« Le monde imaginaire de la France »

France’s Dream World
Washington Post (États-Unis)

[AUTEUR] Robert Kagan est membre de la Carnegie Endowment for International Peace. Il est analyste sur les questions de stratégie militaire et écrit une tribune mensuelle dans le Washington Post.

[RESUME] La France est un tout petit pays, sans grand pouvoir, mais sachant bien utiliser ses possibilités quand elle en a les moyens. Tant que les discussions sur l’Irak ne sont pas achevées au Conseil de sécurité, Paris est en position de force sur la scène internationale. En revanche, quand les combats contre Saddam Hussein commenceront, les États-Unis redeviendront la seule super-puissance au monde et la France redeviendra un tout petit pays. Elle a donc intérêt à faire traîner le débat à l’ONU.
La France ne fait pas entendre sa voix qu’à l’ONU. Elle a profité de la situation actuelle pour négocier avantageusement une réforme de l’ultra protectionniste politique agricole commune avec une Allemagne isolée diplomatiquement, en raison de ses prises de positions unilatérales sur l’Irak, et en quête d’alliés. Jacques Chirac a, par la suite, fait un scandale quand Tony Blair lui a reproché cet accord.
Dans la situation actuelle, le président français, politicien mort-vivant il y a seulement un an, se sent puissant. Il compte bien profiter de cette situation au maximum et tant pis si, pour cela, il bloque les institutions internationales tels que l’Union Européenne et le Conseil de sécurité de l’ONU et qu’il permet à Saddam Hussein de s’en sortir une fois de plus. Après tout, il n’y aura que les citoyens américains et les voisins de l’Irak qui devront payer le prix du rêve français.

[CONTEXTE] Robert Kagan, dont les oracles font autorité à Washington, avait écrit, dans des articles précédents, que l’Europe était trop faible pour pouvoir s’opposer à la volonté états-unienne en Irak. Les initiatives allemandes et françaises ayant démenti ses analyses, il avait été brocardé par un de ses collègues, David Ignatius, dans les colonnes de son propre journal. Réagissant à la polémique, il s’efforce maintenant de présenter les positions germano-françaises comme des velléités sans lendemain.

« Envoyer une dupe pour désarmer Saddam »

Sending in a dupe to disarm Saddam
The Washington Times (États-Unis)

[AUTEUR] Per Ahlmark, auteur et journaliste, est ancien vice-premier ministre de Suède. Il est connu pour ses prises de positions pro-américaines et violemment anticommunistes. Hans Blix, dont il est question dans cette tribune, a été l’adjoint d’Ahlmark lorsque celui-ci était responsable de l’organisation des jeunesses libérales de Suède, en 1960.

[RESUME] Hans Blix qui dirigera les prochaines inspections d’armes en Irak a été, en tant que dirigeant de l’International Atomic Energy Agency (IAEA), puis en tant que responsable des premières inspections en Irak, constamment manipulé par Bagdad. Il est incompétent et il a toujours cru les mensonges que lui servait le régime de Saddam Hussein.
Avant 1991, lorsqu’il dirigeait l’IAEA, il affirmait qu’il n’y avait aucun réel danger que l’Irak développe l’arme atomique, ce qui avait été démenti par les aveux de scientifiques irakiens passés en Occident après la guerre du Golfe. Par la suite, M. Blix s’était opposé aux inspections de David Kay, qui avait découvert, en passant à des méthodes d’inspection plus agressives, que l’Irak était sur le point de fabriquer l’arme atomique. Blix avait également désavoué ces conclusions. L’autre responsable des inspections, Rolf Ekeus, avait, lui, eu le courage de soutenir Kay.
En 1999, lorsqu’il a fallu renouveler la direction des inspections en Irak, c’est cet ami de l’Irak qu’est M. Blix que Paris et Moscou ont soutenu, plutôt que le très compétent Ekeus. Étrangement, l’administration Clinton avait accepté cette demande.
Saddam Hussein détient des armes chimiques et biologiques et tente de construire des armes nucléaires, il représente une menace pour le monde. Malheureusement, on a confié la responsabilité de désarmer l’Irak à une mauviette régulièrement dupée par Bagdad.

« Traiter l’Irak et la Corée du Nord de la même façon : les moyens non militaires peuvent fonctionner »

Treat Iraq, N. Korea the Same : Nonmilitary Means Can Work
Los Angeles Times (États-Unis)

[AUTEUR] L’Amiral retraité Stansfield Turner est ancien directeur de la CIA sous l’administration Carter (1977-1981). Il est professeur à la School of Public Affairs de l’University of Maryland.

