L’heure de vérité approche à grands pas pour le Hezbollah. Pourra-t-il sauver son statut de « résistant » après le retrait syrien, alors qu’il a été re-qualifié en « milice » à désarmer ? Aujourd’hui, le Liban n’a plus de territoires occupés par Israël puisque l’ONU a tranché, et les fermes de Chebaa doivent être rendues à la Syrie. Ce jugement condamne le parti de Dieu à désarmer et cela gène autant Damas que Téhéran, qui perdrait ainsi un outil stratégique. Le Hezbollah devra surtout se priver de son armement lourd. Ce désarmement est surtout gênant pour Damas qui a toujours veillé à instaurer des forces parallèles au gouvernement libanais afin d’entretenir le désordre. C’est ce que la Syrie avait fait avec l’OLP dans les années 70. C’est ce qui avait conduit aux invasions israéliennes.
Toutefois, aujourd’hui, les temps ont changé. La Syrie est contrainte de partir sous les huées de sa « colonie » libanaise et elle laisse derrière elle les statues de la famille Assad vandalisées par la population des zones où elles sont été imposées. Les Libanais garderont un souvenir exécrable de cette armée de pilleurs syriens, qui les a terrorisés. L’assassinat de Hariri a brutalement accéléré l’achèvement de l’occupation syrienne, qui prélevait au Liban 4 milliards de dollars par an, en moyenne. La dette publique du pays du Cèdre s’élève aujourd’hui à près de 40 milliards de dollars. Jusque-là l’opposition libanaise n’avait pas osé défier le Hezbollah. Tous les dirigeants politiques redoutent les hommes du charismatique chef du Hezbollah, Hassan Nasrallah. Ce dernier rencontre désormais un vrai dilemme : doit-il privilégier ses périlleuses « alliances » régionales au détriment de la réelle aspiration de sa communauté à vivre dans un Liban libre et indépendant ?
Plusieurs défis attendent le Hezbollah :
– Sa survie après la chute prévisible de son principal parrain. Né d’un « PACS » au début des années 80 entre l’idéologie khomeyniste et le régime allaouite, le Hezbollah ne pourra pas survivre longtemps à la dépression syrienne. Pire, la perspective d’organiser des élections libres en Syrie, dans la foulée de la lente démocratisation des pays de la région, condamnera les Alaouites (11% de la population) à céder le pouvoir à l’écrasante majorité sunnite. Le croissant chiite sera interrompu à Damas. Le Hezbollah deviendra aussitôt orphelin et perdra son hégémonie artificielle. Car, ne l’oublions pas, ce courant représente seulement une partie de la communauté chiite, laquelle compte près du quart de la population libanaise.
– La révision de son projet idéologique. Les Libanais sont reconnaissants au Hezbollah d’avoir chassé Israël, mais ils ne se reconnaissent pas dans l’idéologie de ce parti. Le Hezbollah veut exporter son savoir faire aux radicaux Palestiniens pour mener une guerre d’usure contre Israël dont les Libanais ne veulent pas. Ils estiment avoir suffisamment payé pour les autres en sacrifiant leurs vies et leurs intérêts, pour laisser à chaque État arabe le soin de se débrouiller. Le Hezbollah va devoir tenir compte de cela, réviser son idéologie et donc se couper de son parrain iranien. S’il accepte de devenir exclusivement libanais, il rejoindra la dynamique de libération nationale, incarnée par les autres communautés. Ce serait dommage pour lui d’avoir autant contribué à la fin de l’occupation israélienne et d’apparaître comme un obstacle à la fin de la colonisation syrienne.
– Le futur statut du Hezbollah commande son avenir. Aujourd’hui, le Hezbollah doit se désarmer et se débarrasser à la fois de ses armes et de son illusoire projet jihadiste.
Bachar el Assad a d’abord répondu aux pressions de l’ONU en pratiquant la politique de la terre brûlée, en faisant commettre des attentats à ses partisans. Ce faisant, il s’est isolé. Pour que Damas lâche prise, il serait beaucoup plus efficace d’exercer des pressions en Syrie même, où le régime a perdu sa raison d’être et vient de perdre son prestige ainsi une large partie de ses ressources financières, jusque-là prélevées au Liban. Le Hezbollah serait bien inspiré de méditer le nouveau rapport des forces, pour muer et rejoindre le consensus patriotique.
Le Figaro (France)
Diffusion 350 000 exemplaires. Propriété de la Socpresse (anciennement créée par Robert Hersant, aujourd’hui détenue par l’avionneur Serge Dassault). Le quotidien de référence de la droite française.
« Les dilemmes du Hezbollah », par Antoine Basbous, Le Figaro, 27 avril 2005.
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