Présidence de M. Alain TOURRET, Président

MM. Briet, Libault et Georges sont introduits.

M. le président leur rappelle que les dispositions législatives relatives aux commissions d’enquête leur ont été communiquées. A l’invitation du président, MM. Briet, Libault et Georges prêtent serment.

M. le Président : Mes chers collègues, nous ouvrons aujourd’hui le cycle de nos auditions en entendant M. Raoul Briet, directeur de la sécurité sociale au ministère de l’Emploi et de la solidarité. Il est accompagné de deux sous-directeurs, M. Dominique Libault, sous-directeur du financement et de la gestion de la sécurité sociale, chargé en particulier de suivre le financement du régime général et des régimes de base, ainsi que de M. Philippe Georges, sous-directeur de l’accès aux soins, compétent notamment pour les questions relatives au régime complémentaire, car si le régime des étudiants est rattaché au régime général, les différentes mutuelles étudiantes proposent aussi des garanties complémentaires.

M. Raoul BRIET : Je vais introduire ce sujet en essayant de rappeler à l’intention de la commission ce que sont les principales caractéristiques et spécificités du régime étudiant, en soulignant celles de nature à poser problème et qui ont, de toute évidence, motivé la décision de mettre en place cette commission d’enquête parlementaire. Je laisserai ensuite, à M. Dominique Libault, le soin de vous rappeler l’historique et les difficultés qui s’attachent à la détermination d’un sujet que vous avez qualifié vous-même de central, à savoir les remises de gestion. Puis, pour bien éclairer la répartition des responsabilités entre l’Etat, ses services centraux, ses services déconcentrés et les autorités de contrôle, notamment la commission de contrôle, M. Philippe Georges vous dira quelques mots du partage des responsabilités s’agissant du contrôle des mutuelles.

Le régime étudiant est difficile à caractériser juridiquement. On hésite même à le qualifier de régime au sens strict du terme. Il faut se souvenir que ce régime, instauré par une loi de 1948, a aujourd’hui plus de 50 ans. Il se caractérise par des règles spécifiques s’agissant à la fois de l’affiliation, des cotisations qui sont dues, et de la gestion. En effet, le législateur de 1948 a confié la gestion du dispositif d’assurance sociale des étudiants aux étudiants eux-mêmes par délégation des caisses d’assurance maladie. Cette gestion est, en pratique, déléguée à des mutuelles, au nombre de onze aujourd’hui, qui sont en situation de concurrence les unes par rapport aux autres pour recueillir l’adhésion et gérer ensuite l’affiliation et le service des prestations aux étudiants.

Une autre spécificité du système d’assurance sociale des étudiants est de ne pas être intégré financièrement dans le régime général. Pour autant, il faut rappeler d’abord que les prestations qu’il verse sont rigoureusement les mêmes que les prestations en nature du régime général, ensuite, que la gestion effectuée par les mutuelles d’étudiants l’est par délégation des caisses primaires d’assurance maladie et, enfin, que les dépenses et les recettes de ce " régime étudiant " sont retracées dans les comptes de la caisse nationale d’assurance maladie.

Je ne vais pas m’étendre sur la question, quelque peu académique et doctrinale, de savoir si le régime étudiant de sécurité sociale est à proprement parler un régime, un régime particulier ou un mode de gestion original du régime général. Il faut garder présent à l’esprit que l’originalité et la spécificité forte de ce régime datent de son origine. En même temps, il est important de souligner que la sécurité sociale des étudiants ne concerne que le régime de base. Lorsque l’on parle des prestations en nature telles que servies par la Caisse nationale d’assurance maladie (CNAM), cela signifie que les étudiants bénéficient du même niveau de remboursement que celui assuré par la CNAM pour les salariés de l’industrie et du commerce. Donc, au sens strict, même si l’on utilise le terme de régime étudiant, il ne s’agit, en réalité, que d’un mode original de gestion du régime d’assurance maladie de base. Le fait que les mutuelles développent parallèlement, au bénéfice de tout ou partie de leurs affiliés, une couverture complémentaire maladie est un élément caractéristique de l’originalité du mode de gestion des mutuelles étudiantes. Mais le régime étudiant, au sens strict, n’est pas concerné par la partie complémentaire de la couverture sociale, qui commence au-delà des prestations du régime général.

Ce qui fonde l’originalité du régime étudiant explique aussi les difficultés que l’on a à en appréhender correctement les paramètres de gestion. D’un point de vue pratique, il faut bien mesurer le fait que la gestion des prestations en nature pour le compte de la CNAM au bénéfice des étudiants est totalement imbriquée dans la gestion d’ensemble des mutuelles. J’indique d’ailleurs que, statistiquement, seul environ un tiers des étudiants pris en charge pour le comptes des caisses primaires d’assurance maladie au titre du régime de base acquittent auprès de leur mutuelle une cotisation supplémentaire pour bénéficier d’une couverture complémentaire. La gestion de cette population pour le compte du régime général est une composante, parmi d’autres, de la gestion d’ensemble des mutuelles étudiantes. Il n’en reste pas moins que les locaux, le personnel, les moyens techniques, sont totalement intégrés. Il y a là une situation de fait, au demeurant logique.