[RESUME] Le débat actuel, qui cherche à déterminer qui de l’Irak ou de la Corée du Nord est la plus grande menace, est aussi vain qu’inutile. Ce qui importe, c’est de montrer que le Conseil de sécurité de l’ONU peut être ferme face à chaque menace de prolifération nucléaire et que chaque nation sera traitée de la même manière si elle cherche à devenir une puissance atomique.
Il faut que le Conseil de sécurité prenne, vis-à-vis de ces États, des sanctions diplomatiques et économiques, voire qu’il leur interdise l’accès à l’aide de la Banque mondiale ou du FMI.
De telles sanctions devraient suffire à dissuader les pays qui seraient tentés de suivre l’exemple de la Corée du Nord ou de l’Irak et voudraient obtenir des armes nucléaires.

« Un argument libéral au changement de régime »

A Liberal Argument For Regime Change
Washington Post (États-Unis)

[AUTEUR] Salman Rushdie est auteur et essayiste. Il a longtemps vécu sous le coup d’une condamnation à mort du pouvoir religieux iranien pour avoir écrit Les Versets sataniques.

[RESUME] Saddam Hussein est un dictateur criminel faisant souffrir son peuple depuis trop longtemps et dont il faut souhaiter le renversement.
Les opposants à la guerre en Irak se concentrent sur le fait que les arguments des États-Unis sur la possession d’armes de destruction massive ou la connexion du régime du parti Baas avec Al Quaïda sont creux, ce en quoi ils ont raison. Mais oublient que la chute de Saddam Hussein serait une chance pour le peuple irakien.
L’unilatéralisme des États-Unis et la doctrine des frappes préventives sont, certes, inquiétants, mais une intervention en Irak qui resterait dans le cadre de l’ONU permettrait peut-être de créer pour la première fois une démocratie en Irak. Ahmed Chalabi pourrait en être le premier dirigeant.
Toutefois, l’instauration d’un tel régime nécessitera de gros efforts de la part de la communauté internationale et des États-Unis, plus souvent accoutumés à instaurer des dictatures amies à la place de celles qu’ils ont renversées.
Une guerre ayant pour but d’amener la démocratie en Irak serait justifiée, celle que veulent faire les États-Unis ne l’est pas.

« Sharon a eu son droit à l’erreur »

Sharon Gets His Chance to Fail
New York Times

[AUTEUR] Yossi Beilin a été ministre de la Justice dans le gouvernement d’Ehud Barak (1999-2001). Il est député travailliste à la Knesset.

[RESUME] Le gouvernement d’union nationale en Israël a été un extraordinaire cadeau fait par le Parti travailliste à Ariel Sharon. La participation travailliste n’a pas empêché Ariel Sharon de faire ce qu’il voulait et de détruire le processus de paix. Elle a privé les pacifistes israéliens d’une structure partisane dans laquelle ils pouvaient faire entendre leur voix.
La chute de ce gouvernement et le départ des ministres travaillistes sont une chance pour la démocratie en Israël ou, du moins, elles ne le seront que si le Parti travailliste rompt avec cet épisode désastreux. Lors de son prochain congrès, ce parti doit choisir de placer à sa tête des militants de la paix
Il faut proposer une alternative crédible à la politique de Sharon, demander un retour à la table des négociations sans exigences préalables, retirer définitivement les troupes israéliennes de Cisjordanie et de la bande de Gaza.

« La paix avec honneur »

Peace with honour
Hindustan Times (Inde)

[AUTEUR] Karan Singh est le fils d’Hari Singh, dernier Maharadjah du Cachemire. Il a été formé en politique par le philosophe nationaliste Sri Aurobindo Gosh. Ancien régent et ancien gouverneur ce cet État indien, ancien ministre d’Indira Ghandi, il est actuellement élu du Cachemire à la Rajya Sabha (la chambre haute du Parlement indien).

[RESUME] Les élections libres au Cachemire, malgré les meurtres et les intimidations qui ont précédé le scrutin, se sont déroulées dans la transparence et conduisent à la création d’un gouvernement de coalition, aucun parti n’ayant la majorité absolue.
Le nouveau gouvernement local présentera enfin un interlocuteur représentatif face au gouvernement fédéral indien pour discuter de l’autonomie de la vallée. Nous avons aujourd’hui une chance de mettre un terme au drame humain vécu dans cette région depuis quatorze ans.
L’arrivée de cette coalition au pouvoir dissuadera peut-être enfin le Pakistan de soutenir les mouvements les plus agressifs au Cachemire. Il faudra alors saisir la chance de pouvoir amorcer un dialogue bilatéral avec ce pays.