Dix jours après la ratification du traité constitutionnel par référendum en Espagne, Josep Borrell, président social-démocrate espagnol du Parlement européen se réjouit dans El Periodico de la grande semaine qu’a connu l’Union européenne et notamment de trois éléments qui lui semblent essentiels dans le renforcement de l’Union : le « oui » des Espagnols au traité constitutionnel, le soutien de l’Union européenne à la « révolution » orange de Kiev pour lequel Yushchenko est venu remercier le Parlement européen et la nouvelle politique de l’administration Bush vis-à-vis de l’UE. Pour M. Borrell le Traité constitutionnel, pourtant vendu par certain de ses défenseurs en France comme l’occasion de construire une Europe puissance autonome, est donc à analyser dans le même sens que la politique euro-atlantiste de containment de la Russie en Ukraine et la nouvelle politique de l’administration Bush visant à construire une politique étrangère commune atlantiste en Europe. Il espère même que le soutien de l’administration Bush à la construction européenne favorisera l’adoption du traité constitutionnel.
Toujours concernant ce traité, le ministre britannique des Affaires européennes, Denis McShane, se livre à un subtil exercice rhétorique pour rassurer les électeurs français sans dénoncer les orientations politiques de son gouvernement dans Le Figaro. Ainsi, pour lui, contrairement à ce qu’on pourrait croire, le traité constitutionnel n’est pas libéral et atlantiste, il s’agit de règles non partisanes. Cependant, il appelle de ses vœux une politique étrangère commune qui, si elle ne supplantera pas celle des États, permettra à l’Union européenne de parler d’une seule voix, et un modèle économique commun. Or, il estime que l’Ukraine de la « révolution » orange est un pays en direction duquel l’Union européenne doit avoir une position commune et il pose la politique économique de Tony Blair comme une exemple pour l’Europe. En résumé, le traité constitutionnel n’est pas libéral ou atlantiste, mais une fois qu’il sera adopté, c’est bien cette politique que nous mènerons.

En France, le débat sur le traité constitutionnel est marqué par l’apparition de la question de la « directive Bolkestein » sur les services en Europe. Le Figaro publie deux points de vue de figures de l’UMP sur ce sujet. Pour le député souverainiste Jacques Myard, ce texte est révélateur de l’orientation de la construction européenne depuis quelques années : déposséder les États de leur possibilité de légiférer. Selon lui, si la France appelle à une refonte de ce texte c’est qu’elle craint qu’il n’ait un effet dévastateur sur le référendum sur le traité constitutionnel dont il est pourtant l’illustration des principes. En réponse, l’ancien Garde des sceaux, Jacques Toubon tente de noyer le poisson. Dans une tribune rédigée dans un jargon juridique et économique complexe, il s’efforce de minimiser les craintes que ce texte à inspiré tout en présentant son objectif comme nécessaire et en refusant de l’associer au texte du traité constitutionnel.

L’hebdomadaire français L’Express pose la question « Faut-il cesser de ménager Vladimir Poutine ? » à quatre figures de la politique internationale : Zbigniew Brzezinski, Bronislaw Geremek, Vytautas Landsbergis et Hubert Védrine. Le journal accompagne cette question d’un court éditorial qui dénonce la politique du Kremlin dans des termes proches de ceux développés par l’équipe de James Woolsey via ses think tanks la Freedom House et la Foundation for the Defense of Democracies.
Zbigniew Brzezinski, pourtant signataire du récent appel de Freedom House condamnant la politique de Poutine, élude la question et préfère expliquer sa vision de la politique vis-à-vis de la Russie et ses objectifs à long terme. Selon l’ancien conseiller de sécurité national de Jimmy Carter, il faut intégrer la Russie progressivement dans le grand ensemble euro-atlantique, et pour cela, l’intégration de la Géorgie et de l’Ukraine est une première étape. Ce que l’auteur ne précise pas dans ce texte, mais qu’il a déjà présenté de façon explicite dans d’autres tribunes, est qu’à moyen terme, cet objectif passe par une encerclement de la Russie afin de l’empêcher de retrouver un statut de puissance autonome et donc une mise en échec de la politique actuelle du Kremlin.
L’ancien ministre des Affaires étrangères polonais, Bronislaw Geremek, signataire de l’appel des 115 atlantistes contre Vladimir Poutine, plaide pour sa part en faveur d’une politique étrangère européenne commune orientée contre la politique russe dans la région. Il préconise cependant un « dialogue critique » avec Vladimir Poutine.
L’ancien président lituanien Vytautas Landsbergis, lui aussi signataire de l’appel des 115 atlantistes contre Vladimir Poutine, tiens à faire profiter les lecteurs de son « expérience » d’ancien citoyen soviétique pour analyser la politique de Moscou. Selon lui, la Russie avance à visage couvert, mais veut retrouver une politique expansionniste dans les anciens pays soviétiques et même faire entrer l’Europe occidentale dans son orbite en employant l’antiaméricanisme et une « diplomatie énergétique ».
Seul intervenant à n’avoir pas signé l’un des appels contre Poutine à participer à ce « débat », Hubert Védrine rejette la question telle qu’elle est posée. Il répète son opposition à la politique russe en Tchétchénie et demande que les gouvernements occidentaux restent attentifs à la politique énergétique et à l’action judiciaire de la Russie dans les affaires économiques. Toutefois, il se refuse à voir une dérive autoritaire dans le reste de l’action du président russe. Selon lui, il faut laisser la Russie décider des nationalisations ou des privatisations dans le secteur énergétique et par qui sont administrées les régions. Le texte de l’ancien ministre français des Affaires étrangères apparaît surtout comme une caution de pluralisme dans un dossier destiné à valider l’image de la Russie véhiculée par Freedom House
Cet argumentaire est repris par le « partenaire » russe de ce think tank : Le comité Free Choice 2008. Organisation apparue médiatiquement il y a un an derrière le champion d’échec Gary Kasparov et dont l’écho est de plus en plus grand.
Ainsi, l’ancien député russe et dissident soviétique Sergueï Kovalev dénonce un retour au soviétisme en Russie dans Novyie Izvestia tout en rejetant la possibilité d’une union de ses anciens amis politiques du parti Iabloko et du SPS, deux partis soutenus financièrement par l’ancien oligarque Mikhail Khodorkovsky. Pour lui, l’alternative à Vladimir Poutine pourrait se trouver en Gary Kasparov, le président du Comité Free Choice 2008. De son côté, la journaliste et membre du Comité Free Choice 2008, Anna Politkovskaïa, dénonce dans Der Tagesspiegel ce qu’elle considère être la passivité de l’Allemagne face aux dérives autocratiques russes et la guerre en Tchétchénie. Elle dénonce le caractère mercantile de la politique de Gerhard Schröder et appelle à une politique plus agressive face à Moscou.

L’ancien ministre britannique, David Howell s’effraie de ces appel et développe une approche réaliste. Il estime qu’en attaquant la Russie les pays occidentaux ne font que pousser Moscou à se détourner de l’Europe et à se chercher des alliés à l’Est, ce qui pourrait avoir de graves conséquences pour l’Europe sur le plan énergétique à terme. Cette politique est d’autant plus contestable qu’elle se fonde sur des exagérations concernant les dérives autoritaires de la Russie. Mieux vaut donc organiser un dialogue avec la Russie que de chercher l’affrontement.