Cette intégration n’en pose pas moins des problèmes redoutables dès lors qu’il s’agit de déterminer le bon niveau de fixation des remises de gestion versées par les caisses d’assurance maladie en rémunération des services rendus par les mutuelles. Ces difficultés sont aggravées par l’absence, dans les organismes mutualistes, de plan comptable parfaitement adapté aux différentes opérations à retracer, par l’ancienneté de ce plan comptable et par le défaut fréquent d’éléments de comptabilité analytique fiables et sincères qui permettraient d’isoler les charges afférentes à la gestion du régime étudiant et celles relatives aux autres activités des mutuelles. Quand bien même il y aurait une comptabilité analytique rigoureuse et digne de ce nom dans chacune des mutuelles, il faudrait encore s’assurer que les clefs de répartition des charges communes entre l’activité pour le compte du régime général et les autres activités des mutuelles sont sincères et établies rigoureusement.

Enfin, dernière difficulté que je ne fais que citer rapidement ; les structures qui gèrent le régime étudiant sont souvent de petite taille et elles ne placent pas les aspects gestionnaires au premier rang de leurs préoccupations.

Ce problème des remises de gestion, sur lequel M. Dominique Libault reviendra tout à l’heure, représente un enjeu de quelque 450 millions de francs. Il est d’autant plus difficile à traiter correctement que la loi de 1994 pose le principe du caractère forfaitaire des remises de gestion. Celles-ci doivent être calculées par étudiant et identiques pour tous les gestionnaires, ce qui est assez légitime, puisque ceux-ci sont en concurrence pour accueillir les populations étudiantes. Dès lors, soit on décide de placer les remises de gestion à un niveau très bas, ce qui risque de mettre en difficulté certaines mutuelles, en raison de leur activité, de leur volume d’effectifs à gérer ou d’autres caractéristiques, soit on se donne un objectif plus raisonnable consistant à les fixer à un niveau moyen, ce qui, éventuellement, permet à certaines mutuelles de couvrir plus que les charges réelles afférentes au régime étudiant, et donc de dégager des disponibilités financières qui sont leur pleine propriété.

Le problème est d’autant plus aigu que ces organismes sont des organismes mutualistes, dont l’objet social tel qu’il est défini par le Code de la mutualité est très large. Ils sont définis comme des groupements à but non lucratif qui se proposent de mener, dans l’intérêt de leurs membres ou de leur famille, une action de prévoyance, de solidarité et d’entraide en vue d’assurer notamment le développement culturel, moral, intellectuel et physique de leurs membres et l’amélioration de leurs conditions de vie. Le système de remises de gestion qui est légalement forfaitaire et uniforme pour toutes les mutuelles, quelles que soient leurs performances ou leurs situations objectives, est donc de nature à permettre de dégager des marges financières utilisées ensuite dans le respect des dispositions du Code de la mutualité dont nous venons de voir qu’il fixe aux mutuelles un objet social extraordinairement varié.

Tels sont les éléments qui caractérisent l’originalité du régime étudiant et la difficulté de pilotage de ce dispositif. M. Dominique Libault va maintenant traiter plus en détail des modalités qui ont été utilisées dans un passé récent pour déterminer, de la manière la plus pertinente, le niveau de ces remises de gestion.

M. Dominique LIBAULT : Il s’agit d’un dispositif assez complexe qui a subi de nombreuses modifications depuis quelques années. De 1948, date de création du régime étudiant, à 1985, les mutuelles recevaient 90 % de la cotisation acquittée par les étudiants. En 1984, cette cotisation atteignait 260 F, dont 90 % allaient donc à la gestion administrative. Aujourd’hui, elle est légèrement supérieure à 1 000 F, et si l’ancien système prévalait, les mutuelles percevraient donc un peu plus de 900 F par étudiant.

Ce système a été abandonné en 1984, car il était considéré comme trop dépendant de l’évolution du montant de la cotisation étudiante, que l’on peut faire évoluer pour des raisons qui n’ont rien à voir avec les frais de gestion réels des mutuelles. Dès lors que les effectifs étudiants ont commencé à croître de façon assez importante, dans les années 80, un tel système devenait trop inflationniste.

En conséquence, en 1985, un arrêté a modifié le système pour indexer l’augmentation annuelle des remises de gestion sur la progression des dépenses de gestion administrative des caisses d’assurance maladie.

Dans la période qui a suivi, les effectifs des différentes mutuelles étudiantes ont évolué de façon assez différente. Grosso modo, il existe deux grands groupes de mutuelles étudiantes ; d’une part, la MNEF, seule mutuelle nationale, d’autre part, les mutuelles régionales. De 1989 à 1992, les effectifs de la MNEF ont crû de 31 %, ceux des mutuelles régionales de 60 %. Or, le montant des remises de gestion, calculé globalement, augmentait de façon indifférenciée par rapport au nombre d’étudiants. L’évolution aboutissait ainsi à un fort écart, pour le montant des remises de gestion rapporté, entre la MNEF et les mutuelles régionales. Ainsi, en 1992, la MNEF percevait 334 F par étudiant et les mutuelles régionales 216 F. Ces dernières jugeaient cette situation inéquitable. Leurs revendications ont abouti à la modification du système de 1985 et à l’adoption d’un arrêté du 31 mars 1992, qui régit actuellement le système de remises de gestion.

Ce système est relativement complexe. Il repose sur des principes généraux qui doivent être mis en œuvre dans des conventions entre la CNAM et les mutuelles. L’arrêté ne fait que fixer les modalités générales, le montant des remises de gestion étant arrêté dans une convention qui lie, pour une période pluriannuelle, la CNAM et l’ensemble des mutuelles étudiantes. A ce jour, il y a eu deux conventions ; l’une pour les années 1993 à 1995 ; l’autre pour les années 1996 à 1998. Nous sommes donc actuellement en " vacance de convention ". L’arrêté de 1992 étant toujours en vigueur, il reste à fixer, dans le cadre de ce dernier, le montant des remises de gestion pour les années 1999 et ultérieures.

