions de président, que ce soit par des moyens diplomatiques vagues et douteux (les propositions du président Arias) ou par un retour pacifique via la frontière ? Dans le contexte de la situation tendue qui prévaut le long de la frontière Nicaragua-Honduras, « appuyer M. Arias » suppose de plus en plus chaque jour que cette médiation parrainée par les États-Unis est conçue pour fournir au régime militariste le temps nécessaire pour s’organiser au niveau national et international. En effet, M. Micheletti est en train d’établir ses contacts au niveau international, et entre-temps, il utilise la force brutale contre la population : le temps joue en faveur du statu quo. Le département d’État, le président Arias et M. Micheletti font tout ce qu’ils peuvent pour démoraliser et décourager les mouvements sociaux au pays, tout en s’efforçant de provoquer des divisions et des désertions au niveau international.

En parlant de donner du temps au régime de Micheletti, le 27 juillet, le Wall Street Journal lui a fourni l’occasion d’exprimer son opinion sur sa page éditoriale. Micheletti a littéralement fait l’éloge du terme « téméraire » choisi par Mme Clinton pour qualifier le retour de Zelaya, affirmant qu’il s’agissait là d’un qualificatif « approprié ». Il a poursuivi en faisant ainsi appel à l’extrême-droite et aux éléments belliqueux de l’oligarchie états-unienne : « […] plutôt que d’imposer des sanctions, les États-Unis devraient poursuivre les sages politiques de Mme Clinton. Elle appuie les efforts du Président Arias dans sa médiation concernant ces questions. » [30]

Il doit y avoir beaucoup de pression sur la nouvelle administration à Washington pour maintenir la domination militaire pro-états-unienne sur le Honduras, peu importe ce qu’il en coûtera à l’administration Obama. Le Wall Street Journal témoigne de cette coercition.

Le Wall Street Journal et la droite états-unienne

Dans un récent article de l’avocate, auteure et journaliste états-unienne d’origine vénézuélienne Eva Golinger, publié dans Cubadebate, elle écrivait que

Roberto Micheletti

« Le Wall Street Journal fait partie de l’agence de presse Dow Jones News Corporation. Son propriétaire est le puissant multimillionnaire Rupert Murdoch. Celui-ci, grâce au monopole de News Corporation, contrôle des centaines de journaux, magazines, chaînes de télévision et stations de radio à travers le globe. Murdoch est bien connu pour sa chaîne American Fox News, laquelle favorise la vision impérialiste et néoconservatrice des États-Unis. Certaines de ses autres entreprises médiatiques comprennent le National Geographic Channel, The Film Zone, tous les canaux et studios de FOX, Cine Canal, MySpace (internet) Harper Collins (édition), New York Post (quotidien), The Sunday Times (RU), The Sun (RU), et bien d’autres encore.
Le
Wall Street Journal est un quotidien qui jouit d’un tirage de plus de deux millions d’exemplaires par jour sur l’échelle mondiale et de 931 000 lecteurs sur internet. L’éditorial du dictateur Roberto Micheletti a été rédigé et diffusé par son lobbyiste aux États-Unis, le procureur Lanny Davis, ami intime et avocat de l’ancien président Bill Clinton et de son épouse Hillary, la secrétaire d’État du Président Obama. Le Wall Street Journal a plaidé d’emblée en faveur du coup d’État au Honduras, et il a même publié une série d’articles tentant d’accuser le Venezuela et le président Hugo Chavez d’avoir causé la crise dans ce pays centroaméricain. » [31]

Le réseau de contacts commence à se dévoiler, tel qu’en témoigne le texte ci-dessus. Il devient de plus en plus difficile pour le fildefériste de conserver son équilibre. Inévitablement et sous les yeux de tous, il semble être en train de basculer du côté de la puissance militaire, aux dépends du cheval de Troie que représente le « dialogue et la diplomatie » situé de l’autre côté du fil. Il faudrait tout un acrobate pour maintenir la position chancelante de cet équilibriste.

« Je n’ai pas encore de mise à jour là-dessus »

La première fois que les journalistes ont demandé au département d’État si le coup d’État avait été jugé légal ou non, c’était le 29 juin, soit le lendemain du renversement militaire. M. Kelley avait répondu, tel que cité plus haut : « Je n’ai pas encore de mise à jour là-dessus. » Le 28 juillet – je répète volontairement – le 28 juillet, c’est-à-dire un mois plus tard :

« — Question : Et une… une autre sur le Honduras. Je suis bien conscient que le Bureau du conseiller juridique était à l’œuvre pour déterminer si les événements au Honduras correspondaient techniquement à la définition légale d’un coup d’État, ce qui par conséquent aurait entraîné la suspension de l’aide – qui a déjà été suspendue, comme je le constate.
— M. Kelley : Oui.
— Question : Avez-vous enfin pris une décision sur cette question ?
— M. Kelley : Je n’ai pas encore de mise à jour là-dessus.
— M. Kelley : Ian ?
— Question : Cela veut-il dire que vous avez pris votre décision ou que cet examen achève ?
— M. Kelley : Je – comme je viens de le dire, je vais devoir – je n’ai pas encore de mise à jour là-dessus.
 » [32]

