IV/A.1. M. Hassan Zubaïdi est un homme d’affaire palestinien établi à Beyrouth et à Damas.

IV/A.2. Au cours des années 1980, il s’est beaucoup intéressé aux Promissory Notes - sorte de billets à ordre ou de bons de caisse - émis par des pouvoirs publics.

Il en aurait possédé :

1° pour 3 700 000 000 de US $, émis en 1981 en Haïti (c’était donc sous le régime de Jean-Claude Duvalier) ;

2° pour 1 000 000 000 de US $, émis en 1985 pour une province des Philippines (c’était donc sous le régime de Marcos).

IV/A.3. Si le dossier ne fait que mentionner ces deux séries de P. Notes, en revanche il retrace largement les événements qui ont eu lieu à partir d’un troisième lot possédé par M. Zubaïdi.

IV/A.4. Il s’agit de P. Notes, datées du 10 avril 1980 d’une valeur nominale de 500 millions de US $ chacune émises et signées par M. Michael Graham, mandataire du Windsor Trust. Elles devaient être payées au porteur par la Bank of Nova Scotia sise dans les îles Caraïbes.

IV/A.5. M. Zubaïdi a raconté qu’il avait participé à la livraison d’armes et d’uranium faite par des entreprises USA à l’Iran. Ce sera le scandale de l’Irangate. Il avait été rémunéré sur un compte ouvert par la banque Drexel Barnham Lambert. Ce compte s’appelait le Windsor Trust. Sur ce compte de 10 500 millions de US $, 7 P. Notes de 500 millions de US $ chacune ont été émises le 10 avril 1980 et remises à M. Zubaïdi. Les deux premières P. Notes (1 milliard de US $) ayant été employées au bénéfice de l’OLP, le gouvernement des USA a fait bloquer le paiement des 5 autres notes remises à M. Zubaïdi. Mais par la suite, le président Ronald Reagan a autorisé le déblocage du compte à 3 conditions :

— l’argent ne peut pas être utilisé pour l’achat d’armes ou d’équipement militaire ;

— il doit être investi dans des pays du tiers monde ;

— il ne peut être utilisé à des fins commerciales.

IV/A.6. M. Zubaïdi a trouvé que l’Indonésie, principale forteresse de l’Islam en Extrême Orient, pouvait constituer le bon choix. Elle aurait servi d’intermédiaire pour les ventes à l’Iran.

IV/A.7. Ce choix ne signifiait pas que l’Indonésie allait recevoir du matériel d’utilité civile payé par les P. Notes de M. Zubaïdi. Celui-ci réservait ce traitement aux populations arabes du Proche Orient : Syrie, Liban et Palestine.

A l’Indonésie, il entendait céder ses 5 P. Notes du Windsor Trust payables immédiatement (2,5 milliards de US $), contre des P. Notes à émettre par les autorités indonésiennes avec des échéances échelonnées. Il échappait ainsi au contrôle du gouvernement des USA et, en outre, il majorait son capital ainsi escompté.

IV/A.8. Sur ces bases, un accord de principe a été donné le 12 août 1985 par le beau-frère du président de la République indonésienne, le docteur Ibnu Hartomo qui était chargé du développement au National Defense Security Council de la République (NDSC).

Le 25 octobre 1985, le secrétaire général du NDSC autorise le docteur Hartomo a émettre des P. Notes pour un emprunt en monnaie USA et à effectuer toute transaction au nom du Conseil. La même autorisation a été donnée à un autre membre du Conseil, M. Soebagyo Soedewo.

C’est ainsi que sous la date du 27 octobre 1985, MM. Hartomo et Soedewo ont émis au nom du NDSC et au profit du Central Establishment For Trade and Investment de Beyrouth et/ou à leur porteur :

— 350 P. Notes de 2 800 000 US $ chacune en 7 séries de 50 venant à échéance à un an d’intervalle du 15 novembre 1986 au 15 novembre 1992 ;

— 50 P. Notes de 1 400 000 US $ chacune venant à échéance le 15 mai 1993 ;

— 100 P. Notes de 25 millions de US $ venant à échéance le 15 mai 1993 ;

— 5 P. Notes pour 5 millions de US$ venant à échéance le 15 janvier 1986.

Au total : 505 P. Notes valant ensemble 3 575 millions de US $.