L’arrêté de 1992 fixe un mode de calcul du montant des remises de gestion fondé sur trois paramètres.

Le premier est l’évolution des dépenses de fonctionnement des CPAM dans la limite d’un plafond constitué par le coût moyen de gestion des cinquante caisses primaires d’assurance maladie les plus performantes, le principe étant que l’assurance maladie délègue à un tiers une tâche qu’elle pourrait réaliser elle-même. L’idée est donc de lier l’évolution des dépenses constituées par les remises de gestion à l’évolution des dépenses de fonctionnement de l’assurance maladie elle-même.

Deuxième paramètre, les charges de travail accomplies par les mutuelles pour la gestion du régime obligatoire par rapport à l’ensemble des activités d’une CPAM. Ce critère, très difficile à cerner, consiste à essayer de mesurer par rapport aux activités d’une caisse primaire d’assurance maladie quelles sont les activités d’une mutuelle. En effet, même s’il y a une délégation de gestion à une mutuelle, celle-ci n’accomplit pas, en réalité, toutes les tâches d’une CPAM. Lorsqu’on rapporte les coûts de gestion de la caisse primaire aux coûts de gestion d’une mutuelle, on entreprend le travail un peu difficile de dire ce qui doit être pris en compte dans l’activité d’une caisse primaire que l’on va retrouver dans la mutuelle. Il y a beaucoup de missions d’une caisse primaire, par exemple en matière d’action sociale, de politique de gestion du risque, de relations avec les professionnels de santé, qui n’incombent pas à une mutuelle étudiante. Il est donc difficile de comparer stricto sensu les coûts de gestion d’une caisse primaire avec une mutuelle étudiante. A contrario, les mutuelles étudiantes vous diront qu’elles doivent faire face à des spécificités de gestion et, notamment, une rotation des fichiers plus rapide que dans une caisse primaire puisque les étudiants ne le sont, par définition, que pour une durée limitée.

Enfin, le troisième paramètre fixé en 1992 est le coût d’évolution des effectifs de chaque mutuelle étudiante pondéré par l’effort de productivité.

Il existe donc des paramètres généraux et les parties signataires des conventions, c’est-à-dire la caisse nationale d’assurance maladie et les mutuelles étudiantes, devraient s’inspirer de ces principes pour fixer le niveau des remises. Il y a, en fait, une certaine difficulté d’entente entre les mutuelles et la CNAM pour fixer le niveau de ces remises sur la base de ces principes. La CNAM, en 1993, a diligenté un audit pour essayer de distinguer le niveau d’activité entre une caisse primaire d’assurance maladie et une mutuelle étudiante, en tentant d’établir des ratios indiquant que les mutuelles avaient un coût moindre parce qu’en fait, elles ne remplissaient pas toutes les tâches d’une caisse primaire. Cet audit a été violemment contesté par l’ensemble des mutuelles étudiantes au cours de l’année 1993 et n’a donc, en réalité, que peu servi à la négociation.

La loi de 1994, dans le contexte de cette négociation, est intervenue avec le constat de niveaux de remise de gestion très différents entre la MNEF - 334 F - et les mutuelles régionales - 216 F. Partant de ce constat, le législateur de 1994 a décidé que les remises seraient d’un montant unitaire par étudiant. A l’origine, il s’agissait d’un amendement sénatorial, reprenant largement le souhait des mutuelles régionales d’arriver au niveau de remise de gestion de la MNEF, et de voir cette demande satisfaite dans un cadre législatif et non pas simplement conventionnel. Elles considéraient naturellement que l’adéquation entre le niveau élevé et le niveau bas devait se faire sur le niveau le plus élevé possible.

Après le vote de la loi de 1994, un accord est intervenu entre la CNAM et les mutuelles étudiantes qui, sans aligner tout à fait le niveau unitaire des remises de gestion sur le niveau le plus élevé - la MNEF a en effet consenti un léger effort de réduction de ses remises - a conduit cependant à le rapprocher du niveau le plus élevé, celui de la MNEF. D’où le constat que fait fort logiquement la Cour des comptes, puisque l’alignement s’est fait plutôt par le haut, d’un accroissement depuis 1994 du niveau du montant des remises de gestion.

Telle est, grossièrement retracée, la situation, caractérisée par un alignement vers le haut des remises de gestion, et une difficulté réelle à déterminer le bon niveau des remises de gestion. Comme l’a constaté la Cour des comptes dans son rapport de 1998, les négociations n’ont pas tenu compte d’une appréciation réelle du coût de l’activité développée par les mutuelles pour la gestion du régime de base. Comme le disait M. Raoul Briet, il y a là quelque chose de très difficile à appréhender compte tenu de l’absence d’une comptabilité clairement séparée.

Il est important de savoir que, dans les deux conventions successives, celle de 1993 à 1995 puis celle de 1996 à 1998, les mutuelles étudiantes s’engageaient à mettre en place une comptabilité analytique qui devait permettre d’identifier le coût de la gestion du régime de base. Cette obligation figurant à l’article 7 de la convention de 1993 et également de celle signée en 1997 pour les années 1996 à 1998, n’a pas été satisfaite. Les mutuelles étudiantes n’ont pas mis en place cette comptabilité analytique et n’ont donc pas respecté l’engagement de transparence demandé par les conventions.

Je rappelle par ailleurs que le principe même de la remise forfaitaire, outre la question de savoir si l’on est bien au niveau moyen de remise de gestion, crée la possibilité pour les mutuelles les plus performantes en termes de gestion de faire des économies et de se situer, grâce à leur efficacité, en dessous du coût moyen et de dégager ainsi des excédents, dont rien n’interdit, sur le plan légal, qu’ils servent à développer d’autres activités complémentaires. Telle est, aujourd’hui, en droit, la situation.