Ce qui est encore plus révélateur que les transcriptions, c’est le langage corporel qu’exhibait M. Kelley et qui est bien visible sur la vidéo officielle. On aurait dit qu’il s’était passé une éternité avant qu’il ne donne sa dernière réponse : « Je – comme je viens de le dire, je vais devoir – je n’ai pas encore de mise à jour là-dessus ». Il ne cessait de gigoter. Par ailleurs, les journalistes n’avaient plus de questions. Pas un seul d’entre eux n’a souligné que le département d’État avait dit la même chose il y a un mois ! Si ce n’était de la situation profondément grave et critique que vit le peuple hondurien, et au demeurant toute l’Amérique du sud dans le contexte historique du coup d’État, alors le cirque du Département d’État aurait dû être anéanti sous nos moqueries.

Mais le show continue : est-ce, oui ou non, un coup militaire ?

Le 1er août :

« — Question : Est-ce que le fait que vous n’avez pas encore condamné ce gouvernement signifie que vous l’appuyez d’une façon ou d’une autre ?
— M. Crowley : Pendant environ un mois, nous avons fermement condamné l’action du régime de facto et le renvoi du président Zelaya.
— Question : Reconnaissez-vous qu’il s’agissait d’un coup d’État, d’un coup d’État militaire ?
— M. Crowley : Eh bien, il y a certaines questions juridiques dans ce cas que nous avons décidé de ne pas traiter à cette étape. Mais nous avons dit clairement, et sous tous les tons possibles, que ce qui est arrivé au Honduras constitue une violation de la Charte de l’OÉA. C’est pour cela que nous avons pris des mesures contre le Honduras. Il s’agit d’une violation de la Charte démocratique interaméricaine, et nous poursuivrons intensivement nos efforts pour essayer de résoudre cette situation.
 » [33]

Le 6 août, un journaliste a insisté sur la question de la définition juridique à donner au coup d’État :

« — M. Wood : [...] Mais un coup d’État a eu lieu dans ce pays, et [...]
— Question : Eh bien, vous n’avez pas encore déclaré officiellement qu’il s’agit, sur le plan juridique, d’un coup d’État.
— M. Wood : Nous l’avons qualifié de coup d’État. Ce que nous avons dit c’est que, sur le plan juridique, nous ne pouvons pas le qualifier comme étant un coup d’État militaire. Une analyse est toujours en cours.
— Question : Pourquoi faut-il tant de temps pour établir s’il s’agit ou non d’un coup d’État militaire ?
— M. Wood : Eh bien, regardez, ce cas comporte un grand nombre de questions juridiques qui doivent être examinées attentivement avant que nous puissions nous prononcer, et, pour le faire, nous devons échanger des informations avec un certain nombre de parties. Nous devons examiner ces informations et prendre la meilleure décision juridique qui soit possible sur si oui ou non…
— Question : Cela prend beaucoup de temps, semble-t-il.
— M. Wood : Eh bien, lorsqu’on traite de questions juridiques aussi délicates, les choses prennent du temps. Nous voulons donc faire en sorte que…
— Question : Avez-vous pris une décision sur la nécessité d’imposer des sanctions supplémentaires contre le gouvernement « de facto » ?
— M. Wood : Aucune décision n’a été prise pour le moment, à part celle d’appuyer les Accords de San José et le processus de médiation.
— Question : [...] Ma question était la suivante : avez-vous oui ou non pris la décision de ne pas imposer de nouvelles sanctions contre le Honduras ?
— M. Wood : Et ce que je vous réponds c’est que nous nous concentrons en ce moment sur l’appui à ce processus et que nous essayons d’obtenir des deux parties qu’elles en viennent à une sorte d’entente politique. Mais je n’ai rien d’autre à ajouter sur cette question.
 » [34]

À ce point, ce que l’on ne peut lire sur la transcription mais que l’on peut voir très clairement sur la vidéo c’est que M. Wood était visiblement agacé. Il a interrompu le journaliste très persistant en pointant du doigt un autre journaliste. Or le peuple hondurien sait qu’il s’agit d’un coup d’État militaire. Il est en train d’unir ses forces et de s’organiser davantage pour intensifier sa lutte contre les militaires et contre la police. Le peuple est en train de se mobiliser malgré l’intensification de la répression. Celle-ci est déjà responsable d’au moins six assassinats, de centaines d’arrestations et de cas de blessures.