Le 30 octobre 1985 deux juristes officiels ont certifié que l’opération ainsi préparée était légale.

IV/A.9. Le contrat a été conclu le 12 novembre 1985 à Damas. M. Zubaïdi a remis à M. Hartomo les 5 P. Notes du Windsor Trust venues à échéance et une lettre datée du 12 novembre 1985 adressée par la Zubaïdi Trading Company à la Bank of Nova Scotia confirmant la cession des créances.

En échange, il a reçu, des mains du beau-frère du président Suharto, les P. Notes émises par le NDSC indonésien. L’ambassadeur d’Indonésie à Damas assistait à la séance. Il a affirmé par écrit que ces P. Notes étaient officielles et gouvernementales.

IV/A.10. Le 18 novembre 1985, le docteur Hartomo et son secrétaire sont venus à la Bank of Nova Scotia dans les grandes Caraïbes pour encaisser les 5 P. Notes de la Windsor Trust. La banque a refusé et en a donné confirmation écrite le 19 novembre 1985 parce qu’elle n’avait de relation commerciale avec aucune des personnes concernées.

Aux protestations que lui a adressées le docteur Hartomo, M. Zubaïdi a répondu par des promesses. Elles sont restées sans effet.

IV/A.11. Le 11 décembre 1985, une société des USA, l’Aircraft and Componit Equipment Supplies a écrit au docteur Hartomo parce qu’on lui proposait 3 P. Notes de la NDSC indonésienne en paiement de matériel. Dans sa réponse du 26 décembre 1985, le docteur Hartomo relate les circonstances de l’affaire et en déduit que les titres ne sont pas cessibles actuellement.

IV/A.12. Le 17 janvier 1986, des négociations re-prennent entre M. Hartomo et Zubaïdi. Il sera convenu le 20 janvier 1986 que les P. Notes indonésiennes seront honorées à New York à leur date d’échéance pour autant que les P. Notes du Windsor Trust puissent être encaissées au plus tard le 31 janvier 1986 (voir la note rédigée par le docteur Hartomo le 20 janvier 1986). Rien n’avait été perçu sur les P. Notes du Windsor Trust lorsque le docteur Hartomo et son secrétaire ont été entendus par la justice britannique le 5 juin 1989.

IV/A.13. Dès lors, à partir du 1 er février 1986, au plus tard, les autorités et la banque d’Indonésie ont informé des banques étrangères que ces P. Notes étaient des faux ou, du moins, n’engageaient pas l’Etat indonésien. On constate au dossier que le Crédit Lyonnais en a informé ses clients et que la Société Générale a mis ses services en garde sur la valeur des P. Notes du NDSC indonésien. Par un écrit du 2 mars 1987 la Banque d’Indonésie a renouvelé sa position : seules sont valables les P. Notes émises par le Ministère des Finances et/ou la Banque centrale d’Indonésie.

IV/A.14. Toutefois, les négociations ne sont pas rompues. A la fin de l’année 1986, M. Paulus Van Drongelen, qui est un conseiller du président Suharto et est vice-président de la Transnational Oil viendra signer à Damas avec M. Zubaïdi un contrat de compensation daté du 19 décembre 1986 en vue de payer les P. Notes à leur échéance en pétrole brut.

M. Paulus Van Drongelen, né à Bois le Duc en1932, qui vit principalement à Genève, se dit "l’executive Chairman " de cette société pétrolière indonésienne. Sous la date du 28 novembre 1990 la Banque d’Indonésie lui écrira en Belgique au 46 Avenue du Parc à Woluwe B-1160 Bruxelles, que les P. Notes litigieuses sont authentiques et que, avec l’agrément présidentiel, le NDSC a eu quelque fois le pouvoir d’émettre des P. Notes sans contreseing de la Banque centrale d’Indonésie et/ou du Ministre des Finances.

IV/A.15. On le voit cette partie du dossier montre que dans le domaine de la finance comme dans celui des cultes et celui de la culture, il existe des institutions établies et des " marginaux ". Parfois, des aventuriers sont chargés de missions délicates par les officiels de l’honorabilité, quitte pour ceux-ci à désavouer ces corsaires une fois leur mission accomplie et ce au gré de la conjoncture politique.


Source : Chambre des Représentants de Belgique http://www.lachambre.be