M. Raoul BRIET : M. Philippe Georges va vous dire un mot sur le partage des responsabilités concernant le contrôle des mutuelles.

M. Philippe GEORGES : Une loi du 31 décembre 1989, dite " loi Evin ", organise le contrôle pour tous les opérateurs en matière d’assurance de personnes habilités à opérer en France, compagnies d’assurances, mutuelles et institutions de prévoyance, qui sont des organismes à gestion paritaire.

Le contrôle a été confié à des autorités administratives indépendantes, la commission de contrôle des assurances et la commission de contrôle des mutuelles et des institutions de prévoyance, qui relèvent plutôt de la mouvance du ministère des affaires sociales.

Cette commission de contrôle a une compétence relativement restreinte à l’égard des mutuelles qui avaient, en 1990, un chiffre d’affaires supérieur à 150 millions de francs ou à celles qui, gérant un risque long - invalidité, retrait par capitalisation, par exemple - sont amenées à constituer une caisse autonome mutuelle qui n’est pas dotée de la personnalité morale, mais qui est un mécanisme de cantonnement comptable des sommes affectées à la gestion du risque de long terme.

Pour les autres mutuelles, le contrôle est opéré par le préfet de région, qui recevant ainsi le statut d’autorité indépendante, bénéficie des mêmes pouvoirs d’investigation que la commission de contrôle, mais ne dispose pas de ses pouvoirs de sanction. Par conséquent, si le contrôle d’une mutuelle par le préfet de région aboutit à mettre en cause la responsabilité de ses dirigeants, le dossier doit être transmis à la commission de contrôle qui a, seule, pouvoir de sanction. De même, cette commission de contrôle a un pouvoir d’évocation, rarement utilisé à ce jour, des dossiers qui peuvent être examinés au plan local.

Ces autorités administratives, comme l’indique leur nom, sont totalement indépendantes. Le Gouvernement et l’administration n’exercent aucun pouvoir hiérarchique, même sur le préfet de région lorsque celui-ci exerce ses fonctions de contrôle. A la commission de contrôle, le Gouvernement est représenté par un commissaire du gouvernement, le directeur de la sécurité sociale. Celui-ci, sans être membre de la commission, est en mesure de faire des observations.

On peut dire que l’activité de cette commission est dense. Elle se réunit à peu près une fois par mois. Elle confie la réalisation des contrôles à l’inspection générale des affaires sociales qui a, pour ce faire, étoffé ses effectifs et fait suivre à un certain nombre de ses membres des formations spécialisées en actuariat.

Le contenu du contrôle est lui-même encadré, puisqu’il porte sur toute activité contraire aux dispositions législatives et réglementaires du Code et sur la situation financière des mutuelles. S’agissant d’opérateurs intervenant sur un marché, et donc soumis à la concurrence, ceux-ci ne doivent pas voir leurs activités entravées par une tutelle qui serait considérée comme trop étroite de la part de l’Etat. Or, le Code de la mutualité étant un document relativement court, il comporte peu de dispositions sur lesquelles la commission de contrôle peut intervenir. Comme le disait M. Raoul Briet, l’objet même des mutuelles, très large - le développement culturel de ses membres - peut conduire à des interprétations très variées. Cet élément tend à circonscrire le contrôle de ces autorités administratives. Voilà comment l’on peut caractériser rapidement le paysage juridique.

M. le Président : Je rappelle que nous recevrons également Madame la ministre de l’Emploi et de la solidarité, mais j’aimerais savoir si ce ministère exerce un véritable suivi du régime étudiant ?

Deuxièmement, le faible taux de mutualisation des étudiants - 19 %, me semble-t-il - signifie-t-il selon vous que le système actuel est adapté, ou non, aux besoins et aux moyens des étudiants ?

Troisièmement, serait-il souhaitable d’obliger les mutuelles, en particulier les mutuelles étudiantes, à cloisonner leurs différentes activités pour distinguer ce qui relève de l’assurance obligatoire, des assurances complémentaires, des activités sanitaires et sociales diverses ? Comment les mutuelles peuvent-elles rendre leurs comptes plus transparents ?

M. Raoul BRIET : En ce qui concerne le suivi du régime étudiant tel qu’il est assuré par le ministère, nous n’avons pas à proprement parler de dispositif qui permette régulièrement et systématiquement de contrôler le régime étudiant ou simplement d’être tenu informé. Nous intervenons en tant qu’administration centrale sur la détermination des paramètres principaux de définition de ce régime : qui a droit à en bénéficier ? quelles en sont les règles d’affiliation ? quelles sont les sections locales mutualistes habilitées à gérer le régime étudiant ? quel est le niveau des cotisations fixé pour les étudiants ?

Nous intervenons, dans les conditions indiquées par M. Dominique Libault, en tenant compte des relations conventionnelles qui régissent les rapports entre la CNAM et les mutuelles étudiantes, sur le processus de détermination des remises de gestion. Il n’existe donc pas à proprement parler de suivi continu, régulier et systématique du régime étudiant. Les interventions portent sur quelques-uns des paramètres juridiques et financiers déterminants pour son équilibre et sa gestion.