Le même jour, le 6 août, un article de l’agence de presse Reuters montre que le Département d’État est même allé encore plus loin :
« ‘Notre position politique et stratégique d’engagement n’est pas fondée sur un appui quelconque à un politicien ou à une personne en particulier. Elle est plutôt fondée sur la décision de mieux servir la population hondurienne et de répondre à ses aspirations démocratiques’ », a écrit Richard Verma, secrétaire d’État adjoint aux affaires législatives. « ‘Nous avons rejeté le recours à des sanctions économiques écrasantes et nous avons rendu clair que tous les États devaient essayer de contribuer à l’adoption d’une solution sans recourir à la violence et en respectant le principe de non-intervention’ » a-t-il déclaré. La lettre a été obtenue par l’intermédiaire du service des nouvelles de l’agence Reuters. » [35]

Deux points importants sont à souligner :
 1. En ce qui concerne la soi-disant position d’appui à Zelaya et d’opposition à Micheletti, le département d’État (voir citation ci-dessus) celle-ci « n’est pas fondée sur un appui quelconque à un politicien ou à une personne en particulier ». Cela veut dire que le département d’État est neutre maintenant ! Mais cela montre que la position soi-disant si modérée que le département d’État affirme adopter n’est en vérité pas si modérée. Elle est en réalité favorable au régime « de facto ». Maintenir le statu quo signifie appuyer Micheletti.
 2. Quand le représentant du département d’État, Richard Verma, affirme, ci-dessus, « [...] nous avons rejeté le recours à des sanctions économiques écrasantes [...] » n’explique-t-il pas ainsi, sans le vouloir, la raison pour laquelle les États-Unis d’Amérique n’ont pas qualifié juridiquement le coup d’État comme étant un coup d’État militaire ?

Barack Obama et Hilary Clinton (© White House).

Obama : victime ou complice ?

Jusqu’ici, nous avons analysé en profondeur les déclarations du département d’État et de Mme Clinton, mais nous n’avons rien dit sur le président Obama. Néanmoins, il est difficile d’éviter le sujet quand on pense que, jusqu’ici, M. Obama ne s’est presque pas prononcé sur la question. Depuis le début de la crise, soit le 28 juin, et au moment d’écrire ces lignes, le président Obama et son secrétaire de presse ont émis six commentaires au total :

Le 29 juin, lors d’un point de presse à la Maison-Blanche avec le président de la Colombie (Uribe), Obama affirme : « Nous croyons que le coup n’est pas légal et que le président Zelaya demeure le président du Honduras, le président élu démocratiquement là-bas. Là-dessus, nous avons rejoint tous les pays de la région, y compris la Colombie et l’Organisation des États Américains. » [36]

Le 29 juin, le secrétaire de presse de la Maison-Blanche Monsieur Robert Gibbs fait son numéro pour les journalistes :

« — Question : […] toujours au sujet du Honduras, pour essayer de voir clair dans les intentions des États-Unis. L’administration considère-t-elle le retrait de son ambassadeur, comme l’ont fait les gouvernements latino-américains de gauche, ou même la suspension potentielle de son aide ?
— M. Gibbs : Eh bien, encore une fois, je crois qu’il y aura de cela dans le prochain… dans le cadre des prochaines étapes de l’évaluation de cette situation. Seulement, pour l’instant, je préférerais ne pas trop préciser.
— Question : Les États-Unis savaient-ils d’avance ou avaient-ils entendu dire qu’un coup d’État était prévu ? Avaient-ils pris des mesures quelconques pour essayer de le bloquer ? Et que révèle l’incapacité de l’administration à empêcher le coup d’État sur sa crédibilité en Amérique latine ?
— M. Gibbs : Bon, alors comme je l’ai dit il y a une minute, je crois que l’administration, notre gouvernement, en collaboration avec des partenaires, essayaient de prévenir le genre de troubles que nous avons vu se produire durant les dernières 24 heures. Ils s’y sont penché au cours des quelques derniers jours. Et nous allons continuer de travailler à restaurer l’ordre démocratique au Honduras.
— Question : L’administration avait-t-elle prévenu le président Zelaya que cela se préparait ?
— M. Gibbs : Je n’en sais rien.
 » [37]

Si l’on considère cet extrait, est-ce vraiment différent du numéro d’équilibriste du département d’État ?

On ne le dirait pas.

