« La charte de l’ONU est périmée »

The UN Charter is outdated
International Herald Tribune (États-Unis)

[AUTEUR] Robert Hill est le ministre de la Défense du gouvernement Howard en Australie. Cette tribune est extraite d’un discours prononcé à l’University of Adelaide le 28 novembre.

[RESUME] Face au terrorisme et aux armes de destruction massive, la communauté internationale doit revoir sa définition de la légitime défense et des actions préventives. La Charte des Nations Unies a été écrite pour prévenir de nouvelles guerres conventionnelles massives, mais a du mal à s’appliquer face aux menaces non-étatiques.
Il existe différentes interprétations de l’article 51 sur le droit au recours à la force et il faut désormais aborder ce texte avec une lecture moins restrictive. Les frappes préventives servent à prévenir les nouvelles menaces et ont déjà été utilisées par les États-Unis, en 1962 lors de la mise en place d’une quarantaine maritime autour de Cuba et contre la Libye en 1986, et par Israël, en 1981, lors de l’attaque d’un réacteur nucléaire irakien.
La machinerie juridique internationale est lente à s’adapter, mais il faut prendre des mesures légales pour faire face aux nouvelles menaces. Il faut faire évoluer les règles internationales et réinterpréter la question de la légitime défense afin d’autoriser les frappes préventives.

[CONTEXTE] L’argumentaire utilisé par Robert Hill a été énoncé, il y a plusieurs mois déjà, par le Center for Security Policy de Frank J. Gaffney, et doit être rapproché de celui visant à substituer l’OTAN (pour l’Europe) et l’ANZUS (pour l’Asie du Sud-Est) à l’ONU. Le discours du ministre australien de la Défense correspond aux déclarations du Premier ministre, John Howard, ce week-end à la télévision australienne. Elles ont été appuyées par la fermeture brutale de l’ambassade d’Australie aux Philippines au motif unilatéral de menace terroriste et par l’évocation, dans la presse australienne, d’une possible réorganisation des services de renseignement. Ces déclarations et cette mise en scène ont suscité la réprobation publique de l’Indonésie, de la Malaisie, des Philippines et de la Thaïlande, qui ont dénoncé les prétentions d’ingérence de l’Australie.

« Ce sera un jeu dangereux quand toutes les nations pourront frapper les premières »

It will be a dangerous game when all nations can strike first
The Sydney Morning Herald (Australie)

[AUTEUR] Chris Reus-Smit dirige le département de relations internationales, le Research School of Pacific and Asian Studies, de l’Australian National University.

[RESUME] Le gouvernement Howard a demandé, par la voix de son ministre de la Défense Robert Hill, une modification de la loi internationale qui risque de profondément déstabiliser l’ordre issu de l’après guerre mondiale basé sur la non ingérence dans les affaires intérieures d’un État souverain et la limitation à des cas très spécifiques du recours à la guerre.
Il est vrai que, depuis la fin de la Guerre froide, la communauté internationale a amendé le principe de non-ingérence. Mais quand il n’a pas été respecté, ce fut toujours avec l’aval de la communauté internationale. Aujourd’hui, ce que demande l’Australie, c’est la reconnaissance du droit à pratiquer les frappes préventives unilatéralement, au nom de la défense du pays. Concrètement, ce qui est demandé, c’est que les États-Unis et leurs alliés aient un maximum de liberté dans leur guerre au terrorisme et contre "l’Axe du Mal".
Une telle redéfinition du principe de légitime défense, privera le Conseil de sécurité de tout pouvoir et détruira l’ordre international. En effet, si les États-Unis ou l’Australie réclament le droit de pratiquer des frappes préventives, pourquoi la Chine, le Pakistan, Israël ou la Corée du Nord ne le réclameraient-ils pas aussi ? Cela aboutira à une déstabilisation de toute la région Asie-Pacifique et à une augmentation du sentiment anti-occidental face au non-respect d’un principe qui apparaît pour beaucoup de pays comme la garantie de leur sécurité et de leur indépendance.

« L’intérêt personnel doit être à la base de l’aide états-unienne »

Self-Interest Must Underlie U.S. Help
Los Angeles Times (États-Unis)

[AUTEUR] John Stuart Blackton est officier retraité du Foreign Service Institute. Il a été directeur de l’U.S. Agency for International Development en Afghanistan au début des années 90.

[RESUME] Les aides internationales pour l’Afghanistan sont très insuffisantes. Ces aides, qui ne sont traditionnellement versées que lorsque l’État qui les donne y trouve un avantage, ne s’élèvent qu’à 75 dollars par habitant dans ce pays contre 250 dollars au Kosovo, au Rwanda ou au Timor Oriental.
Les États-Unis n’ont pas d’intérêt stratégique direct en Afghanistan mais doivent veiller à ce que ce pays ne redevienne jamais une base arrière du terrorisme. Il faut en tenir compte face au gouvernement Karzaï. C’est pourquoi, il faut lui donner les moyens de faire respecter la loi sur son territoire et de maintenir l’intégrité de ses frontières.
Toutefois, pour aider vraiment ce pays , il faut aussi tenir compte de son histoire et de ses spécificités car des efforts agressifs provenant de l’étranger pour transformer l’Afghanistan pourraient entraîner l’actuel gouvernement afghans à sa perte. Aussi, à ceux qui évoquent un plan Marshall pour l’Afghanistan, il faut rappeler que, hormis pour l’Allemagne, ce plan n’avait pas pour but de transformer mais de restaurer les sociétés européennes.