Le reste, ensuite, obéit à une logique de contrôle qui porte non pas sur le régime étudiant stricto sensu, mais sur l’activité et la situation financière des mutuelles qui se trouvent être gestionnaires du régime étudiant mais qui ont aussi d’autres activités. Tout cela renvoie également à ce que vient de dire M. Philippe Georges sur le partage des responsabilités entre la commission de contrôle et les préfets de région. L’on pourrait s’interroger aujourd’hui sur la pertinence des partages de compétences qui se sont opérés à l’origine en fonction d’un niveau d’activité ou d’un chiffre d’affaires qui n’a pas été régulièrement actualisé.

On peut également - je pense que le chef de l’inspection générale des affaires sociales que vous rencontrerez tout à l’heure pourra en parler plus éloquemment que moi - s’interroger sur les capacités humaines et techniques mobilisables auprès des préfets de région dans les directions régionales des affaires sociales, pour mener à bien et de manière professionnelle le contrôle d’organismes mutualistes dont il faut savoir qu’ils sont très nombreux et souvent de très petite taille.

En ce qui concerne le faible taux de mutualisation, on peut avoir un double diagnostic. On peut considérer que l’accès à une couverture complémentaire, compte tenu de leur situation financière est trop onéreux pour un grand nombre d’étudiants. La mise en place de la couverture maladie universelle permettra sans doute d’apporter une forme de réponse à ces situations difficiles. Il se peut aussi qu’il s’agisse d’un comportement lié à l’âge, justifié par le constat que, statistiquement, les étudiants sont beaucoup moins consommateurs de soins que ne l’est la population moyenne. Ils peuvent donc trouver que le jeu n’en vaut pas la chandelle.

Il s’agit cependant d’un comportement d’imprévision. Les études récentes démontrent assez crûment que l’insuffisance de prise en charge sanitaire ou de couverture sociale peut entraîner de sérieux problèmes de santé, qui ne sont pas sans rapport avec le coût que représente la couverture complémentaire.

Quant au cloisonnement des différentes activités et au souci d’avoir des comptes plus transparents, je pense que ce sujet peut assez difficilement être dissocié de la question beaucoup plus large des modalités de transposition des directives pour les organismes mutualistes dans leur ensemble. En effet, certains points que vous venez d’évoquer ont des répercussions sur le fonctionnement de l’ensemble des organismes mutualistes et pas simplement sur le fonctionnement de ceux qui se trouvent gérer le régime étudiant en même temps qu’ils gèrent d’autres risques.

L’expérience a montré aussi, dans un passé récent, que le mode conventionnel retenu pour inciter les organismes mutualistes à la tenue d’une comptabilité analytique sincère, avait démontré son inefficacité, puisque les principes posés deux fois de suite dans des documents de caractère conventionnel n’ont pas été mis en œuvre. Cette absence de comptabilité analytique se perpétue. Nous pouvons donc raisonnablement nous dire qu’il existe sûrement un mode plus impératif, éventuellement réglementaire, visant à imposer aux mutuelles cette exigence de transparence comptable. Nous y réfléchissons activement au ministère.

Encore faut-il ne pas surestimer ce que peut apporter, à elle seule, la tenue d’une comptabilité analytique. L’imbrication des activités au sein d’une mutuelle fait qu’une telle comptabilité n’est pas en elle-même suffisante. Encore faut-il être capable de s’assurer que les clefs de répartition des charges communes sont sincères. Cela appelle des appréciations qui ne vont pas toujours de soi. Par exemple, faut-il considérer que les dépenses de communication engagées par les mutuelles n’intéressent en rien la gestion du régime obligatoire des étudiants, en estimant qu’il n’est pas légitime que des dépenses de communication soient exposées pour faire face à la gestion du service public de la sécurité sociale des étudiants. Considère-t-on, au contraire, que ces mutuelles se trouvant en situation de compétition et de concurrence, une fraction de ces dépenses de communication - encore faut-il préciser laquelle - peut valablement être considérée comme relevant des charges d’une mutuelle gérant le régime étudiant ?

Des évolutions sont très probablement à envisager, y compris sur le plan juridique, pour imposer un certain nombre de principes et de normes en vue de mettre en place la comptabilité analytique. Toutefois, si elle permet de progresser dans la transparence, elle ne réduira pas totalement les difficultés que j’ai citées.

M. le Rapporteur : Je souhaiterais aborder des points plus précis.

Tout d’abord, en dehors du régime de sécurité sociale étudiant, existe-t-il d’autres régimes spéciaux utilisant un système analogue de remises de gestion ? Si tel est le cas, ces régimes peuvent-ils aussi dégager des marges importantes ? En d’autres termes, la politique de filialisation conduite par un certain nombre de mutuelles du système de sécurité sociale des étudiants s’est-elle reproduite dans d’autres secteurs où existe un système de remises de gestion ? On voit bien qu’au-delà des instructions judiciaires en cours, c’est ce système qui, finalement, favorise certaines dérives qui nous vaut d’être réunis aujourd’hui.

Concernant le rôle des pouvoirs publics et celui du ministère de tutelle que vous représentez, vous avez parlé de l’échec relatif du mode conventionnel. Mais je me demande si les contrôles internes peuvent réellement être exercés, si l’on considère les problèmes de rémunération des administrateurs mis en évidence par la Cour des comptes ou les modes de fonctionnement d’organismes issus de la mutualité étudiante, dont on s’aperçoit à la simple évocation des responsabilités que chacun peut y prendre qu’ils aboutissent à un mélange des genres, les mêmes personnes participant aux différents échelons. Je m’interroge aussi sur le rôle des pouvoirs publics et du ministère de tutelle en la matière ? Si des risques de dérives et des anomalies ont été portés à leur connaissance, quelle a été leur réponse ?