Le 1er juillet, le secrétaire de presse de la Maison-Blanche répondait aux journalistes :

« — Question : Mais avec le Pentagone qui suspend les opérations militaires conjointes, à quel point l’effet est-il considérable et songe-t-on également à prendre d’autres mesures ?
— M. Gibbs : Eh bien, nous continuons de surveiller la situation et nous allons réagir de manière appropriée à mesure que les événements vont se produire. Mais encore une fois, comme je l’ai déjà dit, nous surveillons de près ce qui se passe.
 » [38]

Tandis que le département d’État semblait de plus en plus aux prises avec un scénario vague et incertain concernant le retour du président Zelaya, le président Obama, en visite à Moscou, a fait un commentaire sur le Honduras pour répondre à des questions qu’on lui posait sur le sujet. Ainsi, le 7 juillet, le correspondant en chef à la Maison-Blanche de la chaîne ABC M. Jack Tapper, qui n’a pas la réputation d’être conservateur – et ABC n’étant certes pas aussi à droite que Fox News –, écrivait de Moscou, d’où il citait le président Obama : « ‘Les États-Unis appuient dès maintenant la réinstallation du président du Honduras élu démocratiquement, même s’il s’est fermement opposé aux politiques américaines […]’ »

M. Tapper, s’appuyant sur sa longue expérience dans le domaine politique à la Maison-Blanche, écrivait : « Le président Obama, qu’on a critiqué pour avoir appuyé le « mauvais côté » lors du récent coup d’État au Honduras, a essayé d’expliquer, mardi, [7 juillet] son plaidoyer en faveur du président expulsé Manuel Zelaya […] Mais les conservateurs ont critiqué le président et blâmé Zelaya pour ce qui lui arrive. » Pour donner des exemples de la pression exercée par les conservateurs, M. Tapper a cité les activistes floridiennes de droite anti-Venezuela, anti-Cuba et des représentantes républicaines au Congrès, Mmes Ileana Ros-Lehtinen et Connie Mack. [39]

Si nous tenons compte de la déclaration de M. Obama citée plus haut, alors effectivement, en surface, il semble y avoir un désaccord sinon un conflit entre le président Obama et le département d’État. Or, le département d’État est plus effrontément lié à l’armée et aux forces de droite de l’époque de Bush (comme nous l’avons vu plus haut à de nombreuses occasions, et plus récemment dans l’article du Wall Street Journal de M. Micheletti).

Le 7 août, selon l’agence Reuters, Obama a déclaré aux journalistes qu’il continuait à appuyer le retour de Zelaya au pouvoir. Il a cependant ajouté : « ‘Je ne peux appuyer sur un bouton et rétablir soudain M. Zelaya à son poste’ ». Obama a dit : « ‘Il est important de noter combien il est ironique que ceux qui se plaignaient de l’ingérence des États-Unis en Amérique latine se plaignent maintenant que nous ne nous sommes pas assez ingérés.’ » [40]

On pourrait, ici aussi, croire que la position du président diffère beaucoup de celle du département d’État. Alors que le département d’État a déclaré le 6 août (voir la citation ci-dessus) que sa politique n’est pas fondée sur un appui quelconque à un politicien ou à une personne en particulier, Obama a affirmé le jour suivant, le 7 août, qu’il appuyait encore le retour de Zelaya au pouvoir. Mais, se servant de son talent oratoire, Obama a fait allusion aux conditions dans lesquelles il se trouve en affirmant qu’il ne peut rétablir Zelaya au pouvoir en appuyant sur un bouton. Veut-il dire qu’il subit trop de pressions des oligarchies de droite des États-Unis, de l’Amérique latine et même du département d’État pour agir ? Ou utilise-t-il tout simplement d’autres mots et images pour appuyer la politique du département d’État, qui consiste à gagner du temps et à donner de l’oxygène au gouvernement de facto pour maintenir ce dernier au pouvoir ?

Qu’en est-il de la remarque d’Obama sur le fait « ironique », selon lui, que ceux qui s’opposent d’habitude à l’ingérence des États-Unis l’exigent maintenant ? En fait le Honduras a, sur son territoire, une importante base militaire des États-Unis, massivement financée par les États-Unis, fournie en forces armées et équipée de matériel des États-Unis. La fermeture complète de la base, le retrait immédiat des troupes états-uniennes et du matériel militaire et l’arrêt complet de tout entraînement militaire ne serait nullement un acte d’ingérence des États-Unis dans les affaires intérieures du Honduras. Les bases militaires, au Honduras, en Colombie ou ailleurs, constituent en fait un prolongement de la puissance militaire des États-Unis dans d’autres pays.

À ce sujet, dans un autre contexte et dans d’autres conditions juridiques et historiques, ceux de Cuba, qui se plaindrait de l’ingérence étrangère dans les affaires de ce pays si Washington fermait la base de Guantanamo, se retirait complètement de l’île et restituait cette partie du territoire cubain au peuple cubain ? Et au Honduras, qui, à part Micheletti, se plaindrait d’une ingérence, si Obama décidait aujourd’hui, en tant que président, de retirer l’ambassadeur des États-Unis de ce pays et de rompre les relations diplomatiques jusqu’au retour de Zelaya ? Tels sont les boutons sur lesquels le président devrait appuyer.

