« Une victoire franco-américaine »

Une victoire franco-américaine
Le Monde (France)

[AUTEURS] Philip H. Gordon est chercheur à la Brookings Institution à Washington. Le Monde omet d’indiquer qu’il est surtout ancien directeur des affaires européennes du National Security Council et consultant à la Rand Corporation. Justin Vaïsse est professeur d’histoire à l’Institut d’études politiques de Paris et chercheur au Centre d’Histoire de l’Europe du Vingtième Siècle

[RESUME] L’accord entre la France et les États-Unis au Conseil de sécurité a de quoi réjouir : il prouve que quand ces deux pays se concertent, ils peuvent parvenir à de meilleures solutions pour le monde, fortes d’une plus grande légitimité.
L’administration Bush voulait un texte extrêmement dur afin que Bagdad le rejette et justifie ainsi d’une guerre. La France voulait, pour sa part, tellement assouplir la résolution que celle-ci aurait servie de paravent à Saddam Hussein pour continuer ses recherches en armement. Finalement, la résolution 1441 est suffisamment dure pour permettre un travail efficace des inspecteurs mais offre, dans le même temps, une réelle chance d’éviter la guerre.
C’est un succès diplomatique pour la France, qui n’a été possible que parce que Paris s’est habilement fait le porte-voix des pays opposés au conflit en Irak. Mais la vraie grande gagnante est l’ONU qui conserve sa légitimité. La position française a permis de valoriser à l’intérieur de l’administration Bush les partisans d’une action américaine sous mandat des Nations Unies.
Pourtant, paradoxalement, ce sont les faucons de l’administration Bush, les Cheney, Rumsfeld et Wolfowitz, qui par leur discours belliqueux ont poussé la communauté internationale à prendre enfin en main la question du désarmement irakien et à faire pression sur Saddam Hussein pour qu’il se soumette aux résolutions. C’est dans cette même logique que les démocrates du Congrès américain ont accordé à Bush la possibilité de passer à l’offensive, afin que l’ONU accélère son action et que la guerre puisse être évitée.
Aujourd’hui, la balle est dans le camp de Saddam Hussein, un homme qui a préféré maintenir son peuple sous le régime de l’embargo plutôt que d’abandonner son programme d’armement et qui tentera très certainement de ruser à nouveau avec les inspecteurs.

« Bonne résolution, mauvais échéancier »

Good resolution, bad timing
International Herald Tribune (États-Unis)

[AUTEUR] Rachel Bronson est directrice des études sur le Proche-Orient au Council on Foreign Relations.

[RESUME] Le contenu de la nouvelle résolution du Conseil de sécurité est positif, c’est la chronologie des événements prévus qui ne l’est pas. En effet, les États-Unis sont désormais obligés de suivre les évolutions du travail des inspecteurs pour pouvoir agir. Or, les inspecteurs n’arriveront peut-être en Irak que le 23 décembre, ne rendront leur rapport que le 21 février et ce n’est qu’à ce moment-là que le Conseil de sécurité commencera à discuter des implications des informations collectées.
Dans cette perspective, les États-Unis ne pourront pas attaquer avant le début du mois de mars, époque à laquelle une opération militaire sera très difficile en raison des conditions climatiques dans la région. Au contraire, si les États-Unis attaquent avant, ils sortiront du cadre de la résolution et ne pourront pas s’appuyer sur une coalition internationale contre l’Irak.
Aucune de ces deux options n’est souhaitable. Il faut en envisager une troisième : repousser l’attaque à l’automne 2003. Cela permettra de mieux la préparer et de réfléchir de façon plus approfondie à l’avenir du pays après la chute de Saddam Hussein.

« Des professeurs qui haïssent l’Amérique »

Professors who hate America
Jerusalem Post (Israël)

[AUTEUR] Daniel Pipes est directeur du Middle East Forum et auteur de Militant Islam Reaches America. Il a récemment fondé Campus Watch une organisation dont le but est de soutenir la vision néo-conservatrice du Proche-Orient dans les universités états-uniennes.

[RESUME] La population aux États-Unis s’accorde sur le fait que Saddam Hussein est un dictateur meurtrier qui menace le monde avec ses armes de destruction massive. Pourtant dans les universités américaines, il est enseigné que le problème n’est pas l’Irak, mais la politique américaine et que le but de l’administration Bush n’est pas le désarmement irakien, mais le pétrole.
Des illuminés d’extrême gauche comme Noam Chomsky, Jim Rego, Eric Foner, Glenda Gilmore, Mazin Qumsiyeh ou Tom Nagy présentent l’administration Bush comme un groupe de manipulateurs belliqueux trompant l’opinion publique américaine.
Les enseignants ont bien entendu le droit d’exprimer leur opinion, mais ces prises de positions suscitent un certain nombre de questions : pourquoi ces enseignants préfèrent dévaloriser les États-Unis plutôt que les dictatures les plus cruelles ? Pourquoi ces enseignants sont-ils incapables de comprendre les grands problèmes contemporains ? Quelles sont les compétences de professeurs de linguistiques ou de chimie sur le Proche-Orient ?
Il est temps que les universités américaines supervisent de façon adulte les cours qui sont donnés en leur sein et assument leur responsabilité civique. Il est temps que prenne fin le déséquilibre politique dans les campus car c’est là que sont construit les schémas de pensées de la nation.

« Quand les sociétés échouent, le terrorisme apparaît »

When societies fail, terrorism steps in
International Herald Tribune (États-Unis)

[AUTEUR] N. Hassan Wirajuda est le ministre des Affaires étrangères indonésien. Il est ancien représentant permanent de l’Indonésie à la Commission des Nations Unies sur les Droits de l’homme.

[RESUME] La police et les services de renseignements indonésiens ont désormais les moyens légaux de s’attaquer efficacement aux réseaux terroristes. Dans le même temps, l’Association of Southeast Asian Nations (ASEAN), en partenariat avec l’Australie et les États-Unis, travaille à la lutte contre le financement de ces réseaux qui profitent de la globalisation de l’économie.
Toutefois, les moyens mis en œuvre ne sont pas suffisants pour éradiquer le terrorisme. Il faut combattre les mobiles de l’engagement de militants dans des réseaux terroristes : la misère économique et le désespoir.
Il faut accélérer la mise en place des réformes sociales, économiques, politiques et culturelles qui sont les vrais adversaires du terrorisme. En effet, ces groupes s’appuient, pour recruter de futurs combattants, sur le mécontentement de la population face au statu quo politique en leur promettant une utopie qui se construirait sur les ruines de l’ancien système.
L’ASEAN doit vaincre les mouvements terroristes, mais elle ne doit pas perdre de vue que ses premiers objectifs sont la lutte contre la pauvreté et la recherche d’une meilleure vie pour ses citoyens.