M. Raoul BRIET : A propos des autres dispositifs de délégation de la gestion de la sécurité sociale et des organismes rémunérés par remises de gestion, deux exemples me viennent à l’esprit ; d’une part, les organismes conventionnels qui gèrent l’assurance maladie pour les travailleurs non salariés du monde agricole, organismes soit mutualistes soit régis par le Code des assurances, qui gèrent l’assurance maladie pour le compte de la CNAM et des caisses mutuelles régionales ; d’autre part, les mutuelles de fonctionnaires qui gèrent pour le compte du régime général l’assurance maladie des fonctionnaires.

Sur les points communs en termes de remises de gestion ou de modalités de fixation de la rémunération du service rendu, peut-être M. Libault pourrait-il faire un parallèle entre ces deux cas et le dispositif étudiant ?

M. Dominique LIBAULT : Effectivement, le même type de phénomène apparaît chaque fois que la gestion des tâches du régime de base est déléguée à un tiers. C’est le cas des mutuelles de fonctionnaires et les organismes conventionnés, qu’il s’agisse de mutuelles ou d’assurances dans le cas du régime des non salariés non agricoles.

Pour les mutuelles de fonctionnaires, un arrêté fixe les règles par rapport aux coûts des cinquante meilleures caisses primaires d’assurance maladie. Nous ne sommes donc pas très éloignés du texte de l’arrêté de 1992, avec, dans ce cas aussi, un abattement pour tenir compte de la différence d’activité entre une mutuelle de fonctionnaires et les caisses primaires d’assurance maladie. Cet abattement, sauf erreur de ma part, est de 16,5 %. Il a été fixé au début de la décennie 1990. Comme pour le régime étudiant, cet abattement n’a rien de scientifique. Nous manquons de données rigoureuses pour connaître exactement la différence de coûts entre le fonctionnement d’une mutuelle de fonctionnaires et celui d’une caisse primaire d’assurance maladie. Mais il existe bien un système de remises forfaitisé et l’on peut imaginer que des mutuelles de fonctionnaires mieux gérées que d’autres puissent effectivement en tirer bénéfice.

De même, les organismes conventionnés ont aussi des systèmes forfaitaires. L’évolution des remises a été plus rigoureuse au cours des années précédentes et cela n’a d’ailleurs pas été sans engendrer quelques contestations d’organismes gestionnaires qui viennent demander une augmentation plus élevée. Cette forfaitisation peut aussi permettre aux organismes les mieux gérés d’enregistrer des " excédents " sur la gestion du régime de base. Cependant, il est très difficile, quand on étudie leurs coûts réels, leurs documents comptables, d’appréhender la répartition entre les parts respectives du régime de base et du régime complémentaire.

Nous rencontrons donc la même difficulté de principe chaque fois qu’il y a une délégation de service public à des organismes qui gèrent à la fois le régime de base et le régime complémentaire. Il faut bien voir que, physiquement, c’est la même personne qui va saisir le décompte et qui, dans la même activité de saisie, va traiter à la fois la base et le complémentaire. Définir ensuite la part de temps attribuée à l’une ou à l’autre des activités dépend nécessairement de clés de répartition forfaitaires, qui peuvent être discutées.

En ce qui concerne la tutelle et l’intervention de la Cour des comptes, c’est peut-être difficile à percevoir de l’extérieur, mais le travail de la Cour des comptes est fondé en partie sur le travail de la tutelle. Pour établir son rapport, la Cour des comptes s’est servi des rapports départementaux des CODEC, utilisant en fait le travail des services déconcentrés de la tutelle, le ministère de la solidarité avec des inspecteurs du Trésor. Lorsque l’on veut faire un contrôle particulier de tel ou tel point concernant les organismes de sécurité sociale, en accord avec la Cour, nous le mettons au programme des Comités départementaux d’examen des comptes (CODEC). Nos services déconcentrés travaillent sur le sujet, transmettent leur résultat à la Cour qui l’exploite dans son rapport. C’est ce qui s’est passé sur la mutualité étudiante. C’est donc le travail des organismes de tutelle qui met en lumière des éléments dont se servira la Cour dans son rapport.

M. Maxime GREMETZ : Cela veut dire que la tutelle n’intervient jamais ?

M. Dominique LIBAULT : Dans ce cas, elle est intervenue, mais en amont du rapport de la Cour. Une partie du travail des services déconcentrés en région a été exploité par la Cour des comptes.

M. Maxime GREMETZ : La question qui était posée par le rapporteur était de savoir si l’on observe les mêmes dérives chaque fois que l’on a le même système. Il faudrait répondre clairement.

Vous dites que des conventions ont été passées de 1993 à 1995, puis de 1996 à 1998, et vous avez pu observer que ces conventions n’ont pas été respectées.

M. Dominique LIBAULT : Sur le plan de la mise en ordre de la comptabilité analytique ...

M. Maxime GREMETZ : Ne noyons pas les choses. Soyons clairs, cette obligation n’a pas été respectée. Mais qui doit faire respecter ces conventions ? Qu’est-ce qui a été mis en place pour faire respecter ces conventions ?

M. Jean-Pierre BAEUMLER : Ma première question rejoint celle de M. Gremetz. Qu’est-ce qui a été engagé pour mettre en œuvre cette comptabilité analytique dont les mutuelles ont besoin ?

Ma deuxième question sera peut-être naïve mais nous découvrons ce dossier, même si nous avons commencé à prendre connaissance de l’importante documentation qui nous a été donnée. Vous parliez des marges de manœuvre qui peuvent être dégagées par les mutuelles du fait de la mise en place de ce système de forfait. Avez-vous une appréciation sur le pourcentage de ces marges de manœuvre et sur le montant qu’elles représentent ? Pourrait-on faire, par exemple, une comparaison avec une mutuelle des fonctionnaires que je connais bien car elle prenait en charge mes frais médicaux, la MGEN ?