Le 10 août, selon l’AP, au Forum des leaders de l’Amérique du Nord, Obama, a repris un thème déjà mentionné, en déclarant ceci : « ‘Les personnes qui nous critiquent en affirmant que les États-Unis n’ont pas intervenu suffisamment au Honduras, sont celles qui disent aussi que nous sommes toujours en train d’intervenir en Amérique latine, et que les Yankees doivent sortir de la région’ ». « ‘Les gens qui nous critiquent pensent qu’il est approprié que nous agissions soudainement selon des façons qu’elles jugent inappropriées dans tous les autres contextes. Je pense que cela démontre peut-être une certaine hypocrisie dans leur façon de voir les relations entre les États-Unis et l’Amérique latine’ » a poursuivi M. Obama. [41]

Voici une partie de la déclaration finale du Sommet :

« Nous avons discuté à fond sur le coup au Honduras et nous réaffirmons notre appui à l’Accord de San José et aux efforts continu de l’OÉA pour parvenir à une solution pacifique de la crise politique. C’est une décision qui restitue la gouvernance démocratique et la primauté du droit, et qui respecte les droits de tous les Honduriens (...) » [42]

Qu’est-ce que cela nous révèle au sujet d’Obama ?

Mais d’abord, quel est le lien juridique et constitutionnel entre le président des États-Unis, l’armée états-unienne et le département d’État ? Voici ce que nous en dit le site web de la Maison-Blanche :

« Le pouvoir de la branche exécutive est conféré au président des États-Unis, qui agit également à titre de chef d’État et de commandant en chef des forces armées […]
Le département d’État joue le rôle principal dans le développement et la mise en œuvre de la politique étrangère du président. Ses responsabilités principales consistent à représenter les États-Unis à l’étranger, fournir de l’aide aux pays étrangers, offrir des programmes d’entraînement militaires à l’étranger,
[…] » [43]

Et la Constitution états-unienne :
Article II, Section 2
«  Le président sera commandant en chef de l’armée et de la marine des États-Unis.  » [44]

Le 29 juin 2009, l’analyste politique Thierry Meyssan écrivait, sous le titre suivant :

« Le SouthCom prend le pouvoir dans un État membre de l’ALBA »
« …la petite armée hondurienne est entièrement équipée, formée et encadrée par les États-Unis. Elle obéit certes à son chef, le président de la République, puis à son chef d’état-major. Mais en pratique, elle est largement contrôlée par le SouthCom depuis Soto Cano et Miami.
Précisément, le Pentagone a précipitamment installé le nouveau commandant du SouthCom, le général Douglas M. Fraser, jeudi dernier [25 juin 2009], pour suivre le coup….
Le SouthCom est installé à Miami, mais a une antenne à Soto Cano et des sites avancés à Comalapa (Salvador), Manta (Équateur) et sur les îles d’Aruba et de Curaçao (Antilles néerlandaises).
 » [45]

Le président Obama doit donc prendre ses responsabilités. Est-il en train de laisser le département d’État se charger de sa basse besogne tandis qu’il demeure relativement distant, cherchant désespérément à s’accrocher à son image de « changement » pour le bénéfice de sa propre administration ? Le quotidien pro-coup d’État au Honduras, El Heraldo, tel que cité plus haut, avait remarqué dès le 19 janvier 2009 que l’extrême-droite au Honduras, en Amérique du sud et aux États-Unis devait continuer de faire pression : « Il sait qu’il n’a pas le droit de décevoir ses partisans […] ». Obama semble être pris, d’une part, entre « ses partisans », c’est-à-dire l’électorat et la branche du cercle des dirigeants qui ont appuyé son accession à la présidence, et d’autre part, ses déclarations électoralistes sur le changement, qui peuvent être perçues comme de bonnes intentions. Se joindra-t-il au numéro de cirque des équilibristes ? Est-il déjà en train de prendre part au spectacle ?

Répression au Honduras (© Getty Images, photo transmise par l’auteur).

Obama a-t-il les pieds sur terre ?

Le El Heraldo avait tout à fait raison, il y a six mois, lorsqu’il a remarqué la contradiction entre les paroles et les gestes d’Obama et la façon la droite doit manœuvrer dans cette situation. Déjà, des sondages indiquent qu’Obama est en train de perdre beaucoup de « ses partisans ».

Le 22 juillet, les résultats du sondage d’AP-GfK annonçaient : « Les grands espoirs pour Obama se dissolvent dans la réalité. » L’article lui-même expliquait : « Comme ce fut rapide. L’espoir et l’optimisme qui ont balayé le pays pendant les premiers mois de la présidence de Barack Obama cèdent place à la dure réalité […] ; la confiance de voir les troupes se retirer d’Irak et d’augmenter le respect envers les États-Unis à travers le globe, en baisse de 15 points […] » [46]

Le 6 août, le réseau de nouvelles CNN a réalisé un sondage montrant que seulement 41 % des États-uniens sont favorables à la guerre en Afghanistan, ce qui constitue une baisse de neuf points depuis le mois de mai. [47]