« Deux pays et le futur d’un continent »

Two Countries and One Continent’s Future
New York Times (États-Unis)

[AUTEURS] Philip H. Gordon est chercheur à la Brookings Institution à Washington. Il est ancien directeur des affaires européennes du National Security Council et consultant à la Rand Corporation. Henri J. Barkey est professeur de relations internationales à la Lehigh University.

[RESUME] L’entrée de Chypre dans l’Union Européenne sans que soit réglé le contentieux greco-turc sur l’île est une insulte à la Turquie, à son nouveau gouvernement et plus largement au monde musulman, très attentif à la façon dont Ankara est désormais perçue internationalement. Il est important de désamorcer cette crise et, bien que les États-Unis n’aient pas formellement un siège à la table des négociations, leur influence sur chacun des protagonistes pourrait être décisive.
Le mois dernier Kofi Annan, le secrétaire général de l’ONU, a proposé un plan conduisant à la constitution d’une fédération chypriote. Ce plan prévoit un droit au retour ou à des indemnisations pour les chypriotes grecs chassés du nord du pays. Il assure la minorité turque de ne plus jamais être dominée par la majorité grecque en autorisant le maintien de l’armée turque, en instituant un statut égal des deux communautés dans la fédération, la possibilité de bloquer une législation trop sensible et une présidence tournante.
Ce plan a été accepté par les chypriotes grecs mais le dirigeant chypriote turc, Rauf Denktash, traîne les pieds, malgré l’avis favorable de sa population. L’administration Bush doit pousser Ankara à faire accepter ce plan et celui-ci doit être accompagné d’un développement du partenariat entre l’Union européenne et la Turquie.

« Ajouter du poison au mérite de la compréhension »

Adding poison to the well of understanding
Gulf News (Dubaï)

[AUTEUR] James J. Zogby est président et fondateur de l’Arab American Institute, lobbyiste politique Démocrate et membre du Council on Foreign Relations. Il présente le programme de radio et de télévision "A Capital View" sur l’Arab Network of America qui est également retransmis au Proche-Orient. Il est éditorialiste hebdomadaire de Gulf News.

[RESUME] Les relations américano-saoudiennes se sont encore tendues dernièrement à cause d’un non-événement : l’aide financière indirecte fournies par le biais d’une association caritative par la princesse Haïfa Al Faisal, fille de l’ancien roi saoudien et épouse de l’ambassadeur saoudien aux États-Unis, à un étudiant qui avait des liens avec deux des pirates de l’air du 11 septembre. Le fait que cet étudiant ait été déclaré innocent par le FBI depuis longtemps n’a pas empêché la presse de faire ses gros titres avec cette non-affaire pendant quatre jours.
Il existe un fort sentiment anti-saoudien et, plus largement, anti-arabe dans l’opinion américaine depuis le 11 septembre. En effet, depuis cette date, les citoyens états-uniens, qui ne connaissaient rien au Proche-Orient, ont eu pour principale source d’information sur cette région des analystes néo-conservateurs connus pour leurs sentiments anti-musulmans et anti-arabes. Ces analystes autoproclamés ont développé des sentiments de haine et de peur vis-à-vis de l’Arabie saoudite.
L’un des objectifs d’Oussama Ben Laden était de détruire les bonnes relations entre Washington et Riyad et il est aidé en cela par la désinformation néo-conservatrice. La crise est désormais profonde et il est plus que nécessaire de combattre activement cette présentation du Proche-Orient dans les médias états-uniens.

« Le plus grand patriotisme ne fait rien concernant le sevrage états-unien vis-à-vis des énergies fossiles »

The Highest Patriotism Lies in Weaning U.S. From Fossil Fuels
Los Angeles Times (États-Unis)

[AUTEUR] Robert Redford est acteur et réalisateur. Il a commencé son engagement en faveur de l’énergie solaire au milieu des années 70 et soutient la Vote Solar Organization.

[RESUME] La Maison-Blanche, concentrée sur les questions militaires, a totalement perdu de vue le problème à long terme de la dépendance énergétique du pays vis-à-vis des énergies fossiles. Cette dépendance permet à des régimes non démocratiques de bénéficier du soutien des États-Unis ; elle pollue grandement l’atmosphère et participe au réchauffement global de la planète. La politique énergétique états-unienne se base sur l’implantation de garnisons militaires au Proche-Orient et la destruction d’écosystème partout dans le monde alors que des alternatives sont connues, mais ne sont pas développées.
En effet, hormis en Californie, il n’existe quasiment pas de programmes énergétiques basés sur l’énergie solaire ou éolienne et les technologies permettant aux automobiles de consommer moins ne sont pas utilisées. Pourtant, en développant ces programmes il serait possible en 10 ans d’économiser 15 fois l’équivalent de 50 ans de production pétrolière de l’Alaska. Cela permettrait également de faire des économies et diminuerait l’insécurité liée au terrorisme dans le pays.
Malgré tous ces avantages évidents, il sera difficile d’imposer cette nouvelle politique dans le climat difficile de la guerre au terrorisme et du conflit au Proche-Orient.