M. Raoul BRIET : Les conventions sont conclues entre la caisse nationale d’assurance maladie et les mutuelles étudiantes. Lorsque l’on est en situation, comme cette fois-ci, de constater que le principe et les exigences d’une comptabilité analytique n’ont pas été respectés par la partie contractante, il faut passer à un autre mode que la voie conventionnelle. Il faut passer à l’édiction par voie de décret d’une règle d’ordre public qui s’impose aux mutuelles, et qui ne soit pas à négocier. Certes, l’histoire de la gestion du régime étudiant fait beaucoup de place à la discussion, à la négociation, au contrat, et n’en fait pas beaucoup à l’édiction de normes publiques.

Il en va de même du Code de la mutualité. Cela renvoie à une autre des interrogations de Monsieur le rapporteur. Pour pouvoir sanctionner, il faut qu’il y ait un interdit. Pour cela, il faut qu’existe une règle d’ordre public, qui soit sans ambiguïté et qui puisse être assortie de sanctions adaptées. A mon sens, une des principales difficultés auxquelles on se heurte sur ce sujet et, plus généralement, sur celui du Code de la mutualité, c’est le caractère à la fois laconique et anachronique de certaines dispositions. L’insuffisante fermeté de certains principes ou de règles, d’une certaine manière, paralyse les dispositifs de contrôle quels qu’il soient : préfets de région ou commission de contrôle.

Pour reprendre l’exemple que vous citiez, celui de la rémunération des administrateurs, le principe général inscrit dans le Code de la mutualité est celui du bénévolat. Des pratiques permettent de rembourser certaines charges ou dépenses exposées à l’occasion de fonctions de bénévoles. Il existe une tentation, que l’on peut comprendre, de forfaitiser ces indemnités représentatives de frais. Sur une base juridique bien fragile, puisqu’il s’agit d’une lettre ministérielle de 1987 qui n’a d’autorité que celle qui s’attache à la lettre d’un de mes prédécesseurs, nous avons considéré que l’on pouvait tolérer une rémunération allant jusqu’à la moitié d’un SMIC mensuel ou annuel, selon la référence que l’on utilise, car cela ne paraissait pas incompatible avec le principe du bénévolat. Mais c’est une création de l’administration, qui n’est en rien fondée sur une base juridique solide et qui ne peut donc pas, en cas de non-respect, être assortie d’une sanction ferme.

Notre difficulté, le président de la Commission de contrôle y reviendra certainement tout à l’heure, est de trouver les points d’appui qui permettraient un contrôle et une sanction efficaces. Un point d’appui, c’est une règle de droit claire, stricte, imposant ou interdisant explicitement un certain nombre de pratiques ou de principes. La fragilité du corpus juridique de base rend le dispositif de contrôle peu opérant.

M. Maxime GREMETZ : Je ne comprends pas bien ; la convention de 1993 à 1995 n’a pas été appliquée, on en refait une, portant sur la période 1996-1998, qui n’est toujours pas appliquée. Mais enfin, quand on signe une convention, on fait respecter les bases sur lesquelles on s’est mis d’accord, sinon cela ne sert à rien de signer une convention ! Or, qui les fait respecter ? Qui doit les faire respecter ?

M. Raoul BRIET : Les parties ont accepté de signer à nouveau, de se donner une deuxième chance, la première ayant échoué.

M. Maxime GREMETZ : Mais la deuxième n’est pas plus appliquée !

M. Raoul BRIET : En effet. Pour ma part, je considère qu’il faut maintenant passer à un autre mode. Mais cela est laissé à l’appréciation des parties, qui sont souveraines parce qu’il n’existe aujourd’hui aucune règle d’ordre public à caractère législatif ou réglementaire, qui impose la tenue de cette comptabilité analytique aux mutuelles. Cela ne peut donc venir que d’un consentement lié à la convention.

En résumé, première convention non mise en œuvre ; deuxième convention, deuxième chance donnée. Je pense qu’il serait raisonnable de considérer qu’il n’y a pas de troisième chance et qu’il convient de passer à un autre mode.

M. Dominique LIBAULT : Il faut savoir que le non-respect de la première convention a entraîné de fortes difficultés pour établir la deuxième convention. Celle-ci ne nous a été transmise qu’en novembre 1997 pour agrément, alors qu’elle intéressait les années 1996 à 1998. Pendant ce temps-là, la CNAM a continué à verser des acomptes en 1996 sur la base du précédent accord. Nous sommes donc dans le cas où le mode conventionnel n’a pas fonctionné et où, fin 1997, il fallait régulariser et trouver un mode pour les années 1996 à 1998. Il est clair aujourd’hui qu’il n’est plus possible de continuer dans cette même voie.

On pourrait imaginer le retrait d’habilitation d’une mutuelle étudiante qui n’aurait pas satisfait à un certain nombre d’obligations mais ce n’est actuellement pas autorisé par les textes. Le Code de la mutualité ne permet pas expressément cette possibilité.