Obama est-il conscient de ce qui se passe ? On dirait que ses voyages à l’étranger – en Europe, en Russie, au Caire et en Afrique – lui ont monté à la tête. Le 23 juillet, le quotidien Chicago Tribune rapportait qu’Obama était en visite à Chicago, ce jour-là, pour deux levées de fonds destinées au Parti démocrate. (Il en coûtait 15 200 $ par personne et l’objectif était d’amasser deux millions en une soirée.) Le président a répondu à la question d’un journaliste concernant le prestige de son administration sur la scène internationale. Pendant que le courageux peuple hondurien affrontait l’armée (soutenue par les États-Unis) pour la quatrième semaine consécutive, Obama affirmait, tel que cité : « L’anti-américanisme n’est plus à la mode. » [48]

En effet, l’anti-américanisme n’a jamais été à la mode dans les hautes sphères du Parti démocrate. Il est possible que le président Obama trouve, ou qu’il croit avoir trouvé, des alliés à l’échelle mondiale, mais demandez au peuple du Honduras ce qu’il en pense, lui qui déclare bravement à Obama : « Nous aussi, nous avons un rêve ! » Demandez-le aux peuples de l’Amérique du sud. Demandez à la grande majorité des gouvernements de l’Amérique latine, de l’Amérique centrale et des Caraïbes quelle est leur opinion de la domination, de l’interférence et du contrôle états-uniens dans leur Amérique ?
Au Honduras la crise se poursuit. Washington, ou du moins certains secteurs de l’oligarchie de droite, semble ainsi maintenir des politiques qui suscitent l’"anti-américanisme". Le 4 août, un journaliste suédois basé en Amérique du Sud a rapporté que, selon des militants qui luttent pour les droits de la personne au Honduras, des commandos de l’armée israélienne donnent maintenant de l’entraînement en matière de répression aux militaires et policiers honduriens.

Cette situation rappelle le double langage typique d’Israël, qui, d’une part, parle de paix et de dialogue et tend une branche d’olivier, et, d’autre part, brandit l’épée de façon la plus brutale et poursuit le génocide des Palestiniens. Aussi, quand on leur tend ainsi une branche d’olivier, les gouvernements et les peuples d’Amérique du Sud et des Caraïbes doivent prendre garde. [49]

Le 4 août, Washington et la Colombie ont conclu un accord sur l’établissement de sept bases militaires états-uniennes en Colombie, en préparation depuis un certain temps.

Si nous relions les deux faits, le coup d’État militaire du Honduras et la décision de la Colombie de céder des bases militaires, nous nous rendons compte qu’ils constituent une autre offensive contre la hausse de prestige de Cuba, du Venezuela, des autres États-membres de l’ALBA (à laquelle, sous Zelaya, le Honduras a adhéré), des autres pays et de la grande majorité des gouvernements de l’Amérique latine et des Caraïbes.

Les cercles dirigeants états-uniens essaient de leur mieux de mater le soulèvement populaire au Honduras et utilisent, entre autres moyens, le terrorisme médiatique. Les principaux médias basés aux États-Unis d’Amérique, tels que le réseau CNN, de concert avec le département d’État, invoquent tous les arguments possibles et imaginables justifiant le coup d’État, directement ou indirectement. CNN contribue en ne diffusant pas le moindre mot sur la résistance du peuple hondurien contre la répression violente pour essayer de démoraliser ce dernier. Ce réseau essaie de donner à la population hondurienne l’impression que le monde ne sait rien de ce qui se passe dans leur pays. Washington pourra ainsi, plus facilement, poursuivre sa politique hondurienne et même de réprimer davantage le peuple. Les cas de silence médiatique sont nombreux : le 5 août, par exemple, plusieurs agences de nouvelles, dont l’AFP, ont couvert la manifestation de plus de 3 000 étudiants contre le coup d’État, tenue à l’Université nationale autonome du Honduras, à Tegucigalpa, qui a été violemment réprimée. [50]

Pourtant au cours de cette période, le réseau CNN n’a rien rapporté sur le Honduras, et son seul reportage sur l’Amérique du Sud portait sur les critiques du président Chavez du Venezuela contre la Colombie, qui accusait Chavez de fournir des armes aux FARC. Le reportage terminait par de la désinformation sur cette question.

« Le 10 août, plus de 10 000 partisans du président hondurien déchu, Manuel Zelaya, ont répudié le gouvernement de facto et ont averti qu’ils intensifieront leur campagne de protestation contre le coup d’État et pour le retour du président [...]. Cette manifestation pour le retour de Zelaya a été la plus importante depuis celle du 5 juillet. Cette dernière, tenue à l’aéroport de Toncontin, à Tegucigalpa, où le président renversé, qui voyageait à bord d’un avion vénézuélien, voulait atterrir ; mais le gouvernement de facto avait alors empêché l’atterrissage en plaçant des obstacles sur la piste de l’aéroport. La manifestation s’était renforcée avec l’arrivée de foules venues de l’Est et du Nord du pays et avec une colonne venue du Sud. D’autres sont allés à San Pedro Sula (...) » (Texte traduit de l’espagnol par l’auteur) [51]

Cependant, de la part de la CNN – rien.

Manifestations au Honduras (© Getty Images, photo transmise par l’auteur).

« … C’est le peuple hondurien qui aura le dernier mot »

Les peuples du monde, à mon avis, doivent également continuer de faire pression sur le président Obama et son administration. Lorsqu’il regarde les sondages, il doit être conscient de ce qui se passe. Si la question du Honduras se retourne contre lui, ce qui est fort possible, et que cela attise « l’anti-américanisme », de quoi sa politique étrangère aura-t-elle l’air aux yeux de la population états-unienne – et même pour ceux qui paient 15 200 $ le couvert pour une levée de fonds ? Ces derniers n’ont pas investi ce montant pour inaugurer une autre époque à la Bush où les sentiments anti-états-uniens se répandent à travers le globe. Cependant, Obama doit aussi penser aux élections de 2012 pour lesquelles il semble déjà chercher à remplir les coffres. Ne veut-il pas également gagner la sympathie de l’oligarchie de droite afin d’assurer sa victoire en 2012 ?

Le tourbillon des politiques états-uniennes semblent hisser inévitablement le président Obama sur la corde raide. J’espère que ce n’est pas le cas. Le peuple du Honduras, ainsi que celui de l’Amérique du Sud et la plupart de ses gouvernements sont déterminés à le forcer à prendre position. De quelle façon ? Des actions que devrait prendre le président Obama : Prenant des mesures sérieuses et en imposant des sanctions au régime derrière le coup d’État (plutôt que de parader l’annulation de quelques visas), et en appuyant le rétablissement du président Zelaya dans ses fonctions de manière bien réelle, concrète et inconditionnelle. En tant qu’avocat, M. Obama devrait également être capable de composer avec toute la bureaucratie du gouvernement états-unien (si le problème est là, ce dont je doute), qui six semaines après le coup, n’a toujours pas porté de jugement légal sur le coup d’État !

L’évolution de la situation politique de la nouvelle administration états-unienne soulève elle aussi des questions quant au type de démocratie et d’élections qui se font aux États-Unis, et sur la façon dont ces derniers agissent dans le pays qui est censé donner des leçons (par la diplomatie et la force militaire) à la population mondiale. Si cela s’avère un changement auquel les gens ne peuvent PAS croire, alors certains se demanderont peut-être ce que veulent dire les élections et la démocratie aux États-Unis. (Je traiterai en détail de cette question dans un prochain ouvrage.) Obama devrait respecter le principe de respect mutuel entre pays et envers leurs systèmes politiques respectifs.

Obama, Clinton et leur administration au grand complet sont en train d’être jugés. « […] C’est le peuple hondurien qui aura le dernier mot », avait prédit Fidel Castro le 21 juillet, au beau milieu de la situation la plus complexe que pouvait vivre la population : la médiation appuyée par les États-Unis, combinée avec la répression policière et militaire de la résistance. [52]

À mesure que la situation évolue, la prédiction de Fidel Castro (et sa confiance dans le peuple) s’avère juste. D’ailleurs elle semble être irréversible, peu importe les hauts et les bas qui se présentent. L’un des leaders de la résistance au Honduras, un député au Congrès hondurien, a émis un commentaire des plus profonds au journaliste de la Prensa Latina, Raimundo López. Depuis le Honduras occupé par l’armée, ce dernier n’a cessé de rapporter courageusement et inlassablement les événements sur le terrain. Le 18 juillet, l’activiste hondurien César Lam confiait donc au journaliste, lors d’une entrevue : « Il y a un Honduras d’avant le coup d’État, et un Honduras d’après le coup d’État. » [53]

Cette déclaration reflète bien le mouvement de résistance de toutes les nouvelles forces politiques et sociales.

Même l’équilibriste le plus expérimenté peut être jeté au sol par la force des aspirations au changement exprimées par un peuple. Ainsi, il serait préférable que le président Obama adopte une position qui favorise la justice.

Traduit par Marie France Bancel et Arnold August

[1« Obama’s day : The presidential tightrope », USA Today, 30 juin 2009.

[2« On Foreign Policy, Obama Treads Carefully », par Ben Pershing, Washington Post, 30 juin 2009.

[3« Obama juega papel de equilibrista en drama hondureño » , par Nestor Ikeda, Associated Press, 6 juillet 2009.

[4« Clinton’s high-wire act on Honduras », par Howard LaFranchi, Christian Science Monitor, 7 juillet 2009.

[5« Clinton Pushes Honduran Foes to Negotiations », par Tim Padgett, Time Magazine, 8 juillet 2009.