M. Maxime GREMETZ : Cette convention était bien passée avec la MNEF ?

M. Dominique LIBAULT : C’était une convention globale, signée entre la CNAM et l’ensemble des mutuelles.

M. Jean-Pierre BAEUMLER : Et pour 1999, on envisageait de revoir cela ?

M. Raoul BRIET : Madame la ministre pourra développer plus longuement le sujet, mais une mission conjointe réunissant l’inspection générale des affaires sociales et l’inspection générale des finances a été diligentée pour apprécier précisément, au plus juste, au plus près, à partir des dépenses effectivement considérées comme relevant légitimement de la gestion du régime obligatoire, ce que devrait être le bon niveau des remises de gestion, de manière à ce que l’on dispose d’un travail d’inspection incontestable, ayant été soumis à contradiction, qui permette de fixer un niveau de remise de gestion plus réaliste. Ce travail des deux inspections générales est sur le point de s’achever. Les pouvoirs publics se sont donc mis en situation de disposer dans les semaines qui viennent d’une expertise indiscutable, sur laquelle ils pourront, d’une part, peser dans la négociation qui doit s’ouvrir entre la CNAM et les mutuelles et, le cas échéant, s’appuyer pour fixer d’autorité - parce que la puissance publique dispose de ce pouvoir - le régime des remises de gestion au niveau le plus satisfaisant, le plus réaliste. Si les négociations entre la caisse nationale d’assurance maladie et les mutuelles ne débouchent pas ou débouchent sur des solutions non satisfaisantes, l’Etat assumera ses responsabilités, en s’appuyant sur ce rapport.

M. Joël GOYHENEIX : Le manque de comptabilité analytique, d’évidence, crée une certaine opacité dans les comptes des mutuelles et peut expliquer les dérives auxquelles on a assisté. A votre sens, ces dérives sont-elles spécifiques des mutuelles étudiantes ou d’autres mutuelles peuvent-elles, éventuellement, avoir eu recours aux mêmes procédés et, donc, peut-être aux mêmes dérives ?

M. Raoul BRIET : Je n’ai pas d’éléments qui permettent de penser que les dérives que chacun connaît, ou suppose, sont à caractère général. Pour appuyer une telle affirmation, il faudrait avoir au moins des éléments d’analyse solides, dont je ne dispose pas à ce stade.

M. Joël GOYHENEIX : Pour formuler ma question différemment, existe-t-il une comptabilité analytique dans les autres mutuelles ? Le système que l’on est en train de dénoncer actuellement est-il propre aux mutuelles étudiantes ?

M. le Président : Pour compléter, avez-vous une possibilité de contrôle de la trésorerie des mutuelles car, théoriquement, les mutuelles ne font pas de bénéfices ?

M. Raoul BRIET : Les comptes des mutuelles sont connus, ils sont communiqués. Le fait qu’elles n’aient pas un objectif lucratif ne signifie pas qu’elles ne puissent pas dégager d’excédents de gestion. La question est de savoir ensuite quelle est l’utilisation des excédents de gestion et si celle-ci est conforme ou non à l’objet social de la mutuelle. Le problème se circonscrit à ce sujet.

M. le Rapporteur : M. Baeumler vous a demandé si vos services avaient une appréciation des marges qui pouvaient être dégagées sur les remises de gestion, par la MNEF ou d’autres mutuelles. Je reprends sa question.

Par ailleurs, je souhaiterais que vous puissiez communiquer à la commission l’audit réalisé par la CNAM en 1993, dont vous avez probablement été destinataires, ainsi que le texte des deux conventions précitées que vous avez eu à approuver.

M. Dominique LIBAULT : En ce qui concerne les marges, le ministère a le souci d’apprécier au mieux la réalité du coût de la gestion, et peu de sujets ont donné lieu à plus d’enquêtes dans les années récentes que les mutuelles étudiantes.

En 1994, le ministère a diligenté une première enquête IGAS sur ce sujet, notamment après le vote de la loi de 1994 qui, il faut être clair, a plutôt pris à revers le ministère, puisque le Parlement a fixé un montant forfaitaire qui a été interprété par les mutuelles régionales comme une obligation pour l’administration de fixer un montant proche de celui de la MNEF. Le ministère a donc diligenté cette enquête de l’Inspection générale des affaires sociales (IGAS) qui, il faut bien le dire, n’a pas permis d’établir clairement s’il y avait ou non des marges de manœuvre.

Ce rapport disait plutôt que le système, après investigation, ne semblait pas déboucher sur des situations aberrantes et ne concluait pas à la nécessité d’un contrôle plus poussé. Le ministère, pas totalement satisfait de ce rapport, a, premièrement, mis à l’ordre du jour des travaux des CODEC la question de la mutuelle étudiante. Leurs conclusions ont donné lieu, dans un deuxième temps, au rapport de la Cour des comptes. Troisièmement, le ministère a diligenté le rapport conjoint Inspection générale des affaires sociales-Inspection générale des finances (IGAS-IGF).

La Cour des comptes constate qu’il n’existe pas de bases très claires, mais elle ne donne pas précisément le montant des marges. C’est la raison pour laquelle nous avons demandé l’enquête conjointe IGAS-IGF. Elle nous apportera certainement quelques éléments montrant qu’il existe bien une petite marge. D’après des indications provisoires des rapporteurs, elle serait de l’ordre de 15 %. Ces montants seraient donc un peu élevés par rapport à ce que coûte réellement le service rendu par les mutuelles étudiantes, sachant que ce point sera certainement débattu et contesté par les organismes mutualistes.

M. le Président : Messieurs, il me reste à vous remercier de ces éléments d’information. Si vous avez des précisions à apporter à la commission, vous avez la possibilité de nous les adresser par écrit. Si vous disposez également de documents que vous estimez utiles pour éclairer les travaux de notre commission, j’insiste pour que vous nous les transmettiez puisque notre travail se fait sur pièces écrites et sur auditions. J’apporterai un soin particulier à les adresser à chacun des membres de la commission.


Source : Assemblée nationale (France) : http://www.assemblee-nationale.fr