[6« Obama hereda un mundo en crisis », El Heraldo, 19 janvier 2009.

[7« Discours au Council on Foreign Relations », par Hillary Clinton, Réseau Voltaire, 15 juillet 2009.

[8« Situation in Honduras », Remarques d’Hillary Clinton, département d’État, 28 juin 2009.

[9Ibid.

[10« Remarks at the Top of the Daily Press Briefing », par Hillary Clinton, département d’État, 29 juin 2009.

[11« Résolution de l’OEA relative à la suspension du Honduras », Réseau Voltaire, 4 juillet 2009.

[12« Daily Press Briefing », par Ian Kelly, département d’État, 29 juin 2009.

[13« Daily Press Briefing », par Ian Kelly, département d’État, 30 juin 2009.

[14« Daily Press Briefing », par Ian Kelly, département d’État, 1er juillet 2009.

[15« Daily Press Briefing », par Ian Kelly, département d’État, 2 juillet 2009.

[16« Daily Press Briefing », par Ian Kelly, département d’État, 6 juillet 2009.

[17« Washington et le coup d’État
au Honduras : Voici la preuve
 », par Eva Golinger, CPML, 15 juillet 2009.

[18« Daily Press Briefing », par Ian Kelly, département d’État, 7 juillet 2009.

[19« Daily Press Briefing », par Philip J. Crowley, département d’État, 10 juillet 2009.

[20« Daily Press Briefing », par Ian Kelly, département d’État, 13 juillet 2009.

[21« Daily Press Briefing », par Ian Kelly, département d’État, 14 juillet 2009.

[22« Daily Press Briefing », par Robert Wood, département d’État, 17 juillet 2009.

[23« Daily Press Briefing », par Philip J. Crowley, département d’État, 20 juillet 2009.

[24Ibid.

[25« Daily Press Briefing », par Robert Wood, département d’État, 21 juillet 2009.

[26« Daily Press Briefing », par Philip J. Crowley, département d’État, 23 juillet 2009.

[27« Daily Press Briefing », par Philip J. Crowley, département d’État, 24 juillet 2009.

[28« Remarks With Iraqi Prime Minister Nouri al-Maliki After Their Meeting », par Hillary Rodham Clinton, département d’État, 24 juillet 2009.

[29« Daily Press Briefing », par Ian Kelly, département d’État, 27 juillet 2009.

[30« The Path Forward for Honduras. Zelaya’s removal from office was a triumph for the rule of law », par Roberto Micheletti, The Wall Street Journal, 27 juillet2009.

[31Version française : « Un article d’opinion du dictateur putschiste dans le Wall Street Journal », par Eva Gollinger, PCML, 27 juillet 2009.

[32« Daily Press Briefing », par Ian Kelly, département d’État, 28 juillet 2009.

[33« Daily Press Briefing », par Philip J. Crowley, département d’État, 1er août 2009.

[34« Daily Press Briefing », par Robert Wood, département d’État, 6 août 2009.

[35« Honduras’s Ousted Leader Calls U.S. Response Tepid », par William Booth, The Washington Post, 6 août 2009.

[36« Remarks in joint press avaibility », par Barack Obama et Alvaro Uribe, Maison-Blanche, 29 juin 2009.

[37« Press Briefing », par Robert Gibbs, Maison-Blanche, 29 juin 2009.

[38« Press Briefing », par Robert Gibbs, Maison-Blanche, 1er juillet 2009.

[39« In Russia, President Obama Explains His Support for Ousted President of Honduras », par Jake Tapper, ABC News, 7 juillet 2009.

[40« Obama says no quick way to end Honduras crisis », Reuters, 8 août 2009.

[41« Obama Knocks "Hypocrisy" of Honduras Critics », par Anna Aulova, CBS News, 10 août 2009.

[42« Joint Statement by North American Leaders », 10 août 2009.

[43« The Executive Branch », Site internet de la Maison-Blanche.

[45« Le SouthCom prend le pouvoir dans un État membre de l’ALBA », par Thierry Meyssan, Réseau Voltaire, 29 juin 2009.

[46« AP-GfK Poll : Great hopes for Obama fade to reality », par Nancy Benac et Trevor Tompson, Associated Press, 22 juillet 2009.

[47« Support for Afghan war drops, CNN poll finds », CNN, 6 août 2009.

[48« Obama on health care push : ’I’m from Chicago. I don’t break.’ », Chicago Tribune, 23 juillet 2009.

[50« Honduran police crackdown on student protests », AFP, 5 août 2009.

[52« Le médiateur Oscar Arias est un fidèle allié des États-Unis », par Fidel Castro, Réseau Voltaire, Agence cubaine de nouvelles, 22 juillet 2009.

[53« Resistencia del pueblo consolidó las esperanzas de cambio en Honduras », par Raimuno Lopez, Prensa Latina, 18 juillet 2009.